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Le Moyen Âge
La grande criminalité
Aperçu Aspects de la criminalité médiévale Les Grandes compagnies
Au Moyen âge, comme à toutes les époques troublées de l'histoire, le brigandage présente une recrudescence effrayante. Ce ne sont pas seulement les serfs révoltés contre leurs seigneurs, les paysans réduits à la misère par la famine ou la guerre, les soudards licenciés après la fin des hostilités, qui se réunissent en bandes pour vivre de rapine et de pillage, ce sont aussi les barons et les seigneurs qui, à la tête de leurs troupes, descendent de leurs châteaux pour détrousser les marchands passant dans la plaine. Que nous promenions nos regards sur l'Allemagne, sur la France, sur l'Angleterre, le spectacle est partout le même. Les confédérations des cités allemandes durent surtout leur origine à la nécessité de tenir les routes et les rivières libres pour le passage des personnes et des marchandises malgré les nobles qui infestaient les grands chemins. Encore fallait-il que ceux qui étaient chargés de la sécurité et du maintient de l'ordre jouent leur rôle. En France, à l'époque de la captivité du roi Jean, une brigade de surveillance fut instituée pour le maintien de I'ordre dans Paris; mais elle exploita la force dont elle disposait pour le pillage et la rapine; aussi le peuple créa-t-il pour désigner ces soldats le sobriquet de brigands, du nom d'un corselet d'acier, appelé brigandine, qu'ils portaient. 

Dans les villes, les hors-la-loi médiévaux pouvaient se rasembler dans d'étonnantes organisations, hautement structurées. Ainsi, à Paris, Les matois (fileus), les malingreux (fausses plaies), les callots (teigneux), les sabouleux (faux épileptiques), les piètres (faux estropiés), le hubins (faux enragés), les coquillards (faux pèlerins), les rifodés (faux incendiés), les courtauds de boutanche (faux ouvriers se disant sans travail), les drilles, narquois, gens de petite flambe, tous les ribauds et toutes les ribaudes, toutes les classes de voleurs, d'assassins, de mendiants et de vagabonds, formaient une association dirigée par le grand Coësre, ou roi des Truands, et qui constituait le royaume d'Argot et qui parlait la langue verte.

Les termes de brigandage (criminalité plutôt rurale) et de truanderie (plutôt citadine) s'appliquent à la criminalité ordinaire. Mais, parallèlement, se développe aussi le banditisme. Les bandes étaient, dans le principe, une petite troupe de soldats d'aventure réunis et marchant sous une bannière. Elles apparaissent sous les premiers Capétiens

« Les grands feudataires, dit Boutaric, dans ses Institutions militaires de la France avant les armées permanentes, entretenaient des bandes soldées, composées de gens à pied et à cheval, connues sous le nom de coteraux, brabançons ou routiers, bandits d'une cruauté implacable. » 
A partir du règne de Philippe-Auguste, ces mercenaires sont fréquemment employés au service des rois de France et deviennent, dans l'intervalle des guerres, le fléau du paysan qu'ils pillent et accablent des plus cruelles exactions. Le phénomène prend un telle ampleur que lorsque Philippe-Auguste part pour la Terre-Sainte (Croisades), il décide que les soldats convaincus de brigandage recevront sur la tête une libation de poix bouillante, qu'ils seront couverts de plumes et abandonnés en cet état sur le premier rivage venu. Rien n'y fera. La chronique de Saint-Denis les déclare : « pillards, voleurs, larrons infâmes, dissolus, excommuniez » et, pendant cinq siècles, ils sont un objet de terreur et d'exécration sous les noms significatifs d'aventuriers, ribauds, francs-taupins, mauvais garçons, écorcheurs, fendeurs, mille-diables,  etc. La guerre de Cent ans vit les tard-venus, les malandrins ravager les campagnes. Pour s'y retrouver, voici quelques éléments de vocabulaire :
Les Brabançons. - En 1135, Guillaume d'Ypres amena à Étienne de Blois des bandes de mercenaires recrutés en Brabant, qui l'aidèrent dans ses entreprises en Angleterre. Répandus quelques années plus tard sur le continent, ravageant et dévastant les pays où ils passaient, se mettant à la solde de qui voulait les payer, ces aventuriers donnèrent au nom de Brabançons une renommée sinistre. Longtemps le peuple donna le nom de brabançons, quelle que fut du reste leur origine, aux brigands armés qui vivaient de pillage et de rapines.

Les Malandrins. - D'après Du Cange, le mot malandrin (malandrinus, maladrinus) signifie voleur, brigand, pirate). Il en faut rapprocher le mot malandre, qui voulait dire, entre autres sens, lèpre, ulcère, et, généralement, maux. Il paraît qu'à l'époque des croisades on appelait malandrins les voleurs arabes ou égyptiens. Ce nom fut ensuite donné, en France, aux routiers qui, depuis le XIIe siècle, jusqu'à la fin de la guerre de Cent ans, y exercèrent trop souvent leurs brigandages. Tels furent les Cotereaux, les Tard-Venus, les Ecorcheurs, les aventuriers de tous les pays, qui formèrent les Grandes compagnies. Le nom de malandrins se trouve dans le récit que Froissart consacre à l'expédition de J. de Vienne en Écosse (1385).

Les Cotereaux (Coterelli, Ruptarii). - Nom que l'on donnait, au XIIe siècle, aux soldats mercenaires qui tantôt s'enrôlaient dans une armée et tantôt pillaient et combattaient pour leur propre compte. Louis VII et l'empereur Frédéric Barberousse s'engagèrent solennellement à Vaucouleurs, vers 1165, à ne plus prendre à leurs services ces auxiliaires qui étaient la honte des armées. Au début du règne de Philippe-Auguste, leurs brigandages avaient pris de telles proportions que le roi dut faire contre eux une expédition. Il en détruisit plusieurs bandes près de Bourges en 1183.

« Tels gens, dit un chroniqueur de cette époque, comme costereaux, brigans, gens de compaignies, pillars, robeurs, larrons, c'est tout un, et sont gens infâmes et dissoluz et excommuniez. Ils ardoient les monastères et les églises où le peuple se retraioit et tourmentaient les prêtres et les religieux et leur disoient quand il les battoient : cantatours, cantez. » 
On n'est pas d'accord sur l'origine de cette appellation de cotereaux. On a prétendu qu'ils la devaient à leurs grands couteaux et qu'ils avaient dû être appelés d'abord cultellarii, ou bien qu'ils avaient été ainsi nommés parce que leurs bandes se recrutaient parmi les paysans, habitants des coteria; on a dit enfin que ce devait être à l'origine une désignation ethnique analogue à celle de Brabançons, parce que les premières bandes étaient composées d'Écossais (Scoti).

Les Routiers. - Les routiers étaient de bandes de paysans que le goût du brigandage rassemblait sous la conduite de chevaliers ou de bâtards de grande maison; ils formaient, sous Philippe-Auguste, des compagnies redoutables; à la fin du XIIe siècle, ils eurent pour rivaux des chaperons, autres coureurs de routes. Au XIIIe siècle, Louis IX tenta d'exterminer les routiers qui infestaient les campagnes ; mais, sous Charles VI, on en retrouva des bandes nombreuses; jusqu'au XVe siècle, les routiers qui s'appelaient aussi armagnacs, cotereaux, malandrins, continuèrent à désoler le pays qu'ils traversaient.

Les Aventuriers. - Ce nom  était donné à ces milices qui, au Moyen âge, vendaient leurs services au plus offrant, et se composaient d'un ramassis de gens sans aveu, dont le plus grand nombre sortait d'Italie. Suivant les temps et les lieux, ils servaient à pied, en cavalerie légère, en lances garnies ou en troupes régulières. On les voit figurer en France depuis Louis le Jeune jusqu'à Charles V vers 1370, époque de la création des premiers régiments français. 

Dans la deuxième moitié du XIVe siècle, Du Guesclin avait réussi à détourner quelques une de ces bandes sur des contrées étrangères. Mais ce ne pouvait être qu'un pis-aller. Les compagnies de routiers s'étaient reformées, remplacés par les trente mille diables conduits par le bâtard de Bourbon et le bâtard d'Armagnac, connues sous les noms d'écorcheurs et les retondeurs, ces bandits continuèrent de sévir jusqu'à la Renaissance, avant être progressivement intégrés dans les régiments réguliers, et servir à d'autres guerres.
Eppenheim, l'exemplaire

Au XIVe siècle l'Allemagne était dans l'anarchie la plus complète. L'Église, l'empereur, les barons, les villes libres s'agitant dans un conflit perpétuel, le désordre, était sans bornes. De cette anarchie naissait l'ordre des raubritter ou chevaliers du vol, hommes parfois de bonne naissance, vivant, dans un siècle sans loi, de rapines et de spoliations. De jeunes nobles embrassaient cette carrière avec enthousiasme. Plusieurs y restaient de vulgaires larrons, aussi féroces que rapaces. Quelques-uns jetaient un reflet de chevalerie sur leur triste métier. Certains de ces brigands sont devenus légendaires, tels,  Eppenheim, dont la mémoire est restée longtemps vivante en Franconie. On montre ainsi à Nuremberg l'endroit d'un fameux saut qui lui sauva la vie. Les paysans racontent ses exploits, et les ruines de son château se voient toujours à Mougendorf, en Suisse. Après s'être signalé par ses instincts turbulents, Eppenheim de Gailingen forma, dès le jour où il hérita de son père, une de ces bandes de raubritters avec ses amis Rubein de Nenerstein, Fritz de Gattendorf, Albrecht le Terrible et surtout Wof de Wurmstein, surnommé le Loup Terrible. Dès lors il n'y eut plus une route sûre en Franconie; dès qu'une bande de marchands sortait de la ville le peuple l'accompagnait en chantant :

Dieu te garde de la dent
Du loup féroce de Wurmstein
Et de la serre rapace
Du vautour de Gailingen.
On raconte, que la ville de Nuremberg surtout, peuplée de prêtres, de juifs, de trafiquants, d'usuriers, de bourgeois et de conseillers, était en butte à ses entreprises, Attiré un jour dans un guet-apens par un juif qui voulait lui vendre un cheval indomptable, il s'échappa sur ce cheval en sautant du haut des murs de la ville. En signe de reconnaissance il lui fit faire une bride d'or et laver désormais les sabots avec du vin du Rhin. Quelque temps après il se déguisait en moine pour prêcher dans la cathédrale de Nuremberg, et, après s'être fait connaître en guise de péroraison, disparaissait sans qu'on pû savoir ou il était passé. Une autre fois le bruit de sa présence s'étant répandu à Nuremberg, une troupe d'hommes armés se mit à sa recherche : il se mêla à eux et après leur avoir tenu compagnie s'échappa en les remerciant de l'avoir escorté jusque-là. Le jour des noces du burgrave de Nuremberg il vint assister, déguisé, à la fête, et s'y distingua par son talent d'écuyer; il eut même l'occasion d'y causer avec l'empereur Charles IV, qui se montra fort irrité de la mystification. Mais enfin, attiré dans une embuscade par le juif Jacklein, qu'il avait recueilli dans son château, il fut pris par les Nurembergeois et roué vif sur la grande place de Nemnarkt. Wolf de Wurmstein hérita du commandement, mais la bande se fondit peu à peu; les uns périrent sous l'épée de l'ennemi, les autres sous la hache du bourreau, et les routes de Franconie redevinrent libres pour les voyageurs...

Bien sûr la geste d'Eppeinheim rappelle celle de Robin Hood et de ses compagnons de la forêt de Sherwood, et bien d'autres encore. Tout n'est pas nécessairement historique dans ces histoires-là. Mais leur existence, traduit bien une double réalité commune à la plupart des pays européens au Moyen Âge : d'une part, le brigandage est très répandu, et d'autre part, possédait dans certains cas une composante positive dans l'imaginaire populaire. Et l'on pourra faire ce même constat à d'autres époques, avec, par exemple, Cartouche et Mandrin, en France, Jack Sheppard qui remplit Londres du bruit de ses exploits, les frères Frank et Jesse James aux États-Unis, etc. Peut-être l'aura dont on entourait ces dangereux personnages ressortissait-il seulement une forme d'exorcisme contre la peur qu'ils inspiraient, mais peut-être aussi y voyait-on, à tort ou à raison, les incarnations d'une résistance à l'oppression. Là encore, l'histoire regorge d'exemples : Rob Roy en Écosse, Razine en Russie, Francisquete en Espagne, seront à la fois des hors-la-loi et des héros populaires, et l'on sait qu'aujourd'hui encore la bascule terroriste/ résistant relève souvent d'une affaire de point de vue. Au Moyen âge, cependant, le banditisme revêt un caractère particulier. Cette époque est celle de la définition même des Etats européens, celle de l'édification de leur pouvoir et de leur autorité. La notion de légalité, toute présente qu'elle soit, n'est pas perçue comme un repère bien clair; il lui reste à asseoir sa légitimité. Le hors-là-loi et l'auxilliaire de la loi s'opposent sans doute à certains moments, mais se confondent aussi très souvent à d'autres. Ce balancement traversera toute cette période, jusqu'à ce qu'à la Renaissance, les bandes soient progressivement dissoutes ou absorbées par les pouvoir centraux. 

Mais qui fait la police?

Au Moyen âge, on ne concevait l'autorité que sous forme d'un lien personnel entre le souverain et le sujet. Tous les pouvoirs, toutes les attributions furent donc confondues; en particulier entre les mains des comtes à la fois chefs militaires, juges, administrateurs, etc. Ajoutez l'influence de l'Église, maîtresse d'une partie du sol et groupant autour de ses monastères et de ses églises, près du tombeau des saints, la foule des faibles et des opprimés; puis l'influence des propriétaires qui, sur leurs terres, s'approprient les pouvoirs de police et de justice. Dans le régime féodal, la confusion est complète, et il n'y peut pas être question d'une police distincte de l'autorité politique et judiciaire, même à titre d'instrument.

Il n'y eut pas, à proprement parler, de police royale pendant les premiers siècles de la monarchie capétienne. Les officiers de la couronne, baillis, sénéchaux et prévôts, étaient charges de la police en même temps que de tout le reste; ils avaient auprès d'eux des agents subalternes, les sergents, qui étaient chargés de publier et de faire exécuter leurs ordres. Les populations se sont plaintes, pendant tout le Moyen âge, du nombre excessif de sergents royaux et de leurs procédés vexatoires. A Paris, où il n'y avait pas de bailli, et où la police était particulièrement difficile (à cause de la grosse population, de l'Université et des conflits  continuellement soulevés par les petites juridictions seigneuriales), existaient des milices bourgeoises commandées dans chaque quartier par un quartenier qui exerçait certaines fonctions de police pour la sûreté et la tranquillité de la ville. Supprimés après l'insurrection des Maillotins, en 1382 , les quarteniers furent rétablis en 1411. En 1681, leurs charges furent érigées en titre d'office. En 1703, Louis XIV supprimera leurs attributions militaires, et ils devindront alors de simples magistrats de police. Mais au Moyen âge, ce fut surtout le prévôt, qui eut de bonne heure un grand rôle comme officier de police; si bien qu'à plusieurs reprises, les rois chargèrent le prévôt de Paris de la poursuite des crimes dans toute l'étendue du royaume. C'est ce qui arriva notamment en 1389, en 1401 et en 1437. Louis XII, par les lettres patentes du mois de mars 1498, transporta aux lieutenants du prévôt, astreints désormais à être gradués en droit, la réalité du pouvoir judiciaire. 

Le partage de la police entre le lieutenant civil, et le lieutenant, criminel donna lieu, en 1515, à une longue contestation, et ne fut pas déterminé nettement. Les choses restèrent dans cette incertitude jusqu'au règlement de novembre 1577, qui rétablit au Châtelet la juridiction du prévôt de Paris pour la police générale, et ordonna la tenue d'une séance générale toutes les semaines, sous la présidence du lieutenant civil, le lieutenant criminel ayant d'ailleurs le droit d'assister à l'assemblée. Chose remarquable, le prévôt des marchands recevait l'injonction formelle de se trouver à la même séance hebdomadaire, soit en personne, soit par l'un des échevins ou du procureur en l'hôtel de ville 

« pour assister et être présents en ce qui concerne le fait de la police ».
C'est dans les assemblées dont il s'agit que le lieutenant civil, sur l'avis de ce tribunal de police, rendait des ordonnances qui étaient exécutoires dans toute l'étendue de la ville. Mais le lieutenant civil resta toujours en concurrence et en conflit avec le lieutenant criminel, puisqu'en 1603, le lieutenant civil Miron saisit le Parlement de ses griefs contre Lallemant, lieutenant criminel, à l'occasion de l'ouverture de la foire Saint-Germain. 

Dans cette confusion, les règlements furent adressés indifféremment à l'un ou à l'autre de ces magistrats. Un arrêt du Parlement, en date du 12 mars 1630, prescrit au lieutenant civil « de tenir la police deux fois la semaine », et c'est seulement en cas d'empêchement du lieutenant civil que la séance sera présidée par le lieutenant criminel ou par le lieutenant particulier. En 1635, une ordonnance du lieutenant civil donne la composition de l'assemblée que ce magistrat prit l'habitude de tenir chaque vendredi, après son audience ordinaire. Elle comprenait, sous le titre de Police générale, les seize commissaires de quartiers, les lieutenants criminel et particulier, le doyen et le sous-doyen des conseillers, le lieutenant criminel de robe courte, le chevalier du guet, les échevins, les administrateurs de l'Hôtel-Dieu, ainsi que les différents jurés des corps de métiers. 

Il faut aussi noter que la convocation s'étendait à deux bourgeois notables de chaque quartier qui accompagnaient leur commissaire. Ainsi la vieille monarchie associait les simples citoyens, non investis d'un mandat public, à l'exercice de l'administration, et aussi bien n'était-ce pas là une innovation, car un édit de Charles IX, enregistré au Parlement le 21 février 1572, parle déjà d'un bureau de police qui s'assemblait au Palais deux fois la semaine, le mardi et le vendredi, et qui, à côté des divers magistrats et des délégués du corps de ville, comprenait 

« quatre notables bourgeois, du nombre de ceux qui n'exercent point la marchandise-».
La prévôté des marchands de Paris fut souvent, du reste, en conflit avec le Châtelet, siège de la police royale. On se bornera à citer ici le conflit qui s'éleva entre le prévôt de Paris et le prévôt des marchands à propos de la nomination du capitaine des archers de la Ville. Le Parlement, par arrêt du 19 janvier 1487, se prononça en faveur du prévôt de Paris; mais il évita d'employer des formules trop catégoriques, et c'est ce qui permit à la Ville de renouveler ses prétentions en 1510. A cette époque, le Parlement, par un arrêt du 16 mars, reconnut encore au prévôt de Paris le droit de 
« mener avec lui ses archers et arbalestriers ), mais la décision est rendue « pour cette fois seulement et sans préjudice des droits des parties. »
En somme, la Ville exerça les droits de police, dans les époques agitées, et la Monarchie ne lui contesta pas alors le droit de juridiction haute et basse ; mais, après la répression des mouvements populaires, le Châtelet ne manqua jamais de reprendre le terrain perdu. Il faudra attendre le règne de Louis XIV pour que les divers services chargés du maintien de l'ordre plublic soient réorganisés et acquièrent une forme d'unité. 

L'exécuteur des basses oeuvres.
Au Moyen âge, comme dans l'Antiquité, rien en général n'est fixe ni sur les attributions ni sur la permanence de l'office de l'exécuteur. On agit selon les circonstances : parfois on emploie des soldats pour l'exécution des criminels, parfois on a affaire à d'anciens criminels reconvertis, parfois, comme en Russie et en Allemagne, le juge lui-même se charge d'éxécuter sa sentence! Ou bien aussi, on rencontre d'étranges coutumes : à Reutlingen (Souabe), c'est le dernier reçu des conseillers qui remplit l'office de bourreau; en Franconie, c'est le plus récemment marié; au Danemark, c'est l'officier royal ou même le plaignant.

Chez tous les peuples de l'Europe médiévale, le bourreau est considéré comme infâme; il inspire la terreur; on ne lui permet pas d'habiter à l'intérieur des villes. En Espagne, il porte un costume spécial et très apparent : large sombrero brodé d'une échelle blanche, veste de drap tabac à lisérés rouges, pantalon de même étoffe, ceinture jaune; sa maison est peinte en rouge. Aussi arrive-t-il (le fait s'est produit souvent en France) que le poste devenant vacant, on est contraint, pour y pourvoir, de grâcier des criminels condamnés qui, en échange de la vie et de la liberté, acceptaient les fonctions d'exécuteur. En France, le roi était le seul qui eût des exécuteurs en titre d'office. Les seigneurs qui avaient le droit de haute justice n'avaient cependant pas de bourreau; ils faisaient venir celui de la ville la plus voisine de leur résidence. Les villes payaient l'exécution. 

En 1400, il coûtait 10 sols tournois à Evreux pour faire pendre un criminel; à Meaux 9 sols pour couper une oreille. En 1420, le maître exécuteur de la haute justice du roi à Rouen, Guiffrey Therage, réclame 20 sols pour avoir décapité un homme, 10 pour l'avoir pendu, 5 pour l'avoir traîné, 2 pour sa claie et 12 pour des gants, soit 49 pour l'exécution. En 1432, Jehan Regnault, maître des basses oeuvres à Lisieux, demande 73 sols 4 deniers pour ses peine et salaire d'avoir exécuté deux brigands. On pourrait multiplier ces exemples. En somme, les bourreaux demandaient ce qu'ils voulaient. Outre leurs émoluments en argent, ils touchaient des redevances en nature. Par exemple, ils jouissaient du droit de hâvage qui consistait à prendre de toutes les céréales exposées en vente sur les marchés autant que sa main en pouvait contenir.  (A. Lecler / A. Coville / E. Cosneau / M. Barroux / F. B.).

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