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Charles II, le Chauve

Charles II, dit le Chauve,  est un  roi de France, puis empereur, quatrième fils de l'empereur Louis le Pieux (Louis le Débonnaire), né à Francfort-sur-le-Main le 13 juin 823, mort au pied du mont Cenis le 6 octobre 877. Louis le Pieux avait depuis six ans divisé l'empire entre les trois fils que lui avait donnés sa première femme Hermengarde, lorsqu'il eut ce quatrième fils de sa seconde épouse, Judith de Bavière. Dès 829, le partage fut remanié pour lui faire sa part. Aux domaines des trois frères on enleva l'Alsace, l'Alemanie, la Rhétie et une partie de la Bourgogne pour en former un duché et constituer les Etats de ce prince de six ans.
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Charles II (miniature de la Bible de Charles II).
Charles II, le Chauve.

Nous n'avons pas à raconter les événements dont ce partage fut le point de départ. En 835, un nouveau remaniement transforma en royaume le duché créé en 829 et l'agrandit en y ajoutant la Provence et la Septimanie, mais ce partage, qui ne devait avoir son effet qu'après la mort de Louis le Pieux, fut encore modifié en 837 à l'assemblée d'Aix-la-Chapelle au profit du jeune Charles, âgé alors de quatorze ans, auquel on donnait plusieurs comtés pris sur les royaumes destinés à ses aînés; quelques mois plus tard (septembre 838), on y ajoutait encore la Neustrie et la Bretagne, puis, après la mort de Pépin, une diète, réunie à Worms en mai 839, partageait tout l'empire franc entre Lothaire et Charles le Chauve. Celui-ci avait un royaume qui correspondait à peu près à la France actuelle augmentée de la Belgique et de la Catalogne.

La mort de Louis le Pieux, survenue le 20 juin 840, remit tout en question. Les trois frères ne purent s'entendre pour se partager l'empire. Lothaire, reconnu empereur et qui prétendait réduire ses frères au rang de vassaux, remporta d'abord sur Charles quelques avantages et lui imposa un traité qui réduisait son royaume à l'Aquitaine, à la Septimanie, à la Provence et à quelques comtés entre la Loire et la Seine; encore l'Aquitaine était-elle à conquérir sur Pépin II qui avait réussi à s'y établir. Charles ne se résigna pas; allié à Louis le Germanique il reprit bientôt les armes contre Lothaire, allié lui-même à Pépin II. L'empereur fut défait à Fontenay (25 juin 841). Cette bataille, qui semble avoir été peu décisive puisqu'elle ne mit pas fin à la lutte, prit plus tard dans les récits des chroniqueurs une importance considérable : il sembla que là s'était brisée l'unité et la puissance de l'empire; et on répéta que la bataille avait été si acharnée et si sanglante qu'elle épuisa pour longtemps la population militaire et laissa le champ libre aux invasions. 

Pendant ce temps, en effet, profitant des guerres civiles, les Vikings, pénétrant par les embouchures de la Seine et de la Loire, portaient partout en France la dévastation. A deux reprises différentes, pendant la campagne suivante, l'attitude de Lothaire fit reculer Charles le Chauve jusqu'à Paris. Celui-ci était obligé de faire la conquête de son royaume. Après avoir pris Laon, sa capitale, sur sa soeur Hildegarde, il alla rejoindre à Strasbourg son frère Louis et renouvela avec lui l'alliance conclue contre Lothaire. Ce fut à cette occasion que les deux rois s'engagèrent par les fameux serments qu'a rapportés l'historien Nithard et qui sont les plus anciens spécimens qui nous aient été conservés, du français et de l'allemand; Louis le Germanique l'aîné jura le premier en français, Charles le Chauve prononça ensuite le même serment en allemand (14 février 842). Ils se disposèrent alors à poursuivre Lothaire, mais celui-ci, n'osant les attendre, abandonna Aix-la-Chapelle et se retira de l'autre côté des Alpes. Charles se bâta de regagner son royaume; il organisa la défense des frontières, alla en Aquitaine que Pépin Il n'avait pas abandonnée, puis retourna à Worms s'entendre avec Louis sur la question du partage de l'empire. 

L'année suivante même activité : de Valenciennes où il s'occupe de couvrir la frontière du Nord, il se dirige sur le Midi, revient en Bretagne où il a à combattre Noménoé, qui s'était rendu indépendant, puis rejoint ses frères à Verdun où se règle enfin, en août 842, la grande affaire qui agitait l'empire depuis la mort de Louis le Pieux. Dans ce partage définitif, Charles eut dans son lot toute la France occidentale jusqu'au delà des Pyrénées : il est vrai que la Bretagne contestait sa souveraineté, que l'Aquitaine continuait à être occupée par Pépin II, et que Toulouse se révoltait. Charles parcourut ses Etats à la tête d'une armée, puis revint en octobre retrouver ses frères à la diète de Thionville. En 845, il dut traiter sous les murs même de Paris avec les Vikings, fut deux fois battu par les Bretons et contraint d'abandonner à Pépin II une partie de l'Aquitaine. Sa faiblesse était manifeste; pour retenir les grands qui se détachaient de lui, il est sans cesse obligé de leur distribuer de nouveaux bénéfices, souvent aux dépens des églises. C'est à ce prix qu'il a une armée pour combattre encore les Bretons ou les Vikings, sur lesquels il obtient quelques avantages momentanés. Mais la royauté ne cessait cependant de s'avilir : l'édit de Mersen (février 847) rendu d'un commun accord entre les trois frères, en autorisant les hommes libres à choisir leur seigneur, en spécifiant les cas où les vassaux étaient tenus de suivre leur souverain à la guerre, contribua à développer les nouveaux rapports féodaux et à relâcher les liens de subordination qui unissaient aux rois les seigneurs. 

En 848 les Aquitains, qui étaient jusque-là restés fidèles à Pépin, appelèrent Charles le Chauve qui se fit couronner roi d'Aquitaine à Limoges. Les ravages des Vikings continuaient à désoler la France; en 846 ils avaient envahi le Limousin, en 847 ils avaient brûlé Bordeaux et remonté la Dordogne; bientôt ils eurent des stations sur tous les grands fleuves de France, et, malgré quelques démonstrations contre eux, le roi de France était visiblement impuissant à les arrêter. De toutes parts son royaume lui échappait : Toulouse, la Marche d'Espagne se révoltaient, et laissant les Vikings dans l'intérieur, il allait porter ses armes aux frontières, combattait les Bretons, traitait avec eux et leur cédait Nantes et Rennes. Louis le Germanique menaçait la frontière orientale du royaume et Charles appelait à son secours leur frère Lothaire avec lequel il concluait alliances sur alliances. La mort de l'empereur, survenue en 855, contribua à isoler Charles le Chauve, qui continua à s'épuiser en efforts stériles.

En 858, les grands se soulevèrent et appelèrent Louis le Germanique; celui-ci envahit bientôt la France et obligea le roi à se réfugier en Bourgogne, mais l'année suivante Charles, avec l'aide du clergé et particulièrement de l'archevêque de Reims, Hincmar, le contraignit à retourner dans ses Etats et à conclure la paix. C'était peu que de rentrer dans son royaume et d'en chasser son compétiteur, il eût fallu, pour y assurer l'autorité royale, pouvoir lui rendre la paix et la sécurité. L'entreprise était au-dessus des forces de Charles le Chauve, et il semble qu'il en ait eu conscience. A l'activité et à l'énergie, dont il n'avait pas manqué jusqu'alors, paraît succéder un profond découragement en présence des défections, des dissensions, de la lâcheté qui laissaient le pays ouvert aux invasions. Charles le Chauve songea à mettre les Vikings aux prises entre eux : il paya ceux de la Somme pour combattre ceux de la Seine. Peine perdue! Les Vikings eurent désormais une nouvelle source de revenus qui s'ajouta aux butins; et les églises, les abbayes, les seigneurs obligés de contribuer au tribut,n'en furent que moins soumis à l'autorité royale. 

Incapable de protéger ses Etats, Charles le Chauve songeait à les agrandir; appelé par quelques-uns des vassaux mécontents de son neveu Charles, roi de Provence, il rassembla une armée et se dirigea sur la Bourgogne; mais le duc Gérard le força promptement à la retraite.

En l'absence du roi, l'un de ses vassaux, Robert le Fort, auquel il avait donné le duché d'entre Seine-et-Loire, entreprit d'organiser la résistance contre les Vikings; il semble que cette tentative ait rendu à Charles la vigueur avec l'espérance; à son retour de Provence, les Vikings ayant remonté la Marne et envahi la Brie, il marcha contre eux, leur barra la marne et les obligea à capituler (862). Robert le Fort, en même temps, combattait les pirates dans le Maine et dans l'Anjou, tandis que Charles barrait la Seine à son confluent avec l'Andelle, et provoquait de la part des seigneurs la construction de forteresses pour arrêter les Vikings. Mais bientôt ces châteaux lui portaient ombrage; destinés à protéger le pays, ils devenaient des repaires de pillards et après avoir prescrit de les élever, il enjoignait de les détruire (édit de Pistes, 25 juin 864). 

Les soins de la défense du royaume ne pouvaient pas du reste l'absorber tout entier: il lui fallait marcher contre ses fils révoltés, s'occuper de la Bretagne toujours indocile, apaiser les discordes de ses vassaux. Bientôt, du reste, le champion de la résistance contre les Vikings, Robert le Fort, succombait au combat de Brissarthe (866) et Charles le Chauve se résignait de nouveau à traiter avec les pirates et à leur payer tribut. A la mort de son neveu Lothaire II, roi de Lorraine (8 août 869), il se hâta de se rendre à Metz pour s'emparer de ce royaume, au préjudice de l'empereur Louis Il, occupé en Italie à combattre les Sarrasins; mais bientôt son frère aîné, Louis le Germanique, vint lui disputer cette proie et le contraindre à partager (8 août 870). 

Pour entrer en possession d'une partie des contrées que ce traité lui attribuait, celles qui provenaient de l'ancien royaume de Provence, Charles le Chauve dut recourir aux armes. Le comte Girard de Roussillon défendait le pays au nom de l'empereur; Charles le Chauve dut assiéger Vienne, mais bientôt la défection des seigneurs du Viennois força Girard à se retirer sur les terres de l'empire. Charles le Chauve donna le gouvernement du Viennois et du Lyonnais à un frère de sa femme, le comte Boson, qui plus tard devait s'y rendre indépendant et s'y faire couronner roi. 

Depuis lors, Charles le Chauve semble n'avoir plus songé qu'à réunir entre ses mains tous les royaumes démembrés de l'empire de Charlemagne. Une première fois, l'avis de la mort de l'empereur le fit accourir jusqu'à Besançon (871), la nouvelle était fausse; la même année, il se fait promettre la couronne impériale par le pape. Louis II mourut le 12 août 875; aussitôt Charles se rendit en Italie et, comme son grand ancêtre Charlemagne, il se fit couronner empereur par le pape, à Rome, dans la basilique de Saint-Pierre, le jour de Noël. Pour reconstituer l'unité de l'empire, il ne lui manquait plus que les Etats de son frère aîné, Louis le Germanique. 

Celui-ci mourut le 28 août 876, et aussitôt Charles songea â dépouiller ses trois fils de leur héritage : battu près d'Andernach par Louis le Jeune (8 octobre 876), il apprend en même temps la prise de Rouen par les Vikings. Obligé de renoncer à ses projets de conquête, il traite avec les pirates; puis, sollicité par le pape de venir le secourir contre les Sarrasins, ce monarque, qui ne pouvait défendre son propre royaume, fit aussitôt des préparatifs de départ. Avant de se mettre en route, il réunit à Quierzy une grande assemblée (14 juin 877) pour régler le gouvernement du royaume en son absence et faire aux seigneurs les promesses qu'il jugeait propres à garantir leur fidélité. Charles rencontra le pape à Verceil; à peine s'étaient-ils rejoints qu'ils apprirent que le roi de Bavière, Carloman, prétendant à la couronne d'Italie, avait, de son côté, franchi les Alpes à la tête d'une armée. N'osant affronter des forces qu'il jugeait supérieures aux siennes et ne recevant pas les secours sur lesquels il comptait, Charles se décida à regagner la France. Il avait à peine traversé le mont Cenis, qu'il fut arrêté par la maladie et mourut au village de Brios, le 6 octobre 877. Les annales de Saint-Bertin prétendent qu'il fut empoisonné par un breuvage que lui administra son médecin juif. Il n'avait que cinquante-quatre ans et en avait régné trente-sept pendant l'une des périodes les plus désastreuses pour l'histoire de France

Son nom, associé aux ravages des Vikings et à l'avilissement de l'autorité royale, a été flétri par presque tous les historiens. Il convient, pour le juger équitablement, de ne pas le séparer des autres princes de son temps, et l'on doit reconnaître alors qu'il ne fut ni plus faible vis-à-vis des seigneurs, ni plus déloyal qu'aucun d'eux. L'histoire de sa vie témoigne au contraire de son activité et parfois de son énergie; mais limité, comme tous les princes de la famille carolingienne, de la chimère de la reconstitution de l'empire, il sacrifia tout à son rêve et ne comprit ni ce qu'avait d'irrémédiable le démembrement de 840, ni ce qu'eurent plus tard de précaire et de vain ses conquêtes et son couronnement. Il a laissé des capitulaires, qui ont été joints à ceux de Charlemagne.

Charles II avait épousé : 1° le 14 décembre 848, Erinentrude, fille d'Eudes, comte d'Orléans, morte le 6 octobre 869 ; 2° le 22 janvier 870, Richilde, soeur de Richard, duc de Bourgogne, et de Boson, qui devint roi de Provence. Du premier lit, il eut quatre fils et trois filles : Louis le Bègue, qui lui succéda au royaume de France; Charles, qu'il donna pour roi aux Aquitains et qui mourut des suites d'un accident le 29 septembre 865; Lothaire, dit le Boiteux, qui fut abbé de Moutier-Saint-Jean et mourut en 866 ; Carloman, qu'il força de se faire clerc en 861, qu'il dépouilla de ses bénéfices ecclésiastiques en 870 pour crime de révolte, et auquel il fit crever les yeux en 873 ; ce prince, enfermé d'abord à Corbie, réussit à se réfugier chez son oncle, Louis le Germanique, qui lui donna l'abbaye d'Eehternacli oh il mourut en 886. L'ainée de ses filles, Judith, fut mariée d'abord au roi d'Angleterre Ethelwolf (856), puis au fils de ce prince, Aethelred, puis enfin à Baudoin, comte de Flandre, qui l'enleva en 862. Les deux autres, Rotrude et Ermentrude, furent abbesses. Les enfants du second lit, quatre fils et une fille, moururent en bas âge.



Sources. - Les principales sources de l'histoire de Charles le Chauve sont les chroniqueurs Thégan, l'Astronome, Nithard, Reginon et Flodoard; les Annales de Fulda, de Saint-Berlin et de Saint-Vaast, auxquelles il faut ajouter les capitulaires, les conciles, les diplômes, les lettres des papes Nicolas Ier et Jean VIII, celles d'Hincmar et de Loup de Ferrières. Il est inutile de citer ici les histoires gênerales où le règne de Charles le Chauve est raconté plus ou moins longuement. 
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