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Henri IV

Henri IV. - Roi de France et de Navarre, né à Pau le 14 décembre 1553, assassiné à Paris le 14 mai 1610, fils d'Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, et de Jeanne d'Albret. Son père, chef de la branche cadette de la maison (la branche aînée s'est éteinte avec le connétable), descendait de Robert de Clermont, sixième fils de saint Louis, et transmit à son fils ses droits à la couronne de France. Jeanne était fille de Henri II, roi de Navarre, vicomte souverain de Béarn, etc., et de Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier. Elle accoucha au château de Pau, non pas dans la nuit du 12 au 13 décembre, mais le 14 à 2 heures du matin. Pour plaire à son père, elle chantait dans les douleurs le cantique béarnais : Nouste Dam deü cap deü pount. Henri Il frotta, dit-on, les lèvres de l'enfant avec une gousse d'ail et lui fit goûter du vin de Jurançon. Une carapace de tortue, qu'on montre encore, fut son berceau. Suivant l'usage de la couronne de Navarre, il reçut le titre de prince de Viane.

Confié à sa tante Suzanne, baronne de Miossens, femme de Jean d'Albret, il fut élevé au château de Coarraze, au milieu des petits montagnards, et comme eux. En 1555, sa mère, Jeanne d'Albret devint, par la mort de son père, reine de Navarre, et put même faire donner à son mari le titre de roi. En 1557 on amena à la cour de France, alors à Amiens, celui qu'on appelait le petit Béarnais; il charma le roi Henri par la vivacité de ses reparties; dès cette époque, il fut question d'un mariage entre le prince de Viane et une fille de France. Son père, le frivole et inconstant Antoine de Bourbon, n'eut que peu d'influence sur lui, bien qu'on retrouve chez Henri IV plus d'un trait du caractère paternel. Sa mère, qui penchait de plus en plus vers la Réforme (La Renaissance), lui donna pour précepteurs le vaillant sire de La Cose, le savant La Gaucherie qui lui enseigna cette devise : 

Ou vaincre avec justice ou mourir avec gloire.
Elle l'entoura de Huguenots. Nommé régent de Béarn, la tutelle du baron de Miossens, pendant l'absence de ses parents, il entra à huit ans au collège de Navarre, à Paris, ou il resta même après la mort de son père (1562). Il accompagna la cour de France à Bayonne en 1565 : sa mère le fit alors rentrer en Béarn et lui donna pour maître Florent Chrestien. Les Espagnols avaient formé un complot pour le faire enlever par un capitaine Dominique, mais Jeanne fut prévenue par Élisabeth de France, reine d'Espagne.

Pendant la troisième guerre civile. Jeanne et son fils, menacés dans leurs États par les troupes royales, allèrent joindre à Cognac l'armée du prince de Condé (25 décembre. 1568) et entrèrent à La Rochelle. Après la mort de Louis de Condé à Jarnac, les deux jeunes princes de Navarre et de Condé prirent le commandement nominal de l'armée protestante, dite armée des princes, placée en réalité sous la direction de Coligny. Pendant la bataille de Moncontour, l'amiral ordonna aux princes de se retirer sur Parthenay. Henri prit part au grand voyage de 1569 et se signala en commandant l'avant-garde à Arnav-le-Duc. Après la paix de Saint-Germain, on projeta de le marier à Marguerite de Valois, soeur de Charles IX. La reine Jeanne consulta les ministres réformés et soumit la question aux États de Béarn, qui approuveront. Après de longues hésitations, motivées par la différence des religions et l'immoralité de la cour, elle se décida à signer le contrat à Blois le 11 avril 1572. Henri se rendait à Paris lorsqu'il apprit, en Poitou, que sa mère était morte (le bruit courait qu'elle avait été empoisonnée) à Paris le 9 juin. Il tomba malade en recevant cette nouvelle. 
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Henri IV.
Henri IV (1553-1610). Tombeau dans la crypte de la basilique Saint-Denis.
© Photo : Serge Jodra, 2011.

Après avoir écrit au baron Danros pour le confirmer dans ses fonctions de lieutenant général dans ses États, le nouveau roi de Navarre (son titre était Henri IIl) arriva à Paris. Charles IX, alors tout entier à son amitié pour Coligny et à son projet de guerre en Flandre, tenait beaucoup; à ce que le mariage se fit sans retard, bien que le pape Pie V refusât d'envoyer les dispenses. Le 17 août, le nouveau pape, Grégoire XIII, ayant envoyé des dispenses conditionnelles, on célébra les fiançailles, qui excitèrent déjà les colères de la populace catholique. Le cardinal de Bourbon maria Henri et Marguerite le 18, sur le parvis de Notre-Dame, mais seule la fiancée entra dans l'église pour écouter la messe. Les fêtes, très brillantes (Navarre et Condé y parurent, un jour en damnés, le suivant en Turcs), ne précédèrent que de quelques jours la Saint-Barthélemy, d'où le nom de noces vermeilles. Le gouverneur du roi de Navarre fut égorgé au Louvre. Le lendemain du massacre, Charles IX le força, de même que son cousin, à embrasser le catholicisme; le 30 octobre seulement, les deux princes écrivirent à Grégoire XIII, qui ratifia définitivement le mariage. 

On arracha même à Henri un ordre d'abolition du protestantisme en Béarn et une lettre aux Rochelois. Enfin, il dut accompagner Henri d'Anjou contre La Rochelle. Pendant le siège, il se lia avec François d'Alençon et les malcontens; il assista aux entretiens secrets tenus sous la direction de La Noue. Après le départ du roi de Pologne, on le garde à la cour, ainsi que le duc d'Alençon, dans une sorte de captivité, Il prend part avec ce prince au complot dit de l'Effroi de Saint-Germain, puis à la conspiration de La Molle; il échoue les deux fois dans ses projets de fuite. Pendant le procès de La Molle, il se défendit très dignement, avec l'aide de sa femme, en exposant l'histoire de sa vie dans un mémoire et en évitant de charger ses complices. Charles IX mourant passe pour lui avoir témoigné beaucoup d'affection. Après l'évasion de Monsieur et pendant l'invasion de Casimir, Henri, cédant aux conseils de son fidèle écuyer d'Aubigné, réussit à s'enfuir de Senlis dans la nuit du 2 au 3 février 1576, gagne Alençon, puis la Gascogne et rétracte son abjuration forcée. Il se lie avec les huguenots de Condé, avec les politiques de Monsieur et de Damville et, par l'édit de Beaulieu, obtient le gouvernement de la Guyenne, dont il n'avait encore que le titre.

Désormais, il devient le chef véritable du parti huguenot. Nous voyons autour de lui La Noue, d'Aubigné, Mornay, etc. Il envoie des députés aux États de Blois; mais, lorsque ces États se sont liés à la Ligue, il soulève le Midi et s'empare de Périgueux, de La Réole et de Marmande. Il obtient la paix de Bergerac (17 septembre 1577), qui annonce déjà l'édit de Nantes. Catherine lui ramène sa femme à Nérac. Les désordres de cette petite cour de Nérac soulèvent l'indignation des huguenots austères. Henri se défie de la reine mère; apprenant que les troupes royales veulent surprendre La Réole, il en sort de nuit et exécute un hardi coup de main sur Fleurance. Catherine lui cède onze nouvelles places de sûreté (18 février 1579). Henri III ayant publiquement dévoilé la conduite scandaleuse de sa soeur Marguerite, le Béarnais, poussé par les seigneurs qui l'entourent, recommence la guerre malgré les conseils des sages du parti (guerre des amoureux). Il s'illustre par sa vaillance dans le combat de six jours livré dans les rues de Cahors (5 mai 1580). Assiégé par Biron dans Nérac, il obtient la paix de Fleix (26 novembre).

Henri se compromettait par ces folies. Heureusement, maître de la Guyenne, appuyé sur Damville, gouverneur du Languedoc, il dominait tout le Midi. Sa soeur Catherine lui garantissait l'obéissance de ses sujets béarnais. C'est seulement à cette époque (2 avril 1582) qu'il put prêter à Pau le serment traditionnel de respecter les fors du pays. Il avait vainement essayé, comme ses prédécesseurs, de rentrer en possession de la Haute-Navarre. Il se releva dans l'opinion en faisant savoir à Henri III, par Rosny (plus tard duc de Sully), que Philippe II lui avait offert des subsides pour recommencer la guerre (1583); Philippe lui ayant même offert sa fille, il en avertit encore le roi par Mornay (1584); il n'oubliait pas que, roi et vicomte souverain, il était en même temps prince du sang de France, vassal du roi pour ses biens d'Albret, et son lieutenant en Guyenne. La mort de Monsieur (10 juin 1584) fait de lui l'héritier du trône, en vertu de la loi salique, bien qu'il ne fût parent de Henri III qu'au vingt-deuxième degré. Le roi lui envoie d'Épernon pour lui conseiller d'abjurer; il répond en publiant la belle déclaration de Bergerac (10 juin 1585), rédigée par Mornay. Mais les Guises et les ligueurs déclarent qu'ils n'accepteront pas un roi hérétique et lui opposent son oncle, le vieux cardinal de Bourbon.

Il offre vainement au duc de Guise de régler leur querelle par un combat en champ clos. Le duc obtient de Henri III l'édit de Nemours (7 juillet) qui bannit les réformés. Une bulle de Sixte-Quint déclara les princes de Bourbon déchus de leurs droits et délia leurs sujets du serment de fidélité. Le Béarnais, qui n'avait que 4000 hommes, se posa très habilement en défenseur des lois du royaume; il réunit autour de lui les réformés et les politiques, Montmorency, Lesdiguières, La Trémoille, Turenne, Chastillon, etc. Il se rapprocha d'Élisabeth d'Angleterre et fit lever des troupes en Allemagne. Grâce au dévouement de sa soeur, de Rosny et de la  belle Corisande, il réussit à entrer en lutte (guerre des Trois Henri). Assiégé par le duc de Mayenne dans Nérac, il s'échappa et gagna La Rochelle. La reine mère essaya vainement de le circonvenir à l'entrevue de Saint-Brix (décembre 1586): il continua sa marche à la rencontre de l'armée allemande. Il se heurta, près de Coutras, aux troupes royales commandées par Joyeuse, et remporta une victoire qui établit sa réputation militaire (20 octobre 1587). Il n'en tira pas tout le parti qu'il aurait pu faire, parce qu'il craignait d'ébranler trop fortement Henri III et de faire ainsi le jeu de Guise qui battit les Allemands le 26 octobre et le 14 novembre. L'assemblée de La Rochelle donna au roi de Navarre le commandement des armées de la Cause (1588).

Aux seconds États de Blois, le roi de Navarre fut déclaré coupable de lèse-majesté divine et humaine et déchu de tous droits. Mais le roi se débarrassa des Guises (5 janvier) et, voyant la Ligue et Paris se tourner contre lui, il se rapprocha des huguenots. Le Béarnais ne tenait plus guère que dans l'Ouest. Le 4 mars 1589, de Châtellerault, il lança un manifeste très habile où il protestait contre l'exclusion des députés huguenots aux États et où il promettait toute sécurité aux catholiques fidèles au roi. Enfin, il mit ses forces au service de Henri III par le traité du 3 avril. Une entrevue eut lieu entre les deux rois à Plessis-lez-Tours (30 avril) et ils marchèrent en commun contre Paris. En mourant, Henri III le reconnut pour son successeur et lui conseilla, dit-on, de se faire catholique.
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Statue de Henri IV.
Statue de Henri IV, sur le Pont-Neuf, à Paris. (© Photo : Serge Jodra, 2010).

Le roi de Navarre était roi de France (2 août). Mais, malgré la déclaration conciliante du 4 août, enregistrée au parlement de Tours, beaucoup de catholiques l'abandonnèrent, tandis que quelques protestants fanatiques s'inquiétaient de voir le chef de leur parti devenir roi de tous les Français. Les ligueurs lui opposèrent le cardinal, son oncle (Charles X), alors son prisonnier. Obligé d'évacuer Saint-Cloud, il se cantonna dans le pays de Caux pour être à proximité de l'Angleterre, son alliée. Le duc de Mayenne et les Parisiens croyaient le vaincre sans peine; mais, après une série de combats livrés entre Dieppe et Arques (13-28 septembre), il les rejeta en désordre vers Paris et tenta même une attaque sur les faubourgs de la capitale. Reconnu, non seulement par les États protestants et la Turquie, mais par Venise, Mantoue et Ferrare, il essaya de se rapprocher de Sixte-Quint par l'intermédiaire des catholiques royaux. Cependant il n'était guère maître que des territoires occupés par ses armées. 

Mayenne avait été vers les Pays-Bas chercher les renforts espagnols; Henri l'attira vers Dreux et remporta une éclatante victoire à Ivry (14 mars 1590). Il avait donné à ses troupes, comme signe de ralliement, un énorme panache blanc posé sur son casque; après la victoire, il ordonna d'épargner les Français de l'armée ennemie; le duc d'Egmont, chef des forces espagnoles, était parmi les morts. L'état de misère où il était réduit ne lui permit pas de marcher sans retard sur Paris: il ne put commencer le blocus de la ville que le 8 mai. Il favorisa lui-même cette résistance de quatre mois par sa bonté, laissant échapper les bouches inutiles, laissant entrer des vivres dans la place. Il dut remonter la Marne vers Chelles (30 août) pour s'opposer à l'arrivée des Espagnols du duc de Parme; mais Farnèse trompa sa surveillance, et, ayant saisi Lagny, entra dans Paris. 

Henri fut obligé de lever le siège et de renouer ses alliances avec l'Angleterre, la Hollande, les princes allemands. Il s'empara de Chartres et de Noyon; Lesdiguières rétablissait son autorité en Dauphiné (1591); mais les monitoires de Grégoire XIV refroidissaient les seigneurs catholiques; le duc de Mercoeur, aidé des Espagnols, se rendait souverain en Bretagne; le duc de Savoie occupait la Provence. Henri vint assiéger Rouen (10 novembre), mais le duc de Parme le força encore à se retirer (15 mars 1592). C'est en vain que le Béarnais essaya de le poursuivre lorsqu'il regagna les Pays-Bas.
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Le siège de Dieppe.
Le siège de Dieppe (1589) et ci-dessous, le siège de Paris (1590).
Le siège de Paris.

Aux États de la Ligue (26 janvier 1593), les politiques protestèrent contre les projets de Philippe II qui voulait faire de sa fille une reine de France (les opinions de ce parti sont exprimées dans la Satire Ménippée); déjà l'on ne reprochait au Béarnais que d'être huguenot. Il avait depuis longtemps envisagé la possibilité d'une conversion; il demanda à se faire instruire dans la religion catholique, et des conférences eurent lieu à Suresnes entre les catholiques de son parti et les délégués des États. 

Le Béarnais n'avait peut-être pas, en matière religieuse, l'indifférence qu'on lui a prêtée; en tous cas, il eût souhaité une conversion moins brusque et d'apparence plus digne. Mais avant tout il fallait sauver l'unité du royaume. Le parlement de Paris s'étant prononcé pour la loi salique, ce qui excluait les Espagnols, mais ouvrait la voie aux Lorrains, il fallut se hâter de faire le « saut périlleux ». Après cinq heures de controverse, à Mantes (23 juillet), le roi se déclara convaincu par les évêques et abjura solennellement à Saint-Denis, le 25, entre les mains de l'archevêque de Bourges. Dès lors, il n'eut plus qu'à racheter en détail et très cher ses provinces aux gouverneurs qui y régnaient. Il se fit sacrer à Chartres le 27 février 1591, et Brissac lui livra une porte de Paris dans la nuit du 22 mars; le roi fut reçu au milieu des acclamations populaires, et les Espagnols du duc de Feria durent quitter la ville.

Reconnu par le Parlement et la Sorbonne, sa situation n'en restait pas moins difficile. Mayenne tenait la Bourgogne, Mercoeur la Bretagne, Mansfeld envahissait la Picardie. Les protestants, mécontents de la conversion, demandaient un protecteur. Les ordres religieux fomentaient des conspirations contre lui. Après plusieurs attentats (celui de Jean Châtel, 27 décembre 1594), le Parlement fit décider l'expulsion des jésuites. Les cardinaux d'Ossat et du Perron obtinrent pour le roi l'absolution de Clément VIII (16 septembre 1595). Il déclara officiellement la guerre à Philippe II le 17 novembre; malgré sa témérité, il vainquit les Espagnols à Fontaine-Française (4 juin 1596) et les chassa de la Bourgogne. Ils s'emparèrent de Calais, mais le roi leur prit La Fère et leur reprit Amiens.
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Abjuration de Henri IV.
Abjuration du calvinisme par Henri IV et conversion au catholicisme à Saint-Denis.

L'Angleterre et la Hollande lui fournirent de nouveaux subsides à condition qu'il ne ferait pas de paix séparée avec l'Espagne. Mayenne avait fait sa soumission en janvier 1596; Joyeuse, Nemours, d'Epernon suivirent. Élisabeth n'ayant pas tenu ses promesses, Henri IV traita seul avecPhilippe II (Vervins, 2 mai 1598) sur les bases du Cateau-Cambrésis. Il y gagna la paix avec le duc de Savoie et la soumission de Mercoeur, dont la soeur épousa Vendôme. Henri venait de rétablir en France la paix religieuse par l'édit de Nantes (13 avril). De tous les pays d'Europe, la France était le seul ou les habitants des diverses confessions eussent la liberté de conscience et fussent également admissibles aux charges publiques; pour calmer les craintes des huguenots, Henri leur donna en outre des garanties judiciaires et politiques. Il brisa les résistances du clergé, de l'Université, du Parlement, qui refusaient d'accepter l'édit. Il fit rompre par un divorce son premier mariage, et épousa Marie de Médicis (9 décembre 1600), nièce du pape, ce qui lui valut de nouvelles alliances en Italie. Il rentra en lutte avec Charles-Emmanuel de Savoie qui, par la paix du 17 janvier 1601. dut céder à la France la Bresse et le Bugey, en échange de Saluces. Le roi découvrit alors la conspiration du maréchal de Biron, qui négociait avec l'Espagne, la Savoie, le duc de Bouillon, et qui fut décapité en 1602.

Henriette d'Entragues, pour se venger du roi qui lui avait promis mariage, suscita la conspiration du comte d'Auvergne (1605). Le duc de Bouillon ne réussit pas à soulever les protestants (1606). Henri servit de médiateur entre le pape et Venise en 1607. Élisabeth lui en voulait de qu'elle n'avait pu obtenir Calais. Son successeur Jacques Ier (1603) se rapprocha de l'Espagne. Mais Henri amena cette puissance à signer (1609) une trêve de douze ans avec les Provinces-Unies. Il soutint les protestants d'Allemagne contre l'empereur et en même temps favorisa la formation de la ligue catholique. Le 11 février 1610, il promit à l'union de Halle un secours de 10 000 hommes pour empêcher l'Autriche de s'emparer de la succession de Clèves-Juliers : une autre armée était destinée à l'Italie, une autre aux Pyrénées. Henri devait partir pour la frontière le 19 mai. Malgré de nombreux attentats (en 1596, 1597, 1598, trois en 1599, un en 1601, un en 1602), le roi avait, en 1603, rappelé les jésuites et leur avait donné des collèges. On les accusa d'avoir excité le fanatisme de Ravaillac, qui poignarda le roi le 14 mai 1610. Le procès fut étouffé, et on alla jusqu'à soupçonner la reine Marie de Médicis, qui s'était fait nommer régente et sacrer à Saint-Denis le 13 mai, et qu'on supposait vendue à la maison d'Autriche.

L'oeuvre accomplie par Henri IV est importante, surtout si l'on se rappelle ce qu'étaient la France et son roi en 1589. Il rétablit la paix intérieure en donnant aux religions catholique et protestante des droits égaux et en se plaçant lui-même au-dessus de tous les partis. Il restaura l'autorité royale par ses victoires, par ses négociations avec les seigneurs. et. lorsque son pouvoir fut mieux affermi, par le châtiment de quelques grands coupables (Grands Jours de Limousin, 1606) ; désormais, les alliances que les grands nouaient avec l'étranger commencèrent à compter pour des crimes. Il s'opposa aux prétentions des parlements. Il était trop près des temps de la Ligue pour pouvoir, sans péril, convoquer des États généraux, mais il réunit des assemblées de notables (Rouen, 1596). Il s'attacha d'abord à la réorganisation des finances. 

Dans cette oeuvre, il fut aidé surtout par Sully, nommé surintendant en 1595, qui poursuivit les prévaricateurs, s'opposa aux levées arbitraires, exigea des comptes réguliers et, grâce a une sévère économie, put payer les dettes, réduire l'impôt et créer une réserve de 18 millions. Il fut forcé d'établir définitivement l'hérédité des offices de judicature (Paulette, 1604). Sully voulait surtout enrichir le royaume par le développement de l'agriculture. Le roi ordonna à Olivier de Serres d'écrire son Théâtre de l'agriculture. fit venir des colons flamands et hollandais pour dessécher le marais de Saintonge, etc. Mais, moins exclusif que son ministre qui craignait le développement du luxe, il voulut donner au pays une industrie nationale.  Dès 1597, il devança Colbert en prenant des mesures prohibitives contre les produits étrangers.  Ces mesures furent  jugées insuffisantes, et, toujours malgré Sully, le roi créa des manufactures de soieries; il fit planter des mûriers et fit écrire par Olivier de Serres la Cueillette de la soie
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Portrait de Henri IV.
Henri IV.

Sous son règne se fondèrent la plus ancienne fabrique de tapisseries des Gobelins, une fabrique de cuirs de Hongrie, de toiles, de glaces, etc. ll réglementa le travail des mines et, malgré l'opposition du parlement de Toulouse, proclama la liberté du commerce des grains et des vins (26 février 1601).  En 1604, il convoqua une assemblée du commerce qui réforma les corporations. Le commerce fut surtout aidé par les grands travaux publics entrepris par Sully qui établit des routes et étudia tout un vaste plan de canalisation : on commença l'exécution du canal de Briare. Des traités de commerce furent signés avec l'Angleterre et la Hollande. Le nombre des régiments fut porté à onze; les capitaines furent astreints à des montres mensuelles. Sully, nommé grand maître de l'artillerie en 1599, fit ériger cette charge en office de la couronne (1601) et entassa des munitions à l'Arsenal. Le roi n'eut pas le temps, malgré son désir, de relever la marine. Il favorisa les entreprises coloniales de P. du Guatz, sieur de Monts, et de Champlain en Acadie (1605) et à Québec (1608); le nom de Nouvelle-France date de 1609 (Canada). On renouvela les capitulations conclues avec la Turquie (1605). 

Henri IV n'a pas eu le goût des arts au même degré que les Valois-Angoulême. Cependant il a fait faire à Paris la grande galerie du Louvre, achevé les Tuileries, le Pont-Neuf, l'Hôtel de ville, et construit la place Royale (place des Vosges), où s'inaugure un style nouveau (mélange de la brique, de la pierre et de l'ardoise). Son principal architecte fut Ducerceau. Il fit travailler, parmi les peintres, Fréminet, les frères Dumoustier; parmi les sculpteurs, Jean de Bologne, Francheville, Prieur, etc.

Sa politique extérieure avait pour principal objet l'abaissement de la maison d'Autriche, pour moyen l'alliance avec l'Angleterre, bien qu'il fût souvent en froid avec Elisabeth Ire, avec les Provinces-Unies et les protestants allemands. Il fut l'un des défenseurs de la théorie des frontières naturelles (son traité avec la Savoie) et voulait que toute la langue française fût à lui. Sully lui a prête ses propres chimères dans ce qu'il appelle son grand projet. Saint-Simon s'étonnait déjà de trouver cette conception d'une République européenne dans un esprit aussi pratique que celui de Henri IV. En réalité, il voulait simplement intervenir en Allemagne pour défendre contre l'Autriche les droits des héritiers du duc de Clèves. Malgré l'état de faiblesse où il trouva la France, il pratiqua une politique qui est déjà celle de Richelieu.

Usant habilement de la rudesse de Sully, Henri IV sut faire reporter sur son ministre les mécontentements, et parvint ainsi à se rendre très populaire. Il gagnait les coeurs par sa simplicité et par sa vivacité toute gasconne, facile au rire, facile aux larmes, par la sympathie qu'il affectait pour les misères du peuple (anecdote de la poule au pot et par le sentiment très élevé qu'il avait de la grandeur de la France. On a pu dire que ce roi de Navarre fut le plus français des rois de France. Son courage militaire était célèbre; il allait parfois jusqu'à la témérité. A la bataille d'Aumale, après le siège de Rouen, le savant tacticien Farnèse disait dédaigneusement :

Je croyais voir un général; ce n'est qu'un officier de chevau-légers. 
On lui reproche aussi ses imprudences à Fontaine-Française. On oublie que, roi mal obéi, chef de parti encore après son avènement, il devait montrer l'exemple aux siens, et que, s'il n'a pas été un grand capitaine, il a fait preuve à  Arques, à Ivry, de très réelles qualités militaires. Il écoutait volontiers les conseils, soit ceux de ses ministres, Sully, Sillery, Villeroy, Jeannin, soit ceux des assemblées qu'il convoquait, et ne se décidait jamais par un caprice, bien qu'il fut très jaloux de maintenir sont autorité. Ses belles qualités ont frappé l'imagination populaire et ont fait pardonner bien des choses au premier roi Bourbon.

L'histoire n'est pas très sévère pour les désordres de sa vie privée, qui lui ont valu le surnom de vert galant. Son éducation protestante ne le préserva pas de la contagion de siècle, mais il porta jusque dans ses frasques une vivacité, un enjouement, qui ne permettent pas de le confondre avec les derniers Valois. Marié à une femme elle-même perdue de débauches, il eut de nombreuses maîtresses : Mlle de Rebours, Fosseuse, puis Diane d'Andouins,  Mme de La Roche-Guyon, Marie de Beauvilliers, etc, enfin Gabrielle d'Estrées (1590-98),  qu'il fut sur le point d'épouser. Ces maîtresses n'exercèrent aucune influence fâcheuse sur sa politique. Après la mort de Gabrielle, il se laissa aller, à plusieurs reprises, à un funeste amour pour une ambitieuse et une intrigante, Henriette d'Entragues. Il aima encore Jacqueline de Bueil et Charlotte des Essarts, et les derniers temps de sa vie furent marqués par sa folle passion pour la jeune Charlotte de Montmorency, princesse de Condé. Il ne paraît pas avoir eu d'attachement pour la reine Marie. Elle lui donna le dauphin Louis, plus tard Louis XIII; un fils qui mourut en 1611; Gaston, duc d'Orléans; Elisabeth, reine d'Espagne; Christine, duchesse de Savoie; Henriette, reine d'Angleterre. Il eut aussi de Gabrielle : César, duc de Vendôme; Alexandre de Vendôme, grand prieur, et Catherine-Henriette, marquise d'Elbeuf; d'Henriette : Henri de Verneuil et Gabrielle; de Jacqueline de Bueil : Antoine, comte de Moret; de Charlotte des Essarts : Jeanne, abbesse de Fontevrault, et Henriette, abbesse de Chelles.

Ses traits sont bien connus. Le grand nez, l'oeil vif, la barbe, l'allure hardie et un peu fruste sont dans toutes les mémoires. Le cabinet des Estampes possède, entre autres, un précieux portrait de Henri de Navarre jeune, ou la physionomie, très fraîche encore, très fine éveillée, n'a rien encore du soudard et du diable-à-quatre, et fait comprendre le charme qu'il exerçait alors à la cour (reproduit dans Bouchot, Portraits au crayon, p. 189; et aussi 176, 310, 369). Citons également un portrait de Henri à quinze ans qui est à Genève, les portraits de Fr. Porbus qui sont à Versailles et au Louvre (394, 396) et à Hampton Court (418), et le buste de Barthélemi Prieur (Louvre, 145). Henri IV, en dehors de ses déclarations officielles, généralement élaborées par Mornay, a laissé une multitude de billet, de lettres d'amour ou d'affaires (Lettres missives publiées par B. de Xivrey, dans les Documents inédits, et les lettres publiées par Galitzin, Boutiot. Halphen, Dussieux. etc.), le style est d'un véritable écrivain. (H. Hauser). 

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Dictionnaire biographique
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