|
. |
|
Pépin le Bref est un maire du palais puis le premier roi de la dynastie carolingienne. Il est né à Jupille (Belgique) en 714, mort à Saint-Denis, près de Paris, le 24 septembre 768. Il était le fils de Charles-Martel et de Rotrude, et le petit-fils de Pépin d'Héristal. Nous ne savons presque rien sur sa personne : avant Charlemagne, en effet, il nous est difficile de saisir l'individualité des grands Carolingiens qui établirent la prépondérance des Francs. Les caractères essentiels sont les mêmes ce sont avant tout des hommes de guerre, faisant campagne presque chaque année, chassant dans les moments de loisir, ils sont bien disposés pour l'Eglise, et témoignent d'une réelle habileté politique. Plus cultivé que son père Charles-Martel (il avait reçu au monastère de Saint-Denis une éducation qui semble lui avoir donné le goût des choses de l'esprit et on sait qu'il se procura des livres à Rome), Pépin nous est décrit pieux, relativement clément, d'une intelligence moins large que celle de son fils Charlemagne, mais politique au moins aussi avisé. Son nom a été éclipsé par celui de son fils, mais il avait porté bien haut la puissance franque. Le Pape l'appelait « son défenseur après Dieu »; le roi des Lombards, Didier, était presque son vassal; l'empereur d'Orient et le calife de Bagdad recherchaient son alliance. On dit communément que le surnom de Bref lui fut donné à cause de sa petite taille. On raconte même que les grands se moquaient de cette taille exiguë et qu'il leur prouva la force herculéenne en s'élança dans l'arène pour séparer un lion et un taureau qui étaient aux prises. C'est une légende inventée longtemps après. Malgré ce renom de courage et de force physique que consacre cette légende, Pépin n'est pas le guerrier toujours en campagne et ne rêvant que gloire militaire. La vérité est qu'il a fait la guerre le moins possible et toujours par nécessité. II est possible que ce surnom soit une autre forme, une traduction de son nom Pippinus ou Pépin. Pépin le Bref, maire du palais (741-751). Le premier eut l'Austrasie, l'Alamanie, la Thuringe; l'autre la Burgondie, la Neustrie et la Provence avec la suzeraineté sur l'Aquitaine. La Bavière, la Frise n'étaient pas considérées comme faisant partie du royaume. Griffo (Griffon ou Grippon), un fils naturel de Charles-Martel, qu'il avait eu de sa dernière femme, Sonelhilde, réclama sa part dans l'héritage. Il s'empara de Laon, mais il fut battu, et Carloman l'interna à Neufchâteau dans l'Ardenne (Belgique) ou à Chèvremont (Franche-Comté). Pépin et Carloman restèrent seuls maîtres. Pépin et Carloman. En 742, il y eut guerre contre les Aquitains, les Alamans, les Bavarois, les Slaves et les Saxons. Les deux frères marchèrent contre Hunald d'Aquitaine, infidèle au serment qu'il avait prêté à Charles-Martel, dévastèrent le pays au sud de la Loire, échouèrent devant Bourges, mais ruinèrent Loches. De là ils revinrent en Alamanie et pénétrèrent jusqu'au Danube, se faisant remettre des présents et des otages. Ils se décidèrent à se donner un roi, peut-être parce que les grands, qui avaient dû plier sous la puissance de Charles-Martel, se montraient indociles au gouvernement de ses fils, ou encore pour obtenir plus facilement l'obéissance des ducs d'Alamanie, de Bavière, d'Aquitaine. Le trône, que Charles-Martel avait laissé vacant depuis la mort de Thierry IV (737), fut donné à un dernier Mérovingien, d'origine inconnue, Childéric III, dont le nom apparaît à partir de 742. Les contemporains ne parlent pas de ce nouveau personnage qui n'eut même pas l'apparence du pouvoir. Dans le premier diplôme que nous avons de lui, il a soin de dire que c'est Carloman, son maire du palais, qui l'a fait roi. On date, en Austrasie, aussi bien des années du majordomat de Carloman que de celles du roi. Ce sont les maires du palais qui convoquent les grandes assemblées, les conciles, correspondent en leur propre nom avec le pape, se déclarent commis par Dieu au gouvernement. En 743, Carloman et Pépin dirigent une nouvelle campagne contre les ducs Theudebald d'Alamanie et Odilo de Bavière. Ce dernier traite et restera fidèle aux Francs. Son allié, Hunald d'Aquitaine, avait mis la diversion à profit pour envahir la Neustrie et venir brûler Chartres. En 744, Carloman opère contre les Saxons; Pépin contre les Alamans. Hunald d'Aquitaine a traité et donné des otages. Mieux que ce pacte, des incidents intérieurs que nous entrevoyons obscurément, ont délivré les maires du palais de la guerre d'Aquitaine. Hunald, peut-être trahi par son frère Hatlo qui s'appuyait sur le Poitou, le fait venir et lui crève les yeux. Pris de remords, il abdique, se fait tondre et se retire dans le couvent de Saint-Philibert de l'île de Ré. Son fils Waïfre (Waifer) lui succède. En 746, Carloman porte aux Alamans un coup terrible; il envahit leur pays avec une nombreuse armée, entre en conférence avec celle des Alamans et la fait prisonnière par trahison; puis, à Cannstatt, il fait massacrer par milliers ses ennemis, les partisans de Theudebald. Il ne put cependant jouir en paix, du fruit de cette atrocité. Soit qu'il en ait eu l'esprit frappé, soit pour tout autre motif, il renonça à la vie séculière (747). Il remit le pouvoir à Pépin, lui recommanda ses jeunes fils dont l'aîné, Drogo, devait probablement à sa majorité hériter de la part de Carlomarn, et se rendit en Italie, à Rome, auprès du pape Zacharie. Il fonda sur le mont Soracte un couvent sous le vocable de saint Silvestre et vers 750, se retira au mont Cassin. Pépin seul. Pépin le Bref. Avènement et sacre de Pépin le Bref (751-754). Résolu à « faire cesser la longue comédie que jouaient les maires du palais depuis Dagobert » (Michelet), et à prendre la couronne, il prépara fort prudemment l'usurpation devenue nécessaire. En 751 il envoya au pape Zacharie, « avec l'avis et le consentement de tous les Francs », l'évêque de Wurtzbourg et l'abbé de Saint-Denis, qui étaient chargés de lui poser la question suivante : « Lequel doit être roi, ou celui qui n'a nul pouvoir dans le royaume et porte le titre seulement, ou celui par qui le royaume est gouverne et qui a le souci de toutes choses? »Le Pape, qui avait besoin du puissant chef des Francs, répondit naturellement : « Il vaut mieux appeler roi celui qui a le pouvoir que celui qui en reste dépourvu. »Un annaliste affirme même que le Pape ordonna, « en vertu de son autorité apostolique », l'élévation de Pépin à la royauté. Il exagère. On ne demandait au pontife qu'un avis favorable. En fait, il est probable que les termes ici prêtés aux ambassadeurs et au pape ont été trouvés après coup. Le fait de l'ambassade ne peut, lui, être contesté. Childéric III, qui n'avait jamais été roi que de nom, fut tondu et relégué au couvent de Saint-Bertin, son fils Théodoric à Saint-Wandrille. Une assemblée de guerriers et d'évêques se réunit à Soissons en novembre 751 et : « Par le conseil et le consentement de tous les Francs, avec l'assentiment du Saint-Siège, par l'élection de toute la France, la consécration des évêques, la subordination des grands, Pépin fut élevé au trône. »Il y eut donc élection; mais il y eut aussi quelque chose de plus : il semble, en effet, qu'à l'assemblée de Soissons, saint Boniface, représentant du Saint-Siège, sacra le roi et la reine. L'alliance avec Rome et l'origine de la monarchie de droit divin. Cette cérémonie, réminiscence de la Bible (Saül avait été sacré par le prophète Samuel) était en usage chez les Anglo-Saxons, mais elle était toute nouvelle chez les Francs. Aucun des Mérovingiens, pas même Clovis, ne l'avait reçu. Cette cérémonie mystique élevait le roi au-dessus du peuple, d'où il était sorti. L'onction du roi par l'huile sainte était un véritable sacrement, elle faisait de lui un prêtre, un ministre de Dieu, l'élu de Dieu. Elle lui donnait ce qu'on devait appeler plus tard le droit divin. A partir de ce moment apparaît dans les diplômes royaux la formule « Roi par la grâce de Dieu ». Et ce n'était pas seulement la personne de Pépin qui était revêtue de ce caractère sacré, il était donné en même temps à ses deux fils et par avance à sa postérité. Les Francs avaient élu Pépin, mais, le jour du sacre, le pape leur a interdit à jamais de se servir de leur droit d'élection : ni eux ni leur descendance ne pourraient prendre un roi dans une autre famille, celle-ci ayant été élue par la divine Providence pour protéger le siège apostolique. On admettait, comme chez les Hébreux, que le sacre assurait au roi le pouvoir d'engendrer une lignée de rois, qu'il rendait ses « reins » sacrés. Dieu y a mis le pouvoir d'engendrer une lignée de princes que les hommes, jusqu'à la fin des temps, ne pourront renier sans être reniés par la divinité. Autrefois les guerriers portaient leur chef sur le bouclier, au bruit des armes et des acclamations; à Saint-Denis, ce n'est pas un homme, c'est une dynastie qui a été élue au chant des cantiques. Dieu a repris aux hommes le pouvoir de faire des rois. C'est lui qui « les choisit dès le sein de leur mère ». La raison de régner, la source de l'autorité royale sera désormais la grâce de Dieu. Tout un baratin qui servira désormais d'articulation à des intérêts biens compris. En échange de ce service, que bientôt il jugera infini, jusqu'à croire que Pépin a reçu de lui toute sa fortune, qu'en attend le pape? Il a conclu avec les Francs une alliance qui durera « jusqu'à la consommation des siècles ». Chacun y trouvera son profit. Le pape aura les Francs pour « auxiliaires et coopérateurs ». Ils contractent vis-à-vis de lui des obligations qui s'étendent à tout le service de Pierre et à « toutes ses utilités » obligations vagues et par conséquent redoutables. Pour le moment, les papes ne demandent aux princes des Francs que leur épée. Ils vont s'en servir en Italie pour s'affranchir définitivement de l'empereur, se débarrasser des Lombards, se faire donner un pouvoir temporel. Descente en Italie : le pape souverain temporel. Les territoires de l'Exarchat et de la Pentapole devaient être « restitués » à l'Empire, à qui Astaulf les avait enlevés quelques années auparavant. Pépin, qui en disposait en conquérant, les donna au pape. Cette donation ou cette usurpation était-elle préméditée? Cela ne peut guère être contesté; depuis un demi-siècle Rome suivait une publique à peu près indépendante. La révolution qui substitue le pape à l'exarque « touchait plus aux formes théoriques qu'à l'état réel des choses; l'assemblée iconoclaste, tenue en 754 à Constantinople, précipita peut-être aussi par ses On voit peu à peu le pape confondre l'Eglise romaine et l'Etat (respublica); il invoque les droits de la sainte Église de Dieu, de la République des Romains. A son retour de Gaule, il écrit sans ménagement : « Mon peuple de la république des Romains. »Au début cependant, l'équivoque ne fut pas nettement dissipée vis-à-vis de l'empereur. La situation se précisa en 756. Astaulf ne s'était pas résigné à sa défaite; il reprit les armes et vint même assiéger Rome. De nouveau Étienne II implora le secours des Francs, s'adressant à la fois aux rois, aux évêques, aux grands, à tout le peuple. Enfin, comme en ce temps, on ne doute de rien, voilà que l'on n'hésite pas à résusciter saint Pierre, pour qu'il écrive de sa propre main, à la nation franque, une lettre solennelle. Après avoir rappelé ses titres comme vicaire du Christ, l'apôtre déclare : « Selon la promesse qui nous a été faite par le Seigneur Dieu notre rédempteur, je vous prends entre toutes les nations, vous, peuple des Francs, pour mon peuple spécial. »Il s'entoure du cortège de toutes les Gloires et de toutes les Puissances d'en haut, Marie, mère de Dieu, les Trônes, les Dominations et toute l'armée de la milice céleste (Les Anges), des martyrs et confesseurs de Dieu. Il promet pour cette vie la prospérité, la victoire sur tous les ennemis, et pour l'autre l'éternelle béatitude. Comment résister à un tel appel? Le roi des Francs reparut en Italie dans l'été de 756. De nouveau il assiégea Pavie. De nouveau Astaulf promit ce qu'on demandait. Un commissaire franc procéda cette fois à l'exécution du traité. Les clés de vingt-deux villes furent remises entre les mains du pape. Des ambassadeurs byzantins étaient, venus faire à Pépin de grandes promesses, afin qu'il remit sous la domination impériale les cités de l'Exarchat. Le roi franc répondit qu'il avait combattu non pour plaire à un homme, mais par amour du bienheureux Pierre et pour la rémission de ses péchés; tous les trésors de la terre ne le décideraient pas à enlever à l'apôtre ce qu'il lui avait offert. Voilà donc le pape souverain temporel. Les pays qui étaient remis à son autorité comprenaient : l'Exarchat, réduit par les conquêtes de Luitprand, qui avait reculé jusqu'au delà de Bologne la frontière lombarde; la Pentapole, également dimi- Étienne II, puis Paul Ier, son frère et successeur sont aux prises avec les difficultés que leur crée ce pouvoir temporel. Tout d'abord, pour le conserver, il faut contenir l'empereur et les Lombards. Les Lombards, deux fois vaincus par Pépin, sont peu dangereux; Astaulf s'est tué à la chasse; son frère Ratchis a repris un moment le sceptre; puis on a élu roi Didier, duc de Toscane, candidat préféré du pape, presque son client. Du côté de l'Empire il y a plus à craindre; l'usurpation du pape a consommé la rupture; les patrimoines pontificaux situés en terre d'Empire, jusqu'à Naples et Gaète, ont été confisqués. L'empereur négocie avec Pépin, qu'à plusieurs reprises il s'efforce de détacher du pape. Il cherche, d'autre part, à s'entendre avec le roi des Lombards, avec qui il conclut en 759 un traité formel, stipulant la restauration du pouvoir impérial, à Rome, à Ravenne, dans la Pentapole. Le conflit entre le pape et le roi des Lombards allait se renouveler, parce que le pape, non content de ses acquisitions, voulait s'agrandir. Il réclame Faenza, Imola, Ferrare; de l'Exarchat et de l'ancienne Pentapole, Ancône, Osimo : il songe même à annexer, ou du moins subordonner les duchés de Spolèle et de Bénévent. Les ducs, vassaux infidèles, étaient disposés à s'entendre avec le pape contre leur roi, bien que, parfois, la bonne intelligence fut rompue. Pépin refuse de s'intéresser à ces querelles, même lorsque Didier fait prisonnier le duc de Spolète et chasse celui de Bénévent. Il couvre le pape de sa protection, mais n'attache nulle importance à « une dilatation » de l'État pontifical. Chose plus grave, la situation du pape à Rome même n'est pas sûre. Ce chef spirituel, vieillard fréquemment changé, n'en impose qu'à distance. En ce temps où la force brutale domine les relations politiques, l'aristocratie de la campagne romaine ne respecte guère le pape. Dès les premières années du pouvoir temporel, apparaît l'antinomie qui en troubla l'exercice jusqu'au bout. Par eux-mêmes les papes ne peuvent se faire longtemps obéir de leurs sujets; il leur faut un protecteur, un prince étranger; et celui-ci bien vite devient un maître, contre lequel ils se tournent. « Sur tous les points de la campagne, on rencontre de petits tyrans féodaux, devenus de grands personnages au milieu de l'anarchie du VIIIe siècle, et qui désolent, par leurs excès, la cité et la région. L'un des types les plus achevés de ce genre de personnages est le duc Toto, un grand propriétaire de la ville de Népi, qui possédait également des domaines à Rome. D'abord, il essaie de faire assassiner le pape Paul Ier; puis, après la mort du pontife, il lève sur ses terres les paysans qui y sont établis, et, à la tête de ses vassaux et de ses hommes d'armes, il entre à Rome, installe par la force son frère, un laïque, sur le trône pontifical, et, pendant une année entière, occupe et terrorise la cité. Auprès de lui, d'autres grands seigneurs, qui ont, eux aussi, des domaines et des vassaux dans la campagne romaine, jouent un rôle semblable. C'est le tribun Gracilis, qui occupe Alatri et fait si lourdement peser son voisinage aux paysans du plat pays, qu'il faut finalement aller l'assiéger dans sa forteresse et le mettre à mort. C'est le duc Grégoire, également propriétaire dans la campagne romaine. C'est surtout le duc Gratiosus, avec ses fidèles milices de Tuscie et de Campanie, avec son cortège de vassaux, qui commit à Rome d'abominables cruautés et fut pendant quelque temps le véritable maître de la ville. A cette aristocratie laïque s'ajoutent les grands dignitaires de l'Église, qui ne le cèdent aux seigneurs séculiers ni en audace ni en violences. C'est le primicier Christophe et son fils le secundicerius Sergius, qui font et défont les papes à leur volonté, et n'hésitent pas, pour maintenir leur autorité, à soulever l'insurrection contre le pape Étienne III, à envahir en armes le palais de Latran pour s'assurer de la personne du souverain pontife. C'est le cubiculaire Paul Afiarta, plus tard chef de la maison militaire du pape, qui emprisonne ou exile à sa fantaisie tous ceux qui lui sont hostiles dans Rome, fait tuer sans jugement ses adversaires politiques, et prétend dominer le pape lui-même. A ses côtés, de grands seigneurs laïques, le duc Jean, frère du pape Etienne III, le tribun Leonatius, propriétaire à Anagni, participent à ces violences qui troublèrent Rome pendant plusieurs mois. » (Diehl).Rome a été souillée par des crimes, le Saint-Siège envahi par un aventurier. Depuis que le pape est devenu prince temporel, la papauté tente les barons du voisinage, qui ressemblent fort à des brigands. Dans la ville, en cas de crise, nulle autorité reconnue; des bandes d'écorcheurs font la loi. Quel piédestal pour le successeur de Pierre! On comprend qu'il n'ait pu se passer du bras des Francs carolingiens. Des troubles de ce genre seront la cause directe de la restauration d'un Empire en Occident. Pépin ne prévit guère cette haute destinée réservée à son fils. Après avoir mis le pape à l'abri des Lombards, lui avoir donné la moitié de l'Italie centrale, il pensait avoir assez fait. Il fut plutôt importuné des continuelles lettres du pape et lui recommanda de vivre en bonne intelligence avec Didier. Dernières campagnes de Pépin. Du côté de la Germanie, il était à peu près tranquille; le jeune duc de Bavière, Tassilo (né en 742) restait déférent envers le roi des Francs, son protecteur. Il ne reprendra son indépendance entière que plus tard, en 763. Jusque-là il continuera de paraître aux champs de mai et d'observer son serment de vassalité. Deux campagnes contre les Saxons (753 et 758) suffisent à les contenir. Pépin se tourna du côté du sud et entreprit d'achever la soumission de la Gaule. Les dix dernières années de sa vie furent consacrées à la conquête de l'Aquitaine. C'est un événement historique considérablé, car il n'y eût pas eu de France si le pays entre la Loire et les Pyrénées eût constitué une unité politique; de même qu'il n'y eût pas eu d'Allemagne sans la conquête de la Saxe. Les deux séries de guerres acharnées par lesquelles les Francs conquirent, au nord et au sud, le pays saxon et le pays aquitain, sont d'importance capitale; ces annexions donnent à l'empire carolingien sa prépondérance exceptionnelle et elles préparent la scission qui, des Francs orientaux fera les Allemands, des Francs occidentaux les Francais. Gisant de Pépin le Bref, à la basilique Saint-Denis. © Photo : Serge. Jodra. Pépin prit l'Aquitaine à revers en achevant la soumission de la Gothie, entre les Cévennes et la mer Méditerranée. En 759, il prit Narbonne et fit dans une certaine mesure reconnaître sa supériorité par le duc maure de Barcelone et Girone. C'est comme protecteur des Goths, autant que des églises opprimées par les Aquitains, qu'il adressa au duc Waïfre sa première sommation. Elle fut rejetée et le roi passa la Loire. Il vint jusqu'à Clermont-Ferrand. Waïfre promit satisfaction (759). Les Aquitains ressaisirent ensuite l'offensive, ravagèrent le pays autour de Chalon-sur-Saône et d'Autun. Pépin leva l'armée, remonta la vallée de la Loire, saccageant sur son passage les places de Bourbon, Chantelle, Clermont-Ferrand (760). Une troisième campagne, dirigée par Pépin et ses deux fils, aboutit à la conquête de Bourges, où les Francs mirent garnison. Puis on marcha sur Thouars, qui fut pris aussi (761). Waïfre, voyant que les Francs conservaient les places voisines de leur frontière et s'y installaient de manière à conquérir progressivement toute l'Aquitaine, prit une résolution désespérée. Il donna l'ordre de raser les remparts de ses villes et de ses châteaux, afin que nulle part l'ennemi ne pût s'établir solidement. Dans sa quatrième campagne, Pépin parvint donc aisément jusqu'à Limoges; Waïfre vint lui livrer bataille à Issoudun; mais ses Gascons ne purent tenir contre les Francs (763). Ceux-ci se retirèrent ensuite. peut-être à cause de la défection du duc de Bavière. Waïfre fit alors les plus grands efforts, attaquant les Francs à la fois vers Narbonne, en Bourgogne, en Touraine. Mais il fut abandonné par son oncle Remistan, un fils d'Eudes, qui fit hommage à Pépin. Après la cinquième campagne, toute l'Aquitaine septentrionale paraît domptée (765). En 766. les Francs arrivent jusqu'à Agen, sur la Garonne; ils mettent garnison à Angoulême et Périgueux. En mars 767, Pépin revient à la charge : parti de Narbonne, il prend Toulouse, conquiert l'Albigeois et le Gévaudan. Le duc d'Aquitaine était traqué jusque dans les forêts du Massif central. Pépin va tenir son champ de mai à Bourges et poursuit son indomptable adversaire à travers les rochers et les cavernes du Cantal et du Rouergue. Waïfre résiste encore; il est rejoint par Remistan, et la guerre se porte en Saintonge. Waïfre est vaincu : les Gascons eux-mêmes ont donné des otages. Il se cache quelque temps dans les forêts du Périgord et, le 2 juin 768, il est tué par un traître. Pépin le Bref mourut le 24 septembre 768, à l'âge de cinquante-quatre ans, après avoir partagé son héritage entre ses deux fils. Charles, l'aîné (né en 742 probablement), eut l'Austrasie, la Neustrie, l'Aquitaine occidentale; Carloman (né en 751) eut la Bourgogne avec la Provence, la Gothie, l'Aquitaine orientale, l'Alamanie avec l'Alsace, la Thuringe et la Hesse. Pépin le Bref a laissé une oeuvre inachevée : les Bavarois, les Saxons sont à dompter; les Sarrasins, refoulés, sont encore menaçants; le royaume lombard reste redoutable. Mais l'auteur du coup d'État de 751 a heureusement joué son rôle ingrat de fondateur de dynastie et de précurseur d'un grand règne. Celui de Charlemagne. Ce dernier fut couronné à Noyon, Carloman à Soissons. Les deux frères vivaient en mauvaise intelligence ; mais dès 771 Carloman mourut, et Charles demeura seul roi des Francs. (E. Lavisse / GE / J. Bouniol et E. Nouvel). |
. |
|
| |||||||||||||||||||||||||||||||
|