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La féodalité

• La féodalité (aperçu)

• Sociologie du système féodal

La féodalité française
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• Origine et formation du système féodal
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• La société féodale et ses principales fonctions
L'état social
Le régime politique

• Décadence et abolition de la féodalité



Le droit féodal
La chevalerie
Le mot féodalité désigne ordinairement l'ensemble des institutions publiques et privées qui ont régi la France ainsi que, sous des formes diverses, les autres nations de l'Europe occidentale pendant le Moyen âge, et dont la plus caractéristique, celle qui explique toutes les autres, était l'inféodation ou contrat de fief

Mais dans une acception plus large et plus générale, le mot féodalité est parfois entendu sans distinction de temps ni de pays, pour désigner tout régime politique, économique et social où se retrouvent en fait, sous quelque nom que ce soit, les caractères essentiels de celui qui prévalait alors en Europe. En Chine, au Japon, dans l'Egypte ancienne, dans l'Empire byzantin, dans l'Empire ottoman, au Mexique, des formes sociales analogues, par certains de leurs caractères, à la féodalité européenne; on a aussi voulu voir des formes de féodalité dans certaines autres sociétés, en Ethiopie et chez les Hovas de Madagascar, en Polynésie. 

Le régime féodal serait donc, comme la monarchie despotique ou comme la démocratie républicaine, « un des types généraux d'après lesquels les sociétés humaines tendent à se constituer spontanément dans des milieux et sous des conditions déterminées ». A vrai dire, il y a là un racourci qu'il est dangereux de prendre, un abus de langage. Si l'on excepte peut-être le Japon, où a existé un système qui a une certaine parenté avec la féodalité proprement dite, ce mode d'organisation sociale ne s'est constitué que dans l'Europe médiévale.

Etendue et subdivision de la période féodale

On peut dire que la féodalité fut constituée en France par le capitulaire de Quiersy-sur-Oise (877), qui reconnut la transmission héréditaire des fiefs et des grandes charges de l'Etat. Bien que la féodalité n'ait été abolie qu'en 1789 (L'Abolition des privilèges), elle commentait déjà à tomber en décadence au XIVe siècle, et l'accroissement du pouvoir royal pendant les siècles suivants la mit dans une position de plus en plus précaire et subordonnée. Sans doute le temps de sa domination ne fut pas l'âge d'or pour les plébéiens; néanmoins elle ne put enrayer la marche du progrès, et l'on doit constater, qu'elle fut compatible avec la transformation de l'esclavage antique en servage, qu'elle conserva l'idée de l'État, en reconnaissant la suprématie du roi comme suzerain, et enfin qu'elle admit une autorité morale pleinement indépendante de la force matérielle, celle de l'Église.

En France, la période féodale s'étend : du Xe au XVe siècle, de l'avènement de Hugues Capet, en 987, à l'avènement de François Ier, 1515.

Elle se subdivise en deux parties : la première va du Xe au XIIIe siècle, de Hugues Capet à Philippe le Bel (de 987 à 1285). C'est l'époque du complet épanouissement du régime féodal.

La seconde va du XIIIe au XVIe siècle, de Philippe le Bel à François Ier (de 1285 à 1515). C'est l'époque de la lutte du pouvoir royal contre les seigneurs, l'époque de la monarchie tempérée.

Origines de la féodalité en France 

La féodalité a été le résultat d'une cause générale et de nombreuses causes spéciales.

Cause générale : faiblesse des Carolingiens. 
La féodalité a eu pour cause générale la faiblesse des derniers rois Carolingiens. Charlemagne avait su reconstituer en quelque sorte l'ancien empire d'Occident en soumettant à sa domination puissante tous les royaumes barbares; il n'eut pas de continuateur. Son fils, Louis le Débonnaire, garda bien encore dans ses mains le gouvernement de cet immense empire; mais, à sa mort, l'empire franc fut partagé entre ses trois héritiers par le traité de Verdun (813), source première de la division des trois royaumes de France, d'Allemagne et d'Italie. Les rois de France, de plus en plus faibles, se montrèrent incapables de s'opposer à l'incursion des Vikings; ce furent les seigneurs qui durent s'armer pour défendre les populations contre ce nouveau fléau; les campagnes se couvrirent de châteaux-forts (castella); à la faveur des événements et de l'impuissance du pouvoir central l'anarchie se développa, donnant libre carrière à l'usurpation des droits régaliens par les seigneurs. La féodalité était constituée lorsque la dynastie carolingienne s'éteignit définitivement avec Louis V, pour faire place à une dynastie nouvelle en la personne de Hugues Capet, élu roi de France en 987.

Causes spéciales. 
Les causes spéciales de l'avènement de la féodalité sont très nombreuses : elles se rencontrent pour la plupart dans les institutions de la monarchie franque. Il suffira de les rappeler rapidement.

1° Notion de la souveraineté chez les Germains. - C'est d'abord la notion particulière que les Germains avaient de la souveraineté. Pour eux, les rois étaient en quelque sorte propriétaires de l'autorité royale; ils la transmettaient, en conséquence, comme les autres éléments de leur patrimoine; ils pouvaient aussi en détacher des attributs pour en disposer à leur gré en faveur de certains personnages considérables ou des établissements ecclésiastiques; d'où les concessions de droits régaliens.

2° Chartes d'immunités. - Ces concessions étaient généralement faites dans des actes d'une nature particulière, appelés chartes d'immunités; elles tendaient à un double résultat : l'un négatif, l'autre positif.

[L'origine des immunités a été très controversée. D'après Esmein, elle se rattacherait à l'organisation administrative du «-fiscus »; on appelait ainsi les territoires appartenant au roi, qui étaient administrés par des fonctionnaires spéciaux, et sur lesquels les comtes ne pouvaient exercer aucune autorité. Lorsque des domaines semblables étaient concédés à des particuliers, ils continuèrent à être soustraits à l'action des officiers royaux, On finit même par admettre ce régime pour des terres qui n'avaient jamais appartenu au fisc royal.]
Le résultat négatif consistait à interdire aux officiers du roi de pénétrer sur les terres de l'immuniste pour y accomplir aucun acte de souveraineté, perception d'impôt, levée de contingents militaires ou pour rendre la justice.

Le résultat positif était de permettre à l'immuniste d'exercer les mêmes droits dont étaient privés les agents du roi; à leur place, il recouvrait l'impôt, il rendait la justice dans un mallum, qui fonctionnait dans les mêmes conditions que le mallum du comte; enfin il exigeait le service militaire dont il était responsable vis-à-vis du roi.
[Presque toutes les églises et tous les couvents étaient bénéficiaires de chartes d'immunités. C'est ce qui explique, en partie, l'exemption d'impôts dont profitaient les biens du clergé sous la monarchie franque (Esmein).]
Commendatio franque. - L'usage de la commendatio personae qui amenait des hommes libres à se placer sous l'autorité et la protection d'autres hommes libres, plus puissants qu'eux est l'origine immédiate du groupement féodal, et la commendatio terreae, source du bénéfice carolingien, est l'origine directe du fief.

4° Appropriation des fonctions publiques. - Au début, les officiers royaux, comtes et ducs, étaient nommés par le roi et toujours révocables; en fait, ils restaient en charge pendant de longues années. Sous les Carolingiens ils sont nommés à vie et, très souvent, leurs fonctions se transmettent à leurs fils, comme un héritage. Cette coutume paraît générale dans la seconde moitié du IXe siècle, et le capitulaire de Quiersy-sur-Oise, rendu sous Charles le Chauve, en 877, en proclamant l'hérédité des offices de comtes, semble avoir consacré un fait acquis et non avoir créé une situation nouvelle. 

Cet édit fut rendu par Charles le Chauve au moment où il partait pour son expédition d'Italie. Il a pour but de régler le remplacement des fonctionnaires royaux qui viendraient à mourir pendant son absence. Il dit notamment que si le comte mourait, sa fonction serait dévolue sans conteste à son fils présent. Ce capitulaire prouve que dès cette époque les fonctions étaient héréditaires; sinon le roi n'aurait jamais eu l'idée d'un semblable système.]
Désormais, la fonction de comte apparaît comme un bénéfice entré dans le patrimoine de chacun d'eux; il ne l'exerce, plus au nom du roi, mais en son nom personnel. Il est devenu seigneur féodal.

Aperçu du régime féodal

Caractéristiques générales.
Le régime féodal  se caractérise par deux traits essentiels : 1° le morcellement de la souveraineté au profit des seigneurs : 2° la hiérarchisation corrélative des personnes et des terres.

Morcellement de souveraineté au profil des seigneurs.
Au Xe siècle, la France est divisée en un certain nombre de grandes seigneuries, subdivisées elles-mêmes en une foule de petites seigneuries. Chacune de ces seigneuries forme un petit Etat, dans lequel le seigneur haut justicier, véritable souverain, exerce des droits régaliens : droit de rendre la justice, droit de lever des impôts, droit de faire la guerre. La France présente l'aspect d'une fédération d'Etats ayant à sa tête le roi. Mais le roi, en cette qualité, a peu d'autorité; il n'a tous les attributs de la souveraineté que comme seigneur féodal sur les terres où il a conservé la haute justice.

Hiérarchisation corrélative des personnes et des terres.
Dans la société féodale, chaque homme libre est rattaché par un lien de vassalité à un seigneur; il en résulte pour le vassal des obligations personnelles de service militaire, de justice et de conseil, en échange de la protection que le seigneur lui procure. Comme ce seigneur a d'autres vassaux sous son autorité, il se trouve être ainsi le centre d'un groupement féodal. Lui-même peut avoir promis l'hommage à un autre seigneur plus puissant que lui, dont il est le vassal. Ce dernier se rattache à son tour à un seigneur plus élevé, celui-ci à un autre, et ainsi de suite, jusqu'au roi qui est le suzerain de tous les seigneurs, sans être lui-même le vassal d'aucun autre. C'est la chaîne des personnes.

Il est a noter, en passant, que, dans cette hiérarchie des personnes, chaque seigneur n'a de droits qu'à l'égard de son vassal immédiat; il n'a pas d'autorité directe, vis-à-vis de ses arrière-vassaux.

A la chaîne des personnes correspond, se soudant avec elle, la chaîne de terres. En recevant la foi et l'hommage d'un vassal, le seigneur lui concède une terre sur laquelle il garde le domaine direct et dont il n'abandonne que le domaine utile. Cette terre que ce seigneur a ainsi concédée, fait partie d'un territoire plus considérable qu'il a lui-même reçu en domaine utile d'un seigneur plus élevé, dont les terres proviennent également d'une concession d'un seigneur supérieur, et ainsi de suite jusqu'au roi dont les terres sont des francs alleux ne relevant de personne.

La société féodale.
Il peut sembler téméraire de tracer un tableau d'ensemble du régime féodal français; car, dans l'histoire de France comme dans celle des autres contrées de l'Europe, il n'y a pas d'époque où l'état social et les institutions politiques aient présenté plus de diversités locales, plus de nuances particulières. Même après la constitution définitive de ce régime, au XIIe et au XIIIe siècle, l'individualisme domine partout; les rapports privés d'homme à seigneur, de vassal à suzerain, se sont partout substituées aux relations publiques des particuliers avec l'Etat. Il n'y a pas de lois fixes, générales, obligatoires pour tous : le contrat d'homme à homme avec la force comme principale sanction, la coutume locale non écrite et mobile au gré de l'arbitraire, ce sont là les déterminantes essentielles qui règlent la marche de la société. Aussi la méthode la plus sûre, pour connaître exactement les institutions féodales, consisterait-elle à les étudier géographiquement, sous forme de monographies locales; à reprendre un à un, région par région, domaine par domaine, les innombrables contrats privés qui ont survécu, à les rapprocher des coutumes, des chroniques, des productions artistiques ou industrielles, pour reconstituer par une série d'études fragmentaires l'infinie diversité de cette civilisation.

Toutefois, on s'aperçoit bien vite que, sous la variété des détails, il y a un certain nombre de traits généraux qui reparaissent avec une persistance significative, non seulement dans une même région, mais à la fois dans toutes les parties du royaume. Les usages locaux étaient en grande partie empruntés aux législations précédentes (lois germaniques, droit romain, capitulaires royaux), qui étaient d'une application générale et avaient laissé en bien des lieux des traces identiques. Les pratiques ou les institutions nouvelles qui ne provenaient pas de cette source s'étaient formées presque partout sous l'influence des mêmes besoins, sous l'empire des mêmes nécessités; et soit qu'il y eût coïncidence naturelle, soit qu'il y eût imitation, les ressemblances étaient fréquentes. Enfin, principalement au XIIIe siècle, la rédaction par écrit d'un grand nombre de coutumes privées et de chartes communales, les compilations et les traités élaborés par les juristes pour les besoins de la pratique, la jurisprudence suivie par la cour du roi et par les principales cours féodales, quelques règlements et ordonnances rendus par les premiers Capétiens ou par les grands feudataires, avaient contribué à introduire dans les matières les plus importantes un certain nombre de règles générales qui s'étendaient à tout le royaume. Il y a donc, à côté d'usages particuliers à certaines localités, des institutions communes à toute la France féodale, qui ont fonctionné plus ou moins régulièrement pendant tout le Moyen âge, et que l'on peut légitimement présenter sous une forme synthétique. Il faut seulement se rappeler que cette synthèse ne contient que les principes essentiels et les usages les plus généraux, et que, dans leur application à une localité déterminée, ils recevaient souvent des modifications notables, que peut seule révéler la connaissance des histoires particulières ou l'analyse des documents privés.

Si l'on s'en tient à une vision générale, on peut dire que la féodalité consistait  dans la répartition du pouvoir souverain entre les hommes de la classe noble, et dans la hiérarchisation de ceux-ci les uns par rapport aux autre. Chacun d'eux dépendait d'un ou de plusieurs supérieurs, en même temps qu'il exerçait certains droits sur un ou plusieurs subordonnés. Il était vassal par rapport à celui ou à ceux dont il dépendait, et suzerain, par rapport à ceux sur lesquels il avait autorité et dont il pouvait exiger différents services.

L'exercice du pouvoir était attaché à la possession d'un domaine plus ou moins vaste appelé fief, et dans la circonscription duquel le maître jouissait d'une autorité absolue. A sa mort, ce domaine appartenait à son fils aîné. Il avait été concédé à ses ancêtres par un suzerain, moyennant certaines obligations. Le vassal devait fiance, justice, service militaire à son suzerain; il était tenu de l'assister de ses conseils, de siéger à sou tribunal et de combattre à la guerre à ses côtés chaque fois qu'il en était requis. Il lui devait, en outre, une aide en argent dans certaines circonstances, par exemple lorsque celui-ci armait son fils chevalier, lorsqu'il mariait sa fille aînée, lorsqu'étant l'ait prisonnier de guerre, il fallait payer une rançon pour sa délivrance. De son côté, le seigneur suzerain était tenu de protéger son vassal dans ses biens et dans sa personne. 

Le vassal perdait son fief s'il ne l'administrait pas selon les coutumes féodales (le Droit féodal), s'il attentait à la personne du suzerain ou de quelqu'un de ses gens. En retour, le suzerain perdait toute autorité sur son vassal s'il le frappait, s'il lui refusait justice contre ses égaux ou s'il ne le secourait pas lorsqu'il était attaqué par un autre seigneur. Le vassal, pour être investi de son fief, devait préter foi et hommage au suzerain de qui il relevait.

A la tête de toute cette organisation, de cet enchevêtrement des rôles de vassaux et de suzerains, était le roi que tous reconnaissaient être la source de leur puissance, mais qui, à l'origine de la féodalité, n'avait qu'une autorité nominale. Une confusion inextricable régnait dans les rangs de ces détenteurs du pouvoir. Quelquefois un roi, un prince possesseur d'un vaste domaine était vassal d'un petit seigneur pour un de ses fiefs. D'autres fois, un vassal avait plusieurs suzerains auxquels il devait également le service militaire, lorsqu'ils combattaient les uns contre les autres. Enfin il arrivait que deux vassaux étaient réciproquement suzerain et vassal l'un par rapport à l'autre. 

Quant aux individus qui n'étaient pas nobles, qu'ils fussent serfs ou colons, ils étaient tous confondus sous les dénominations de vilains, de mainmortables, d'hommes de poéste, de gens de corps, de gens de chef; on ne leur reconnaissait aucun droit, Ils étaient déclarés taillables et corvéables à merci; ils ne pouvaient ni se marier, ni changer de demeure sans l'agrément du seigneur; ils étaient tenus de porter leur blé au moulin banal établi dans la seigneurie, de cuire leur pain au four banal, de labourer, d'ensemencer, de moissonner les terres du maître et d'exécuter tous les travaux manuels qu'il leur commandait. C'était là ce qu'on appelait la corvée. 

Les habitants des villes, qui avaient pu acquérir quelque aisance et qui formaient la classe des bourgeois, étaient un peu moins assujettis. Ils obtenaient souvent du seigneur de la ville ou bien lui arrachaient par force certaines immunités, certains privilèges et quelques garanties de liberté. (B. / Ch. Mortet / René Foignet).

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