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Histoire de l'Europe

 
L'histoire de l'Allemagne
La Germanie
[Les populations germaniques]

L'Allemagne au Moyen-Age
[Le Saint-Empire romain germanique]

L'Allemagne aux XVIe, XVIIe et XVIIIe s.
L'Allemagne au XIXe siècle
[La Guerre de 1870]

L'Allemagne au XXe siècle
[La Première Guerre mondiale]
[La Seconde Guerre mondiale]

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Longtemps connue sous le nom de Germanie, cette vaste contrĂ©e qu'est l'Allemagne fut, après l'invasion des Barbares, partagĂ©e entre une foule de peuples indĂ©pendants (Alamans, Francs, Saxons, Slaves, Avars, etc.), jusqu'au moment oĂą Charlemagne les soumit et les incorpora vers l'an 800 Ă  son empire. 

Le Moyen âge allemand.
En les plaçant ainsi sous un seul gouvernement les peuples de la Germanie, Charlemagne fondait l'Allemagne. Le traitĂ© de Verdun, par lequel les fils de Louis le DĂ©bonnaire divisèrent entre eux, l'an 843, les États de leur père, sĂ©para l'Allemagne de la France. Louis, surnommĂ© le Germanique, eut en partage l'Allemagne proprement dite jusqu'au Rhin, et, sur le Rhin, Mayence, Spire et Worms. L'autoritĂ© du, souverain de ce nouvel État Ă©tait fortement limitĂ©e pat le rĂ©gime fĂ©odal, qui imprima Ă  la constitution de l'empire germanique un principe de division dont le caractère national et diverses circonstances particulières favorisèrent le dĂ©veloppement. Au premier rang des causes qui ont empĂŞchĂ© l'Allemagne d'arriver Ă  l'unitĂ© politique, il faut placer les changements de dynastie, les expĂ©ditions en Italie et les luttes avec le Saint-Siège. L'Ă©tablissement des grands-duchĂ©s, sous les faibles descendants de Charlemagne, prĂ©serva le pays des invasions Ă©trangères et maintint l'ordre; mais il fut aussi une puissante cause d'affaiblissement pour le pouvoir souverain. 

A l'extinction de la famille carolingienne en Allemagne, en 911, la monarchie devint Ă©lective; mais les souverains se servirent souvent de leur autoritĂ© pour faire Ă©lire leur hĂ©ritier. Le choix des princes, sur le refus d'Othon, duc de Saxe et de Thuringe, appela au trĂ´ne, en 912, Conrad de Franconie. La maison de Saxe y parvint avec son successeur, Henri Ier l'Oiseleur, dont le fils, Othon le Grand, rĂ©tablit en 962 l'empire de Charlemagne, vacant depuis 924. PortĂ©e prĂ©cĂ©demment par des rois de France, d'Allemagne et d'Italie, la couronne impĂ©riale, confĂ©rĂ©e par le pape, ne fut plus donnĂ©e qu'aux souverains de l'Allemagne. A la maison de Saxe succĂ©da celle de Franconie par l'Ă©lection de Conrad II, dit le Salique. Cette famille occupa le trĂ´ne pendant un siècle, 1024-1125. Les bases de sa grandeur furent posĂ©es par Conrad II, qui rĂ©unit la Bourgogne Ă  l'Allemagne, et força le duc de Pologne Ă  se reconnaĂ®tre son vassal. Henri III le Noir diminua la puissance des grands vassaux. Il s'en prit Ă  la constitution de l'Église en dĂ©crĂ©tant qu'aucun pape ne serait Ă©lu sans le consentement de l'empereur. Il prĂ©para ainsi la querelle du sacerdoce et de l'empire. Mais GrĂ©goire VII, dans la rĂ©sistance qu'il opposa aux prĂ©tentions de Henri IV, et dans sa lutte pour l'affranchissement du Saint-Siège, unit la cause, de la libertĂ© de l'Église Ă  celle de l'indĂ©pendance des princes allemands, et acheva de rendre la dignitĂ© impĂ©riale Ă©lective. 

Henri IV fut dĂ©trĂ´nĂ© par son propre fils Henri V le Jeune, qui s'arrogea aussi le droit d'investiture, et finit par y renoncer en 1122. La paix fut rĂ©tablie entre l'autoritĂ© spirituelle et le pouvoir temporel. L'avènement Ă  l'empire de la maison de Hohenstaufen, en 1138, fut le commencement de la lutte sanglante des Guelfes et des Gibelins. FrĂ©dĂ©ric Barberousse, un des plus grands souverains de l'Allemagne, Ă©leva la puissance impĂ©riale Ă  un très haut degrĂ©. Henri VI le Cruel, fils de FrĂ©dĂ©ric, s'empara du royaume de Naples et de Sicile, et s'y fit dĂ©tester par ses cruautĂ©s. Il travailla Ă  rendre la couronne impĂ©riale hĂ©rĂ©ditaire dans sa famille; mais le Saint-Siège s'opposa Ă  ce projet. FrĂ©dĂ©ric ll, dont le grand pape Innocent III avait Ă©tĂ© le tuteur, entra en lutte avec le Saint-Siège, et agit en souverain absolu dans toute l'Italie. Il Ă©tait dĂ©jĂ  excommuniĂ© lorsque le pape Innocent IV, qu'il avait contraint de sortir d'Italie, l'excommunia de nouveau dans le concile oecumĂ©nique de Lyon, et le dĂ©clara dĂ©chu du trĂ´ne en 1245. La victoire demeura au Saint-Siège contre la maison de Hohenstaufen. 

A la mort de Conrad IV, dernier souverain allemand de cette famille, commença pour l'Allemagne une Ă©poque d'anarchie, appelĂ©e Interrègne, 1254-1273, durant laquelle il n'y eut plus de droit que le droit du plus fort, Faustrecht, le droit du poing, comme l'appellent les Allemands. Rodolphe de Habsbourg, Ă©lu empereur en 1275, porta sur le trĂ´ne la piĂ©tĂ© unie au courage, rĂ©tablit l'autoritĂ© et fonda la grandeur de sa maison. Après le court règne d'Adolphe de Nassau (1292), Albert, fils de Rodolphe, fut Ă©lu (1298); la couronne passa ensuite Ă   Henri VII, de la maison de Luxembourg (1308). Il acheva de consolider l'ordre en Allemagne et donna la Bohème Ă  sa maison. Mais il fit sans succès une expĂ©dition en Italie, et mourut en 1313 au delĂ  des Alpes, que ses prĂ©dĂ©cesseurs n'avaient plus franchies depuis Conrad IV. Louis IV de Bavière et FrĂ©dĂ©ric le Bel, fils d'Albert, se disputèrent la couronne (1313-1322); Louis, vainqueur, combattit Ă  la fois le pape et le roi de France; il fut couronnĂ© empereur en 1328, mais ne put vaincre Charles de Luxembourg, roi de Bohème, que le pape lui opposait. Après la mort de Louis (1347), Gautier de Schwartzbourg fut Ă©lu (1348), puis Charles IV de Luxembourg reçut la couronne. Par la Bulle d'Or, qui devint la constitution fondamentale de l'empire, Charles IV de Luxembourg rĂ©gla la procĂ©dure des Ă©lections Ă  l'Empire (1356); comme empereur, il laissa le champ libre aux princes, mais il annexa Ă  ses États particuliers la Moravie, la Lusace et le Brandebourg.

L'Allemagne n'avait plus de vie collective, pas d'armée, pas de finances, pas de justice; la guerre était partout. L'Allemagne grandissait cependant, toujours au détriment des Slaves, par les progrès de la marche de Brandebourg, et par les conquêtes de l'ordre Teutonique entre la Vistule et le Niémen. C'est sur les frontières disputées de l'Est que se formaient les États qui devaient dominer l'Allemagne, l'Autriche et la Prusse.

Le règne de Wenceslas, fils de Charles IV (1378), marque les progrès de l'anarchie; en 1400, on lui oppose Robert, comte palatin, qui meurt en 1410; puis Josse de Moravie. Sigismond, frère de Wenceslas, est élu (1410); son expédition en Italie a eu moins d'importance que les querelles religieuses (guerre des Hussites, concile de Constance, schisme d'Occident), qui ont rempli son règne. A sa mort s'éteignit la maison de Luxembourg. Son gendre, Albert d'Autriche, fut élu; et la maison d'Autriche allait garder, presque sans interruption jusqu'en 1806, la couronne, encore élective en droit. C'est un des faits les plus considérables de l'histoire du monde occidental; si faibles qu'aient pu être les Habsbourg en tant qu'empereurs, ils dominaient l'Allemagne, et d'heureuses circonstances allaient ajouter à leurs territoires une grande partie de l'Europe : la Hongrie, la Bohème, l'Espagne, les Pays-Bas, la Franche-Comté, puis une partie de l'Italie, et enfin de l'Amérique.

Frédéric III (1440) s'occupe surtout de ses États héréditaires; il réussit à faire élire de son vivant roi des Romains, c'est-à-dire héritier présomptif de l'Empire, son fils Maximilien. Celui-ci (1493) voit voter par les diètes de Worms (1495), d'Augsbourg (1500), de Cologne (1512), les actes constitutifs de l'organisation fédérative de l'Empire, consécration de la situation de fait; la Chambre impériale, la régence d'Empire, la division en cercles. Ces institutions, qui eussent donné un centre à l'émiettement de l'Allemagne, demeurèrent vaines.

La Renaissance et les Temps modernes.
La Réforme troubla profondément l'Allemagne, au moment même où celle-ci avait à résister à l'invasion ottomane, déjà victorieuse en Hongrie(1526). Si puissant que fût Charles-Quint (1519), il ne pouvait soutenir à la fois toutes ses entreprises. La Réforme trouva dans l'Allemagne un terrain plus favorable à son expansion que tout autre, parce que l'autorité du souverain ne pouvait lui opposer la même résistance qu'en Espagne et en France. Charles-Quint, après une longue lutte, dut, en 1555, reconnaître la conversion de la majorité des princes laïques, et la sécularisation d'une partie des principautés ecclésiastiques au profit soit de leurs prélats convertis, soit de leurs voisins ambitieux. En même temps, l'expansion germanique cessait vers le Nord et vers l'Est; ce n'étaient pas seulement les Turcs qui menaçaient l'Autriche; la Pologne prenait l'offensive; la formation des États scandinaves refoulait les progrès des Allemands, et leur marine supplantait celle de la Hanse, dont la découverte de l'Amérique acheva la ruine.

Le XVIe siècle, où la Maison d'Autriche paraissait pouvoir aspirer à la monarchie universelle, fut en réalité une époque de recul et d'anarchie pour l'Allemagne. Le partage des domaines de la maison de Habsbourg, après l'abdication de Charles-Quint(1556), laisse subsister entre les deux branches les liens d'une politique commune. Les entreprises de la monarchie espagnole contribuèrent ainsi à attirer la guerre en Allemagne, aussi bien que la lutte entre le protestantisme envahissant et la réaction catholique. L'Allemagne, pendant deux siècles, fut, avec l'Italie, le champ clos des grandes guerres européennes Ferdinand Ier (1556), Maximilien II (1564), Rodolphe Il (1576), Mathias (1612), n'ont guère marqué. Mais Ferdinand II (1619) avait de grands desseins : il poursuivait à la fois la restauration de l'autorité impériale et celle du catholicisme. La guerre de Trente Ans (1618), parut d'abord tourner au profit de l'empereur; l'édit de Restitution (1629) consacrait le succès de la réaction catholique. L'intervention de la Suède, soutenue par les subsides de la France, puis celle de la France même, changèrent le cours des événements. Gustave-Adolphe fut tué à Lutzen (1632). Richelieu fit entrer en campagne les troupes françaises; après une série de victoires, il était réservé à Mazarin de diriger les négociations françaises au Congrès de Westphalie (tenu simultanément à Munster et à Osnabruck). Les traités de Westphalie (1648) arrêtèrent les hostilités, mais l'Allemagne sortait de cette épreuve couverte de ruines, après avoir souffert tous les maux qu'une guerre peut entraîner.

Les traités de Westphalie consacraient l'anarchie politique de l'Allemagne. L'autorité de l'empereur était définitivement annulée; la souveraineté territoriale (landerhoheit) était reconnue aux princes, qui étaient, chez eux, maîtres absolus au point que le principe de la religion d'État était posé : cujus regio, ejus religio. L'équilibre était établi entre un « corps catholique » et un « corps évangélique ». Un grand nombre de seigneuries d'ordre inférieur étaient réunies aux domaines de princes plus puissants : ainsi se continuait le travail de concentration qui devait amener l'Allemagne au point où elle en sera au temps de Bismarck, où quelques rares principautés représenteront seules les milliers de principautés existant autrefois. Des sécularisations de territoires ecclésiastiques achevaient de donner à l'oeuvre du Congrès le caractère d'un partage entre les princes les plus importants et les plus avides.

L'anarchie ainsi constituée était garantie par les hautes puissances contractantes, «-protectrices des libertés germaniques ». Les princes étrangers avaient d'ailleurs place officiellement en Allemagne, ce qui leur assurait un droit permanent d'intervention. Les rois du Danemark et de Suède faisaient partie de la Diète, en qualité de seigneurs de principautés allemandes. Le roi de France ne s'était pas fait donner ce droit en annexant l'Alsace, mais Mazarin organisa la Ligue du Rhin entre les princes qui désiraient s'appuyer sur la France contre la Maison d'Autriche; le roi de France fut le protecteur de cette Ligue (1658).

Dans ces conditions, l'Allemagne devait rester le théâtre des grandes guerres entre les Maisons de France et d'Autriche, pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle. Il n'y a plus d'histoire collective de l'Empire. Ferdinand III (1637), Léopold (1658), Joseph Ier (1705), Charles VI (1711-1740), furent les chefs de la Maison d'Autriche, n'ayant en Allemagne d'autre pouvoir, quoique empereurs, que celui que leur assuraient leurs possessions propres. La Diète, devenue perpétuelle en 1613, était un corps sans autorité, conduisant avec une solennelle lenteur des délibérations sans résultat. L'«-armée des cercles », et les autres institutions impériales sont annihilées, sinon ridicules. Pendant près d'un siècle, on ne peut citer comme intéressant l'Allemagne d'une manière générale que la cession de Strasbourg (1697) et de la Lorraine (1766) à la France, et la création d'un neuvième électorat au profit du duc de Hanovre (1708). L'accession de l'électeur de Saxe au trône de Pologne (1697) et de l'électeur de Hanovre au trône d'Angleterre (1782) achèvent de donner une sorte de caractère international à l'Allemagne, de plus en plus entraînée dans des affaires qui lui sont étrangères.

Le fait capital de l'histoire de l'Allemagne, durant ce siècle (1648-1740), fut l'accroissement continu de l'électorat de Brandebourg, ou plutôt de la Prusse. L'électeur de Brandebourg devint roi de Prusse en 1700; et la Prusse existait avec son organisme essentiel à l'avènement de Frédéric II. Depuis lors, jusqu'en 1866, l'histoire de l'Allemagne peut se concentrer dans l'histoire de la rivalité de la Prusse et de l'Autriche. La France joue son rôle, presque toujours maladroitement, dans les diverses phases de cette lutte; à chaque moment décisif, c'est elle qui hâte les progrès de la Prusse. Frédéric II fit de son royaume une des grandes puissances européennes; il laissa la couronne impériale a la Maison d'Autriche, ou plutôt à la Maison de Lorraine, à laquelle Marie-Thérèse, fille de Charles VI, et mariée à François de Lorraine, l'apporta après le règne éphémère de Charles VII, électeur de Bavière (1740-1745), mais, quand Joseph Ier (1765-1790) voulut annexer la Bavière, la Prusse l'en empêcha, à la tête d'une ligue de princes allemands (1785). Tout accroissement en Allemagne était donc interdit à l'Autriche; il lui restait la marche vers l'Est, qu'elle avait entreprise dès la fin du XVIIe siècle en repoussant les Turcs arrivés devant Vienne et en leur reprenant la Hongrie, marche dont le traité de Passarovitz (1718) a marqué la pointe la plus avancée, et qu'avait arrêtée le traité de Belgrade (1739), mais qui n'a cessé d'être un des objectifs de l'Autriche, hésitante entre deux destinées.

Le temps de l'unité allemande.
A la fin du XVIIIe siècle, l'Allemagne était une fédération de deux grands États, de deux États moyens (Bavière et Saxe), de grandes principautés, laïques ou ecclésiastiques (ayant de 150 000 à 800 000 habitants), de petites principautés, de 51 villes libres et d'une multitude de seigneuries : en tout 1800 États, dont 350 seulement avaient une étendue appréciable, et dont une centaine ont véritablement une histoire. La Révolution française transforma ce chaos. D'une part, elle éveilla en Allemagne les idées nationales, et, d'autre part, par les nombreux remaniements territoriaux dont elle fut la cause, elle ramena à quelques unités le nombre des principautés.

La paix de LunĂ©ville (1801) cĂ©da la rive gauche du Rhin Ă  la France; Ă  titre de compensation, la Prusse et les autres États importants qui Ă©taient dĂ©possĂ©dĂ©s de leurs territoires de la rive gauche dĂ©pouillèrent les princes, seigneurs et villes libres de la rive gauche. La Bavière et le Wurtemberg reçurent le titre de « royaumes » (1805); Bade s'agrandit; ces États et plusieurs autres s'unirent en une ConfĂ©dĂ©ration du Rhin, placĂ©e sous la protection de l'empereur des Français (NapolĂ©on I), et destinĂ©e Ă  fournir Ă  la France un point d'appui contre la Prusse et l'Autriche. François II, qui avait pris en 1804 le titre d'« empereur d'Autriche », renonça au Saint-Empire romain germanique, qui avait vĂ©cu mille ans. 

L'Autriche, toujours vaincue, ne disparut pas, et la Prusse  dĂ©membrĂ©e, se rĂ©gĂ©nĂ©ra, tandis que la Pologne, ne ressuscita pas, malgrĂ© la crĂ©ation du grand-duchĂ© de Varsovie. Ainsi l'unitĂ© de l'Allemagne s'Ă©tait dĂ©veloppĂ©e sous l'influence des idĂ©es rĂ©volutionnaires et sous l'inspiration des penseurs allemands; les invasions napolĂ©oniennes en avaient hâtĂ© le progrès, et les rĂ©organisateurs de la Prusse avaient paru incarner l'idĂ©e nationale victorieuse en 1813-1814. La ConfĂ©dĂ©ration germanique, organisĂ©e par le Congrès de Vienne, ne comprenait que 39 membres, dont deux très grands (Autriche et Prusse) et 10 plus ou moins considĂ©rables; elle n'avait pas de vie propre. La lutte Ă©tait inĂ©vitable entre la Prusse et l'Autriche, et les autres princes ne pouvaient former le noyau d'une troisième Allemagne. La Prusse, qui paraissait plus libĂ©rale et plus allemande que sa rivale, Ă©tait divisĂ©e en tronçons; mais la sĂ©paration mĂŞme de ces tronçons (on lui avait donnĂ© les provinces RhĂ©nanes) Ă©tait un stimulant pour des agrandissements qui la transformeraient un jour en un tout compact.

L'Autriche devenait de moins en moins allemande, cherchant sa destinée en Italie ou en Orient, pendant que les nationalités soumises à l'empereur prenaient conscience de leurs diversités culturelles. Fixons seulement quelques dates, à titre de points de repère : l'agitation libérale (1817-1819), la concession de constitutions à quelques États (1830), l'institution du Zollverein (1828), les menaces de guerre en 1840 qui excitèrent profondément les esprits contre la France, les révolutions de 1848, le Parlement de Francfort qui vota une Constitution unitaire, mais ne put aboutir à un résultat pratique, le triomphe de la réaction en Autriche et en Prusse, les timides tentatives de la Prusse pour créer une nouvelle organisation de l'Allemagne (parlement d'Erfurt, 1850), son humiliation devant l'Autriche, la restauration de la Diète de Francfort (1851); puis, les années suivantes, les progrès de l'influence de la Prusse, l'arrivée de Bismarck au pouvoir (1862), la guerre des Duchés (1864), le débat qui s'en suivit entre la Prusse et l'Autriche, la guerre de 1866. L'Autriche fut exclue de la Confédération germanique, que la Prusse put réorganiser à sa guise; c'était un résultat dû à de longs efforts dont la politique audacieuse de Bismarck et les erreurs de Napoléon III avaient hâté l'accomplissement.

Les années Bismarck.
Les circonstances ne permettaient cependant pas d'achever l'unité. La Prusse, après avoir annexé le Hanovre, la Hesse électoral, le Nassau, Francfort, le Slesvig-Holstein, se contenta de réunir dans la Confédération de l'Allemagne du Nord les États situés au Nord du Main; elle y fit entrer ses territoires non allemands, La nouvelle Confédération était sous sa souveraineté en fait, et un Reichstag commun, élu au suffrage universel donnait à son autorité la solide base du sentiment national. Des conventions militaires secrètes l'unirent aussitôt aux États du Sud, mais une union plus complète aurait rencontré de grands obstacles si l'affaire de Luxembourg (1867), puis la politique de Napoléon Ill, lors de l'arrivée d'un Hohenzollern au trône d'Espagne (1870), n'avaient précipité le mouvement national; les États du Sud prirent part, sans hésiter, à la guerre franco-allemande; les victoires de 1870-1871 achevèrent l'exaltation du sentiment patriotique et unitaire, et l'empire fut proclamé à Versailles, le 18 janvier 1871. Le 10 mai, la paix de Francfort cédait à l'Allemagne l'Alsace-Lorraine, « terre d'Empire ».

L'unité était achevée, mais l'ère des difficultés commençait. Bismarck, chancelier de l'empire, développa l'industrie du pays et son commerce, encouragea la recherche scientifique, mais il s'usa dans sa lutte contre l'Église catholique, qui a dans le sein du Reichstag un parti puissant, le Centre (Kulturkampf, 1872-1886), contre le socialisme et contre le parlementarisme. Sa politique extérieure hors d'Europe se caractérise, à partir de 1883, par l'acquisition de colonies en Afrique (Sud-Ouest africain, Togo), en Extrême-Orient et dans le Pacifique. En Europe, la politique extérieure de Bismarck eut pour fondement l'idée de conserver les conquêtes acquises, par un système d'alliances exclusif de la France. Après avoir opéré, dès 1871, un rapprochement avec l'Autriche, il prit comme base de sa politique l'alliance des trois empereurs (1872-1873), mais, après la crise orientale (La Question d'Orient) dans laquelle il avait contribué à réduire les avantages obtenus par la Russie (Congrès de Berlin, 1878), il dut renoncer à d'autres combinaisons. L'alliance de 1879 avec l'Autriche (« Duplice ») eut comme suite la « Triple alliance » ou « Triplice » (Allemagne, Autriche, Italie), le fait fondamental de la politique internationale de 1871 et la Première Guerre mondiale

Depuis lors, les relations de la Russie et de l'Allemagne passèrent par des alternatives diverses, sans revenir jamais à l'intimité; l'entente franco-russe, depuis les fêtes de Cronstadt (1891), montra qu'il existait en Europe un autre groupe de Puissances; chacun des deux groupes manifestant, d'ailleurs, la prétention de ne vouloir que la paix, mais la paix armée. Ce régime d'armement à outrance, résultat de la paix de Francfort, devait peser lourdement sur l'Europe.

Le Kaiser et la première Guerre mondiale.
Après le règne Ă©phĂ©mère de FrĂ©dĂ©ric III (mars-juin 1888), qui avait Ă©veillĂ© des espĂ©rances libĂ©rales, l'avènement de Guillaume II, le Kaiser (du latin Caesar), donna tout d'abord des craintes qui, dans un premier temps, ne se sont pas rĂ©alisĂ©es. La politique extĂ©rieure de l'Allemagne ne se modifia pas dans ses lignes gĂ©nĂ©rales; elle prit plutĂ´t pendant un certain temps, malgrĂ© quelques manifestations bruyantes, une allure plus pacifique et plus loyale. La chute de Bismarck (mars 1890) remit la rĂ©alitĂ© du pouvoir entre les mains de l'empereur lui-mĂŞme, dont la personnalitĂ© ne cessa plus de se manifester frĂ©quemment, relĂ©guant au second plan celles des chanceliers : Caprivi (1890), Hohenlohe (1895). Comme l'Ă©tait Bismarck, le Kaiser est partisan d'une «-politique mondiale », mais lui ira au-delĂ  des simples provocations. 

Le 28 juin 1914, un attentat Ă  Sarajevo, coĂ»te la vie au prince-hĂ©ritier d'Autriche, l'archiduc François-Ferdinand. L'Autriche dĂ©clare alors la guerre Ă  la Serbie. l'Allemagne se range aussitĂ´t aux cĂ´tĂ©s de l'Autriche et lance un ultimatum Ă  la Russie, alliĂ©e de la Serbie, qui commence Ă  mobiliser ses troupes, et Ă  la France, liĂ©e elle-mĂŞme Ă  la Russie par une autre alliance. Refusant de rester neutre, la France dĂ©clare la guerre Ă  l'Allemagne, le 3 aoĂ»t. La Belgique, refusant de laisser passer l'armĂ©e allemande est aussitĂ´t envahie. Le mĂŞme jour l'Angleterre, demandant le respect de la neutralitĂ© belge dĂ©clare Ă  son tour la guerre Ă  l'Allemagne. Le 6 aoĂ»t, l'Autriche-Hongrie dĂ©clare la guerre Ă  la Russie, puis, le 11 et le 12 aoĂ»t, la France et l'Angleterre, respectivement, dĂ©clarent la guerre Ă  l'Autriche-Hongrie. Ainsi commence la Première Guerre mondiale, qui durera quatre ans, impliquera aussi les États-Unis Ă  partir de 1917, et se soldera par un carnage (au moins une dizaine de millions de morts, 21 millions de blessĂ©s). L'Allemagne aux abois doit signer Ă  Rethondes l'armistice du 11 novembre 1918 et Guillaume II partir en exil. 

Le Traité de Versailles.
Le 28 juin 1919 est signĂ© Ă  Versailles un traitĂ© de paix, dont l'un des aspects concernera le nouveau tracĂ© des frontières en Europe. L'Allemagne se trouve de plus amputĂ©e d'une partie de son territoire  (68 000 km² , soit 8 millions d'habitants) et il lui est interdit de s'unir avec l'Autriche; l'Alsace et la Lorraine reviennent Ă  la France; des parcelles de son territoire sont attribuĂ©s Ă  la Belgique; les provinces polonaises (SilĂ©sie) occupĂ©es depuis plus d'un siècle retourne Ă  une Pologne renaissante; la Prusse orientale est coupĂ©e en deux par un passage laissĂ© Ă  la Pologne pour lui donner accès Ă  la mer; Dantzig, bien que dans la zone douanière polonaise, a le statut de ville libre et est administrĂ©e par la SDN; le Slesvig du Nord revient au Danemark.

L'Allemagne perd en outre toutes ses colonies, que la SDN place sous administration de divers pays : les plus grandes parties du Cameroun et du Togo sont rattachĂ©s Ă  l'empire colonial français, le reste revenant Ă  l'empire britannique, qui s'agrandit Ă©galement des possessions allemandes en Afrique orientale. Le Sud-Ouest africain (Namibie) est placĂ© entre les mains de l'Afrique du Sud, et le Rwanda-Urundi entre celles de la Belgique; les Ă®les allemandes du Pacifique reviennent soit au Japon (Ă®les du Pacifique Nord), soit Ă  l'Australie (Nouvelle-GuinĂ©e) ou Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande (Samoa). 

Enfin, des réparations au titre des dommages de guerre sont également demandées à l'Allemagne (le montant sera précisé plus tard); le traité prévoit aussi que le pays verra sa capacité militaire fortement amoindrie, et une partie de son territoire (Sarre, Rhénanie) démilitarisée et occupée temporairement par les Alliés.

L'Allemagne de 1919 Ă  1945.
La disparition de l'Empire allemand laisse la place dès 1918 Ă  une dĂ©mocratie parlementaire (deux assemblĂ©es : le Reichsrat formĂ© des dĂ©lĂ©guĂ©s des länder (= «-pays» ), et le Reichstag, formĂ© de dĂ©putĂ©s Ă©lus au suffrage universel), fĂ©dĂ©raliste (17 länder), dont la constitution est ratifiĂ©e en aoĂ»t 1919. C'est la RĂ©publique de Weimar, prise en main dès le dĂ©part par deux sociaux-dĂ©mocrates, Ebert, qui devient chancelier, et un de ses ministres, Scheidemann. 

La RĂ©publique de Weimar.
L'histoire de la fragile République de Weimar peut se diviser en quatre périodes :

1°) La première période est marquée par le chaos qui suit la guerre et le mécontentement que suscitent dans la population les conditions imposées par le Traité de Versailles. De nombreux troubles éclatent : irritation contre la Prusse, velléités séparatistes dans les États du Sud, projets de groupements nouveaux, de républiques régionales (la république de Rhénanie du Dr Dorten), progrès du bolchévisme et congrès des soviets allemands à Berlin; résistance du gouvernement provisoire et coup d'Etat des socialistes majoritaires Ebert, Scheidemann et Noske (5 décembre 1918), qui se rapprochent des partis bourgeois et rompent avec les indépendants; ceux-ci se liguent avec les communistes extrêmes, Spartakistes et bolchéviks, et tentent par deux fois de s'emparer du pouvoir : sanglantes émeutes en décembre 1918 et janvier 1919, les deux partis se servent de mitrailleuses, d'autos-canons, de tanks et même d'avions de bombardement, - destructions et pillages; victoire du gouvernement qui ne veut ou ne peut empêcher le meurtre des deux révolutionnaires Liebknecht et Rosa Luxembourg.

Le 19 janvier ont lieu les Ă©lections pour l'AssemblĂ©e nationale dans un calme relatif, les bureaux de vote Ă©tant gardĂ©s par 80.000 soldats, et les rĂ©sultats sont favorables au gouvernement; mais, tandis que l'AssemblĂ©e se rĂ©unit Ă  Weimar le 6 fĂ©vrier et confirme Ebert dans ses fonctions de prĂ©sident du Reich, des insurrections communistes Ă©clatent en mĂŞme temps Ă  BrĂŞme, Hambourg, Leipzig, Brunswick, Dusseldorf, etc.; dans le Sud, l'assassinat du dictateur socialiste bavarois Kurt Eisner le 20 fĂ©vrier provoque Ă  Munich, Ă  Augsbourg, Ă  Nuremberg, une rĂ©volution ouvertement bolchĂ©viste (la rĂ©publique des soviets fut proclamĂ©e), suivie d'une Ă©pouvantable anarchie. Les Bavarois se battaient entre eux et n'obĂ©issaient ni au gouvernement du Reich ni Ă  l'AssemblĂ©e de Weimar qui ne communiquait plus que difficilement avec le reste de l'Allemagne. A Berlin, grève gĂ©nĂ©rale et troisième insurrection des Spartakistes, dont le ministre de la guerre Noske ne vint Ă  bout qu'après une lutte furieuse et sans merci. L'opinion, Ă  l'Ă©tranger, Ă©tait tout Ă  fait pessimiste. 

« La Russie a Ă©tĂ© rĂ©duite en morceaux, disait le 3 mars Lloyd George, je regrette de constater que l'Allemagne paraĂ®t marcher vers le mĂŞme Ă©tat de choses.» 
La rĂ©alitĂ© fut moins tragique. Noske, qui disposait de forces considĂ©rables, intimida les communistes, supprima partout les soviets, mit en Ă©tat de siège « l'État libre de Saxe-», et marcha Ă  la fin d'avril sur Munich oĂą le gouvernement lĂ©gal fut rĂ©tabli, Ă  la grande satisfaction des habitants. 

Lorsque Ebert, qui Ă©tait restĂ© Ă  Weimar, rentra Ă  Berlin, le danger d'une rĂ©volution avait disparu. L'AssemblĂ©e, dont les socialistes majoritaires alliĂ©s au centre catholique formaient la majoritĂ©, choisit comme prĂ©sident Fehrenbach, ancien prĂ©sident du Reichstag. La constitution qu'elle vota Ă©tait très dĂ©mocratique; le prĂ©sident du Reich Ehert et le chef du ministère responsable Scheidemann Ă©taient socialistes, mais Erzberger Ă©tait toujours secrĂ©taire d'État, le comte de Brockdorf-Rantzau ministre des affaires Ă©trangères, les fonctionnaires du rĂ©gime impĂ©rial Ă©taient maintenus il leurs postes, Hindenburg conservait son commandement « pour assurer la dĂ©mobilisation-». 

2°) En 1923, l'Allemagne sombre dans une crise monĂ©taire grave (hyper-inflation). Son Ă©conomie s'effondre et elle se voit dans l'impossibilitĂ© de payer Ă  la France les rĂ©parations prĂ©vues par le TraitĂ© de Versailles. La France et la Belgique occupent alors la Rhur, oĂą elles resteront jusqu'en 1925. Tout cela ne fait qu'attiser les mĂ©contentements, favoriser les agissements des extrĂ©mistes et prĂ©cipiter l'ascension d'Hitler. DĂ©jĂ  en 1923, Adolf Hitler, Ă  la tĂŞte du parti National-Socialiste (Nazi) avait tentĂ© un putsch Ă  Munich. Il est emprisonnĂ©, mais rĂ©dige, l'annĂ©e suivante, dans sa cellule Mein Kampf ( = Mon Combat), oĂą se trouve inscrit son programme pour les annĂ©es Ă  venir. 

3°) Ebert meurt en 1925, après avoir rĂ©tabli la situation Ă©conomique, notamment grâce Ă  l'aide amĂ©ricaine (plan Dawes). Le marĂ©chal Hindenburg, qui avait Ă©tĂ© le chef d'Ă©tat-major de l'armĂ©e entre 1916 et 1918, devient prĂ©sident du Reich, mais en dĂ©pit de l'apparence de rĂ©tablissement de l'Allemagne, malgrĂ© aussi la normalisation des relations avec les autres pays d'Europe (signature Ă  Locarno en 1925 d'un pacte de non-agression avec la France, par exemple), et mĂŞme l'adhĂ©sion  de l'Allemagne Ă  la SociĂ©tĂ© des nations (SDN) en 1926, le feu des prochaines catastrophes couve dĂ©jĂ . La formation de milices paramilitaires commence ainsi Ă  annoncer un climat de guerre civile : financĂ© par l'industrie lourde, Hugenberg, ancien directeur des usines Krupp dirige une puissante milice appelĂ©e les Casques d'acier, les communistes fondent les Combattants du Front Rouge, et Hitler, qu'on a libĂ©rĂ©, crĂ©e les Sections d'Assaut (SA), puis les Sections de SĂ©curitĂ© (SS). 

4°) La dépression mondiale qui frappe l'Allemagne dès 1929 précipite la chute de la République de Weimar. Le chômage qui explose, les anciennes rancoeurs nées de la défaite de 1918et que que Hitler sait mettre à vif, la violence habilement instillée par ses groupes paramilitaires, tout cela contribue à la foudroyante ascension du parti nazi. Ce qui n'était qu'un petit groupuscule raciste et nationaliste quelques années plus tôt, devient une des forces du Reichstag lors des élections du 1930, avec 107 députés (18% des voix). Au présidentielles de 1932, Hitler obtient 36% des suffrages. Pas assez pour prendre la place de Hindenburg, reconduit dans ses fonctions, mais au parlement c'est désormais sur 230 députés que le parti nazi peut s'appuyer. Il reste à Hitler une dernière étape à franchir avant de prendre le pouvoir : s'assurer du soutien des grands industriels de la Rhur (Krupp, Thyssen, Kirdorf, etc.). Il les rencontre le 27 janvier 1933 pour leur exposer son programme. Le 30 janvier, Hidenburg fait de Adolf Hitler le chancelier du Reich.

Le régime hitlérien.
Les élections de mars 1933 donnent au parti hitlérien un majorité relative au Parlement (43,9% des suffrages). Cela suffit pour que Hitler puisse s'attribuer les pleins pouvoirs. A la mort de Hindenburg, en août 1934, Hitler enterre aussi la République de Weimar, et inaugure le IIIe Reich (le Ier Reich aurait été, selon les nazis, le Saint empire germanique et le IIe Reich, l'empire de Bismark et de Guillaume II), entreprenant de nazifier le pays. Après avoir réduit l'opposition interne (la Nuit des longs couteaux, en juin, l'avait débarrassé des SA), il installe un régime de répression massive et de contrôle social pour maintenir son pouvoir et imposer son idéologie, et dont les agences seront fusionnées à partir de 1939 dans le cadre du Bureau principal de sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt, RSHA) placé sous la responsabilité de Heinrich Himmler, chef de la SS et de la police allemande, et qui fusionnait plusieurs agences de sécurité préexistantes :

• La Gestapo (Geheime Staatspolizei). - La police secrète d'État, chargée de réprimer toute opposition politique, de surveiller et d'éliminer les ennemis du régime nazi (Juifs, communistes, résistants et dissidents).

• Le SD (Sicherheitsdienst). - Le Service de sécurité du parti nazi, qui était responsable de l'espionnage, de la surveillance et de la collecte de renseignements sur les opposants politiques et les groupes considérés comme une menace pour le régime.

• Le Kripo (Kriminalpolizei). - La police criminelle, chargée d'enquêter sur les crimes et d'appliquer la loi, mais qui a également été impliquée dans la répression politique et l'application des politiques antisémites.

• Le SIPO (Sicherheitspolizei). - La police de sécurité, qui était une combinaison de la Gestapo et du Kripo, chargée à la fois de la répression politique et de l'application de la loi.

Les communistes sont emprisonnés ou assassinés, toutes les voix d'opposition sont étouffées par les Nazis, en même temps que leurs obsessions antisémites leurs font adopter, en 1935, des lois racistes (les Lois de Nuremberg privent les Juifs de la citoyenneté, après que deux ans plus tôt on leur ait interdit les emplois dans l'administration) et organiser des pogroms (Nuit de cristal, 1938). Les persécutions contre les Juifs n'en finissent plus. Des milliers d'entre eux seront mis à mort sans jugement ou emmenés dans des camps de concentration. En s'appuyant sur des doctrines eugénistes, les Nazis commencent aussi à tuer les handicapés et les malades mentaux. 70 000 personnes auraient ainsi été assassinées..

Hitler rompt aussi avec l'effort de normalisation internationale entrepris par la RĂ©publique de Weimar. Dès 1933, l'Allemagne quitte la SDN, et surtout les principales clauses du traitĂ© de Versailles sont dĂ©noncĂ©es. En 1935, le service militaire obligatoire est rĂ©tabli; la RhĂ©nanie est remilitarisĂ©e en 1936; ses troupes interviennent Ă©galement  dans la guerre d'Espagne, aux cĂ´tĂ©s des troupes italiennes de Mussolini, pour soutenir le camp franquiste (bombardement de Guernica par la lĂ©gion Condor, en avril 1937); en 1938, après une première tentative, quatre ans plus tĂ´t; qui avait Ă©chouĂ©, il rĂ©unit l'Autriche Ă  l'Allemagne (Anschluss). La rĂ©gion des Sudètes (TchĂ©coslovaquie) est annexĂ©e quelques mois plus tard, puis en septembre 1939, la Pologne est envahie.  La France et la Grande-Bretagne, liĂ©es Ă  ce pays par un pacte, entrent alors en guerre. C'est le dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, qui fera 50 Ă  60 millions de morts Ă  travers la planète.

En 1941, les troupes allemandes occupent la majeure partie de l'Europe jusqu'à Moscou. C'est le moment choisi par le régime pour mettre en route ce qu'il appellera avec cynisme la « solution finale ». Il s'agit d'exterminer tous les Juifs et tous les représentants de ce que les Nazis désignent comme des « races inférieures » , ce qui comprend notamment les tsiganes, autre grandes victimes des crimes du régime hitlérien (L'Holocauste). Toute une infrastructure est mise en place pour mener cette politique. Une vaste razzia est lancée dans tous les pays occupés, avec des succès divers. Au Danemark, envahi en 1940, le roi Christian X, en signe de protestation et de dégoût, arbore l'étoile jaune dont les Nazis imposaient le port au Juifs; en France, au contraire, le régime de Vichy collabore avec zèle, devançant même la demande des Allemands en conduisant les enfants en déportation. En 1945, à la fin de la guerre, il apparaîtra que plus de six millions de Juifs, 260 000 Tsiganes, des dizaines de milliers de Slaves et autres persécutés auront ainsi été déportés dans des camps d'extermination (Auschwitz-Birkenau, Belzec, Chelmno (Kulmhof), Lublin (Majdanek), Treblinka), et assassinés dans des chambres à gaz.

Le 8 mai 1945, l'Allemagne finit par capituler. Hitler s'est suicidé à Berlin quelques jours plus tôt (30 avril), avec quelques autres dignitaires de son régime et responsables des camps d'extermination. La plupart des autres hauts responsables seront jugés par un tribunal international qui se réunit bientôt à Nuremberg, où apparaissent de nouvelles notions de droit : le crime contre la paix, le crime de guerre et le crime contre l'humanité. Beaucoup seront condamnés à mort l'année suivante et pendus, comme le maréchal Goering. Mais d'autres avaient pu prendre la fuite; certains seront retrouvés et capturés au cours des années suivantes, d'autres pas.

Les deux Allemagnes.
Avant mĂŞme l'acte de capitulation, le 2 aoĂ»t 1945, les pays alliĂ©s dont les troupes avaient  participĂ© Ă  libĂ©rer l'Allemagne du nazisme, s'Ă©taient entendus Ă  Potsdam pour diviser le pays en quatre zones. L'une revint au Royaume-Uni, une autre aux États-Unis, une troisième Ă  la France de De Gaulle, et la dernière, Ă  l'Est, Ă  l'URSS. Berlin, enclavĂ©e dans la partie orientale, fut Ă©galement partagĂ©e en zones d'occupation entre les SoviĂ©tiques et les AlliĂ©s occidentaux. Très rapidement, la Guerre froide qui allait opposer pendant plusieurs dĂ©cennies les alliĂ©es des États-Unis Ă  ceux de l'Union soviĂ©tique, conduisit Ă  une sĂ©paration de fait de l'Allemagne en deux parties. Ainsi, en juin 1947, les SoviĂ©tiques refusèrent-ils pour la zone qu'ils occupent le plan Marshall, proposĂ© par les États-Unis pour la reconstruction du pays; leur blocus de Berlin, en 1948, ne fera ensuite que consacrer la coupure, dont les deux blocs prirent acte par la crĂ©ation, en 1949, de deux nouveaux États  : Ă  l'Ouest, le 23 mai, la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Allemagne (RFA), Ă  l'Est, le 7 octobre, la RĂ©publique DĂ©mocratique d'Allemagne (RDA). La partie occidentale de Berlin, enclavĂ©e en RDA, restant rattachĂ©e Ă  la RFA. Un mur construit Ă  partir du 13 aoĂ»t 1961 par l'Allemagne de l'Est isolera de façon Ă©tanche Berlin-Ouest du reste du pays.

La République fédérale allemande (RFA).
La République fédérale allemande, qui établit sa capitale à Bonn, s'est vite trouvée inféodée aux États-Unis, qui lui faisaient bénéficier à la fois de son aide financière et de sa protection militaire. Cependant, Konrad Adenauer, le premier chancelier de RFA, qui fut aussi l'un des fondateurs du parti démocrate-chrétien (CDU), craignant d'être pris en tenaille dans la logique des deux blocs, s'emploie à intégrer l'Allemagne dans le tissu économique européen, en la faisant adhérer dès 1951 à la Communauté européenne du Charbon et de l'acier (CECA), puis en 1957, par le Traité de Rome, à la Communauté économique européenne (CEE). Le Traité franco-allemand de 1963 complétera, cette fois sur le plan politique, cette volonté d'ancrage européen, tout en installant une collaboration durable entre la France et l'Allemagne dans le processus de construction européenne. Adenhauer, âgé de 87 ans, se retire la même année et laisse la place, à son ancien ministre de l'économie, Ludwig Erhard qui poursuit activement la politique de relèvement économique du pays. En 1966, lui succède comme chancelier Kurt Kiesinger. Mais celui-ci ne pouvant s'appuyer au Reichstag sur une majorité suffisante est contraint de former ce qu'on appelle en Allemagne un «-gouvernement de grande coalition », qui réunit des ministres de droite et de gauche (chrétiens-démocrates de la CDU-CSU, sociaux-démocrates du SPD, libéraux du FDP).

En 1969, le social-dĂ©mocrate Willy Brandt devient chancelier de l'Allemagne fĂ©dĂ©rale avec l'appoint des suffrages libĂ©raux. Sa politique de coexistence pacifique avec l'Allemagne de l'Est (appelĂ©e Ostpolitik), qui mènera Ă  la reconnaĂ®tre officiellement en 1972, lui vaut le Prix Nobel de la paix dès 1971. Mais après qu'un de ses proches collaborateurs ait Ă©tĂ© accusĂ© d'espionnage au profit de la RDA, Willy Brandt est contraint Ă  la dĂ©mission en 1974. Helmut Schmidt, un autre social-dĂ©mocrate, le remplace. Celui-ci, qui partage avec le prĂ©sident français ValĂ©ry Giscard d'Estaing les mĂŞme convictions europĂ©ennes, accentue Ă  la fois le rapprochement des deux pays et la construction europĂ©enne que symbolise la crĂ©ation,  le 13 mars 1979, du Système monĂ©taire europĂ©en (SME), première Ă©tape du processus qui a menĂ© Ă  la crĂ©ation de l'euro. L'Allemagne d'Helmut Schmidt est par ailleurs marquĂ©e la montĂ©e du terrorisme d'extrĂŞme-gauche (celui de la Fraction armĂ©e rouge, en particulier) et par les deux chocs pĂ©troliers des annĂ©es 1970, qui induisent une crise Ă©conomique et la montĂ©e du chĂ´mage.

En 1982, les sociaux-démocrates du SPD perdent le pouvoir au profit de la CDU, qui revient avec à sa tête le chancelier Helmut Kohl. Sa politique d'intégration européenne prolonge celle de son prédécesseur, s'appuyant cette fois avec les relations privilégiées qu'il entretient avec le nouveau président français, François Mitterrand. Mais l'Allemagne des années 1980 va surtout être marquée par le retour des préoccupations est-européennes. Au cours de la première moitié de la décennie, l'installation par les Américains et les Russes de nouveaux missiles en Europe et l'initiative de défense stratégique (programme de « Guerre des étoiles ») lancée par le président des États-Unis, Ronald Reagan, ont relancé les tensions. Au contraire, la seconde moitié de la décennie se signale par les efforts de l'Allemagne fédérale en direction de la RDA (aides financières, accords sur le rapatriement des prisonniers politiques, et même sur des transferts relativement importants de populations qui souhaitent quitter l'Allemagne de l'Est). Ce mouvement, qui trahit l'affaiblissement que connaît alors la RDA, se conclura, en 1989, par la chute du mur de Berlin, puis, l'année suivante, par la réunification des deux Allemagnes.

La République démocratique allemande (RDA).
La République démocratique allemande, qui garde Berlin pour capitale, est devenue, sous la direction de Walter Ulbricht et du SED (le parti d'obédience communiste), un satellite de l'URSS, conservant un semblant de pluralisme politique (parti de la CDU démocrate-chrétien, LDPD libéral, etc.), mais adoptant à la fois son système économique centralisé et son gouvernement totalitaire et policier. Franchement stalinien jusqu'en 1953, le régime s'assouplit quelque peu ensuite, et la santé de l'économie s'améliore sensiblement à partir du début des années 1960. Après la crise suscitée par la construction du mur de Berlin en 1961, destinée à juguler l'émigration vers l'Ouest, l'acceptation par Erich Honecker, successeur d'Ulbricht à partir de 1971, de la politique de rapprochement initiée par Willy Brandt, marque le début d'une période de détente que favorise l'Union soviétique. La RDA, en même temps qu'à la RFA, font leur entrée à l'ONU en septembre 1973. La fin des années 1970 seront cependant marquée par un retour des tensions avec l'Ouest. Au début des années 1980, les oppositions (intellectuels, pacifistes, églises) commencent à se faire entendre à l'intérieur même du pays. Les transformations inaugurées, à partir de 1987, en URSS (perestroïka), détournent l'intérêt du grand frère soviétique de ce mouvement, qui va pouvoir se poursuivre jusqu'à l'écroulement du régime. Ce dernier ne cherchera même pas à s'opposer au mouvement spontané de la foule qui prend d'assaut le mur de Berlin, le soir du 9 novembre 1989. Le chef de la CDU, Lothar de Maizière, porté au pouvoir par les élections de mars 1990, s'entendra ensuite avec le gouvernement d'Helmut Kohl pour que la réunification se réalise rapidement.

L'Allemagne réunifiée.
La réunification de l'Allemagne, essentiellement conduite par Helmut Kohl, a été rendue officielle le 3 octobre 1990. Après, la réunification monétaire, effective dès le mois juillet précédent, il s'est agi, avant tout d'une absorption de l'Allemagne de l'Est par la République fédérale, qui s'est ainsi accrue de nouveaux länder. Les institutions de la nouvelle Allemagne sont restées celles de l'ancienne RFA, seule la capitale est revenue de Bonn, après un vote du Bundestag en juin 1991. En pratique le transfert des différentes administrations a pris plusieurs années et Berlin n'est redevenue le siège du gouvernement fédéral en 1999. Le temps pour Berlin de devenir une des villes les plus vivantes et attractives d'Europe. Dans l'intervalle, la politique de l'Allemagne s'est déployée selon deux axes : à l'intérieur, il s'est agit d'assimiler concrètement les länder de l'Est, en les faisant passer d'une économie planifiée à une économie de marché, et en comblant dans tous les domaines le fossé qui s'était creusé en quarante ans entre les cultures de l'Est et de l'Ouest. A l'extérieur, il s'est agit de rassurer les autres pays d'une part sur l'ancrage à l'Ouest de l'Allemagne et d'autre part sur les craintes que pouvaient susciter pour les Européens une Allemagne désormais capable de redevenir puissante politiquement, sinon militairement, et émancipée des contraintes auxquelles l'avaient soumise la Guerre froide et de la tutelle que maintenaient toujours sur elle, dans une certaine mesure, les Alliés.

Helmut Kohl est réélu chancelier en 1994, année de la mort de Honecker. Son nouveau mandat marque un pas de plus dans l'émancipation de l'Allemagne. La même année un tabou tombe : la Bundeswehr, l'armée allemande, obtient de la cour constitutionnelle fédérale le droit d'intervenir à l'étranger, dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations Unis. Mais la réunification, bien que réussie politiquement, coûte cher à l'Ouest, et ses standards de vie auxquels aspiraient les Allemands de l'Est tardent à s'installer chez eux où tout au contraire le chômage explose. Pour cette double raison, Kohl et la CDU perdent le pouvoir en 1998. A la suite d'un scandale sur le financement illégal de la CDU, le réunificateur de l'Allemagne, début 2000, se retirera de la vie politique, et son parti sera désormais dirigé par Angela Merkel, qui a vécu jusqu'en 1990 en RDA.

Les Ă©lections de 1998 ont Ă©tĂ© gagnĂ©es par une coalition  du SPD et des Verts. Le social-dĂ©mocrate Gerhard Schroeder (Schröder), devient chancelier. Schroeder poursuit la politique europĂ©enne de ses prĂ©dĂ©cesseurs. Il donne aussi corps Ă  la nouvelle politique extĂ©rieure de l'Allemagne en envoyant, en 1999, des troupes, pour la première fois depuis le second conflit mondial, dans une opĂ©ration Ă©trangère : en Yougoslavie, sous l'Ă©gide de l'ONU. A l'intĂ©rieur, cependant, il hĂ©rite du climat de morositĂ© gĂ©nĂ©rale qu'on suscitĂ© les difficultĂ©s Ă©conomiques et sociales nĂ©es de la rĂ©unification et est rĂ©Ă©lu de justesse, en septembre 2002,  ne conservant la chancellerie que grâce Ă  son alliance avec les Verts. Ce second mandat donnera l'occasion Ă  l'Allemagne d'un nouveau pas dans l'affirmation de son autonomie sur la scène internationale, quand Shroeder refuse de suivre les États-Unis dans la guerre d'Irak en 2003. De quoi lui donner aussi un regain de popularitĂ©, qui n'empĂŞchera pas, au demeurant les difficultĂ©s Ă©lectorales de se multiplier. Une lourde dĂ©faite du SPD en mai 2005 lors d'Ă©lections rĂ©gionales (RhĂ©nanie-du-Nord-Westphalie) dĂ©cide Schroeder Ă  provoquer des Ă©lections fĂ©dĂ©rales anticipĂ©es.  Celles-ci ont lieu en septembre 2005. Les rĂ©sultats en seront très serrĂ©s : bien que sortie victorieuse du scrutin, la CDU se trouve contrainte, comme cela avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© le cas en 1966, a former un gouvernement de grande coalition avec le SPD. Angela Merkel devient chancelière le 22 novembre 2005. Après une nouvelle victoire de son parti en septembre 2009, Merkel a Ă©tĂ© rĂ©Ă©lue le mois suivant (28 octobre), pour quatre ans, par le Bundestag, et doit gouverner, cette fois, en coalition avec les LibĂ©raux du FDP.



Günther Weisenborn, Une Allemagne contre Hitler, Editions du Félin, rééd. 2007. - Les images des grand-messes hitlériennes, les mises en scène grandioses du nazisme ont fait oublier les visages des Allemands qui ont refusé de sacrifier leur honneur aux rêves d'un Reich de mille ans. Le livre de Günther Weisenborn, minutieux compte rendu des résistances allemandes, témoigne de leur combat. Moins nombreux qu'en France, écrasés par un règne de terreur absolu, des hommes et des femmes de tous les âges se sont levés contre la folle entreprise de leur dirigeants. Simples soldats et officiers, ouvriers et écrivains, prêtres et pasteurs, ils furent des dizaines de milliers à refuser la désastreuse dictature. C'est aussi grâce à leur sacrifice qu'une autre Allemagne a pu renaître à la démocratie dans le concert des nations européennes. (couv.).

Bruno Lieser, Les années Schroeder, Ellipses Marketing, 2006. - Incontestablement, le passage du Chancelier Gerhard Schröder aux affaires aura transformé la RFA de façon durable. Entre 1998 et 2005, ses deux gouvernements ont marqué l'avènement d'une "République de Berlin" plus sûre d'elle-même et moins modeste sur le plan international. La coalition rouge-verte, constellation politique jusque-là inédite en Allemagne, a fait subir au pays des mutations profondes, et accompagné la nécessaire et difficile adaptation du "modèle rhénan" aux réalités du XXIe siècle. (couv.).

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