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La Réforme

La Réforme est le grand mouvement religieux du XVIe siècle, qui déchira l'Eglise catholique latine. Il y eut un grand nombre de réformateurs avant la Réforme, et presque toutes les doctrines de Luther avaient été prêchées avant lui. L'invention de l'imprimerie, la renaissance des lettres et des études classiques avec Agricola, Reuchlin et Erasme, tels furent les événements qui préparèrent d'une façon spéciale le soulèvement religieux du XVIe siècle. 

Ce qui distingue les schismes du XVIe de ceux qui les ont précédés, et leur a valu le nom commun de Réforme, c'est que les anciens schismes, tout en séparant les unes des autres certaines parties de la chrétienté, laissaient pour chacune d'elles les choses en l'état où elles étaient auparavant ; tandis que les schismes du XVIe siècle ont opéré des changements plus ou moins complets, dans la doctrine, le culte, la discipline et la hiérarchie des Eglises qui en résultèrent. 

La Réforme affirma le principe de la liberté évangélique tel qu'il estposé dans les épîtres de saint Paul aux Romains et aux Galates. De ce principe général découlent les doctrines fondamentales du protestantisme, à savoir : la suprématie absolue de la parole du Christ et la suprématie absolue dela grâce du Christ. Une autre doctrine fondamentale de le réforme est que le pécheur est justifé devant Dieu par le seul mérite du Christ tel que le comprend une foi vivante; contrairement à la tbéorie, dominante alors et sanctionnée en substance par le concile de Trente, qui fait de la foi et des oeuvres les deux oeuvres coordonnées de la justification. A ces deux principes supérieurs, il faut ajouter la doctrine que tout croyant est prêtre, et que tous les laïques ont le droit et le devoir non seulement de lire la Bible dans leur langue maternelle, mais aussi de prendre part au gouvernement et à l'administration de l'Eglise.

Ces principes devraient avoir pour conséquence une révision complète de tous les éléments présentés comme appartenant à la religion chrétienne, et une reforme radicale ou plutôt la refonte de l'Eglise. Mais ils furent appliqués dans des mesures fort différentes, parmi les diverses Eglises protestantes, lesquelles cependant se donnent toutes la qualification d'évangéliques. 

Tandis que les luthériens, tenant compte de la possession, gardaient ou essayaient de garder, parmi les choses que l'Église catholique contenait quand leur oeuvre commença, toutes celles qui n'apparaissaient pas comme contraires à la parole de Dieu, les calvinistes demandaient un titre écrit pour chacun d'elles, et les examinèrent toutes, l'une après l'autre, pour n'admettre que celles qui étaient démontrées conformes à l'ordonnance biblique.

La réforme de Luther fut une entreprise de dégagement et de restauration; celle de Calvin, une reconstruction après démolition : reconstruction visant à n'employer que les matériaux primitifs, et à les assembler suivant le plan indiqué par les documents apostoliques; ou, si l'on préfère, ce fut une tentative de retour direct aux choses du premier âge chrétien. L'oeuvre de Zwingle se fit suivant une tendance analogue. Au contraire, les luthériens du Danemark, de la Norvège et de la Suède, à raison des circonstances dans lesquelles l'évolution ecclésiastique s'accomplit chez eux, laissèrent aux choses du passé une part plus grande que les luthériens de l'Allemagne. Cette part resta plus grande encore dans la reforme anglicane.

Malgré ces diversités, beaucoup de traits sont communs à toutes les Eglises protestantes, relativement à la hiérarchie, à la discipline, au culte et aux doctrines correspondantes. 

Hiérarchie : Négation de l'autorité des papes; limitation de l'autorité des conciles; sacerdoce universel, c.-à-d. négation de la nécessite de la médiation de l'Eglise et de ses ministres dans les relations des chrétiens avec Dieu; abolition des ordres monastiques et des congrégations; participation des laïques au gouvernement de l'Eglise. 

Discipline : Suppression de la nécessité de la confession auriculaire, du célibat ecclésiastique et des indulgenes.

Culte : Célébration en langue nationale; importance de la lecture et de l'exercice de la pensée pour la profession normale de la religion; suppression du culte des reliques, des saints et des images; des prières pour les morts; des dévotions matérialisées, telles que celles du rosaire, du chapelet, du scapulaire; négation de la puissance des objets bénits; omission des légendes.

Ces réformes ont produit des résultats de haute importance sur les rapports des Eglises et de l'Etat, sur les relations des citoyens et de l'Etat, sur l'autonomie intime des nations, sur l'organisation des Eglises, sur le développement de la population, sur la culture de l'instruction, sur la conception et la direction de la famille, sur les relations des époux entre eux et sur les relations des parents et des enfants, sur la formation de la mentalité et du caractère des individus.

En Allemagne.
La Réforme en Allemagne, dirigée par l'énergie de Luther et par le savoir et la modération de Mélanchthon, commença dans l'université de Wittenberg, par une protestation contre le trafic des indulgences, le 31 octobre 1517, et devint bientôt un puissant mouvement populaire. Luther reculait d'abord devant l'idée d'une scission; mais le cours des événements rendit irréconciliable la lutte à laquelle il se trouva entraîné contre l'autorité centrale de l'Eglise. Le pape Léon X, en juin 1520, prononça contre lui une sentence d'excommunication. 

Sommé de se rétracter et de cesser de mettre en question des choses que l'Eglise avait condamnées depuis des siècles, Luther à la diète de Worms (avril 1521), exprima la pensée qui allait tous les changements de la Réforme :

« Puisque Votre Majesté impériale et Vos Seigneuries demandent une réponse nette, je vais la leur donner sans cornes ni dents. Si l'on ne me convainc par l'Écriture ou par raisons décisives (car Je ne crois ni au pape ni aux conciles seuls, puisqu'il est clair comme le jour qu'ils ont souvent erré et se sont contredits; je suis dominé par la sainte Ecriture, et ma conscience est, liée par la parole de Dieu) je ne peux ni ne veux me rétracter en rien ; car il est dangereux d'agir contre sa conscience [...]. Me voici, je ne puis autrement, Dieu me soit en aide. Amen ». 
Huit ans après, les Etats évangéliques de l'Allemagne, protestant contre les décisions de la diète de Spire, qui interdisaient à la Réforme de s'introduire là où il elle n'avait point encore pénétré, et de rien innover là où elle était déjà établie, déclarèrent que « dans les choses qui regardent l'honneur de Dieu et le salut des âmes, chacun est responsable de lui-même ». Cette déclaration, d'où est dérivé le nom du Protestantisme, en indique bien le fondement historique : autorité souveraine de la Bible; droits et responsabilité de la conscience; devoir pour elle de ne se soumettre qu'à la parole de Dieu, pour ce qui regarde l'honneur de Dieu et le salut des âmes; et comme conséquence, limitation de la foi effective aux choses seules dont la conscience est convaincue.

L'autorité souveraine ainsi reconnue à la Bible semble exiger que toute Eglise qui prétend au titre de chrétienne n'enseigne que ce qui est relate dans la Bible, et particulièrement que ce qui a été enseigné par le Christ et ses apôtres; en outre, qu'elle ne pratique et ne recommande que ce quia été observé par les premiers chrétiens, sans en rien retrancher et sans y rien ajouter. Rien de plus et rien de moins; car ce qui était nécessaire en la première génération, l'est encore; et ce qui était alors inutile, l'est toujours. C'est seulement dans ces conditions qu'une Eglise peut affirmer qu'elle enseigne et observe ce qui a toujours été cru et pratique. D'autre part, les droits de la conscience, ses devoirs et sa responsabilité, la nature même des choses, semblent aussi limiter la foi de chaque chrétien aux articles qui se sont emparés de sa pensée et de sa conscience. Car, en réalité, on ne croit que ce que l'on pense. En dehors de cette adhésion de la pensée, de cette conviction de la conscience, il peut y avoir fait d'obéissance, acte de soumission, silence respectueux; il n'y a pas de croyance, partant pas de foi. 

La diète de Worms, où Luther fit sa mémorable défense, ajouta à l'excommunication du pape le ban de l'empereur (1521). En dépit de ces arrêts, la Réforme se propagea, et, avant 1530, elle avait pris pied dans la plus grande partie de l'Allemagne du Nord. La seconde diète de Spire eu 1529 lui interdit tout progrès nouveau. C'est contre ce décret de la majorité catholique que les princes partisans de la réforme publièrent la célèbre protestation datée du 19 avril 1529, qui fut l'origine du nom de protestants. Leur credo fondamental, la confession de foi d'Augsbourg, fut présenté à la diète d'Augsbourg en 1530. Le terrain perdu dans la guerre de la ligue de Smalcalde fut promptement reconquis par Maurice de Saxe, et la paix d'Augsbourg, en 1555, assura aux Etats luthériens le libre exercice de leur religion, mais avec une restriction quant aux rognés ultérieurs de celle-ci. 

Un grand nombre de protestants allemands suivirent la direction de Calvin de préférence à celle de Luther, et formèrent l'Eglise réformée allemande, qui, en 1562, adopta le catéchisme de Heidelberg comme confession de foi. Le XVIe siècle termine, avec les violentes controverses intérieures de l'Eglise luthérienne et les querelles entre celle-ci et les calvinistes, l'histoire théologique de la Réforme allemande; mais son histoire politique ne se termina qu'après la guerre de Trente Ans, par la traité de Westphalie en 1648. 

En Suisse.
La Réforme en Suisse fut contemporaine, mais indépendante de la Réforme allemande, et aboutit à l'établissement d'une communion réformée distincte de la communion luthérienne. Elle concordait avec celle-ci dans tous les principes essentiels de doctrine, excepté dans la doctrine de l'eucharistie; mais elle s'éloignait davantage encore des traditions reçues en fait de gouvernement et de discipline, et tendait à une plus radicale réforme pratique et morale du peuple. Zwingle (Zwingli) commença ce mouvement en prêchant contre différents abus à Einsiedeln en 1516, et, avec plus d'énergie et d'effet, à Zurich en 1519; l'année suivante la messe y fut abolie, et remplacée par un culte presque puritain. La Réforme s'introduisit bientôt dans la plupart des cantons, mais non sans effusion de sang. Les catholiques mirent en déroute la petite armée des gens de Zurich à la bataille de Cappel, octobre 1531, où Zwingle trouva une mort héroïque. Jean Calvin, Français de naissance et d'éducation, mais exilé de son pays natal pour la foi, trouva une patrie nouvelle à Genève (1536), où Farel avait préparé les voies. Ses écrits théologiques, surtout les Institutes et les Commentaires, exercèrent une influence capitale sur l'organisation de toutes les Eglises réformées et sur toutes les confessions de foi; et, en même temps, son génie législatif donnait sa forme au gouvernement presbytérien. 

Calvin mourut en 1564, et Théodore de Bèze (mort en 1605) travailla avec Bullinger jusqu'à la fin du XVIe siècle à consolider la Réforme en Suisse et en propagea les principes en France, en Hollande, en Allemagne, en Angleterre et en Écosse. 

En France.
Presque tous les premiers reformateurs de France, Farel, Viret, Marot, Olivetan, Calvin et de Bèze eurent à chercher un refuge à l'étranger. Calvin et de Bèze peuvent être regardés comme les pères de l'Église réformée française. Leurs élèves revinrent comme missionnaires au pays natal.

La première congrégation protestante se forma à Paris en 1555, et le premier synode s'y tint en 1559. Le mouvement prit forcement un caractère politique. Le parti protestant, ou huguenot, était numériquement le plus faible, mais il comptait quelques-uns des plus hauts personnages et des hommes les plus éminents par le talent, et il était soutenu par la maison de Navarre. Trois guerres civiles s'étaient succédé rapidement, lorsque la cour et le duc de Guise eurent recours à la trahison et complotèrent un massacre général des Huguenots, qui fut exécuté le 24 août 1572 (Massacre de la Saint-Barthélémy).

En 1589, le prince protestant Henri de Navarre devint roi de France sous le nom de Henri IV. Il abjura la foi protestante en 1593, disant que Paris et la paix de la France valaient bien une messe; mais il assura à ses anciens coreligionnaires le libre exercice de leur culte par le célèbre édit de Nantes (1598). La révocation de cet édit par Louis XIV en 1685 fit de l'église réformée de France une « Église du désert »; néanmoins, elle survécut en France aux plus cruelles persécutions, et elle enrichit de milliers d'exilés tous les pays protestants.

Aux Pays-Bas.
Aux Pas-Bas, la Réforme fut surtout encouragée par les influences venues de Suisse et de France. D'après Grotius, le duc d'Albe fit périr 100,000 protestants hollandais pendant les six années de son gouvernement (1567-1573). Finalement, les sept provinces septentrionales formèrent une république fédérale, et se séparèrent de l'Église de Rome et de la couronne d'Espagne. Le premier synode hollandais réformé se tint à Dort en 1574. Le protestantisme en Hollande a toujours été surtout calviniste, bien que les Arminiens ou Remonstrants, par les écrits de leurs savants et de leurs théologiens, aient exercé une grande influence. 

En Hongrie.
En Hongrie, la Réforme fut introduite après 1524 par les disciples de Luther et de Mélanchthon qui avaient étudié à Wittenberg. Le synode d'Erdoed, en 1545, organisa l'Église luthérienne, et celui de Csenger, en 1557, l'Église réformée. Les Allemands établis en Hongrie adoptèrent pour la plupart la confession d'Augsbourg, tandis que les Magyars préféraient le calvinisme. Le prince Étienne Bocskay de Transylvanie, avec l'appui de l'alliance turque, reconquit (1606) une entière tolérance pour les luthériens et les calvinistes en Hongrie et en Transylvanie, tolérance confirmée sous ses successeurs Gabor et George Rakoczy Ier

En Pologne.
En Pologne, la première impulsion fut donnée par des religionnaires exilés de Bohème et par les écrits des réformateurs allemands. Le roi Sigismond-Auguste (1548-1572) favorisait la Réforme et correspondait avec Calvin. Les deux confessions y eurent beaucoup d'adhérents, et Jean à Lasco traduisit la Bible mais les dissensions intestines, les progrès du socinianisme et les efforts des jésuites détruisirent à peu près le protestantisme en Pologne.

En Suède.
En Suède, Olaf et Lars Petersen ou Petri, disciple de Luther, préchèrent contreles abus ecclésiastiques après 1519. Gustave Vasa favorisa le protestantisme pour des raisons politiques et vénales, et tout le pays, y compris les évêques, le suivit sans grande difficulté. La Suède et le Danemark adoptèrent la foi luthérienne et conservèrent l'épiscopat, mais en le rattachant intimement à l'Etat. Du Danemark, la Réforme passa en Norvège vers 1536. 

En Angleterre.
Le protestantisme anglais fut, dés le début, un mouvement politique en même temps que religieux. On distingue dans la Réforme anglaise cinq périodes. Dans la première, de 1527 à 1547, l'autorité de la papauté romaine fut abolie sous Henri VIII. La seconde embrasse le règne d'Edouard VI, de 1547 à 1553. Cranmer établit la Réforme avec l'aide de Ridley et de Latimer, ainsi que de plusieurs théologiens du continent, particulièrement de Martin Bucer de Strasbourg, et de Peter Martyr de Zurich. C'est alors que furent rédigés les 42 articles, plus tard réduits à 39, lesquels constituent une confession de foi modérément calviniste, et le Book of Common Prayer. La troisième période est le règne de Marie, de 1553 à 1558, pendant lequel la persécution catholique consolida la Réforme. 

La quatrième période est le rétablissement et l'organisation permanente de la Réforme anglicane, pendant le long règne d'Élisabeth Ire, de 1558 à 1603. L'Eglise anglicane, telle qu'Elisabeth l'a constituée, était à demi catholique dans sa forme de gouvernement pour les prélats et de culte liturgique, constituant une sorte de moyen terme entre Rome et Genève. Mais pendant que le parti catholique était presque annihilé en Angleterre, le parti puritain devint plus puissant sous les successeurs d'Élisabeth, et renversa la dynastie des Stuarts. Ces troubles et ces agitations occupèrent la cinquième période de l'histoire du protestantisme anglais.

En Ecosse.
En Écosse, le premier prêcheur et martyr du protestantisme fut Patrick Hamilton, jeune homme de sang royal, qui avait étudié à Wittenberg et à Marburg, et qui fut brûlé sur le bûcher en 1588, à l'âge de 23 ans. Le mouvement s'accrut malgré la persécution, et mené à bien sous la direction de John Knox, qui réforma l'église écossaise sur le modèle de celle de Genève. Lorsque l'infortunée Marie Stuart essaya de restaurer la religion catholique romaine et de détruire l'organisation presbytérienne établie par le parlement en 1560, sa propre imprudence et la résistance obstinée de la nation firent échouer ses plans; et après sa fuite en Angleterre (1568), le protestantisme fut de nouveau déclaré la seule religion de l'Écosse. (Trt.).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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