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Marc-Aurèle

Marcus Aurelius Antoninus, dit Marc-Aurèle est un empereur romain (161-180), né à Rome le 20 avril 121 ap. J.-C., mort à Vienne ou à Sirmium le 17 mars 180. Il était d'une famille établie en Bétique (Espagne). Son arrière-grand-père, Annius Verus, natif de Succubo, était de rang prétorien; son grand-père, Annius Verus, fut trois fois consul et préfet de la ville; il épousa Rupilia Faustina et en eut Annius Libo, consul en 128, Aunius Verus et Annia Galeria Faustina Augusta, laquelle épousa l'empereur Antonin. Annius Verus, mort jeune, étant préteur, avait épousé Domitia Lucilla; de leur union naquit dans leur villa du mont Caelius le jeune Marcus Annius Verus, futur empereur. Il fut élevé par son grand-père, et dès son enfance gagna la faveur de l'empereur Hadrien par la franchise de son caractère; Hadrien, qui le surnommait Verissimus, lui décerna les honneurs équestres à six ans, l'admit dans la confrérie des prêtres saliens à huit ans. L'enfant fut élevé par quelques-uns de personnages les plus distingués de l'époque, Fronton, Hérode Atticus, Apollonios de Chalcis, Sextus de Chéronée, Junius Rusticus; on a retrouvé sa correspondance avec le premier. 

A douze ans, il prit le costume de philosophe et s'imposa des pratiques d'une austérité presque ascétique. A quinze ans, il endossa la toge virile et fut fiancé à la fille d'Aelius Caesar, héritier présomptif du trône, puis nommé préfet de Rome pendant les féries latines. Hadrien l'introduisait dans la dynastie qu'il voulait fonder. A la mort d'Aelius, quand Hadrien adopta Antonin et le créa césar, il exigea qu'à son tour son nouvel héritier adoptât Marcus et le jeune Lucius Ceionius Commodus, fils d'Aelius Caesar. Ce fut alors que le premier, entrant dans la gens Aurelia, Prit le nom de Marcus Aurelius au lien de celui de Marcus Annius Verus. On le nomma questeur, et, Hadrien étant mort, Antonin le prit aussitôt pour collègue de consulat. Il dut changer de fiancée, et accepter la fille d'Antonin, sa cousine Annia Faustina, d'abord destinée à Ceionius Commodus (Lucius Vernus). L'union ne fut consommée qu'en 145. Elle fut d'abord heureuse; le jeune prince vivait de préférence dans ses villas de Lorium et de Lanuvium. Après la naissance. d'une fille, il fut investi de la puissance tribunitienne, c.-à-d. associé à l'Empire (147).

Il partagea le fardeau du pouvoir avec Antonin durant quatorze années. Quand celui-ci mourut (7 mars 161), lui-même s'associa Ceionius Commodus qui avait pris le nom de Lucius Aurelius Verus. Il le fit sur le pied de parfaite égalité et pour la première fois il y eut simultanément deux augustes. Lucius Verus était plus jeune de neuf ans, actif, et semblait destiné à diriger les opérations militaires. Il fut fiancé à Annia Lucilla; fille de Marc-Aurèle, et alla combattre les Parthes. Vologèse III, après avoir détruit une légion cantonnée à Elegeia, envahissait la Syrie. L'armée romaine fut dirigée par Avidius Cassius, lequel défit les Parthes, les poursuivit en Mésopotamie, brûla Séleucie et rasa le palais royal de Ctésiphon, tandis qu'au Nord, Statius Priscus prenait Artaxata et restaurait le protégé romain Soaemus sur le trône d'Arménie, Vologèse traita, cédant la Mésopotamie (162-66). Les deux empereurs célébrèrent leur triomphe en 166. Lucius avait passé son temps dans la débauche à Laodicée, Daphné ou Antioche, son frère dirigeant l'organisation tandis que les légats conduisaient les armées. Calpurnius Agricola avait comprimé un mouvement de l'armée de Bretagne et contenu les insulaires. Aufidius Victorinus combattit les Cattes. Sur le Danube s'amassait un orage plus redoutable. Une famine et une peste avaient affaibli le peuple et l'armée au moment où se formait une ligne des barbares du Nord du Danube, Marcomans, Quades, Iazyges, Alains, Sarmates, lesquels envahirent l'Empire. Cette guerre fut une des plus considérables qu'il ait soutenues. En 168, les deux empereurs se porteut sur les Alpes; les Quades demandent la paix et repassent le Danube.

L'année suivante, nouvelle invasion, concentration de forces à Aquilée; la peste ravage l'armée et Lucius Verus meurt subitement à Altinum. Marc-Aurèle regretta peu ce collègue dissolu qui le gênait, bien qu'il lui ait fait décerner l'apothéose. Il revint sur le Danube conduire la guerre contre les Marcomans; il fut obligé de concentrer une douzaine des trente légions de l'Empire, d'en créer deux nouvelles, d'enrôler des gladiateurs, des esclaves, des exilés, de faire vendre ses bijoux. Nous ignorons le détail de ces campagnes qui furent marquées par des alternatives de succès et de revers; les Marcomans pénétrèrent jusqu'à Aquilée. Pertinax délivra la Rhétie et le Norique, Marc-Aurèle opéra en Pannonie. Les lazyges furent battus sur le lit alors glacé du Danube. Le pays des Quades fut envahi; au cours de cette expédition l'armée romaine, accablée par la soif, fut sauvée par un orage subit qui parut miraculeux et dont plus tard les chrétiens ont revendiqué l'honneur rapporté d'abord à Jupiter Pluvius, comme en témoigne un bas-relief de la colonne Antonine.

Ces succès furent interrompus par la révolte d'Avidius Cassius en Asie. Ce grand général, qui reprochait à Marc-Aurèle une excessive indulgence pour un personnel taré, et un désintéressement philosophique des abus, avait pris le titre d'auguste. Il fut arrêté par la résistance des gouverneurs de Cappadoce et de Bithynie et tué par un de ses officiers. Marc-Aurèle pardonna à tous ses complices. Il se rendit alors à Rome où il s'associa son fils Commode, partit pour l'Orient avec sa femme et son fils. Faustine mourut à Halala (plus tard Faustinopolis), au pied du Taurus, et reçut l'apothéose. L'empereur visita la Syrie, l'Égypte et revint à Rome (176) après avoir inspecté les écoles, les temples, fondé quelques chaires à Athènes, s'être initié aux mystères d'Eleusis. Il institua de nouvelles fondations alimentaires pour des jeunes filles (puella Faustinianae). Il fit de grandes largesses au peuple à l'occasion du mariage de Commode. La guerre se poursuivait au Nord; Pertinax commandait en Dacie, les deux frères Quintilius sur le Danube. Marc-Aurèle s'y rendit à la fin de 178. Après de brillants succès, il fut atteint d'une maladie (peut-être la peste) à laquelle il succomba.

L'empereur avait eu de sa femme Faustine trois fils et quatre filles : Annius Verus Caesar, né en 163, mort en 170; deux jumeaux, Antoninus, mort à l'âge de quatre ans, et Lucius Aurelius Commodus qui succéda à son père; Annia Lucilla, épouse de L. Verus, Vibia Aurelia Sabina; Domitia Faustina; Fadilla.

Il est difficile d'apprécier le règne de Marc-Aurèle au point de vue politique; les documents manquent; les brefs récits de Capitolin, de Vulcatius Gallicanus (Vie d'Av. Cassius), l'abrégé de Dion Cassius par Xiliphilin, quelques lignes d'Hérodien, sont avec les monuments épigraphiques et archéologiques et quelques lettres de l'empereur des moyens d'information tout à fait insuffisants. Les famines, la peste, les incursions des barbares ont fait de grands ravages. Dans quelle mesure l'administration du prince a-t-elle pallié et réparé ces maux? Eut-il l'énergie qu'exigeaient les circonstances? Mais ce qu'on ne peut contester, c'est sa haute valeur morale et son mérite personnel. On ne saurait guère lui reprocher d'avoir persécuté les chrétiens, ce qui fut politique commune des empereurs, d'autant que le sanglant épisode de Lyon (martyre de Pothin, Blandine, etc.) se passa loin de sa présence. Lui-même avait horreur du sang versé et n'assistait aux combats de gladiateurs qu'en faisant émousser leurs armes. (A..M. B.).

Marc-Aurèle, philosophe, est avec Musonius, Rufus et Épictète, un des plus admirables représentants de l'école stoïcienne. Son livre des Pensées, sorte d'examen de conscience, qu'il écrivait chaque soir pendant sa rude campagne chez les Marcomans, est un des plus beaux livres que possède l'humanité. Marc-Aurèle demeure en général fidèle à l'esprit et même à la lettre du stoïcisme : cependant il l'adoucit en bien des points; il l'anime d'un esprit nouveau, il le pénètre d'une tendresse de coeur et d'une bonté inconnues jusque-là, et, par certains côtés, il se rapproche de Platon. Tout en reconnaissant l'importance et la légitimité de la logique et de la physique, c'est la religion et la morale qu'il considère comme la partie essentielle de la philosophie

La vie est une ombre, un rêve : il importe peu qu'elle dure trois ans ou trois âges d'humain. Ce qui seul mérite considération, c'est l'ordre établi dans l'univers par la Providence. Que le monde soit animé d'un esprit divin, que tout, dans le détail comme dans l'ensemble, conspire vers un même but qui est le bien, que le mal ne soit qu'une apparence ou une condition du bien, voilà le principe de la philosophie de Marc-Aurèle, l'idée qui revient sans cesse sous cent formes différentes dans son livre; et rien dans une vie si agitée et si douloureuse n'a pu ébranler chez lui ce touchant optimisme. De là les préceptes de résignation pieuse qu'il se donne si souvent à lui-même. Il n'est point d'événement si cruel dans la vie, dont l'humain de bien ne puisse faire une occasion de vertu; et vienne l'heure de la mort, il faut quitter la vie comme l'olive mûre tombe en bénissant l'arbre qui l'a portée. 

De là aussi cette confiance dans la bonté de Jupiter, qui se révèle à tous par la divination et les oracles, surtout par les démons familiers qu'il a proposés à notre garde et qui veillent sur nous. C'est en se détournant des choses extérieures pour consulter ce génie intérieur, qui est la meilleure partie de lui-même, que l'humain peut arriver à la vertu et se préparer à rentrer après la mort dans le sein de la divinité. Nous ne pouvons qu'indiquer ici les belles conséquences que Marc-Aurèle a tirées de ces principes sur la fraternité de tous les humain, sur leur parenté avec la divinité, sur les égards dus aux plus humbles, sur la pitié que doivent nous inspirer les fautes des humains commises toujours par ignorance, sur l'amour qui doit unir tous les citoyens de cette patrie qu'il appelle la cité de Jupiter. (V. Brochard).



En bibliothèque - Les Pensées de Marc-Aurèle ont été traduites en français par Dacier (Paris, 1691, 2 vol.), par Joly (Paris, 1770), par Pierron (Paris, 1843), par Barthélemy Saint-Hilaire (Paris, 1876). Outre ses Pensées, écrites en grec (Markon Antôninou tou autokratoros tôn eis euton  biblia ib), on a retrouvé dans les palimpsestes de l'Ambrosienne (Château d'Ambras) et de la Vaticane un certain nombre de lettres de Marc-Aurèle. 

Duruy, Histoire des Romains, t. V. - Martha, les Moralistes sous l'Empire romain; Paris, 1864, - Taine, Nouv. Ess.de crit. et d'hist.; Paris,1866. - Ernest Renan, Marc-Aurèle. - Bach, De M. Aur.-Antonino; Leipzig, 1826.

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