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La découverte du monde > Le ciel > Vénus |
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Une fois que l'on
a admis le système héliocentrique, les lois de Kepler![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Dates clés : 1639 - Première observation attestée d'un transit de Vénus devant le Soleil. |
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Des
observations à l'oeil nu?
Les passages de Vénus devant le disque
solaire peuvent, contrairement à ceux de Mercure Sur une tablette babylonienne Il serait assurément difficile de rétablir aujourd'hui les mots absents. Mais la dernière ligne surtout pourrait bien indiquer qu'il s'agit de l'observation d'un passage de Vénus devant le Soleil, observé en Babylonie il y a plus de 3500 ans. Bien sûr, il pourrait aussi s'agir encore de l'évocation de la planète du soir en planète du matin (ou l'inverse).La planète Vénus -
Il existe par ailleurs des indications (AI-Resalatol Moeinah) selon lesquelles Avicenne (1128 -1198) aurait pu observer en 1153 un transit de Vénus devant le Soleil. A-t-il reconnu la planète, ou l'a-t-il prise pour une tache solaire? La réponse ne fait pas l'unanimité. La date consignée par Avicenne (1161) est différente de celle du transit. Mais, d'un autre côté, on trouve dans l'ouvrage de al-Tusi intitulé Esharat va al-Tanbihat une discussion sur l'arrangement des planètes dans le système de Ptolémée qui se réfère au texte d'Avicenne et semble bien aller dans le sens d'une identification positive par lui de Vénus. |
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Vénus
et les dimensions du Système solaire
Kepler est le
premier a avoir prédit un transit de Vénus devant le Soleil. Cela devait
se produire le 4 décembre 1631,
soit environ un mois après le transit de Mercure. On constatera bien ce
dernier, le 7 novembre. Mais le passage de Vénus ne peut cependant
pas être observé. On sait aujourd'hui que c'est parce qu'en Europe, il
faisait nuit au moment de son déroulement. "Mercurius in Sole visus
et Venus invisa", écrit Gassendi d'autant
plus déçu qu'il s'accorde avec Kepler pour penser que la prochaine opportunité
ne se présentera pas avant 1761. Mais
Jeremiah
Horrocks va comprendre dès 1636
[a] (il
n'a alors que 17 ans) qu'un second cycle décalé de huit ans par rapport
au premier existe aussi, et que finalement, l'événement va se reproduire
huit ans plus tard. Mieux, il pourra cette fois être observé d'Angleterre
peu de temps avant le coucher du Soleil. Cependant, Horrocks n'ayant averti
personne, Ã l'exception de son ami William Crabtree,
les deux jeunes gens seront les seuls à pouvoir observer ce premier passage
de Vénus de l'ère télescopique.
Il va s'avérer que ces transits ne représentent pas seulement un spectacle rare. Les astronomes vont très vite leur trouver une grande utilité. Ils connaissent, depuis Kepler, les distances relatives des objets qui gravitent autour du Soleil. Elles se déterminent simplement par la troisième loi de Kepler, à partir des périodes ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
[a] En Belgique, Lansberg, mort en 1632, avait produit des tables qui laissaient penser qu'un transit aurait lieu en 1639, mais les calculs sur lesquels cette précision se fondait étant moins précis que ceux de Kepler, on n'y a pas porté attention. | ||||||
Cependant,
en 1663,
Gregory
va avoir, dans son Optica Promota
[b],
l'idée de mettre profit les rares passages de Vénus devant le disque
du Soleil pour calculer cette précieuse distance de la Terre au Soleil.
Halley
(qui a observé depuis Sainte-Hélène![]() Plutôt que de mesurer l'angle qui sépare les deux trajectoires apparentes de la planète, observées depuis deux points éloignés de la Terre, Halley propose qu'on chronomètre les temps correspondant à ces trajets. Le procédé, beaucoup plus précis qu'une simple mesure d'angles, doit permettre de déduire la longueur des trajectoires apparentes sur le disque solaire, puis leur distance angulaire et, enfin, de déterminer des distances réelles. Et cette méthode sera appliquée quatre fois : le 6 juin 1761, le 3 juin 1769, le 9 décembre 1874 et le 6 décembre 1882, qui a correspondu au dernier passage de Vénus, avant les deux du XXIe siècle : le 8 juin 2004 et le 5-6 juin 2012. (Mais dans leurs cas il y a belle lurette que la distance de Vénus et du Soleil sont connues précisément). |
[b] "Hoc Problema pulcherrimum habet usum sed forsan laboriosum, in observationibus Veneris vel Mercurii particulam Solis obscurantis; ex talibus enim Solis parallaxis investigari poterit" (P. 130, schol. de la prop. 87). | ||||||
A
la poursuite de Vénus
La rareté de ces
transits, ajoutée à l'importance astronomique qu'on leur a découvert,
expliquent les efforts qui ont été faits pendant près de trois siècles
pour les observer. De grandes expéditions ont été mises sur pied dès
le passage de 1761,
pour que quelques astronomes puissent se rendre sur les lieux où ces passages
étaient observables. Au préalable, il convenait de vérifier et de perfectionner
la méthode proposée par Halley. A l'approche du passage, le premier soin
des astronomes avait été de refaire les calculs. Trébuchet y rencontra
des erreurs et des omissions, et les astronomes français exagérèrent
l'importance d'une inadvertance qui ne diminuait en rien la gloire de Halley.
Dans les Transactions philosophiques de Londres,
au contraire, on s'efforçait d'amoindrir plus qu'il n'était juste la
portée d'une correction utile, qu'on semblait voir avec déplaisir; les
Anglais en profitèrent cependant aussi bien que les autres astronomes,
et les calculs rectifiés servirent, dans toute l'Europe, à régler les
stations adoptées. Puis montra qu'on peut beaucoup plus précisément
que son prédécesseur définir les lieux où l'on devra se poster pour
observer le passage dans sa totalité (le phénomène dure six heures environ).
La Baie d'Hudson 1761 : La première
grande collaboration scientifique internationale
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[c] Les méthodes de Halley et de Delisle Il faudra attendre le travail de Dionis du Séjour, publié en 1773-74 parvient à mettre sur pied une formulation analytique du problème. Il obtient au final une équation du second degré dont une des racines fournit la durée maximale du transit, l'autre sa durée minimale. | ||||||
Au
total, le bilan fut été relativement modeste. Plusieurs accidents avaient
empêché ou troublé les observateurs les plus exercés. Les nuages de
Sainte-Hélène dérobèrent le phénomène à Maskelyne, qui ne put observer
ni l'entrée ni la sortie. Le Gentil eut la mauvaise fortune de trouver
Pondichéry au pouvoir des Anglais; il vit la station qu'il avait choisie,
mais il ne lui fut pas donné d'y aborder, et, pendant sa fuite vers l'île
Bourbon, il aperçut le passage en mer sans pouvoir l'observer; l'expédition
de Pingré à l'île Rodrigue fut également traversée par l'état de
guerre; des dangers réels accompagnèrent ses fatigues et ses travaux;
son observation, fortement contestée, semblait, en effet, difficile Ã
concilier avec quelques-unes des autres. Mais, indépendamment de ces disgrâces
accidentelles, un phénomène imprévu, sans démentir la théorie ni infirmer
les règles prescrites par Halley, vint corrompre d'une manière presque
irrémédiable la certitude de leur application et déconcerter les mesurés
si bien prises. Fallait-il accuser l'imperfection de nos organes ou celle
des instruments? Mais, loin de pouvoir indiquer, à une seconde près,
comme le pensait Halley, le moment du contact intérieur ou extérieur,
un observateur peut difficilement répondre de 15 à 20 secondes. Et au
total, certaines observations conduisaient à donner une parallaxe de 4",
et d'autres de 30".
![]() Le transit de 1761 observé par Thorbern Bergman, à Upsala (Suède). Une synthèse était nécessaire. Mais même ainsi, l'affaire se révéla décevante. Les calculs effectués au retour par Pingré, en France, donnèrent pour la parallaxe du soleil une valeur de 10" 1/2; et James Short (1710-1768), chargé des mêmes calculs en Angleterre trouva 8" 2/3. Même la rectification que Thomas Hornsby (un astronome d'Oxford) fit subir à cette dernière, et qui portait la valeur de la parallaxe solaire à 9" 3/4, ne s'accordait pas aussi bien qu'on l'aurait souhaité avec celle de Pingré. Une précision qui restait au demeurant bien éloignée des espérances de Halley. La difficulté, avec la méthode de Delisle, provenait d'une part d'une certaine imprécision dans la connaissance des longitudes terrestres, et d'autre part, de ce qu'il était extrêmement difficile de définir le moment exact de la fin de l'entrée (deuxième contact) et du début de la sortie (troisième contact) de Vénus du disque solaire. La méthode de Halley, plus fruste en apparence, mais plus, mais qui a également été utilisé, avait elle aussi ce dernier défaut, et elle lui en ajoutait un autre : l'observation devait se faire sur toute la durée du transit. Les emplacements favorables étaient alors encore plus limités, et surtout la météorologie devait se montrer favorable au moment de chacun des contacts répartis sur six heures. ![]() L'effet de "goutte noire" est l'un des obstacles qui s'opposent à la détermination exacte de l'instant du contact. (dessin effectué en Australie, lors du transit de 1874). |
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1769
: le transit des Lumières.
Le passage suivant, en 1769,permit d'obtenir de meilleurs résultats. La fourchette des valeurs trouvées pour la parallaxe du Soleil étaient comprise entre 8,78" (Hornsby) et 8, 80" (Pingré), alors que la valeur admise aujourd'hui est de 8,794" [d]. L'événement, à la préparation duquel s'attachent cette fois les noms de Pingré en France et de Hornsby en Angleterre, mobilisa également plus de monde : 161 astronomes disposés en 77 points à travers le globe. Et, au total, 600 articles scientifiques furent publiés à l'issue de l'événement. Selon Pingré, les lieux les plus favorables à l'observation du transit se situaient, pour le plus long en Laponie, et pour le plus court [e] dans le Pacifique sud, et plus particulièrement du côté de Pitcairn (devenue fameuse pour avoir abrité les mutinés de la Bounty), et une expédition fut envisagée dès 1767. Mais une invitation du gouvernement mexicain avait finalement convaincu les autorités françaises d'envoyer sa mission en Basse Californie |
[d]
En
1824,
Encke
fera une nouvelle analyse des résultats de 1769 et obtiendra une parallaxe
de 8,58". Newcomb, à partir des mêmes données,
obtiendra en 1890
le chiffre beaucoup plus satisfaisant de 8."79.
[e] La parallaxe, dans la méthode de Delisle était déduite de la différence de ces extrêmes, estimée par Pingré à 28 mn 34 s. |
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Comme il est de
coutume, à cette époque les voyages effectués au bout du monde sont
aussi l'occasion recueillir une foule d'informations tant géographiques,
qu'ethnologique qu'en matière d'histoire naturelle. Celui de Le Gentil
n'aura pas échappé à la règle, et l'astronome rapportera une foule
de connaissances nouvelles sur l'Inde.
Dans certains cas, l'observation du passage de Vénus s'est inscrite dès le départ dans des programmes plus vastes. On peut citer ainsi le voyage de Cook qui partit en 1768 à bord de l'Endeavour, en direction de Tahiti pour y observer le transit de Vénus, mais dont la mission comportait deux autres volets : cartographier la Nouvelle Zélande, d'une part et, si possible, découvrir, d'autre part, la fameuse Terra australis incognita, objet à l'époque de toutes les spéculations, et dont la recherche sera encore l'objet plus spécifique de son second voyage. - ![]() Point Venus (ou la Pointe Vénus), l'observatoire fondé par Cook à Tahiti. |
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La
fin de quelque chose
Le voyage de Cook, appartient sans doute
bien à l'esprit des lumières, mais il possède déjà cette dimension
besogneuse qui sera celle des sciences au XIXe
siècle. Et lors des transits suivants, de 1874
et de 1882, c'est bien un autre esprit
qui va présider à leur étude. Sans compter qu'après plus d'une siècle
les connaissances ont évolué, et les questions se sont déplacées. Les
astronomes ont développé de nouvelles méthodes qui vont leur permettre
de bien mieux déterminer la parallaxe du Soleil. L'une d'elles, par exemple,
sera utilisée en 1900, qui mettra
à profit le passage du circastéroïde Éros |
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Vénus,
affaire mexicaine
Si l'on veut commencer quelque part ce récit, c'est encore en 1769, et avec une autre expédition au dénouement dramatique, que l'on pourrait le faire. Alors que Le Gentil, manquait sont rendez-vous, une autre expédition destinée à suivre le passage de Vénus devant le Soleil avait mené dans l'extrême sud de la Péninsule californienne ![]() Plusieurs scientifiques
mexicains créoles sont associés à l'entreprise, dont le curé José
Antonio de Alzate et l'ingénieur des mines Joaquin Velazquez de Leon.
Les observations destinées à évaluer la parallaxe du Soleil se déroulent
normalement, mais Chappe et plusieurs membres de l'expédition meurent
lors d'une épidémie qui a déjà tué les trois-quarts de la population
sud-californienne. Tout ne sera pas pour autant perdu. Car cette visite
va être l'occasion d'une sorte de naissance pour la frêle astronomie
mexicaine : l'équipement laissé par les Français (deux lunettes achromatiques
de Dollond) permet en particulier à Velazquez
de Leon les premiers travaux géodésiques réalisés dans le pays; Alzate,
pour sa part, dédie à l'analyse des phénomènes célestes son nouveau
"télescope de 7 pieds 3 pouces [de focale], qui a un meilleur
effet qu'une lunette de deux pieds"... Il étudie les occultations |
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Cette
astronomie bien balbutiante va devoir attendre le siècle suivant pour
se trouver une vraie place dans le pays. Elle va devoir attendre le moment
où, libérée du joug espagnol en 1821,
la bourgeoisie créole accède enfin au pouvoir. C'est un dur moment de
l'histoire. Les épreuves s'accumulent pour le Mexique : humiliation lors
de la guerre avec les États-Unis et, plus tard, occupation du pays par
les troupes de Napoléon III; le tout sur
fond de troubles intérieurs parce que les Créoles ne parviennent pas
à se concilier la grande masse des déshérités, Indiens et Métis. Il
y a bien Benito Juarez, un Indien de souche, qui
devient chef de l'État après s'est distingué contre les Français, mais
il meurt sans réduire la fracture de plus en plus ouverte entre le pays
exsangue et ses gouvernants. La fougue réformatrice de son successeur,
Sebastian Lerdo de Tejada, sa politique anticléricale réactivent le mécontentement
de la population et la guerre civile menace encore. Il faut faire quelque
chose.
C'est alors qu'un
vieux compagnon de Juarez, le géographe Francisco
Diaz Covarrubias, a une idée de génie : appeler Vénus à la rescousse.
Selon lui, le nouveau passage de la planète devant le disque solaire,
prévu le 9 décembre 1874,
peut être l'occasion de sceller l'alliance du pouvoir Créole avec le
pays. Dans l'ancien Mexique, la planète était identifiée au grand dieu
Quetzalcoatl Tout cela est possible parce que cette fois, l'observation du transit de Vénus ne devra rien aux hasards de la géographie, mais à une décision politique. Il va falloir, en effet, aller à la rencontre de la planète et envoyer une expédition en Océanie ou en Extrême-Orient. Le 8 septembre 1874, seulement trois mois avant l'événement, Diaz Covarrubias soumet son idée à Lerdo de Tejada. Ses arguments font mouche. D'autant mieux que le Mexique cherche aussi une reconnaissance à l'extérieur de ses frontières, ne serait-ce que dans un domaine où son savoir faire est certain. On se souvient, en effet, à Mexico, que les données recueillies en 1761 par Velazquez de Leon avait été publiées aux côtés de celles de Chappe par l'Académie Royale des Sciences de Paris. Diaz Covarrubias forme donc son équipe et rassemble en un temps record tout ce que la jeune république peut fournir en équipements - c'est-à -dire deux lunettes zénithales, un théodolite, un télescope, un baromètre, deux chronomètres et des oculaires dotés de micromètres à haute précision. Le 18 septembre, c'est le départ. A cause de l'état
catastrophique des chemins entre la capitale et les ports de la côte pacifique,
les cinq hommes de l'expédition Diaz Covarrubias empruntent un itinéraire
pour le moins détourné : Mexico-Veracruz en train; traversée jusqu'Ã
la Havane sur un vapeur français; embarquement sur un navire américain
qui conduit les astronomes, sur qui plane une menace de mise en quarantaine
sanitaire, jusqu'Ã Philadelphie, puis New-York.
Franchissement des États-Unis en train, au milieu des pionniers de la
Conquête de l'Ouest qui connaît alors son apogée (la ligne de L'Union
and Central Pacific est ouverte depuis cinq ans à peine); arrivée
à San Francisco où l'on se procure du matériel photographique, introuvable
au Mexique, et enfin traversée mouvementée jusqu'au Japon Vénus n'empêchera pas le renversement de Lerdo de Tejada, pourtant le pari de Diaz Covarrubias est en fait gagné. L'expédition et la tempête politique qui l'a accompagnée marque profondément et durablement les esprits. Signe des temps, un débit de boissons de la capitale est baptisée, en toute sobriété, El Transito de Venus por el Disco del Sol. Mais surtout, le Mexique peut enfin s'instituer, aux yeux de tous, comme le dépositaire des anciennes civilisations astronomiques d'Amérique. Quetzalcòatl est revenu. Cette fois pour de bon. Et ceux-là mêmes qui l'avaient tant critiqué naguère aident maintenant à Diaz Covarrubias à créer l'Observatoire de Tacubaya, à Mexico, et concéder un véritable statut national à l'astronomie. Le passage suivant
de Vénus, celui de 1882,
de nouveau observable depuis le Mexique, permettra de reprendre contact
avec les astronomes français. Tacubaya devient ainsi un des dix-huit observatoires
invités à participer à l'un des grands projets astronomiques internationaux
de l'époque : l'établissement de la fameuse carte du ciel dont l'Amiral
Mouchez,
alors directeur de l'Observatoire de Paris
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