| On donne le nom de Saint-Barthélémy au massacre des huguenots qui commença à Paris le jour de Saint-Barthélemy (24 août 1572). Après la paix de Saint-Germain (8 août 1570), les huguenots étaient entrés fort avant dans la faveur royale. Coligny avait fait agréer à Charles IX le noble projet de détourner vers la Flandre et contre l'Espagne l'ardeur belliqueuse des deux partis. Le mariage de Marguerite de Valois avec Henri de Navarre (Henri IV) devait être le sceau de cette nouvelle politique. Le départ de La Noue puis de Genlis pour la Flandre en était l'inauguration. Mais les Guises ne pouvaient pardonner à celui qu'ils considéraient comme l'assassin de leur père . Catherine, jalouse de l'influence qu'elle exerçait sur son fils, sentait en Coligny un rival qui pouvait lui enlever le pouvoir; son autre fils, le duc d'Anjou, se coalisait avec elle. Enfin, dès 1569, le pape Pie V avait appelé Coligny : « cet homme exécrable et détestable, si même il doit être appelé un homme. » Il avait écrit à la reine qu'il fallait combattre les hérétiques « jusqu'à la mort (ad internecionem, usque) et les supprimer tous (deletis omnibus haereticis) » et au duc d'Anjou qu'il devait « se montrer inexorable ». Il avait violemment condamné l'édit de tolérance. Aussi régnait-il à Paris une vague inquiétude. La mort de Jeanne d'Albret passa, à tort, pour un empoisonnement (9 juin 1572). La défaite de Genlis (11 juillet) rendit courage à Catherine. Elle laissa faire cependant le mariage de sa fille (18 août), mais ces noces devaient être des noces vermeilles. Le 24 août, Coligny fut blessé en sortant du Louvre. S'iI avait été tué, il est possible que Catherine n'eût pas demandé d'autres victimes. Mais il vivait, il pouvait dénoncer ses meurtriers, les huguenots s'agitaient, ils avaient encore le roi pour eux, il fallait les faire taire en les supprimant. Catherine tint conseil avec Guise, Mme de Nemours, Anjou, Gondi. Elle se décida à tout avouer à son fils; le 23 au soir, elle lui arracha l'autorisation du massacre. Charles IX, affolé par la peur, fit venir le prévôt des marchands et donna l'ordre de déchaîner contre les huguenots la populace catholique. Dans la nuit, à une heure et demie, la cloche de Saint-Germain-l'Auxerrois donna le signal des matines parisiennes. L'exécution commença par le meurtre de Coligny, puis s'étendit à la Ville, à la Cité, à l'Université; les assassins pénétrèrent jusque dans la chambre de Marguerite. Il ne paraît pas exact que Charles IX ait lui-même arquebusé des fugitifs d'une fenêtre du Louvre. Le massacre se transformant en pillage, il voulut l'arrêter, mais on tua jusqu'au 17 septembre. Une aubépine ayant refleuri au cimetière des Innocents, ce miracle avait excité de nouveau les massacreurs. De Paris, le massacre s'étendit en province. Le roi avait d'abord désavoué les matines, et tout rejeté sur les Guises. Puis, changeant de système, il déclara que Coligny et les huguenots avaient préparé une conspiration et qu'il avait fallu les tuer. Dès le 25, le massacre eut lieu à Meaux, le 26 à La Charité, à Orléans le 27, à Lyon le 30, à Rouen le 17 septembre, à Bordeaux le 3 octobre. Il n'y eut pas de Saint-Barthélemy à Dijon, à Limoges. Plusieurs gouverneurs refusèrent d'autoriser le massacre. En général, on désarmait les huguenots, on les enfermait dans les prisons, où la populace allait ensuite les massacrer. Le 30 septembre, le roi ordonna de ne plus tuer, mais de destituer les officiers huguenots, même s'ils abjuraient, et d'interdire les prêches et assemblées. Il est très difficile d'évaluer, même approximativement, le chiffre des victimes. Pour Paris, La Popelinière parle de 1000, Davila de 10.000. Le chiffre donné par Brantôme, pour les seuls cadavres jetés à la Seine, près de 4000, est assez vraisemblable. Quelques-unes de ces victimes, et aussi de celles que la Saint-Barthélemy frappa sans les tuer, sont illustres (Téligny, La Rochefoucauld, Pierre de la Ramée, Michel de L'Hôpital). Hotman, on ne sait sur quelles bases, évalue à 50.000 le nombre des massacrés dans la France entière. Une abjuration apparente sauva seule Henri de Navarre. Charles IX paraît avoir conservé toute sa vie l'horreur de ces journées et s'être repenti à son lit de mort du rôle que sa mère lui avait fait jouer. Le résultat de la Saint-Barthélemy fut tout autre que celui qu'on attendait (Guerres de religion). Les huguenots se soulevèrent et forcèrent, d'accord avec le nouveau parti des politiques, le roi à leur donner la paix (6 juillet 1573). Au dehors, le massacre fut bien accueilli à Rome : le pape Grégoire XIII fit célébrer un Te Deum, une procession, une cérémonie à Saint Louis des Français (per la felicissima nova della destruttione della setta Ugonotana), frapper une médaille avec cette devise : Ugonotorurn strages. Partout ailleurs, et jusqu'en Orient, la Saint-Barthélemy fut considérée comme une victoire de l'Espagne, un coup très grave porté à l'influence française. L'Angleterre faillit rompre avec nous, de même que les princes allemands protestants. Il fallut toute l'habileté des Noailles et des Monluc pour réparer, au point de vue diplomatique, cette criminelle folie et pour mener à bien l'élection du duc d'Anjou an trône de Pologne (Henri III). Deux questions se posent au sujet de la Saint-Barthélemy : (a) Fut-elle préméditée? Non, si l'on entend par là que dès l'entrevue de Bayonne, par exemple, Catherine aurait projeté d'exterminer les huguenots; ou même qu'elle ne les attirait aux noces de sa fille que pour mieux les étouffer. Cette théorie, mise en avant, non pas tout d'abord par les protestants, mais par les catholiques pontificaux (comme Capilupi) qui voulait faire à Charles IX l'honneur d'avoir préparé ce coup d'Etat, n'est pas soutenable. Mais dès longtemps Catherine, l'auteur vraiment responsable de la Saint-Barthélemy, rêvait de tuer l'amiral et ne répugnait pas à l'idée du massacre des principaux d'entre les huguenots. (b) Eut-elle des causes religieuses ou simplement politiques? Évidemment, elle est d'abord une revanche de la reine, de Monsieur et des Guises sur le parti de Coligny, revanche de la politique espagnole sur la politique nationale de la guerre de Flandre. Mais elle n'a été rendue possible que par l'état religieux de l'époque, elle a été une explosion de fanatisme populaire, elle a été conseillée, presque ordonnée par un pape, sanctifiée par un autre. Elle restera souvent célébrée comme une victoire de l'Eglise sur l'hérésie. II est impossible de donner ici le catalogue des oeuvres littéraires, dramatiques, musicales, artistiques, inspirées par la Saint-Barthélemy. Il n'entre pas non plus dans notre plan de suivre l'influence de cet événement sur le développement ultérieur de l'histoire de France et des idées françaises. (H. Hauser). | |