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L'histoire de Bordeaux
Bordeaux sous la domination romaine. 
On ne sait rien sur la fondation de la ville de Bordeaux. Strabon est le premier qui fasse mention de la citĂ© de Burdigala, nom que l'on retrouve dans PtolĂ©mĂ©e. SituĂ©e sur la Garonne, qui sĂ©parait les populations ibères des pays celtiques, cette ville Ă©tait habitĂ©e, au moment de la conquĂŞte romaine et de son apparition dans l'histoire, par les Bituriges Vivisci, qui paraissent avoir Ă©tĂ©, comme les BoĂŻens et les MĂ©dulles, un peuple celtique qui, ayant Ă©migrĂ©, Ă©tait venu s'installer sur la rive gauche de la Garonne. Que Bordeaux ait Ă©tĂ© soumise aux Romains, lors de la victoire de Crassus, lieutenant de CĂ©sar, sur les Aquitains, ou sous le règne d'Auguste, la conquĂŞte paraĂ®t s'ĂŞtre effectuĂ©e sans violence : il est mĂŞme permis de supposer que les Bituriges, peuple de navigateurs et de commerçants, se soumirent volontairement Ă  CĂ©sar et qu'ils lui fournirent peut-ĂŞtre des navires pour l'expĂ©dition de Bretagne, comme les Pictons et les Sanctons. Ils jouissaient en effet de privilèges particuliers, et Strabon nous apprend qu'ils ne payaient pas le tribut avec les Aquitains. 
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Bordeaux : Piliers de Tutelle.
Les Piliers de Tutelle. (Dessin de Hermann van der Hem).

Les habitants de Bordeaux eurent la civitas de bonne heure et furent inscrits dans la tribu Quirina; ils eurent leur collège de magistrats, leur culte d'Auguste, comme le prouve une inscription trouvée jadis aux Piliers de tutelle et dédiée à Auguste et GENIO CIVITATIS BITVRIGVM VIVICORVM. Au lendemain de la conquête romaine, elle fut tout d'abord classée parmi les civitates liberae. Bordeaux resta fidèle aux Romains et ne prit part ni à l'insurrection de Vercingétorix, ni au soulèvement de l'Aquitaine, après le meurtre de Jules César (44 av. J.-C.). Lorsqu'en l'an 28 avant notre ère, Auguste réorganisa les provinces de la Gaule, Bordeaux fut classée parmi les quatorze cités de l'Aquitaine seconde, qui s'étendait de la Loire à la Garonne.

Cette ville qui, avant la conquĂŞte romaine, paraĂ®t avoir Ă©tĂ© un centre de commerce assez important, puisque Strabon la nomme Emporium Burdigala, fut choisie comme rĂ©sidence par les gouverneurs ou prĂ©sidents des Aquitaines et prit un grand dĂ©veloppement; PtolĂ©mĂ©e l'appelle Aquitaniae urbs insignis. Parmi les gouverneurs d'Aquitaine qui habitèrent Bordeaux, on cite Agricola, beau-père de Tacite (74 Ă  76); Galba, qui devint empereur; TĂ©tricus, qui fut Ă©lu empereur par les soldats et qui, suivant Eutrope, revĂŞtit la pourpre impĂ©riale Ă  Bordeaux, en 271; le jurisconsulte Salvius Julianus, etc. Vers le milieu du IIIe siècle, peut-ĂŞtre pendant un sĂ©jour de l'empereur Gallien Ă  Bordeaux, la ville fut agrandie ou plutĂ´t rebâtie entièrement sur le plan des citĂ©s latines. Les Romains l'embellirent alors de nombreux monuments et les arènes que Gallien fit construire en dehors de la ville, sont un des vestiges les mieux conservĂ©s de la domination romaine Ă  Bordeaux. EntraĂ®nĂ©e dans la rĂ©volte de Tetricus, la ville lutta contre l'empereur AurĂ©lien et fut reconquise, en 274, après la mort de l'usurpateur. Elle n'eut pas Ă  souffrir de l'invasion des Bagaudes, mais dut cependant leur payer rançon; les Romains jugèrent alors prudent de fortifier la ville, qui sous DioclĂ©tien, vers l'an 300, fut entourĂ©e de nouvelles murailles. Bordeaux devint Ă  cette Ă©poque le centre littĂ©raire de la Gaule; ses Ă©coles comptèrent parmi les plus florissantes de l'Empire romain et produisirent une foule d'hommes remarquables, parmi lesquels on peut citer les grammairiens Leontius et Glabrio, les rhĂ©toriciens Exupère et Minervius, Sedatus, Alcimus, le poète Clementinus ThĂ©on, l'orateur Delphidius, saint Paulin et surtout le poète Ausone, qui a cĂ©lĂ©brĂ© sa ville natale et en a laissĂ© des descriptions qui permettent de se faire une idĂ©e de Bordeaux au IVe siècle. 

La ville romaine.
La ville romaine, bâtie, quoi qu'on en ait dit, sur la rive gauche de la Garonne, avait la forme d'un carrĂ© et Ă©tait dĂ©fendue par une enceinte garnie de tours : Quadria murorum species sic turribus allis ardua. La ville occupait un espace de 740 m de long sur 480 de large, entre le Chapeau-Rouge et la petite rivière du Peugue, et ses hautes murailles Ă©taient percĂ©es de quatorze portes placĂ©es symĂ©triquement les unes en face des autres. A l'Ouest la ville avait pour limite une ligne qui irait de la cathĂ©drale Saint-AndrĂ© Ă  l'extrĂ©mitĂ© du cours de l'Intendance. L'enceinte mĂ©ridionale allait du cloĂ®tre Saint-AndrĂ© au Palais, anciennement Castrum regium, placĂ© entre la rue des Bahutiers et celle des Argentiers; trois portesdonnaient accès dans la ville de ce cĂ´tĂ©, la porte Basse, celle de la Cadène on des Trois-Maries, placĂ©e près de la rue du Loup et dĂ©molie en 1728, et la porte Vegeira ou Vigeria (Begueyre), faisant face aux rues du Pas-de-Saint-Georges et des Epiciers. A l'Est le mur d'enceinte Ă©tait entre les maisons de la rue Saint-Pierre et celle de la rue des Argentiers, et aboutissait Ă  l'hĂ´tel de la  Bourse. Il avait aussi trois portes l'une dans la rue de Tour-de-Gassies, oĂą se trouvait au XIVe siècle la tour de Saint-Aubin; la porte Saint-Pierre. qui paraĂ®t avoir Ă©tĂ© la mĂŞme que la Porta Navigera, dont parle saint Paulin, et la Porta de Palis ou porte Despaux, au bout de la rue Saint-RĂ©my. Au Nord le mur commençait, non dans l'alignement de la porte MĂ©doc, mais plus dans l'intĂ©rieur de la ville, aux environs de la chapelle de la Bourse, traversait la place Saint-RĂ©my et continuait vers l'ancienne maison de Puy Paulin, hĂ´tel de l'Intendance; il longeait les possessions de l'hĂ´tel du Temple et se terminait Ă  une tour qui subsistait encore, au XVIIIe siècle, dans la rue du Canon. Il devait y avoir une porte au haut de la rue Sainte-Catherine, rĂ©pondant directement Ă  la porte de la Cadène ou des Trois-Maries; une autre porte devait ĂŞtre situĂ©e place Saint-RĂ©my, en face de la porte Begueyre; une troisième vers l'hĂ´tel de l'Intendance. Enfin les portes qui s'ouvraient sur le cĂ´tĂ© occidental Ă©taient la porte Dijaux, une porte Ă  l'extrĂ©mitĂ© de la rue de l'HĂ´pital-Saint-AndrĂ©, en montant vers la rue des Remparts, et une troisième rĂ©pondant Ă  la porte Saint-Pierre. Plus tard, on agrandit l'enceinte et l'on transporta dans le nouveau mur les portes Dijaux, MĂ©doc et Despaux. Au centre du mur qui regardait la Garonne, s'ouvrait la porta Navigera qui donnait accès dans un port intĂ©rieur ou bassin Ă  flot, dans lequel se jetait la Devise et qui devait ĂŞtre comblĂ© plus tard pour former le quartier Saint-Pierre. Ausone, qui exerça en 379, sous Valentinien ler, la charge de consul Ă  Bordeaux, nous apprend que la ville Ă©tait administrĂ©e par un sĂ©nat et un collège de consuls ou de dĂ©curions. Dès cette Ă©poque, les vins et les huĂ®tres de Bordeaux jouissaient d'une grande rĂ©putation et le commerce de la ville, qui, d'après Ausone, consistait surtout dans la vente des suifs, des cires, de la poix, de la rĂ©sine et du papyrus, avait pris une grande extension. 
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Plan de Bordeaux en 260.
Plan de Bordeaux en 260 ap. J.-C.

L'introduction du christianisme.
Le christianisme paraît n'avoir pénétré qu'assez tard en Aquitaine. On attribue généralement à saint Martial les premières prédications chrétiennes à Bordeaux; mais le triomphe définitif du christianisme est dû surtout à saint Hilaire et à saint Martin. Ce n'est qu'au commencement du IVe siècle (315) que l'on trouve les traces d'une communauté chrétienne à Bordeaux; on cite cependant, à l'époque des persécutions de Dioclétien, le martyre de saint Fort, dont les reliques furent découvertes dans l'église Saint-Seurin et qui fut plus tard l'objet d'un culte populaire. Dès le IVe siècle, on constate à Bordeaux la présence d'hérétiques; en 386, un concile, présidé par l'évêque S. Delphin et auquel assistait saint Martin, condamna à Bordeaux l'hérésie de Priscillius, déjà condamnée par le concile de Saragosse, et des poursuites rigoureuses furent exercées contre ses adeptes.

Bordeaux sous les Wisigoths, les Mérovingiens et les Carolingiens.
Survint l'invasion des Barbares; envahie par les Alains, les Suèves et les Vandales, la ville de Bordeaux fut incendiée en 408.

La période wisigothique.
Au cours de l'automne de 413, elle fut occupĂ©e par les Wisigoths d'Ataulf, qui venaient de s'emparer de Toulouse et, en 419, elle fut cĂ©dĂ©e par le patrice Constance, lieutenant de l'empereur Honorius, aux Wisigoths de Wallia, qui fit de Bordeaux sa rĂ©sidence prĂ©fĂ©rĂ©e, bien que Toulouse fĂ»t la capitale du royaume wisigoth fondĂ© dans le Sud de la Gaule. Les vainqueurs s'emparèrent des deux tiers des terres et du tiers des esclaves de la citĂ©; mais la ville conserva son administration, et ses Ă©coles continuèrent Ă  jeter un certain Ă©clat. Sidoine Apollinaire, qui a tracĂ© un tableau de la cour des rois Wisigoths, cite les noms de Leo, Severianus et Lampridius, orateurs et poètes bordelais, et il dĂ©clare que la « puissante Garonne protĂ©gea le Tibre affaibli ». 

La période mérovingienne.
Bordeaux fut occupé par les Francs après la bataille de Vouillé; Clovis y passa l'hiver de 507 à 508, et l'évêque de la cité, Cyprien, dont le nom figurait, en 506, parmi ceux des prélats du concile wisigoth d'Arles, assistait, en 511, au concile d'Orléans. Après la mort de Clovis, cette cité fit partie du royaume de Childebert Ier, puis; en 561, du royaume de Caribert. Elle figure parmi les cités données, en 567, par Chilpéric à sa nouvelle épouse Galsuinthe et passées peu de temps après à sa soeur Brunehaut, épouse de Sigebert. Dans la guerre civile qui s'éleva, en 574, entre Sigebert et Chilpéric, le fils de celui-ci, Clovis, vint s'établir à Bordeaux, d'où il ne tarda pas à être chassé par Sigulf, partisan du roi d'Austrasie. La métropole de la seconde Aquitaine dut cependant se soumettre à Chilpéric à la suite du meurtre de Sigebert (575).

En 584, après l'assassinat de ChilpĂ©ric, Bordeaux fut occupĂ©e par le roi Gontran, Ă  qui le pacte d'Andelot en assura la paisible possession; il fut seulement convenu qu'Ă  la mort de Gontran, cette ville ferait retour Ă  Brunehaut et Ă  ses hĂ©ritiers. GrĂ©goire de Tours parle de trois basiliques qui existaient de son temps Ă  Bordeaux; l'une Ă©tait dĂ©diĂ©e Ă  saint Martin, une autre Ă  saint Pierre, la troisième Ă  saint SĂ©verin, l'un des premiers Ă©vĂŞques de Bordeaux. 

A partir du règne de Dagobert, Bordeaux suivit les destinĂ©es de l'Aquitaine; le VIIe et le VIIIe siècles sont une pĂ©riode de dĂ©cadence pour la citĂ© gallo-romaine, si florissante au IVe siècle. Elle resta dans la dĂ©pendance des ducs d'Aquitaine, mais ne paraĂ®t cependant pas avoir souffert de l'invasion des Vascons, qui n'atteignirent pas Bordeaux. En 729, les Sarrasins d'AbdĂ©rame, appelĂ©s par le duc Eudes, dans sa lutte contre les Francs de Charles Martel, prirent et saccagèrent Bordeaux, et le duc d'Aquitaine dut aller implorer le secours de son rival pour repousser ses trop dangereux alliĂ©s; il contribua Ă  la victoire de Poitiers (732). 

La période carolingienne.
Pendant la révolte de l'Aquitaine, Bordeaux suivit le parti de Hunald et de Waïfre et fut soumise par Pépin, en 768, et par Charlemagne en 778. L'empereur, pour se concilier les habitants, fit de Bordeaux la capitale du royaume d'Aquitaine. En 826, Azo, gouverneur de l'Aquitaine, s'étant révolté contre l'empereur Louis et ayant appelé à son secours les Sarrasins d'Espagne, fut battu par Adelbrant et Donat, lieutenants de l'empereur, qui firent rentrer Bordeaux dans l'obéissance. La cité souffrit cruellement des invasions des Vikings; ceux-ci, en 857, après avoir ravagé les côtes de l'Aquitaine et tué le comte Seguin, lieutenant de Charles le Chauve, prirent Bordeaux, qu'ils pillèrent, brûlèrent et détruisirent entièrement. En 877, Frontaire, archevêque de Bordeaux, avait été obligé d'abandonner son siège à cause des incursions des Barbares. Après le traité conclu par Charles le Simple, en 911, les Vikings évacuèrent la Gascogne, qui devint un duché distinct de celui d'Aquitaine sous Sanche Mitarra et ses successeurs, ducs de Gascogne, qui fixèrent leur résidence à Bordeaux, au château de I'Onibrière, bâti vers 982 et démoli en 1800. Mais en 1039, Guillaume VII de Poitiers réunit par héritage le duché de Gascogne à celui d'Aquitaine et Poitiers resta la capitale du duché. Les ducs de Gascogne et d'Aquitaine rebâtirent la plupart des monuments et des monastères détruits par les Vikings (Saint-Seurin en 1032, Saint André en 1096, Saint-Michel en 1093), et rendirent à Bordeaux une partie de son ancienne prospérité; mais ce n'est qu'à partir du XIIe siècle que la ville retrouva avec la domination anglaise son importance et son antique splendeur.

Bordeaux sous la domination anglaise. 
Aliénor d'Aquitaine, fille et héritière de Guillaume X de Poitiers, épouse divorcée de Louis VII, roi de France, avait apporté en dot Bordeaux et l'Aquitaine à Henri Plantagenet, duc d'Anjou, qui devint en 1154roi d'Angleterre. Pendant trois siècles, Bordeaux resta au pouvoir des Anglais (1152-1451). L'administration anglaise fut très favorable au développement de la ville, qui acquit de nombreux privilèges politiques et commerciaux. Des relations très étroites s'établirent entre l'Angleterre et ses possessions de Guyenne; aussi, lors de la conquête de ce pays par Charles VII, les Bordelais opposèrent-ils une vive résistance à l'occupation française. Dès le XIIe siècle, les Plantagenets édictaient des mesures favorisant les libertés communales et destinées à accroître l'importance maritime et commerciale de Bordeaux. Aliénor publiait un code maritime connu sous le nom de Rôles d'Oléron ou de Jugements de la mer, complété plus tard par son fils Richard-Coeur-de-Lion. Henri II, en 1172, publiait une charte concernant le maire et les jurats de Bordeaux.

Le XIIIe Siècle.
En 1206, Jean-Sans-Terre accordait aux Bordelais l'exemption de toute maltôte et coutume sur leurs marchandises et favorisait l'accroissement de la ville en accueillant les étrangers qui, après un séjour d'un mois, prêteraient seraient au roi et à la commune. Mais ce n'est qu'en 1235 qu'Henri III, alors en lutte avec ses barons, concéda à Bordeaux une charte de commune; entre autres privilèges, il accordait aux Bordelais le droit d'élire leur maire qui jusqu'alors avait été un fonctionnaire royal. Le maire était élu pour un an avec mille livres d'appointements; il était assisté d'une jurade ou conseil de vingt-quatre jurats, qui élisaient le maire et qui, en quittant leurs fonctions, désignaient leurs successeurs. La jurade nommait en outre un corps de trente prudhommes appelés les seigneurs Trente, chargés plus spécialement de l'administration; un collège de trois cents notables, analogues aux pairs des villes normandes, était appelé à délibérer dans certaines circonstances.

Pour l'administration de la citĂ©, le maire avait au-dessous de lui le clerc de ville, Ă©lu par la jurade et chargĂ© particulièrement des finances. En 1242, Henri III reconnut aux Bordelais le privilège de n'ĂŞtre pas tenus au service militaire pour  le roi en dehors de leur diocèse. Mais après la bataille de Taillebourg, Ă  la suite des exactions de Simon de Montfort, comte de Leicester, les barons gascons formèrent une ligue, Ă  laquelle se joignirent les Bordelais, qui menacèrent mĂŞme de se donner au roi de Castille. La commune fut en outre divisĂ©e par les querelles des deux maisons rivales, les Colomb et les Solers, et le prince Edouard, chargĂ© par son père de l'administration de la Guyenne, en profita pour rĂ©former la charte bordelaise au profit de l'autoritĂ© royale. Les statuts de 1261 enlevaient Ă  la jurade la nomination du maire, qui Ă©tait choisi par le roi ainsi que le clerc de ville; les appels des sentences du maire venaient devant le sĂ©nĂ©chal de Guyenne ou devant le prince. 

Les droits de justice Ă©taient mieux dĂ©finis et partagĂ©s entre le roi d'Angleterre et la commune. Un noble ne pouvait devenir bourgeois de Bordeaux sans l'autorisation du prince; enfin le roi se rĂ©servait de faire construire un château-fort dans la citĂ© et d'en couvrir les frais au moyen d'une taxe perçue par le maire et les jurats. Enfin la coutume de Bordeaux devait ĂŞtre rĂ©formĂ©e et rĂ©visĂ©e, de manière Ă  garantir aux bourgeois leurs libertĂ©s et privilèges, tout en assurant les droits du roi. Depuis l'occupation anglaise, Bordeaux s'Ă©tait considĂ©rablement agrandie; en 1235, un hĂ´tel de ville, la maison de Saint Eloi ou Saint Eliège, avait Ă©tĂ© construit sur l'emplacement occupĂ© plus tard par le Grand-MarchĂ©. Une nouvelle ville s'Ă©tait créée sur la rive droite du Peugue : c'Ă©taient les quartiers du Cahernan, de Saint-Eloi et de la Rousselle. Une nouvelle enceinte, terminĂ©e en 1251, partait de la Porte-Basse, longeait les fossĂ©s des Tanneurs, se continuait jusqu'Ă  la porte de la Rousselle et Ă  la rue de la Rousselle, et rejoignait l'enceinte primitive Ă  la porte du Chapeau-Rouge. Cette enceinte avait 3000 m de longueur et Ă©tait percĂ©e de dix portes nouvelles, dont une seule subsiste, la porte Saint-James, construite en 1246 et oĂą se trouvent l'horloge et les cloches de la ville. En dehors des murailles s'Ă©levaient les riches abbayes de Saint-Seurin, dont le chapitre avait des droits de juridiction assez Ă©tendus, de Saint-Germain, occupant l'espace qui forme aujourd'hui la place Tourny, etc. 

L'histoire intĂ©rieure de Bordeaux au XIIIe siècle se rĂ©sume dans les luttes de la jurade contre le doyen et le chapitre de Saint-Seurin, et plus tard contre le prĂ©vĂ´t de l'Ombrière, et dans la rivalitĂ© des Colomb et des Solers pour la mairie. Le commerce de Bordeaux avait pris un grand dĂ©veloppement; les vins que l'on exportait en Angleterre et en Espagne en Ă©taient l'aliment principal; ceux des bourgeois de Bordeaux avaient libre circulation sur la Garonne et les rois d'Angleterre avaient accordĂ© de nombreux privilèges aux Bordelais qui venaient faire du commerce en Angleterre. Edouard ler Ă©tablit deux grandes foires de huit jours, qui sont l'origine des Foires de Bordeaux. En 1283, Bordeaux fut choisie comme lieu de rendez-vous pour le duel de Charles lerd'Anjou contre Pierre d'Aragon. A la suite des luttes des marins normands et bayonnais, Philippe le Bel prononça la saisie du duchĂ© de Guyenne et envoya le connĂ©table Raoul de Clermont prendre possession de Bordeaux, qui resta quelques annĂ©es au pouvoir des Français. En 1295, le roi de France, pour s'attacher les Bordelais, leur accorda une charte, la Philippine, qui confirmait leurs coutumes et privilèges, maintenait les droits de justice de la jurade et autorisait le maire Ă  Ă©tablir des droits d'entrĂ©e sur les blĂ©s, vins et autres marchandises. Mais Ă  la suite d'une insurrection, Philippe le Bel rĂ©voqua ces privilèges, abolit la jurade et confia l'administration municipale au maire nommĂ© par le roi. 

Le XIVe siècle.
A la suite du traité de Montreuil-sur-Me, Bordeaux fut restituée à Edouard Ier, mais ne rentra pas en possession de tous ses privilèges. Cette courte occupation française fut signalée par un nouvel agrandissement de la ville par l'adjonction des faubourgs où se trouvaient les principaux couvents et monastères : en 1302, on construisit de nouvelles murailles englobant les faubourgs de Tropeyte au Nord, de Saint-Michel, Sainte-Croix et Sainte-Eulalie au Sud En 1305, Bertrand de Goth, Bordelais, élu pape, fut couronné à Bordeaux et prit le nom de Clément V. Il séjourna quelque temps dans cette ville, fit rétablir les privilèges des Bordelais et reconnut à l'archevêque de Bordeaux le titre de primat d'Aquitaine. En 1310, Philippe le Bel usa de son droit de suzeraineté pour obliger Edouard Il à abolir une maltôte établie par lui. En 1314 et 1321, on réforma les coutumes de Bordeaux et le roi Edouard II unit solennellement la commune de Bordeaux à la couronne d'Angleterre. La guerre de Cent ans fut très profitable à l'indépendance des Bordelais, car Edouard III et ses successeurs, obligés de s'appuyer sur Bordeaux dans leur lutte contre le roi de France, cherchèrent toujours à s'assurer de la fidélité de cette ville en lui faisant de nombreuses concessions. Aussi les Bordelais restèrent-ils constamment fidèles à la domination anglaise et, à l'exception de la grande émeute provoquée en 1365 par les taxes arbitraires du Prince Noir, on ne trouve aucune trace de rébellion.

Dès 1327, la ville fut fortifiée de nouveau et ses murailles soigneusement entretenues; on diminua la largeur des quais en rapprochant les nouveaux murs de la rivière depuis la porte Sainte-Croix jusqu'à celle du Chapeau-Rouge. Edouard III maintint avec un soin jaloux les privilèges du maire et des jurats et leurs droits de justice sur les onze paroisses de la banlieue de Bordeaux : Bruges, Mérignac, Pessac, Eysines, Saint-Médard-en-Jalles, Sestas, Canejan, Bègles, Léognan, Villenave, Gradignan. Bordeaux, pendant tout le cours de la guerre, fut le quartier général des Anglais. Le Prince Noir en fit sa résidence et c'est à Bordeaux qu'il ramena le roi Jean après la défaite de Poitiers (1356). Une ordonnance de 1376 réforma l'administration de Bordeaux en réglant d'une manière plus précise les attributions des officiers et des corps municipaux. Les jurats qui gardaient, depuis le commencement du XIVe siècle, le droit d'élire le maire, sont réduits de vingt-quatre à douze et une des conditions de leur élection est de n'étre pas noble, mais d'avoir 1000 livres de revenus. Le clerc de ville a voix consultative au sein de la jurade, auprès de laquelle il remplit les fonctions de juge d'instruction et de greffier. Le procureur-syndic est chargé de l'administration financière de la cité. Le sous-maire est un des jurats remplaçant le maire absent. Le prévôt de la ville on prévôt des marchands, élu par le maire et les jurats, est chargé de la police du commerce et devient le gardien des marques et étalons des mesures. Le conseil des Trente et le conseil des Trois-Cents sont aussi élus par la jurade parmi les prud'hommes de la ville.

Pendant le règne de Richard II, Bordeaux se voyant privĂ©e de l'appui des Anglais, Ă  cause des discordes intĂ©rieures du royaume, forme, en 1379, une ligue offensive et dĂ©fensive contre les Français avec les villes voisines de Guyenne qu'on appela ses filleules, Blave, Bourg, Libourne, Saint-Emilion, Saint-Macaire, Castillon, Cadillac et Rions. Cependant Richard II confirma les privilèges du maire et de la jurade en garantissant leur indĂ©pendance vis-Ă -vis du sĂ©nĂ©chal de Gascogne (1385). Aussi lorsque Richard Il fut dĂ©trĂ´nĂ© et emprisonnĂ©, les Bordelais menacèrent-ils de se donner Ă  la France, si leur roi lĂ©gitime n'Ă©tait pas mis en libertĂ©; mais, malgrĂ© l'assassinat de Richard, ils ne mirent pas leur menace Ă  exĂ©cution et repoussèrent les offres de Charles VI, dans l'intĂ©rĂŞt de leur commerce et de leurs privilèges. Sous les princes de la maison de Lancaster, Bordeaux a acquis la plus grande indĂ©pendance et est devenue, grâce Ă  son commerce et Ă  sa population, une des villes les plus importantes de la France. 

Le XVe siècle.
L'histoire de la commune au XVe siècle est caractĂ©risĂ©e, d'abord par l'intervention des assemblĂ©es du peuple dans l'administration le patronage qu'exerce Bordeaux sur toute la province de Guyenne. En 1401, Henri IV, après avoir accordĂ© une amnistie aux auteurs des troubles qui avaient suivi la mort de Richard II, confirma les privilèges de la ville et dispensa entre autres choses la jurade de toute reddition de comptes au roi d'Angleterre pour les droits qu'elle avait touchĂ©s sur les biens de la ville. En 1414, on Ă©tablit que les jurats ne pourront rĂ©voquer un règlement ancien sans l'avis des trente conseillers de la ville. Enfin en voit l'assemblĂ©e de la commune entière souvent rĂ©unie pour approuver la conduite des magistrats municipaux vis-Ă -vis de l'administration royale. Ces assemblĂ©es devinrent obligatoires pour toute demande de subsides faite par le roi d'Angleterre. En mĂŞme temps la commune a considĂ©rablement accru ses forces militaires et sa milice est lapremière armĂ©e que fournisse la Guyenne; elle combat pour les Anglais, mais sans ĂŞtre au service de l'Angleterre. Bordeaux est devenue, au XVe siècle, le rempart de la domination anglaise en Guyenne. En 1441, une bulle du pape Eugène IV institue Ă  Bordeaux une universitĂ© organisĂ©e sur le modèle de celle de Toulouse, sous le patronage des magistrats de la citĂ©. En rĂ©sumĂ©, Bordeaux pendant la domination anglaise, profita du grand conflit qui s'Ă©tait engagĂ© entre les rois de France et d'Angleterre, pour Ă©tendre ses libertĂ©s, accroĂ®tre ses privilèges et son commerce et dĂ©velopper les institutions qui assuraient son indĂ©pendance. 

« La suzeraineté de l'Angleterre semble s'être réduite à être le témoin et l'auxiliaire de son émancipation graduelle » (Brissaud).


Bordeaux de 1450 Ă  1900.
Bordeaux, assiĂ©gĂ©e par Dunois, en 1431, promit de se rendre, si la ville n'Ă©tait pas secourue par les Anglais, Ă  la condition que le roi de France lui conserverait ses privilèges et coutumes et n'Ă©tablirait pas d'impĂ´ts nouveaux. Cette dernière condition n'ayant pas Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©e, la ville ouvrit, en 1452, ses portes Ă  Talbot, qui dĂ©barquait d'Angleterre et elle eut Ă  subir un siège de trois mois après la bataille de Castillon (ler aoĂ»t au 9 octobre 1453). Il ne resta rien du traitĂ© de 1451; Bordeaux dut payer Ă  Charles VII 100,000 Ă©cus d'or et perdit tous ses privilèges, notamment ceux de voter l'impĂ´t, de battre monnaie et d'avoir un Parlement. En 1454, sur les supplications des dĂ©putĂ©s de Bordeaux, le roi adoucit un peu ces conditions, rĂ©duisit l'amende Ă  30,000 livres, rĂ©tablit quelques-uns des droits et privilèges de la municipalitĂ©. Mais il garda la nomination du maire, rĂ©unit au domaine l'impĂ´t sur les vins et Ă©tablit un droit de 12 deniers pour livre sur les marchandises importĂ©es et exportĂ©es. Pour s'assurer de la fidĂ©litĂ© de la ville, Charles VII Ă©leva deux châteaux-forts qui ont subsistĂ© jusqu'Ă  la fin du XVIIIe siècle, celui du Far ou du Hâ, au Sud-Ouest de Bordeaux, remplacĂ© ensuite par la place d'armes et la prison dĂ©partementale, et le château Tropeyte ou Trompette, sur l'emplacement actuel des Quinconces. 
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Bordeaux : Fort du Hâ.
Ancien fort du Hâ. (Dessin de Hermann van der Hem).

Louis XI comprit que pour s'attacher les Bordelais, il fallait leur faire quelques concessions et il leur rendit une partie de leurs anciens privilèges; en 1462, il institua dans le palais de l'Ombrière un Parlement, dont le ressort s'étendait sur le Bordelais, le Bazadais, les Landes, l'Agenais, le Périgord, le Limousin et la Saintonge. Il rétablit l'Université et fonda, sous l'invocation de Notre-Dame, une confrérie de mariniers, à laquelle il fallait appartenir pour pouvoir naviguer; enfin, en 1474, il accorda des droits importants aux étrangers qui viendraient s'établir dans la ville. Charles VIII fit rédiger les Coutumes, réorganisa les corporations et maîtrises, dont il voulut être le chef, autorisa les nobles et les prêtres à faire le commerce, etc. Ce ne fut que sous le règne de François Ier que Bordeaux retrouva son ancienne splendeur. François Ier passa par Bordeaux en revenant de sa captivité de Madrid; Charles-Quint y fut reçu, en 1539, par les jurats qui lui présentèrent les clefs de la ville. A l'instigation du roi de France, les jurats de Bordeaux fondèrent, en 1534, le Collège de Guyenne, où enseignèrent Scaliger, Buchanan, Elie Vinet, auteur des Antiquités de Bordeaux, etc.; il était situé derrière la mairie de Saint-Eloi, à côté de l'église Saint-Paul.

En 1548, l'Ă©tablissement de la gabelle souleva Ă  Bordeaux une insurrection formidable. Le lieutenant du roi, Moneins, fut massacrĂ© par la populace, ainsi que quelques commis de la gabelle. La rĂ©volte fut rĂ©primĂ©e par le Parlement; les sĂ©ditieux furent vaincus et plusieurs d'entre eux condamnĂ©s Ă  mort. Tout Ă©tait apaisĂ© lorsque Henri II, qui Ă©tait alors dans le PiĂ©mont, donna au connĂ©table de Montmorency l'ordre de châtier Bordeaux. Bien que la ville n'opposât aucune rĂ©sistance, le connĂ©table entra par la brèche faite Ă  coups de canon, imposa aux habitants une amende de 200,000 livres et les priva de tous leurs privilèges. L'hĂ´tel de ville devait ĂŞtre rasĂ©, les cloches transportĂ©es au château Trompette; les jurats furent condamnĂ©s, avec 120 bourgeois vĂŞtus de deuil, Ă  dĂ©terrer avec leurs ongles le corps de Moneins et Ă  aller l'inhumer Ă  Saint-AndrĂ©. Plus de 150 personnes furent exĂ©cutĂ©es et Montmorency souilla sa mĂ©moire par de nombreux actes de barbarie. Enfin en 1550, Henri Il pardonna aux Bordelais, rĂ©installa le Parlement, remit Ă  la ville une partie de l'amende et lui restitua quelques-uns de ses privilèges, entre autres celui d'Ă©lire six jurats et un maire. La RĂ©forme fit de nombreux prosĂ©lytes Ă  Bordeaux et dans les environs; elle fut combattue avec âpretĂ© par le Parlement de Guyenne, oĂą François Ier avait instituĂ©, en 1542, une chambre spĂ©ciale pour poursuivre les hĂ©rĂ©tiques. Bordeaux souffrit beaucoup des Guerres de religion, surtout durant les luttes de Duras et de Blaise de Montluc. Charles IX essaya de calmer les esprits en publiant des mesures de tolĂ©rance que le Parlement refusa d'enregistrer. 

La Saint-BarthĂ©lemy eut son contre-coup dans cette ville; le 3 octobre 1572, deux cent soixante-quatre calvinistes furent massacrĂ©s, avec l'autorisation du gouverneur Montferrand. La ville cependant prospĂ©rait; son commerce se dĂ©veloppait; Charles IX confirmait les privilèges des foires de Bordeaux et autorisait la crĂ©ation d'une bourse des marchands (1563). Mais en 1585, la peste noire fit pĂ©rir près de 14,000 personnes. MalgrĂ© les efforts des Ligueurs, Bordeaux resta constamment fidèle Ă  Henri III, grâce Ă  la sage administration et Ă  l'Ă©nergie du marĂ©chal Matignon. Le Parlement de Guyenne fut un des premiers Ă  reconnaĂ®tre Henri IV comme roi lĂ©gitime. Pendant le règne de Louis XIII et la minoritĂ© de Louis XIV, les dissensions civiles dĂ©solèrent la Guyenne. L'histoire de Bordeaux est remplie par les luttes des ducs d'Epernon, du cardinal de Sourdis et de son frère l'archevĂŞque Henri de Sourdis, avec le Parlement, par la tyrannie du second duc d'Epernon, la Fronde, l'opposition du Parlement contre la cour, la faction de l'OrmĂ©e, etc. Plusieurs Ă©meutes Ă©clatèrent : en 1635, Ă  propos d'une taxe sur les cabarets; en 1649, contre le duc d'Epernon; en 1650, contre Mazarin, les Bordelais ayant pris parti pour CondĂ©; ce n'est qu'en 1653 que la paix fut rĂ©tablie et que Bordeaux obtint, avec une amnistie, la confirmation de ses privilèges. 

La mairie de Bordeaux, supprimĂ©e depuis 1619, fut rĂ©tablie; le Parlement ne fut rĂ©intĂ©grĂ© qu'en novembre 1654. A l'occasion de son mariage, Louis XIV, passant par Bordeaux, donna aux jurats des lettres de noblesse et confirma les privilèges des bourgeois. Le roi fit agrandir le château Trompette et construire le quai des Enfants-TrouvĂ©s aux Chartrons; ces travaux amenèrent la dĂ©molition de la porte Saint-Germain et des Piliers de Tutelle. Les mesures prises par Colbert pour dĂ©velopper le commerce contribuèrent Ă  la prospĂ©ritĂ© de Bordeaux, oĂą le roi Ă©tablit un entrepĂ´t de tabacs, crĂ©a une chambre de commerce et exonĂ©ra de tous droits les marchandises exportĂ©es aux colonies. Mais en 1675, une Ă©meute Ă©clata au sujet d'un nouvel impĂ´t, dit de la marque d'Ă©tain et du papier timbrĂ©, Ă©tabli pour la guerre de Hollande. Les troupes royales qui revenaient d'Espagne furent cantonnĂ©es Ă  Bordeaux;  les bourgeois dĂ©sarmĂ©s, les impĂ´ts rĂ©tablis et le Parlement transfĂ©rĂ© Ă  Condom, d'oĂą il ne revint qu'en 1690, moyennant le paiement par la ville de 400,000 livres. 
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Bordeaux en 1669.
Bordeaux en 1669. (D'après une estampe de Berey).

En 1704, le feu prit au Parlement et consuma une partie des archives. En 1713, fut fondée l'Académie des sciences et belles-lettres de Bordeaux, à qui Jean-Jacques Bel, conseiller au Parlement, léguait vingt-cinq ans plus tard son hôtel et sa bibliothèque. En 1691, les jurats avaient établi une Académie de peinture et de sculpture; en 1692, une école de marine; en 1694, des collèges de lois et de médecine. Le règne de Louis XV fut pour Bordeaux une période de prospérité. Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny, intendant de Guyenne de 1743 à 1758, en fit, en peu d'années, une des plus belles villes de France. Il abattit les remparts, combla les fossés et traça une ligne le cours ou boulevards autour de la ville; c'est ainsi que furent créés les cours d'Aquitaine, d'Albret, de Tourny, du Jardin public, les places des Capucins, Saint-Julien, Dauphine, qui ne fut achevée qu'en 1770. Il créa tout un quartier sur les terrains vagues situés devant le château Trompette, afin de relier le faubourg des Chartrons à la cité, construisit les hôtels de la Douane et de la Bourse, sur les plans de l'architecte Gabriel, la porte des Capucins, démolie en 1885, les portes Dijaux, de Bourgogne, et eut le premier l'idée d'un Jardin public. En 1756, un incendie ayant détruit le palais de l'Intendance, Tourny le fit reconstruire; il dota Bordeaux de fontaines, d'écoles, perça de nouvelles rues, reconstruisit la ligne des quais, etc. Le duc de Richelieu continua les embellissements de son prédécesseur; on établit le quai de Bacalan, la route qui conduisait au passage de Lormont, et Mgr de Rohan, archevêque de Bordeaux, fit construire un nouveau palais archiépiscopal sur l'emplacement de l'ancienne abbaye de Saint-André : c'est cet édifice qui, en 1835, devint l'hôtel de ville de Bordeaux. En 1773, le roi céda à la ville un emplacement sur l'esplanade du château Trompette, pour la construction d'un théâtre qui, élevé sur les plans de l'architecte Louis, était, avant la construction du nouvel Opéra de Paris, le plus beau théâtre de France (1780).
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Tourny.
Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny.
Intendant de Bordeaux de 1743 Ă  1758.

A la fin du XVIIIe siècle, Bordeaux Ă©tait une ville des plus florissantes; sa population atteignait 109,000 habitants et sa flotte marchande 300 navires, qui faisaient surtout le commerce des Antilles et de Saint-Domingue. Cette prospĂ©ritĂ© qui reposait donc en partie sur une Ă©conomie esclavagiste, rĂ©posait Ă©galement sur l'exportation tous les ans de 125,000 tonneaux de vin. Le Parlement de Guyenne, supprimĂ© par Maupeou, avait Ă©tĂ© rĂ©tabli en 1775; il prit part Ă  la lutte qui s'engagea au sujet des assemblĂ©es provinciales, sous le ministère de Brienne, et fut exilĂ© Ă  Libourne (1787). Il fut un des premiers Ă  rĂ©clamer la convocation des Etats gĂ©nĂ©raux, mais il fut supprimĂ© en 1790 et le palais de l'Ombrière fermĂ©. A la nouvelle de la prise de la Bastille, le peuple courut aux armes et s'empara du château Trompette. L'antique jurade fut remplacĂ©e parles 90 Ă©lecteurs nommĂ©s pour Ă©lire les dĂ©putĂ©s aux Etats gĂ©nĂ©raux. En mars 1790, les citoyens Ă©lurent un maire, 20 officiers municipaux, un procureur de la commune et 42 notables. On connaĂ®t le rĂ´le jouĂ© Ă  l'AssemblĂ©e lĂ©gislative et Ă  la Convention par la dĂ©putation de Bordeaux, Vergniaud, Guadet, Grangeneuve, GensonnĂ©, Ducos et Fonfrède, qui formèrent le centre du groupe des Girondins. Après les Ă©vĂ©nements du 31 Juin et du 2 Mai et la proscription en masse des dĂ©putĂ©s de la Gironde, Bordeaux s'insurgea contre la Convention, qui envoya quatre de ses membres, Chaudron-Rousseau, Beaudot, Ysabeau et Tallien, avec mission de terroriser la ville. Une commission militaire fut instituĂ©e dès 1793, et fut prĂ©sidĂ©e par le fameux Lacombe, ancien maĂ®tre d'Ă©cole, qui installa la guillotine en permanence pendant huit mois sur la place Dauphine, mais qui fut exĂ©cutĂ© lui-mĂŞme après le 9 Thermidor. Sous le Directoire Bordeaux fut divisĂ© en trois arrondissements municipaux, avec trois mairies : les Chartrons, Saint-AndrĂ©, les FossĂ©s, et un bureau central Ă  l'hĂ´tel de ville. Sous le Consulat, la ville fut le centre d'une vaste conspiration royaliste qui avorta. 

Sous l'Empire, le commerce de Bordeaux souffrit cruellement du blocus continental et de la rivalitĂ© avec l'Angleterre. NapolĂ©on contribua cependant Ă  l'embellissement de Bordeaux, en faisant dĂ©molir le château Trompette, qu'il abandonna Ă  la ville et en ordonnant la construction du pont de Bordeaux (1808), qui ne fut achevĂ© qu'en 1822. Bordeaux ouvrit ses portes aux Anglais en 1814, en mĂŞme temps qu'au duc d'AngoulĂŞme. Pendant les Cent-Jours la ville se soumit sans rĂ©sistance au gĂ©nĂ©ral Clausel, qui gouverna la ville jusqu'au retour de Louis XVIII. La Restauration fut pour Bordeaux une Ă©poque de renaissance commerciale, littĂ©raire et artistique; mais son rĂ´le politique est terminĂ© Ă  la fin du XVIIIe siècle. En 1820, le fils posthume du duc de Berry, neveu de Louis XVIII, reçut le titre de duc de Bordeaux et fut, jusqu'Ă  sa mort, prĂ©tendant au trĂ´ne de France sous le nom d'Henri V. En 1818, après la disparition du château Trompette, furent plantĂ©es les allĂ©es des Quinconces; en 1825, on construisit l'hĂ´pital sur l'ancienne plate-forme Sainte-Eulalie; en 1846; fut inaugurĂ© le palais da justice, construit en face de l'hĂ´pital, Ă  la place du fort du Hâ. Louis-Philippe crĂ©a, en 1838, la FacultĂ© des lettres et la FacultĂ© des sciences de Bordeaux, et la SociĂ©tĂ© philomatique, fondĂ©e en 1808, inaugura, en 1839, ses classes d'adultes. C'est Ă  Bordeaux que le prince NapolĂ©on prononça, le 7 octobre 1852, ces paroles cĂ©lèbres-:  « L'Empire, c'est la paix ! » que dix-huit annĂ©es de règne ont  cruellement dĂ©menties. Le 9 dĂ©cembre 1870, Bordeaux devint le siège de la dĂ©lĂ©gation du gouvernement de la dĂ©fense nationale et fut, pendant trois mois, la capitale de la France; c'est lĂ  que se rĂ©unit, le 12 fĂ©vrier 1871, l'AssemblĂ©e nationale qui nomma, cinq jours après, Thiers prĂ©sident de la RĂ©publique et vota, le 1er mars, les prĂ©liminaires de la paix. (LĂ©on Cadier).
 

Personnages célèbres

Parmi les figures remarquables qui ont illustré Bordeaux, on peut citer : le poète Ausone (mort en 394); saint Paulin, évêque de Nole, et poète (mort en 431); saint Prosper d'Aquitaine (mort en 464); Aliénor d'Aquitaine, reine de France, puis d'Angleterre (morte en 1204) ; Bertrand de Goth, pape sous le nom de Clément V (mort en 1315); le Prince Noir (mort en 1376); Jean de Grailly, captal de Buch (mort en 1369); Richard II, roi d'Angleterre (mort en 1399) ; l'archevêque Pey Berland (mort en 1456); le poète Pierre de Brach; Michel de Montaigne, né en Périgord (mort en 1592); Etienne de la Boétie (mort en 1563); les historiens Elie Vinet, Gabriel de Lurbe; Girard du Haillan (mort en 1610); le cardinal Gabriel de Gramont; le président de Gourgues (mort en 1626); le théologien La Peyrère, auteur de la secte des Préadamites (mort en 1676); Jean-Jacques Bel, conseiller au Parlement (mort en 1738); le marquis de Tourny (mort en 1764); Berquin (mort en 1791); le président Dupaty (mort en 1788); le médecin Roux (mort en 1776); les financiers Beaujon (mort en 1786), et Cabarrus, ministre du roi d'Espagne Joseph (mort 1840) ; les conventionnels Gensonné, Ducos, Boyer-Fonfrède et Grangeneuve (mort en 1793); les généraux Bouder (mort en 1809), et Nansouty (mort en 1815); le comte Jaubert, ministre (mort en 1822) ; le célèbre avocat de Sèze (mort en 1828); les ministres Lainé (mort en 1835); Peyronnet (mort 1853); Ducos (mort en 1855); Elie Gauthier (mort en 1858); le publiciste Henri Fonfrède (mort en 1841); le chimiste Boucherie; le médecin Magendie (mort en 1855); le théologien Glaire; le bibliographe Gustave Brunet, les peintres Carle Vernet (mort en 1836); Alaux, Brascassat, Rosa Bonheur, Diaz, etc.; le statuaire Ch. Dupaty; les chanteurs Garat et Laïs; le danseur Trénis, etc.

Conciles.

Il s'est tenu Ă  Bordeaux neuf conciles, en 885, 1076, 1079, 1098, 1255; 1262, 1582, 1583 et 1624.

Armes.

Les armes de Bordeaux sont : De gueules Ă  la porte de ville de sable, Ă  cinq tours d'argent dont l'une porte en girouette un lĂ©opard d'or, et baignant dans une mer au naturel, au croissant d'argent, au chef d'azur semĂ© de fleurs de lis-d'or avec la devise-: Lilia sola regunt undas, castra, leonem. 

Bordeaux depuis 1871.
Après la défaite de la France lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871) et la chute du Second Empire, Bordeaux connaît une période de reconstruction et de modernisation, bénéficiant de la prospérité liée au commerce du vin. On assiste au développement des infrastructures, comme les quais de la Garonne, le port, et les voies de chemin de fer qui facilitent les échanges commerciaux. Bordeaux renforce sa position de capitale mondiale du vin, avec des exportations croissantes vers l'Europe et les Amériques. Son industrie se diversindustrielle avec le développement des secteurs de la construction navale, des conserveries et des industries chimiques.

Au dĂ©but du XXe siècle, l'urbanisation avec la construction de nouveaux quartiers et de bâtiments publics, comme le Grand Théâtre et des boulevards. Bordeaux Ă©merge comme un centre culturel avec des théâtres, des musĂ©es, et des activitĂ©s artistiques florissantes. Pendant la Première Guerre mondiale, la ville  joue un rĂ´le stratĂ©gique en tant que centre logistique et militaire. Elle accueille Ă©galement des rĂ©fugiĂ©s et des blessĂ©s. Les industries locales s'adaptent aux besoins de l'effort de guerre.

Bordeaux poursuit sa modernisation après la guerre. La ville est impactée par la crise économique mondiale de 1929, mais elle parvient à maintenir un niveau de prospérité grâce à son commerce du vin. La période est aussi celle de turbulences politiques avec la montée du mouvement ouvrier et des tensions sociales.

Lors de la Seconde Guerre Mondiale, Bordeaux est occupée par les forces allemandes en juin 1940. La ville est un centre logistique important pour l'armée allemande. Des réseaux de résistance, mais son confrontés à une répression sévère. Apès la guerre, l'économie de Bordeaux se diversifie avec le développement de nouvelles industries et services. Il y a aussi un expansion urbaine avec la construction de nouveaux quartiers et de grands ensembles. Les infrastructures de transport sont améliorées, notamment avec le développement de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.

A partir des annĂ©es 1970, le secteur technologique et aĂ©rospatial (avec des entreprises comme Dassault Aviation) prend de l'importance. L'universitĂ© de Bordeaux est renforcĂ©e. La ville connaĂ®t un dynamisme culturel nouveau, avec des festivals, des Ă©vĂ©nements artistiques, et une scène culturelle florissante.  Le patrimoine architectural est mis en valeur. 

Au cours des dernières décennies, plusieurs projets de modernisation urbaine ont vu le jour, comme le réaménagement des quais de la Garonne et le développement du tramway. Des initiatives ont été lancées pour rendre la ville plus verte et durable, avec des projets écologiques et de développement durable. Bordeaux est devenue une destination touristique prisée, notamment grâce à son patrimoine viticole et son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco en 2007. La diversification économique, avec un accent mis sur l'innovation et les technologies de pointe.



François Hubert, François Hubert, Christian Block, Bordeaux au XVIIIe siècle - le commerce atlantique et l'esclavage, Festin, 2010.

Anne De Mathan, MĂ©moires de Terreur, l'An II Ă  Bordeaux, PU Bordeaux, 2002. 

Philippe Gardey, NĂ©gociants et marchands de Bordeaux : De la guerre d'AmĂ©rique Ă  la Restauration (1780-1830), PU Paris-Sorbonne, 2009. - Des annĂ©es 1780 aux annĂ©es 1820, Ă  Bordeaux, nĂ©goce et marchandise constituent deux mondes distincts, mais qui entretiennent des relations serrĂ©es et s'interpĂ©nètrent assez largement. MalgrĂ© le pullulement des sociĂ©tĂ©s et des micro-entreprises, souvent Ă©phĂ©mères, l'isolement de l'entrepreneur est en permanence compensĂ© par le soutien des parentĂ©s et par les solidaritĂ©s gĂ©ographiques et religieuses, qui constituent tout autant un filet de sĂ©curitĂ© qu'une composante essentielle des stratĂ©gies commerciales. Pour ces milieux, la RĂ©volution ouvre un temps de malheurs - perte de Saint-Domingue, dirigisme, Terreur et guerre maritime perpĂ©tuelle -, qui vont restreindre l'activitĂ© portuaire. Mais l'Ă©poque est en mĂŞme temps celle d'un formidable renouvellement des acteurs, prouvant le dynamisme extraordinaire d'une sociĂ©tĂ© capable, crise après crise, de reconstituer des effectifs massacrĂ©s par la concurrence, les faillites, les abandons, le repli vers la rente - quand ne s'y ajoute pas l'emprisonnement ou la mort. En outre, ces annĂ©es sont propices Ă  la prospection de nouveaux marchĂ©s et aux rĂ©ussites. Si les vieilles dynasties sont Ă©branlĂ©es, les opportunitĂ©s propulsent très haut des hommes qui n'auraient pas eu leur chance en des temps plus calmes. Dans les annĂ©es 1820, les niveaux de fortune, comme les progrès de l'art de vivre, tĂ©moignent de la soliditĂ© d'une bourgeoisie marchande, certes moins brillante qu'avant la RĂ©volution, mais qui occupe dĂ©sormais la première place devant la noblesse. 

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