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Philippe IV, roi de France, dit Philippe le Bel, né en 1268, mort le 29 novembre 1314 (Moyen âge; Capétiens). On ne sait presque rien de la personne de ce prince, fils de Philippe III et de sa première femme, Isabelle d'Aragon. Les ternes et doucereuses épithètes des écrivains contemporains qui parlent de lui (le moine Yves de Saint-Denis, etc.) ne signifient pas grand-chose. Guillaume de Nogaret et Bernard Saisset s'accordent à dire qu'il était beau et très froid d'apparence. « Modeste de visage et de langue, dit Guillaume, il ne se met jamais en colère, il ne hait personne; jamais la détraction ne trouve place dans sa bouche. »Et l'évêque de Pamiers disait : « C'est le plus bel homme du monde, mais il ne sait que regarder les gens en face, sans parler [... ]. C'est une statue. »Les contemporains de Philippe le Bel ont cru, si l'on en juge par les affirmations concordantes de Villani, de Geoffroi de Paris et de plusieurs anonymes, que ce prince avait un caractère faible et qu'il se laissait mener aveuglément par ceux qui avaient gagné sa confiance. Si quelques-uns des contemporains ont pensé que Philippe le Bel était un homme énergique, cette opinion n'a pas laissé de traces. Néanmoins, la plupart des historiens modernes ont éprouvé de la répugnance à croire que l'adversaire de Boniface VIII, le persécuteur des Templiers et des Juifs, ait été un homme pieux, doux et négligent. Tant d'événements tragiques se sont passés de 1285 à 1314 que les modernes ont été fortement tentés de représenter Philippe IV comme un homme sombre et dur. Des mécontents ont répété, sous Philippe le Bel, que le gouvernement marcherait mieux, si le roi écoutait davantage les grands seigneurs et ne se fiait pas autant aux conseils des avocats, anoblis de fraîche date, qui le « flattaient et le chambraient ». Les principaux légistes qui paraissent avoir joué un rôle de premier ordre à la cour de Philippe le Bel sont (dans l'ordre où ils se sont succédé) Pierre Flotte, Guillaume de Nogaret (avec ses créatures Guillaume de Plaisians, Pons d'Aumelas, etc.) et Enguerrand de Marigny. Le règne de Philippe le Bel est marqué par plusieurs grands épisodes caractéristiques : les différends avec Boniface VIII, l'affaire des Templiers, la persécution des Juifs et des Lombards, les causes célèbres de l'évêque Guichard de Troyes, du frère Bernard-Délicieux, des brus du roi, etc., qu'il est impossible de raconter ici en détail. Différends avec la Papauté. Après cet incident, l'entente cordiale dura quelques années entre les cours de Rome et de France. Celle-ci tint Boniface, à partir de 1297, tant en le menaçant de pactiser avec ses ennemis domestiques de la Campanie romaine (les Colonna) que par des services pécuniaires. Mais les Colonna vaincus trouvèrent un asile en France; Boniface apprit avec douleur la nouvelle de l'alliance (de Quatrevaux, décembre 1299) entre Philippe IV et Albert d'Autriche, qui était alors considéré à Rome comme usurpateur de la couronne d'Allemagne; il fut enivré par la célébration du grand jubilé qui eut lieu à Rome en 1300; les plaintes, d'ailleurs, affluaient à Rome contre Philippe : plaintes des Flamands, plaintes des clercs, que le roi pressurait. En 1301, tout annonçait une rupture prochaine. L'affaire de l'évêque de Pamiers, Bernard Saisset, en fut l'occasion. En décembre 1301, Boniface lança des bulles offensantes (Salvator mundi, Ausculta fili, etc.), annonçant la résolution de réunir à Rome, le 1er novembre de l'année suivante, une assemblée générale de l'Église gallicane. Le roi répondit par une assemblée générale des prélats, des nobles et des représentants du commun, qui fut tenue à Paris en avril 1302. Boniface, de plus en plus enflammé, répliqua par la fameuse bulle Unam sanctam, en novembre. Le 7 mars 1303, un coup de main en Italie était chose décidée dans les conseils du roi de France. Tandis que la mission du cardinal Lemoine, envoyé par le pape en France, échouait, Guillaume de Nogaret, guidé par le Florentin « Mouche » (Musciatto de Franzesi), consommait le fameux attentat d'Anagni, sur la personne du pape. Le successeur de Boniface VIII, Benoît XI, n'osa pas tenter de venger cet attentat inouï : il négocia. Après la mort subite de Benoît XI, qui fut suivie d'un an de luttes violentes, dans le Sacré Collège, entre les partisans du roi et les « Bonifaciens », l'archevêque de Bordeaux (Clément V) fut élu. C'est de l'élection de Clément V, le premier pape qui n'ait jamais été en Italie, que date « la captivité de Babylone ». La complaisance de Clément V livra bientôt au gouvernement de Philippe le Bel l'ordre du Temple. En octobre 1307, le même jour, tous les Templiers de France furent arrêtés, et les biens de l'ordre saisis, au nom de l'Inquisition, sous l'inculpation d'hérésie. Des crimes énormes et contre nature, analogues à ceux qui avait été naguère reprochés par les gens du roi à Bernard Saisset et à Boniface, étaient attribués aux Templiers. Leur procès fut instruit avec une mauvaise foi et une brutalité incroyables. Finalement, Clément V, au printemps de 1312, supprima l'ordre, non par voie de justice ou de sentence définitive, mais per viam expedientiae, par voie de provision ou de règlement apostolique. L'innocence des Templiers est aujourd'hui surabondamment démontrée; et il paraît impossible d'attribuer l'acharnement des conseillers de Philippe contre le Temple à d'autres sentiments que la haine et l'avidité. Faits divers. En février 1308, l'évêque Guichard de Troyes, qui avait eu naguère des difficultés avec les reines Blanche et Jeanne de Champagne, et qui avait des ennemis, fut dénoncé au bailli royal de Sens, par un « ermite », comme nécromancien, empoisonneur, etc. Son procès fut conduit comme ceux de Saisset, de Boniface et des Templiers, par Guillaume de Nogaret, suivant sa méthode ordinaire. Toutefois, Guichard n'eut pas à souffrir les dernières extrémités : en 1313, il avait été livré à la cour pontificale d'Avignon, il était par conséquent à l'abri; en 1314 il fut transféré sur le siège épiscopal de Diakovar (en Bosnie), qu'il n'occupa pas. Bernard-Délicieux, né à Montpellier, de l'ordre des franciscains, était un tribun populaire en Languedoc. Il s'était fait le leader des gens de Carcassonne, d'Albi, de Narbonne, durement persécutés par l'Inquisition dominicaine (Saint Dominique). Ses discours produisirent d'abord quelque impression à la cour de France, grâce à l'appui qu'il rencontra auprès de deux représentants du roi en Languedoc (le vidame d'Amiens et l'archidiacre d'Auge) et de la reine Jeanne. Philippe IV se décida à visiter les pays que Bernard représentait comme désolés par l'Inquisition albigeoise. Mais l'exubérance des populations du Midi le choqua. Sa froideur étonna les gens du Midi. Ceux de Carcassonne entraînèrent Bernard-Délicieux dans une tentative de conspiration contre les « Français », avec l'appui d'un infant de Majorque. Après l'échec de cette tentative, Bernard se fit oublier pendant dix ans. Mais, en 1348, de nouvelles incartades le firent condamner sous plusieurs inculpations (dont celle, très certainement gratuite, d'avoir empoisonné le pape Benoît XI) à l'in-pace perpétuel. Quant aux brus du roi, leur arrestation fut un scandale inouï (Tour de Nesle). Marguerite de Bourgogne, femme de Louis le Hutin, avoua, dit-on, et mourut dans la prison du Château-Gaillard. Blanche, femme de Charles le Bel, n'avoua pas, et mourut à l'abbaye de Maubuisson. Jeanne, femme de Philippe V le Long, fut relâchée, après un séjour au château de Dourdan. L'histoire de ce scandale extraordinaire est obscure : il paraît avéré, cependant, que les trois princesses, innocentes ou coupables, furent dénoncées et perdues par leur belle-soeur, Isabelle, fille de Philippe le Bel, femme d'Edouard Il d'Angleterre. Mesures contre les Juifs et des Lombards. En juillet 1306, le même jour, tous les Juifs furent arrêtés; leurs biens et leurs livres de commerce furent saisis d'un bout à l'autre de la France. Quelque temps après l'exode qui suivit la grande confiscation de 1306, quelques Juifs furent autorisés à rentrer, à condition d'aider l'administration à découvrir leurs anciens débiteurs, qui se cachaient, et sous promesse de recevoir tant pour cent sur les sommes recouvrées par le Trésor, grâce à leurs dénonciations mais ils furent de nouveau expulsés, en 1311. Les « Lombards », c'est-à-dire les Italiens, qui étaient alors établis en très grand nombre dans le royaume comme changeurs, banquiers, marchands, orfèvres, etc., furent arrêtés, spoliés, expulsés à plusieurs reprises, notamment en 1291 et en 1311. Les banquiers italiens de la cour de France (dont quelques-uns paraissent avoir joué un rôle politique assez considérable) ont, d'ailleurs, presque tous mal fini. Parmi les épisodes qui précèdent, quelques-uns (Templiers, Juifs, Lombards) ont été des mesures extraordinaires, prises en vue de boucher les trous d'un budget avarié par les dépenses de guerre. De grandes guerres ont alors nécessité de grandes dépenses. La nécessité de parer à ces grandes dépenses explique, en partie, la politique intérieure du gouvernement de Philippe IV. C'est parce que le gouvernement de Philippe IV a été très besogneux qu'il a si gravement altéré les monnaies. Les contemporains de Philippe l'ont appelé « faux monnayeur», et il est vrai que, à partir de 1295, les oscillations de la valeur des monnaies et du rapport entre l'or et l'argent ont été énormes. L'affaiblissement des monnaies royales s'est aggravé constamment de 1295 à 1306; et le roi réalisa de ce chef des bénéfices sur le monnayage qui, en certaines années, s'élevèrent à plus de la moitié des recettes totales de la couronne. Le rétablissement de la « bonne monnaie » en 1306 causa aussi des souffrances, car cette opération difficile fut mal préparée et trop brusquement effectuée. Il y eut même, à cette occasion, quelques émeutes, à Paris, à Châlons-sur-Marne, etc., qui furent très aisément réprimées. Un nouvel affaiblissement de la monnaie parisis (1311) fut suivi d'un nouveau retour (1343) à la « monnaie de saint Louis ». C'est parce que le gouvernement de Philippe le Bel a été très besogneux qu'il a été obligé de percevoir tant d'impositions royales, qui ont grandement servi à l'acclimatation de l'impôt royal en France (L'organisation financière de l'Ancien régime) et à développer les germes de vie politique qui existaient dans le pays. Impositions sur la noblesse et le commun. Au besoin, ils faisaient des concessions, acceptaient des équivalents : exigeants avec les faibles, coulants avec les forts. La chancellerie de Philippe IV a expédié un très grand nombre de chartes de privilèges, accordées en échanges de subsides, à des communautés roturières ou à des assemblées locales de nobles ou de bourgeois : telles sont la Charte Rouergate d'avril 1297 (à l'assemblée des prélats, nobles et consuls de Rouergue), et la Charte aux Auvergnats de 1304 (aux barons, nobles et autres habitants du bailliage d'Auvergne). Philippe le Bel, a fait rédiger, en outre, un grand nombre de chartes générales pour la confirmation des privilèges de la noblesse et du commun, qui sont symétriques aux Chartes générales (comme celle de 1290) pour la confirmation des privilèges du clergé : la plus célèbre est la grande Ordonnance de mars 1303 (souvent rééditée, notamment en 1309) qui contient des articles dont les nobles ont évidemment requis l'insertion. Sans doute, la plupart des satisfactions accordées par la charte de 1303 étaient illusoires, comme les clauses de la Charte pour les clercs de 1290, à cause des circonlocutions dont elles sont enveloppées; mais quelques-unes paraissent théoriquement assez graves. La multiplication des impositions « pour la défense du royaume » ne laissa donc pas d'entretenir en France, à la fin du XIIIe et au commencement du XIVe siècle, un peu de vie politique. Des synodes où siégeaient, à côté des prélats, des représentants des chapitres et du clergé inférieur, étaient tenus dans toutes les provinces ecclésiastiques. Presque partout, les nobles et les bourgeois s'assemblaient pour délibérer, séparément ou en commun. Des protestations de ces assemblées, qui envoyèrent des députés à la cour, se firent entendre, par exemple : en 1309, à l'occasion de la levée d'un subside pour le mariage de la fille aînée du roi; en 1313, à l'occasion de la chevalerie de Louis le Hutin. D'autre part, le gouvernement de Philippe IV a été conduit à associer la nation, plus fréquemment et plus intimement que les anciens rois n'avaient fait, à ses actes; il a eu plus d'une fois besoin de fortifier ses démarches de l'approbation nationale. A cet effet, tantôt il a convoque en sa présence les représentants des trois ordres (clergé, noblesse et commun), tantôt il les a fait consulter - dans leurs comices, pour ainsi dire - par des délégués de sa cour. Il y eut de grandes consultations générales en 1290 (à l'occasion des négociations pendantes pour la liquidation de la guerre d'Aragon), en 1302 et en 1303 (lutte contre Boniface), en 1308 et peut-être en 1311-12 (affaire des Templiers). En août 1314, une assemblée générale fut convoquée à Paris pour entendre ce qu'il plairait au roi au sujet de nouvelles mesures fiscales que le réveil de la guerre contre les Flamands allait entraîner. C'est la première assemblée générale qui ait eu à connaître de questions financières. Mais il ne paraît pas qu'elle ait disputé comme discutaient, en pareilles circonstances, les petites assemblées locales. Quelques semaines après l'assemblée générale où le « parlement » du mois d'août 1314, un mouvement (analogue aux mouvements mal connus de 1303, de 1309 et de 1313) se produisit contre l'autorité royale. Il est célèbre, mais on s'en est longtemps exagéré la singularité. A l'automne de 1314, des ligues (analogues à celles qui avaient fonctionné soixante ans auparavant, sous Louis IX) se formèrent en Bourgogne, en Vermandois, en Normandie, en Languedoc, etc., dont les membres, nobles, clercs et bourgeois, s'engageaient à se défendre les uns les autres contre les « entreprises déraisonnables» du roi. Ces ligues se fédérèrent. Philippe IV céda : la subvention nouvelle, motif de l'agitation, fut « mise à néant » ; et le roi se préparait à rééditer une fois de plus l'ordonnance de réformation de mars 1303, lorsqu'il mourut Le mouvement de 1314 se poursuivra encore sous les règnes de Louis X et Philippe V. Politique extérieure. Au delà des Alpes comme au delà des Pyrénées, Philippe le Bel s'abstint. Il permit seulement l'expédition de son frère, Charles de Valois, à Florence et contre les Aragonais de Sicile, au secours de Boniface VIII et des guelfes (1301-2). Les circonstances n'étaient plus, en effet, aussi favorables à la France en 1303 qu'en 1297. La Flandre, aisément enlevée à son comte, était devenue un adversaire redoutable dès que le peuple flamand, plutôt francophile avant la conquête française, s'était insurgé contre les gens du roi. Les Matines de Bruges (mai 1302), comparables aux Vêpres siciliennes, le désastre affreux de la chevalerie française à Courtrai (juillet 1302), avaient tout remis en question. Les batailles de Zierikzee et de Mons-en-Pevèle (1304) ne rétablirent qu'à moitié les affaires; la cour de France en profita cependant pour conclure avec la maison de Flandre un traité honorable et même avantageux (Athis-sur-Orge, juin 1305). Mais tout ne fut pas terminé par cet accord. D'abord, il fallut en obtenir la ratification par les villes. La ratification du traité d'Athis (modifié, adouci), eut lieu en 1309; mais les Flamands ne s'empressèrent nullement d'en exécuter les clauses. En 1312, l'exécution du traité étant toujours en suspens, une armée française fut réunie en Artois; c'est alors que les conventions de 1305-9 furent complétées par le fameux « Transport » de Flandre : le comte Robert de Béthune, successeur de Gui, céda à Philippe IV, en échange d'une rente dont il était redevable, les châtellenies de Lille, Douai, Béthune et leurs appartenances. En 1313, nouvelle convocation d'une armée française à Arras; mais cette armée n'opéra pas. On dit à Paris que les Flamands avaient gagné du temps par de nouveaux moyens dilatoires et que le roi s'était fait jouer. En 1314, rupture; un troisième « est » de Flandre fut rassemblé et ne fit rien, au vif déplaisir des Français qui accusèrent le ministre Marigny de s'être laissé acheter par les Flamands aux abois. Philippe IV légua, de ce côté, à ses successeurs, une situation embarrassée. Du côté de l'Empire, la politique française, à cette époque, fut, en revanche, assez heureuse. Le roi des Romains, Adolphe de Nassau, un des alliés d'Edouard ler, sa montra impuissant à l'aider. Le comte Oton de Bourgogne céda à la maison royale de France son comté de Bourgogne (Vincennes, mars 1295) : une révolte de la noblesse de Franche-Comté, indignée de cette convention qui la livrait, s'apaisa lorsqu'il fut avéré, par l'alliance de Philippe IV et d'Albert d'Autriche, que les Comtois n'avaient aucun secours positif à attendre de l'Empire. Henri de Bar, autre allié d'Édouard Ier, paya son pécule pour la cause anglaise en prêtant hommage au roi pour la partie du Barrois qui fut dite désormais « Barrois mouvant » de la couronne de France (1301). La souveraineté des Capétiens fut formellement reconnue, en 1307, à Viviers et à Lyon. Il est vrai qu'après la mort d'Albert d'Autriche, la candidature de Charles de Valois, frère du roi, à l'Empire, échoua assez piteusement (1308); mais les relations de Philippe IV et de l'empereur Henri VII de Luxembourg n'ont pas été franchement mauvaises; de 1308 à 1314, l'influence française continua de s'exercer et de s'étendre insensiblement tout le long de la frontière impériale, de la Lorraine à la Provence. (Ch.-V. Langlois).
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