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Histoire de l'Europe > L'Espagne > Au Moyen âge > Les royaumes chrétiens |
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L'Aragon,
habité dans les temps les plus reculés par les Celtibères,
fut compris par les Romains dans la Tarraconaise,
à la fin du Ve siècle (~470);
les Wisigoths
y établirent leur domination, qui fut remplacée par celle
des Maures en 714.
Au IXe siècle l'Aragon était compris dans la Marche carolingienne de Gascogne (expédition de Charlemagne, en 778), et, sous le nom de comté, appartint jusqu'en 1035 aux rois de Navarre (L'Espagne médiévale). A la mort de Sanche III, dit le Grand, ses fils se partagèrent ses Etats; l'un d'eux, Ramire, fils naturel de Sanche; eut pour sa part cette contrée (qui s'étendait aux alentours de Jaca), qu'il érigea en royaume et qu'il agrandit par ses conquêtes. La dynastie qu'il fonda augmenta ses possessions de Sobrarbe (autour d'Ainsa) et de Ribagorza (autour de Roda), et enleva aux Maures les villes de Huesca et de Saragosse, qui devinrent tour à tour les capitales du royaume (1096-1118). Après l'abdication de Ramire II, dit le Moine, sa fille Pétronille prit, le titre de reine, et son fiancé, Raymond Bérenger, comte de Barcelone, l'épousa, en 1151, et administra le royaume en son nom. Par ce mariage, l'Aragon s'augmenta du comté de Barcelone, en Catalogne, de l'autre côté des Pyrénées. Cette dynastie nouvelle, dite Barcelonaise, ajouta au royaume d'Aragon : la Provence, Montpellier, acheté à son seigneur; le Roussillon et la Cerdagne, les îles Baléares, d'où elle chassa les Zéreïdes (1229-1235), une grande partie du royaume de Valence conquise sur les Maures d'Espagne (1238) la Sicile, lors des Vêpres siciliennes (1282), une partie du royaume de Murcie (1305), et la Sardaigne, enlevée aux Pisans (1323-1326). Différentes provinces se séparèrent de ce royaume, de 1285 à 1409, mais elles furent définitivement réunies à la couronne sous Jayme II, roi de Majorque, à l'exception de Montpellier, qui fut vendu au roi de France, en 1349. L'Aragon, augmenté de la couronne de Naples (1435), s'unit à la Castille par suite du mariage de Ferdinand le Catholique, héritier du trône d'Aragon, et d'Isabelle, héritière de Castille (1469), à l'avènement de ce prince. Cette union fut affermie par Charles-Quint (1516). La couronne d'Aragon se composait alors de l'Aragon, du comté de Barcelone (Catalogne et Roussillon), le royaume de Valence et de Murcie, en Espagne, et des îles Baléares, de la Sardaigne et des Deux-Siciles. Souverains de l'Aragon
Charles-Quint, en 1516, réunit toute l'Espagne sous sa domination. L'Aragon ne fut plus, dès lors, qu'une province de la grande monarchie espagnole. Néanmoins, les Aragonais conservèrent longtemps leurs privilèges ou fueros (fors), auxquels ils étaient fort attachés, avec l'obstination que constate le proverbe : "Donnez un clou à l'Aragonais. il l'enfoncera avec sa tête mieux qu'avec un marteau".Sous le règne de leurs princes nationaux fut établie la constitution célèbre d'Aragon, limitant l'autorité royale par celle des barons, des comtes et d'un magistrat spécial, appelé Justicia (Grand justicier). On connaît la fameuse formule dont se servait le justicier en déférant la couronne au nouveau roi : "Nous qui, séparément, sommes autant que toi, et qui, réunis, pouvons davantage, nous te faisons roi, à condition que tu garderas nos privilèges; sinon, non."(L'actuelle communauté autonome d'Aragon a recréé l'institution du Justicia de Aragon, qui a aujourd'hui pour fonctions la défense des droits et des libertés des citoyens et la supervision de l'activité de l'administration). - Carte de l'Aragon au XVIIIe s. |
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Jalons |
Histoire du royaume d'AragonIl est difficile de dire quelque chose de précis et de bien certain sur les origines du royaume d'Aragon. Les annalistes et historiens du pays se sont plu à orner cette histoire primitive de contes et de légendes et ils ont mentionné des faits et des personnages dont la réalité est loin d'être assurée. C'est ainsi qu'ils indiquent comme embryon du futur royaume d'Aragon, un petit royaume de Sobrarbe, comprenant la haute vallée du Cinca, reconquis sur les Maures au commencement du VIIIe siècle. Les gentilshommes chrétiens de ce canton auraient choisi pour chef Garci-Ximénès en 724. On montre encore, dans la petite ville de Ainsa, le vieux palais des rois de Sobrarbe et à Saragosse, dans la salle de la Députation, on peut voir les portraits des six rois élus, successeurs de Garci-Ximénès. D'autre part, les annalistes mentionnent un comté d'Aragon à l'Ouest du Sobrarbe et lui donnent pour premier seigneur un certain Azinarius ou Aznar, qui commandait, pour Louis le Débonnaire, la marche de Vasconie, en 831; ils lui attribuent pour successeurs, d'abord son frère Sanche, puis les comtes Galindo, Ximino, Fortunio, Aznar Il et Endregot. On voit également leurs portraits à Saragosse, mais il se pourrait que ces personnages, ainsi d'ailleurs que les rois de Sobrarbe, soient tout à fait imaginaires.Le premier fait historique relatif à
tout le pays montagneux au pied des Pyrénées, noyau du futur
royaume d'Aragon, c'est sa conquête par Sanche, premier roi de Navarre
à la fin du IXe siècle. Toute
cette région se trouva ainsi fondue dans le royaume de Navarre,
dont elle devait suivre, pendant plus d'un siècle, les destinées.
D'ailleurs, une situation à peu près semblable sur les vallées
des affluents de l'Ebre
supérieur, la ressemblance de climats et d'aspects, la communauté
de langage, devaient alors unir ces deux pays. Ce n'est que plus tard,
quand l'Aragon s'étendit, et descendit pour ainsi dire vers la vallée
moyenne de l'Ebre, qu'il fut séparé pour toujours par les
intérêts et la politique de la région navarraise et
tendit à se joindre à la Catalogne. L'Aragon et la Navarre
demeurèrent sous les mêmes lois jusqu'à la mort de
Sanche Ill le Grand, qui avait réuni sous son autorité à
peu près toute l'Espagne chrétienne, au XIe
siècle.
La généalogie des rois d'Aragon (manuscrit du XVIe siècle). L'Aragon sous
la dynastie navarraise.
Ramirez
(Ramire Ier), Sanche Ramirez (Sanche Ier),
Pierre Ier.
Il semble, d'après les témoignages obscurs des chroniques et les conjectures des historiens postérieurs, que Ramirez, ce premier roi d'Aragon, succomba dans une guerre contre Sanche de Castille allié à l'émir de Saragosse. Sanche espérait même ajouter l'Aragon à ses Etats, mais les Aragonais se hâtèrent d'élire et de faire proclamer roi le fils de Ramiro, Sanche Ill. Celui-ci, à la mort de Sanche IV, roi de Navarre, fut encore appelé en qualité de souverain par les Navarrais; il put prendre possession de la Haute-Navarre depuis les Pyrénées jusqu'à I'Ebre avec Pampelune pour capitale; mais Alphonse de Castille lui enleva et garda pour son compte la Rioja et la Biscaye. Sanche ler, dont les forces étaient notablement accrues, reprit la guerre contre les Musulmans de la vallée de l'Ebre, leur enleva plusieurs cantons, construisit des forts pour approcher de Huesca et de Saragosse et fut tué au siège de la première de ces villes. Avant de mourir, il fit prêter serment à son fils et successeur de ne pas abandonner cette entreprise. Pierre ler
(Pero, Pedro I) tint parole et inaugura son règne par une grande
victoire sur les Sarrasins, qui amena la prise de Huesca, le faubourg avancé
de Saragosse. Il continua avec bonheur et ténacité la reconquête
du pays sur les Maures jusqu'en 1104, année où il mourut
sans héritiers et laissant la couronne à son frère,
Alphonse
Ier (Alifonso).
Alphonse
Ier, le Batailleur.
Descendant le cours de l'Ebre, il vint mettre le siège devant Tudela, qu'il enleva, après avoir gagné une grande bataille sous les murs de la place (1110). Il vint même attaquer Saragosse, mais il fut obligé de reculer devant les bandes des Almoravides; peu après, comme ceux-ci étaient odieux aux Musulmans d'Aragon, Alphonse s'allia avec l'émir de Saragosse et, avec son appui, battit les Africains. Ayant ainsi ruiné la seule force musulmane qui fut capable de résistance, le roi chrétien se retourna contre son ancien allié, l'émir de Saragosse, et, aidé de nombreux chevaliers français, il força, après un long siège, la ville à capituler (1118). L'Aragon avait enfin sa capitale véritable,
au milieu géométrique du pays, près du confluent de
l'Ebre et de nombreuses rivières, à la jonction de toutes
les routes naturelles du royaume. Alphonse poursuivit le cours de ses succès,
s'empara des importantes cités de Tarrazona, Calatayud,
Daroca et tua 20,000 Maures, à la grande
bataille de Cutanda, en 1120. En 1125, appelé par les Mozarabes
d'Andalousie, il partit avec quelques
milliers de chevaux et fit une aventureuse algarade dans les Etats musulmans
de Valence,
de Murcie et de Grenade.
Il resta plus de six mois, dévastant toute l'Espagne
musulmane, mais ne pouvant, faute de matériel, enlever aucune
place; il alla jusqu'à Velez-Malaga d'où il pouvait voir
les eaux de la mer d'Afrique et revint par une pénible et glorieuse
retraite au milieu de son royaume.
Ramire
II, le Moine, Pétronille, Raymond Bérenger.
Ramire II reconnut pour héritière du trône sa fille Pétronille, promise au fils aîné d'Alphonse VII de Castille. Mais les nobles d'Aragon, redoutant l'ambition et la puissance de ce monarque, qui avait pris le titre d'empereur, ne voulurent pas souscrire à cet acte; ils disposèrent sans leur roi de la main de sa fille alors âgée de deux ans et négocièrent son mariage avec le comte Raymond de Barcelone, qu'ils désignèrent en même temps pour héritier de la couronne, même dans le cas où il survivrait à sa femme. Dans cette espèce de testament anticipé
qu'on fit faire à Ramirez II, les limites de la Navarre et de l'Aragon
étaient définies et les droits de suzeraineté de l'empereur
sur Saragosse étaient expressément réservés,
ce qui prouve que le reste de l'Aragon n'était déjà
plus considéré comme un fief de la Castille. Ce traité
contenait en germe la grandeur future de royaume d'Aragon, car il ajoutait
à la région montagneuse et âpre de la vallée
moyenne de l'Ebre, les riches plaines de la vallée inférieure
et le littoral prospère de la Catalogne;
les deux pays gardaient pour le moment une administration et des lois distinctes,
mais ils unissaient leurs forces, leurs ressources diverses, leurs intérêts,
et ils formaient un Etat étendu, riche, puissant à la fois
sur terre et sur mer, capable de s'étendre vers le Sud, au détriment
des principautés musulmanes (1137).
Pétronille et Raymond IV Berenger. Tandis que Ramirez II s'éteignait dans un cloître, ne gardant qu'un vain nom de roi, le comte Raymond prenait possession de ses Etats avec le titre de régent, recevait d'Alphonse VII, à titre de fiefs, Saragosse, Tarrazona, Calatayud et Daroca, et engageait ensuite une longue guerre avec Garcia de Navarre, revendiquant les droits anciens des rois d'Aragon sur ce pays. Dans cette guerre, il perdit Tarrazona en 1143, mais, en 1144, il hérita de la Provence par la mort de son frère, enleva aux Sarrasins Tortosa, Lérida et Fraga en 1149. Ce prince habile autant que brave avait recouvré la pleine souveraineté des pays qu'il n'avait d'abord qu'à titre de fiefs (1157) et il mourut à Turin en 1162. La dynastie barcelonaise.
Alphonse
II.
Alphonse Il fit plusieurs campagnes heureuses dans le royaume de Valence, fit tributaire l'émir de Murcie, et fortifia, pour servir de boulevard contre les Musulmans, la grande ville de Teruel (1172). En 1176, il avait fait aussi une expédition dans le sud de la France; en 1181, il alla encore recueillir l'héritage du Roussillon et châtier quelques vassaux rebelles; il y resta plusieurs années, pendant lesquelles l'Aragon fut en proie à toutes sortes de violences, et mourut en 1196, puissant et respecté. Pierre
II.
Jacques
Ier, le Conquérant.
Le château de Monzon. Quelques nobles enlevèrent Jayme Ier du château de Monzon, où il était élevé, lui firent prêter de nouveau serment de fidélité à Saragosse et voter un subside extraordinaire (1217). Pendant six ans il lutta sans succès contre ses vassaux rebelles; il chercha en vain un appui auprès du Saint-Siège et de la Castille; il fut forcé de se remettre entre les mains des révoltés, et le pouvoir passa à leur chef Fernando (Ferrando), neveu de Sanche. En 1225, âgé de dix-sept ans, Jayme s'échappa de la captivité où on le tenait et commença avec quelques nobles fidèles une lutte acharnée contre ses ennemis qui étaient maîtres des places les plus importantes, notamment de Saragosse, de Huesca et de Jaca. En 1228, il avait réussi, et la soumission presque générale de l'Aragon lui permit de reprendre la guerre contre les Maures. Il tourna d'abord ses regards vers les îles Baléares dont la conquête devait être précieuse pour la marine du royaume uni d'Aragon et de Catalogne. Dès 1228, étant à Barcelone, il fit les premiers préparatifs d'une expédition contre Majorque; les ricos hombres, le clergé, le peuple y contribuèrent avec une grande ardeur; des gentilshommes du midi de la France accoururent à cette croisade et une flotte imposante porta à Majorque une armée de plus de 30,000 hommes. D'avance, le roi avait donné en fiefs les terres de l'île aux croisés; les montagnards se défendirent avec rage et la ville de Palma résista avec énergie; elle fut prise d'assaut après un long siège, puis il fallut combattre pendant plusieurs mois encore et le roi ne quitta l'île qu'après plus d'un an, quand la pacification fut complète. On dit que 50,000 Musulmans avaient péri et que 30,000 avaient été emmenés en captivité. Jayme revint encore l'année suivante et donna l'île en fief, sauf quelques places importantes, à l'infant Don Henri de Portugal, en échange de la souveraineté du comté d'Urgel. En 1242, il revint une troisième fois à Majorque, puis conquit l'île de Minorque avec le beau port de Mahon. L'année suivante, l'évêque de Tarragone, avec l'aide de quelques seigneurs, s'empara d'Iviça (Ibiza) et ainsi les îles Baléares, enlevées aux Musulmans, appartinrent à des seigneurs chrétiens et furent peuplées de colons catalans qui y affluèrent. Dès que la conquête de Majorque avait été achevée, c.-à-d. vers 1232, Jayme ler, allié au cid Mohammed bou Abdallah, souverain dépossédé de Valence, avait entrepris la guerre contre le puissant émir de cette ville; il voulait étendre ses Etats au Sud de l'Ebre et une nouvelle croisade excita l'enthousiasme des nobles, du clergé et de toute la population d'Aragon et de Catalogne. Il enleva la forteresse de Morella, puis l'importante place maritime de Burriana après un siège long et pénible; celle de Péniscola, effrayée, se rendit sans coup férir. Pendant près de quatre années les Aragonais guerroyèrent au Nord du Guadalaviar et s'établirent au château fort du Puig, à une dizaine de kilomètres au Nord de Valence. Les croisés étaient cependant las de tant de travaux; pour les décider à de nouveaux efforts, il fallut toute l'énergie du roi et plus encore la perspective de conquérir la riche huerta de Valence, perspective si séduisante pour les pauvres montagnards de l'Aragon. Jayme Ier put enfin, en 1238, entreprendre avec des machines le siège de la grande ville. Au bout de quelques mois, les habitants décimés par la famine, voyant leurs murs en ruines et n'ayant à espérer aucun secours, forcèrent l'émir à capituler. Le roi d'Aragon donna aux habitants cinq jours pour se retirer avec ce qu'ils avaient de plus précieux et trompa ainsi l'espoir de pillage de ses soldats. La bannière d'Aragon fut plantée par les Maures eux-mêmes sur les tours de Valence. Tout le pays au Nord du Jucar, à l'exception du port de Cullera, fut cédé à Jayme et il le partagea en fiefs entre les croisés. En dehors des ricos hombres, on comptait parmi eux trois cent quatre-vingts chevaliers aragonais et catalans qui prirent pour eux et leurs descendants le nom de chevaliers de la conquête Des Aragonais et surtout des Catalans vinrent peupler le pays, que plus de cinquante mille Maures avaient quitté. Quelques villes qui résistaient encore, au Nord du Jucar, furent prises dans les années 1239 et 1240, puis Denia au Sud du fleuve en 1243, puis Xativa en 1246. A cette époque, Jayme ler
était un des plus puissants monarques de l'Europe; son autorité
s'étendait à la fois sur la Catalogne, l'Aragon, le royaume
de Valence, les Baléares, le Roussillon et la Cerdagne et la seigneurie
de Montpellier. Un grand Etat s'était ainsi formé sur les
deux versants des Pyrénées, mais Jayme Ier
commit l'erreur de partager ses Etats entre ses divers fils. Dès
1243, dans une réunion des Cortès à Daroca, il reconnut
son fils aîné Alphonse pour héritier de la couronne
d'Aragon, tandis qu'il assignait la Catalogne à son second fils,
don Pedro. Les Aragonais, justement mécontents, se soulevèrent
et il fallut l'intervention de Ferdinand III, roi de Castille, pour rétablir
l'ordre.
Jayme I. Manuscrit de la seconde moitié du XIIIe s. Jayme ler ne profita pas de cette expérience. En 1248, il fit de nouveau un semblable partage anticipé, laissant à Alphonse l'Aragon, mais donnant un apanage à chacun de ses quatre autres fils. Cet acte fut même publié aux Cortès d'Alcañiz, en 1250, et il ne se trouva alors personne pour protester contre cette mesure déplorable qui brisait en morceaux le royaume d'Aragon. Mais, en 1258, les réclamations des Aragonais forcèrent le roi à réunir sur la tête de son fils aîné, Alphonse, l'Aragon et le royaume de Valence. En 1203, Alonzo étant mort, un nouvel arrangement devint nécessaire. Don Pedro eut l'Aragon, Valence et le comté de Barcelone; Don Jayme eut la royaume composé de Montpellier, des Baléares, du Roussillon et de la Cerdagne; aucun droit de suzeraineté n'était attribué à l'aîné vis-à-vis de son frère; les deux princes furent substitués l'un à l'autre dans le cas où l'un d'eux mourrait sans héritiers mâles. Enfin, un peu auparavant, Jayme avait fait conclure à son fils Pedro un mariage avec Costanza, fille unique de Manfred, roi de Sicile, mariage qui devait donner plus tard à la famille d'Aragon des droits sur le Sud de l'Italie. Vers cette époque, les Maures d'Andalousie
s'étant révoltés contre Alphonse de Castille, celui-ci
implora l'appui du puissant et belliqueux roi d'Aragon. Jayme, qui avait
besoin d'argent pour cette guerre, convoqua séparément les
Cortès de Catalogne et d'Aragon et, pour obtenir des subsides, il
dut faire de nombreuses concessions. Libre enfin de marcher contre les
Musulmans du royaume de Murcie, il enleva la capitale après un long
siège, recouvra trente places fortes et rendit tout le royaume à
Alphonse (1265).
Une bataille de Maures et de Chrétiens au XIIIe s. Quelques années après, le belliqueux vieillard entreprenait une croisade en Palestine, mais, rejeté par la tempête sur le littoral du Languedoc, il dut renoncer à son projet. Il eut encore à guerroyer contre les vassaux rebelles, contre un fils bâtard révolté et il était occupé à faire valoir ses prétentions sur le royaume de Navarre quand la mort vint mettre fin à sa longue carrière, en 1276. Par son testament il avait ordonné que les femmes seraient exclues de la royauté en Aragon, clause qui fut observée, et il avait maintenu le partage de 1263. Ce partage, bien que fâcheux, l'était moins que les partages antérieurs; l'Aragon, Valence et la Catalogue formaient encore un Etat assez puissant, tandis que le royaume de Majorque, donné à Jayme, demeurait un royaume de grandeur et de force respectables. Pierre
III, le Grand.
De retour en Aragon, il espérait pouvoir restreindre les fueros; mais les Cortès de Saragosse le forcèrent à les confirmer. Il était d'ailleurs très menacé, en 1283. Le pape l'avait excommunié et une armée française envahissait son royaume. La difficulté des chemins, le manque de vivres, les maladies eurent facilement raison des Français tandis que Roger de Lauria, amiral d'Aragon, faisait prisonnier Charles Il d'Anjou. C'est à ces succès et surtout à l'acquisition de la Sicile que Pierre III dut le nom de grand qui lui a été donné. Il repoussa encore une invasion de l'Aragon par Philippe le Hardi, roi de France, père de Charles, et mourut en 1285. Alphonse
III, le Libéral. Jacques II, le Juste.
En 1291, quand Alphonse III mourut sans laisser d'enfants, Jayme (Jacques II), qui avait remporté quelques succès sur mer, était en train de conquérir la Calabre et d'étendre son royaume de Sicile. Il abandonna ses conquêtes et son trône à Frédéric, son frère puîné, et se fit reconnaître roi par les Etats d'Aragon, de Catalogne et de Valence. Il conclut une paix honorable avec le roi de France et épousa Blanche, fille de Charles Il d'Anjou, roi de Naples, s'engageant à restituer à celui-ci la Sicile qu'il devait reprendre à son frère Frédéric; mais il ne put l'en déposséder. En 1297, il reçut du pape Boniface VIII l'investiture des îles de Sardaigneet de Corse que se disputaient les Pisans et les Génois. Son fils Alphonse, entre les années
1321 et 1325, put soumettre la première de ces îles; d'autre
part, Jacques II avait remporté quelques succès sur les Maures
de Grenade. Il fut encore plus heureux dans
l'administration intérieure de ses Etats, s'attira l'affection de
ses sujets qui l'appelèrent le Juste et obtint de leur attachement
qu'ils se relâcheraient un peu de leurs précautions contre
le pouvoir royal. Aux Cortès d'Aragon, en 1307, il fit effacer le
fuero qui rendait obligatoire la réunion annuelle des Cortes dans
la ville de Saragosse; il fut accordé qu'elle n'aurait lieu que
tous les deux ans, et que le roi désignerait pour la réunion
tel lieu qu'il lui plairait, pourvu que ce fut dans un bourg ouvert de
plus de 400 habitants. Jacques II mourut très regretté de
ses sujets, en 1327.
Alphonse
IV, le Débonnaire.
Pierre
IV, le Cérémonieux.
Les unions d'Aragon et de Valence protestèrent énergiquement et les Cortès de Saragosse, en 1347, proclamèrent héritier l'infant don Jacques, frère de Pierre. L'infant mourut peu après, peut-être empoisonné; les Cortès reconnurent héritier l'infant Ferdinand, troisième fils d'Alphonse IV. Pierre IV, furieux, appela à lui une armée de mercenaires et combattit ses sujets, mais il vit ses soldats dispersés et fut lui-même fait prisonnier (1348). Il se soumit, promit d'observer les fueros et reconnut la constitution de l'Union; mais presque aussitôt, ayant repris des forces et ses généraux avant été vainqueurs, il enleva Saragosse et convoqua les Cortès de nouveau. Là, il se montra politique très habile, étendit les fueros en tant qu'ils n'étaient pas contraires aux prérogatives royales, fit des concessions, demandant en retour la suppression définitive de l'Union. On tomba d'accord; Pierre, transporté de joie, se blessa à la main avec son poignard et, faisant couler son sang sur l'acte d'abrogation, s'écria « Que ce privilège d'union, qui a été si fatal à la monarchie et si injurieux envers la couronne, soit effacé par le sang d'un roi. » En mémoire de cet acte, on érigea dans la salle des Cortes, à Saragosse, une statue représentant Pierre IV, tenant d'une main sa dague et de l'autre la charte de l'Union; on le surnomma aussi don Pedro du Poignard. Il mourut en 1387, laissant la réputation d'un prince ambitieux, fourbe et cruel, mais actif, énergique, courageux et habile. Jean
Ier, l'Aimable. Martin,
l'Humain.
Ferdinand
Ier d'Antequera.
Alphonse
V, le Magnanime
Jean
II. Ferdinand II.
En 1478, Jean II mourut laissant ses vastes
Etats à son fils Ferdinand, surnommé
le
Catholique. Celui-ci était déjà roi, pour son
épouse Isabelle, de Castille
et de Léon; il réunit sous son
sceptre toute l'Espagne chrétienne et dès lors l'histoire
de l'Aragon se confond avec celle de la monarchie espagnole; mais il fut
convenu que, quand Ferdinand et Isabelle viendraient en Aragon, le premier
seul y donnerait des ordres.
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Institutions |
Les institutions de l'AragonNous venons de tracer rapidement l'histoire du royaume d'Aragon, pendant les cinq siècles de son existence; nous l'avons vu, d'abord tout petit et comme perdu dans une étroite vallée, s'étendre successivement sur la vallée de l'Ebre, la Catalogue, le royaume de Valence, les Baléares, puis sur le versant français des Pyrénées, sur la Sardaigne, la Sicile, le royaume de Naples et devenir un très vaste Etat, noyau de l'empire futur de Charles-Quint. Nous avons dû laisser de côté l'histoire des institutions de ce royaume, malgré l'intérêt particulier qu'elle présente et bien que la nature même de ces institutions soit une des principales causes de la prépondérance des Aragonais pendant une si longue période. Nous en dirons seulement quelques mots.- Extrait des Fueros de l'Aragon sur un manuscrit du XIIIe s. Le fait caractéristique de la constitution du royaume d'Aragon, c'est que l'autorité du roi y était assez limitée, soumise à des restrictions nombreuses et à un contrôle incessant. Des Cortès étaient réunies chaque année pour accorder au roi le service militaire ou des subsides et pour faire les lois; elles se réunissaient aussi lors de l'avènement d'un nouveau prince pour exiger de lui le serment de respecter les fueros ou constitutions nationales, et en retour elles lui prêtaient serment de fidélité. Ces Cortès n'avaient été composées d'abord que des nobles (ricos hombres) et des chevaliers (infançones). En 1133, il y eut de plus des députés des villes et, à la fin du XIIe siècle, les évêques y furent aussi appelés. Il y eut ainsi quatre ordres ou, comme on disait, quatre bras : le clergé, la haute noblesse, la noblesse inférieure et les villes désignées sous le nom de Universidades. La formule du serment prêté par le roi devant les Etats indique bien sa subordination : Nosotros. que, cada uno por si, somos tanto como os, y que juntos podemos mas que os, os hacemos a nuestro rey, con tanto que guardareis nuestros fueros; sino, no.L'Union qui se forma pour soutenir les Cortès contre le roi, au XIVe siècle, avait même inscrit dans ses statuts le droit de révolte contre le roi et d'alliance avec l'étranger. Outre qu'il n'avait pas le pouvoir législatif et qu'il avait pour les impôts à compter avec les Cortès, le roi voyait encore son autorité limitée par celle du Justiza (Justicia en castillan)ou grand justicier. Ce personnage, dont l'origine est très ancienne, était une sorte de juge intermédiaire entre le roi et la nation, qui ne faisait d'abord que recueillir les avis des ricos hombres et prononcer une sentence conforme à leur décision. Plus tard, il jugea seul; il avait le droit d'évoquer toute cause portée devant un autre tribunal (jurisfirma); il assurait la liberté personnelle contre les officiers royaux en gardant les personnes poursuivies dans une geôle particulière (manifestatio); il tranchait les questions de droit qui lui étaient soumises par les tribunaux municipaux et royaux; enfin, il pouvait, par son veto, infirmer les ordres du roi, censurer et même destituer ses ministres. Il est vrai que, par une singulière contradiction, il était lui-même nommé par le roi et pouvait être révoqué. En 1442, il fut déclaré inamovible; mais en 1467, il fut rendu justiciable et responsable devant dix-sept membres choisis par les Etats. Quand Charles-Quint fit disparaître la plupart des libertés provinciales, les fueros d'Aragon furent en partie respectées et l'autorité du justiza demeura intacte mais sous Philippe II, ce magistrat ayant fait une opposition très vive, le roi envoya des troupes en Aragon et le justiza, Juan de la Nuza, fut décapité sur la place de Saragosse, le 20 décembre 1691. Philippe II profita de la consternation produite par cet acte de vigueur pour réunir les Etats à Tarrazona et leur faire adopter une loi interdisant sous peine de la vie le cri de liberté, qui avait été jusqu'alors le mot de ralliement de tous les rebelles. Enfin, Philippe V, contre qui les Aragonais s'étaient déclarés dans la guerre de la succession d'Espagne, traita la province en pays conquis, supprima les Etats et ce qui restait des fueros. (Edouard Cat). |
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