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La Garonne
La Garonne (en latin Garumna ou Varumna) est un fleuve de France. La Garonne descend du fond du Val d'Aran en Espagne. Elle se forme de deux torrents, la Garonne occidentale ou Jouéou, et la Garonne orientale. Ce dernier, le plus long des deux, doit son origine à deux petites sources appelées les yeux de la Garonne, situées au pied du col de Béret. Les deux branches étant réunies à Castelléon, la Garonne entre en France, dans le département de la Haute-Garonne, par le col resserré du Pont-du-Roi où elle devient flottable, et passe à Saint-Béat, se dirigeant vers le Nord en inclinant toujours à l'Ouest.
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La Garonne à Bossost.
La Garonne à Bossost, dans le Val-d'Aran (Espagne).

Elle passe au pied de Saint-Bertrand-de-Comminges, reçoit la Neste et arrive à Montréjeau; elle contourne le plateau de Lannemezan et décrit une courbe vers le Nord-Est jusqu'à Toulouse. Autrefois, quand les barrage qui en barrent aujourd'hui le cours n'existaient pas, L'origine de la navigation fluviale était à Roquefort, à l'embouchure du Salat. La Garonne passe à Cazères, reçoit l'Ariège à droite, arrose Muret et traverse la plaine de Toulouse. A partir de là, elle reprend la direction du Nord-Ouest.

Elle reçoit la Save à gauche près de Grenade et entre dans le département du Tarn-et-Garonne. La Garonne passe auprès de Castelsarrasin et reçoit à droite le Tarn grossi de l'Aveyron. Après son entrée dans le Lot-et-Garonne, sa direction est plus accentuée vers l'Ouest Dans ce département elle arrose Agen, Port-Sainte-Marie, Tonneins et Marmande, et s'accroît, sur la rive droite, des eaux du Lot, près d'Aiguillon, sur la rive gauche de celles du Gers et de la Baïse. 

Dans le département de la Gironde, elle reçoit peu d'affluents importants et arrose La Réole, Langon, Cadillac, Podensac, Lormont et Bordeaux. Au Bec d'Ambès, la Dordogne, qui prend naissance dans le Mont-Dore et coule de l'Est à l'Ouest, vient se joindre à la Garonne, et la réunion des deux fleuves forme la Gironde. La pointe de terre qui sépare la Dordogne de la Garonne constitue la région de l'Entre-deux-Mers, renommée pour ses vins. 

La Garonne a produit autrefois des inondations désastreuses; il suffit de citer celles de 1436, 1770, de 1856 et de 1875. Le lit de la Garonne maritime, comme celui de la Gironde, a perdu de sa profondeur, et les grands navires ne remontent pas aussi facilement qu'autrefois jusqu'à Bordeaux. (G. Regelsperger).

Les sources de la Garonne

La Garonne est le moins long des grands fleuves français : 650 kilomètres. Elle naît en Espagne, à peu de distance de la frontière française, par deux branches principales; l'une issue du Plà de Béret, l'autre du pic d'Anéto même, le mont le plus élevé de la Maladetta et de la chaîne même des Pyrénées. On parle aussi d'une troisième branche, plus orientale. Quoi qu'il en soit, c'est une controverse déjà ancienne et qui risque de n'être jamais solutionnée que celle de la véritable source de la Garonne; chacune des deux origines a ses partisans : les uns penchent pour le Plà de Béret, «-jaillissant de l'herbe, ne gelant jamais, ne débordant et ne tarissant jamais, la bonne petite source connue des troupeaux, aimée des bergers et des voyageurs (Franz Schrader, Annuaire du Club Alpin, 1888) ». C'est sa limpidité, sa pérennité, les services qu'elle a rendu de tout temps aux montagnards qui valent à cette fontaine l'hommage reconnaissant des Aranais. D'autres considèrent que la branche dont l'origine est la plus lointaine de l'embouchure doit être tenue pour le fleuve même. Ce serait alors le torrent sauvage formé du Malo auquel s'unit la Ruda, l'Aiguamoch issus des solitudes glacées des monts de la Maladetta qui l'emporterait, le Malo disparaissant tout entier, le trou du Toro, et reparaissant, ce qui d'ailleurs est contesté, au Goeuil de Jouéou (oeil de Jupiter). Ce qui demeure établi est que deux Garonnes, l'une descendant du Plà de Béret par 1872 mètres, l'autre venue du versant nord du pic d'Aneto par 1430 mètres d'altitude, s'unissent pour former un torrent rapide dévalant une pente de 27 mètres par kilomètre jusqu'à la frontière française au Pont-du-Roi, plus humble que son nom, sous lequel ce torrent court en eaux tumultueuses dans des défilés hérissés de rocs couverts de broussailles.

La Garonne pyrénéenne

Le  fleuve naissant reçoit les eaux de quelques rivulets, roule de couloir en couloir jusqu'à Saint-Béat. A 4 kilomètres en aval de cette ville le rejoint, à gauche son premier affluent de quelque importance, la Pique. La Pique a drainé toute une région de neiges et de lacs aux eaux pures de la région d'Oo et, bruissant dans le fracas des rocs qu'elle transporte, se précipite dans la Garonne. A Montréjeau, la Neste rejoint la Garonne et celle-ci, sous la poussée de son affluent et suivant une direction imposée aux deux cours d'eau par les hauteurs du plateau de Lannemezan, fait un coude et borde le plateau d'ouest en est, faisant avec son cours supérieur un angle presque droit. La Neste, d'une longueur de 65 kilomètres, suit un cours à peu près semblable à celui du fleuve; elle naît au milieu des neiges des Pyrénées centrales par plusieurs branches dont trois principales : Neste de Couplan, de Moudang, de Louron se déversant par la vallée d'Aure dans un torrent unique, la Grande Neste aux eaux bleues. Le débit, assez soutenu et régulier du cours d'eau alimenté par de nombreux petits lacs réservoirs, a permis de pratiquer dans son cours une coupure lui enlevant environ 5 mètres cubes à la seconde et destinée à alimenter, sans résultat utile d'ailleurs en raison de l'évaporation, les pauvres ruisseaux et campagnes d'Armagnac.

La Neste, comme la Garonne, a passé successivement les différents étages des terrains cristallins, jurassiques, crétacés, mais la rapidité du cours et l'abondance temporaire des eaux ne permettent pas aux différentes formations géologiques d'exercer leur influence normale. Sous le pont de Montréjeau, la Garonne court, rapide; autrefois une dépression lacustre, déversoir naturel, occupait: la vallée de Saint-Gaudens à Saint-Martory : les alluvions apportées des Pyrénées l'ont comblée et la vitesse des eaux s'en est accrue.
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Garonne.
La Garonne, à Saint-Martory (Haute-Garonne). 

Le Salat.
A droite et en aval de Saint-Martory conflue le Salat qui doit son nom aux fontaines salines de Salies-du-Salat : il vient du port de Salau dans les Pyrénées ariégeoises et s'alimente à des sources nombreuses et abondantes descendant vers la Garonne par des gorges encaissées et par des coupures à vif pratiquées dans les granits; il reçoit comme principal affluent le Lez, réceptacle lui-même de quelques torrents, le Salat s'étale longuement en plaine sur un lit de sable et de cailloux qu'il a transportés jusqu'à son confluent avec la Garonne.

L'Arize.
L'Arize est moins important, mais plus pittoresque : cours d'eau des régions calcaires descendu des petites Pyrénées, il décrit en passant dans l'avant-chaîne du Plantaurel une série de boucles et dans les gorges où il s'est creusé un lit encaissé dans les calcaires il présente de curieux aspects, telle la célèbre grotte du Mas d'Azil. 

« L'étroite vallée où coule la rivière torrentueuse est tout à coup barrée par une colline aux assises de roches blanches. Les eaux mugissantes pénètrent sous la voûte par unie porte triomphale et disparaissent dans les ténèbres. Vers le milieu du tunnel qui n'a pas 1 kilomètre de longueur, un énorme pilier soutient le dôme de la caverne et près de là des galeries latérales, noires de chauves-souris, se ramifient au loin dans les entrailles de la terre. » (L. Barron, La Garonne).
L'Ariège.
L'Ariège, dont les étymologistes se disputent l'origine du nom, les penchant pour Aurigera - qui roule de l'or - ce qui est exact, d'autres pour Aregia, Arega, rivière a 163 kilomètres de longueur; elle est le dernier et le plus important des affluents pyrénéens de la Garonne; elle prend sa source aux frontières de France et d'Andorre descendant par 1400 mètres d'altitude des roches anciennes aux flancs du pic Nègre qui dresse ses granits couverts de neige par 2852 mètres. L'Ariège, à la manière des autres torrents pyrénéens, s'engage dans une série de défilés étroits, encaissés, dans lesquels elle mugit et écume : 
« Entre ses rives s'ouvrent de frais vallons, très boisés, sombres, sonores, où bruissent des torrents, des cascades où miroitent des lacs bleus.» (L. Barron, ibid.).
Elle reçoit à gauche le Vicdessos, à Foix l'Arget, puis la Lèze, à droite l'Hers Vif et conflue avec la Garonne en amont de Toulouse.
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La Garonne à Toulouse.
La Garonne à Toulouse. Photos : ©S. Jodra, 2008-2017.

La Garonne, fleuve aquitain

La cluse de Boussens, qui sépare les Petites Pyrénées des coteaux de Comminges, marque l'entrée de la Garonne dans la plaine de Toulouse. A partir de Cazères, le fleuve coule au pied des collines du Plantaurel dont il dessine la limite septentrionale. A Toulouse, la Garonne est un fleuve déjà considérable, coulant élargie dans les alluvions qu'elle-même et ses affluents ont étalées sur tout son cours. Elle reçoit à gauche des avant-Pyrénées les maigres et longs cours d'eau du plateau de Lannemezan et de l'Armagnac coulant à peine sur des sols de débris glaciaires, sables et cailloux, et qui sans les apports d'ailleurs maigres venus par les coupures pratiquées dans les Nestes, ne seraient que de longs sillons presque à sec. Ce sont la Save, la Gimone, l'Arrats, le Gers, la Baïse grossie de la Losse ayant la Gélise pour affluent. Ces rivières rayonnent en éventail sur les plateaux, s'orientent sud-est-nord-ouest, dans les sillons presque parallèles dans le cours supérieur et rejoignent la Garonne à intervalles à peu près réguliers.

La Garonne ne recevra plus comme affluent de la rive gauche que le Ciron, petit cours d'eau n'ayant pas 100 kilomètres de longueur, coulant entre des coteaux couverts des plus riches vignobles du Bordelais.

Après l'Herz, rivière dont le canal du Midi accompagne le cours, c'est à droite et du Massif Central que viendront au grand sillon du bassin aquitain, suivant orientation est-ouest, les affluents importants qui sont le Tarn, le Lot, la Dordogne et le cortège de rivières dont ils entrainent avec eux les eaux.

Le Tarn.
Le Tarn, long de 375 kilomètres, prend sa source sur les flancs du mont Lozère, centre de ruissellement intense recevant annuellement plus de 2 mètres d'eau; le fleuve naît parmi les granits, par une altitude de 1500 mètres. La première partie de son cours s'écoule rapidement entre les monts Lozère et les hauteurs du Bougès, il a creusé dans les schistes une coupure profonde où il roule bruyamment; le Tarnon, venu du mont Aigoual, longe sur son cours presque entier les roches cristallines des Cévennes dont Florac marque la limite. A Ispagnac, le Tarn entre dans la table jurassique des Causses: pendant plus de 50 kilomètres, entre le Causse de Sauveterre à droite et successivement le Causse Méjan, le Causse Noir, le Larzac, il coule entre des falaises hautes de 500 à 600 mètres. Ce sont les célèbres cañons que l'on a pu comparer pour leur beauté, non sans quelque exagération, à ceux des Montagnes Rocheuses. Le Tarn reçoit à gauche la Jonte et la Dourbie issues des versants ouest de l'Aigoual et dont le cours dans les gorges profondes présente des aspects presque aussi pittoresques que le fleuve lui-même; puis la Sorgue et Dourdou unis. 

Après la traversée du Rouergue par le saut du Sabo, le Tarn entre en plaine, il reçoit à gauche un affluent important, l'Agout. Long de 180 kilomètres, l'Agout a pris sa source dans les monts de l'Espinouse, il s'est grossi à gauche du Thoré, à droite du Dadou, il apporte au Tarn des eaux de ruissellement abondantes et limpides.

L'autre affluent important du Tarn est, à droite, l'Aveyron. Long de 240 kilomètres, il traverse des régions très diverses géologiquement. Venu du Causse de Sauveterre où les eaux d'infiltration lui ont donné naissance, il décrit ses méandres dans des gorges moins grandioses que celles du Tarn, car il n'a pas dans son cours supérieur l'alimentation abondante du précédent, il traverse le Rouergue dont il longe les roches anciennes du nord au sud au contact des terrains jurassiques, reçoit le Viaur au cours également tourmenté.

Le Lot.
Le Lot, plus long que le Tarn, 480 kilomètres, vient, comme le Tarn, des régions du mont Lozère et comme lui coule d'est en ouest en une direction à peu près parallèle; tantôt son cours se rétrécit dans les schistes, tantôt il s'élargit dans les calcaires plus tendres qu'il a rongés plus facilement, et définitivement en plaine, il s'étale, mais il reste de médiocre utilisation malgré les travaux considérables pratiqués sur son cours. Né dans les granits, il ne tarde pas à s'engager dans les calcaires du Causse de Sauveterre, longe les contreforts de l'Aubrac, reçoit à droite la Truyère issue des monts de la Margeride et grossie elle-même du Goul, venu directement du Cantal; le Célé traverse comme le Lot une partie du Quercy en son cours.

Enfin, parvenu au milieu des plaines riches, agricoles et fruitières de l'Agenais, le Lot s'achemine vers la Garonne.

Le Drot.
Le Drot, maigre rivière, conflue en aval de La Réole; la Dordogne, 500 kilomètres, l'affluent le plus long et le plus considérable, rencontre la Garonne au bec d'Ambez dont le nom lui-même, - ambo, ensemble de deux - indique plutôt l'association de deux cours d'eau qu'une dépendance de l'un à l'égard de l'autre. La Dordogne prend parmi les affluents de la Garonne une importance exceptionnelle et ne s'unit avec cette dernière que lorsqu'elle a perdu son nom; les deux fleuves aboutissent séparément à un estuaire commun : la Gironde.

La Dordogne. 
La Dordogne, formée de la Dore commençant à couler par 1660 mètres au Puy de Sancy (point culminant du Massif Central, 1886 mètres) et de la Dogne qui sort non loin de la précédente en source fraîche parmi les mousses et les cailloux, se grossit rapidement de rivières drainant à son profit les pentes Ouest du massif du Cantal, le pays de France où plus qu'ailleurs les sources abondent : la Rhue, la Sumène et le Mars réunis, la Maronne, apportent dans la vallée profonde où mugit le fleuve des eaux jaillissant en cascades d'écume le long de pentes abruptes couvertes de chênes et de châtaigniers.

La Cère, 115 kilomètres, grossie de la Jordanne, vient du coeur du Cantal, où la vallée naissante s'ouvre en face de celle de l'Alagnon, donnant par le col du Lioran accès à la grande route ouest-est de l'Aquitaine vers la Loire. La Cère coule, elle aussi, encaissée et profonde entre deux alignements volcaniques dans une vallée verdoyante, elle conflue avec la Dordogne au nord de l'austère Causse de Gramat.

La Dordogne, quittant les sols cristallins du Cantal, élargit sa vallée dans les calcaires jurassiques des Causses, d'où elle sort pour entrer dans la zone crétacée du Périgord, où elle reçoit à droite la Vézère, 192 kilomètres, qui lui vient du plateau de Millevaches, bondissant sur les roches anciennes par des chutes dont la plus pittoresque est celle du saut de la Virole, près de Treignac, à la limite du plateau, où elle tombe de 15 mètres de haut.

La Corrèze, 89 kilomètres, grossit à gauche la Vézère, elle vient des régions du plateau de Monédières, coule parallèlement à la Vézère et comme elle franchit par des chutes les différents étages marqués par la succession des gneiss, des granits et des schistes. La Montane, affluent de la Corrèze, est curieuse à ce titre que son cours présente le type même du torrent désordonné : tombant successivement de 42 mètres, puis de 27, enfin de 25 par une série de chutes vertigineuses.

La Dordogne franchit quelques rapides avant de pénétrer dans la plaine tertiaire ( Cénozoïque) à Bergerac. Il est d'observation facile que le fleuve a pris, selon les diverses formations géologiques qu'il a traversées, des aspects changeants jusqu'à ce qu'arrivant dans les sédiments tertiaires du Bordelais, il coule entre des rives presque plates. A partir de Libourne, il subit l'influence de la marée qui produit dans son lit un flux rappelant le mascaret (Les marées).

C'est à Libourne que la Dordogne reçoit l'Isle, 225 kilomètres, venue des plateaux du Limousin et qui elle aussi franchit les différents étages géologiques l'amenant à des changements d'aspect à peu de distance. Venue d'un dos de pays s'inclinant vers toutes les directions, elle avoisine les sources de la Vienne et la distance qui la sépare de l'affluent de la Loire est relativement faible.

L'Isle, grossie à droite de la Dronne qui reproduit ses propres traits, apporte à la Dordogne, mais malheureusement beaucoup trop loin dans son cours inférieur, un tribut considérable et qui demeure sans effet utile, car le fleuve principal est au confluent augmenté de l'afflux du flot marin sensible jusqu'à Castillon.

La Dordogne, au bec d'Ambez, a une largeur de 1400 mètres; unie à la Garonne, elles constituent toutes deux un nouveau fleuve : la Gironde.

C'est à bon droit que Garonne et Dordogne perdent ici leur nom, et ce n'est pas le seul exemple de fleuves dont la physionomie se transforme à ce point dans leur cours inférieur qu'une appellation nouvelle leur devient nécessaire.

La Gironde.
La Gironde mesure environ 72 kilomètres; dès le bec d'Ambez, les deux fleuves ont une largeur de 3 kilomètres, portée jusqu'à 12 et se rétrécissant à 5 kilomètres entre la pointe de Grave et Royan :

« Quand on contemple la nappe de l'estuaire, écrit E. Reclus, non du sommet d'un promontoire, mais simplement du bord de la plage, on ne distingue même pas en entier le rivage opposé; quelques bouquets de pins séparés les uns  des autres par la ligne blanche des eaux lointaines semblent former un archipel; le fleuve a pris l'apparence d'une mer semée d'îles et d'îlots. » 
Ces îlots boueux, alignés dans le sens du cours en un long chapelet, créent une sorte de séparation entre la Garonne et la Dordogne; jusqu'à l'océan Atlantique, le relief sous-marin marquera ainsi deux sillons dont Cordouan est l'aboutissement.

La Gironde ronge sa rive droite plus élevée, reportant le cours vers le Nord-Est; le dessin de la côte de Saintonge est représentatif de cette érosion active et qui a entamé les roches crétacées; sur la rive gauche presque plate la Gironde dépose, et ces dépôts sur un fond de lit abandonné ont fini par constituer des sortes de polders dont l'un porte le nom significatif de « Petite Flandre ». Ce travail continuel de creusement et ces dépôts d'alluvions tant sur le fond que sur les rives encombrent l'estuaire qui reçoit en outre la masse énorme des matériaux qu'ont charriés la Garonne et ses affluents.

Cependant, par sa largeur, par l'influence de la marée et par celle du flot fluvial lui-même qui aide à déblayer le chenal, la Gironde devient une sorte de long golfe fluvio-marin d'une profondeur de 10, 15 et jusqu'à 20 mètres : 

« Les cétacés et les poissons de mer remontent l'estuaire avec le flot; les marsouins continuent de jouer autour des navires comme s'ils étaient encore en plein Océan. »

Le régime de la Garonne

La pente.
La Garonne draine un bassin de 85.000 kilomètres carrés; la disposition du relief est celle d'un double plan incliné dont le fleuve est l'arête médiane : du Massif Central et des Pyrénées surtout, les monts plongent en déclivité assez rapide vers la plaine. Les chiffres précisent d'ailleurs suffisamment cette disposition des pentes : la branche maîtresse elle-même a dévalé 27 mètres par kilomètre jusqu'à Pont-du Roi où elle n'est plus qu'à 580 mètres; à Montréjeau, elle a baissé de 100 mètres encore; à Toulouse, à 400 kilomètres de sa source, elle est à 130 mètres, tandis que la Seine est à 30 mètres seulement; à Agen à 200 kilomètres de la mer, elle n'est plus qu'à 42 mètres; à Bordeaux, à 96 kilomètres de la mer, à 2 mètres seulement.

La Garonne est de tous les fleuves français celui dont la pente, dans le cours supérieur, est le plus accentuée; il en est à peu près de même pour ses principaux affluents, un peu moins cependant de ce fait qu'ils descendent des montagnes sur les plateaux et de là dans la plaine par étages successifs. Cependant l'Ariège, née par 1400 mètres est à Foix à 380 mètres et descend de 1000 mètres en 82 kilomètres de cours supérieur, soit plus de 12 mètres au kilomètre; à Pamiers, elle est à 274 mètres, à son confluent à 140 mètres; c'est là une pente torrentielle. Le Tarn bondit de sa source par 1550 mètres d'altitude, dans la plaine albigeoise; le Lot, venu d'une altitude à peu près identique, a descendu la moitié de sa pente à Mende, il reste rapide jusqu'à son confluent et roule des sables jusque dans la Garonne où le Tarn a précipité ses cailloux. La Dordogne, plus longue, ayant en plaine un parcours plus considérable, a le temps de s'assagir et se répand en méandres de Bergerac au bec d'Ambez; la pénétration des eaux marines ralentit encore son cours inférieur; l'Isle lui donne des eaux abondantes et régulières dont le volume moyen se peut valuer à 10 mètres cubes.
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La Garonne à Agen.
La Garonne à Agen. Photo : Steve Shupe, 2017.

L'alimentation du fleuve. 
Mais ce n'est pas tant la déclivité du fleuve et de ses affluents qui demeure la caractéristique du fleuve; l'alimentation et l'imperméabilité d'une assez grande étendue des sols composant le bassin - 58.000 km² imperméables et 28.000  km² perméables - influencent considérablement le débit et le régime. La Garonne est alimentée par des pluies et des neiges qui tombent en quantités considérables sur les Pyrénées, centre d'énorme condensations, et sur le Massif Central qui présente aux vents d'ouest des régions assez élevées et cristallines recevant de très fortes précipitations. La moyenne des chutes de pluie sur le bassin de la Garonne est d'environ 85 centimètres; aussi le fleuve ne connaît-il pas les maigres excessifs de la Loire; les pluies d'automne et d'hiver sur l'ensemble du bassin et surtout la fonte des neiges au printemps lui donnent à cette époque principalement un maximum, tandis que l'été, en raison de l'apport faiblissant et de l'évaporation intense les eaux baissent de façon sensible. La Garonne, après le Rhône, présente le chiffre le plus élevé de débit moyen, 700 mètres cubes par seconde, susceptible de tomber à  37 mètres cubes en maigres exceptionnels, mais aussi  de s'élever à 12.000 m3 en temps d'inondation.

Les crues.
Plusieurs barrages sur la Garonne et ses principaux affluents formant des retenues d'eau impactent gravement les équilibres écologiques du fleuve, mais au moins permettent aujourd'hui sa régulation, et mettent  jusqu'à un certain point  les populations riveraines à l'abri de ses excès. L'inondation qui a ravagé Saint-Béat et ses environs le 18 juin 2013 montre cependant que le danger est loin d'être totalement écarté. De plus, le changement climatique propice à l'occurence d'événements météorologiques extrêmes pourrait, à l'avenir, faire peser des menaces de crues même sur des zones a priori mieux protégées. Car le fleuve, en dépit des sols perméables qui auréolent son bassin à l'intérieur des régions cristallines, a déjà montré dans le passé qu'il pouvait avoir des crues subites et d'une extrême violence. 

« Les inondations du cours moyen et supérieur dans le bassin de la Garonne, écrivait en son temps Marcel Dubois (Cours de géographie), sont des plus violentes. De fin décembre à fin juin on peut toujours s'attendre à un débordement. Il a lieu le plus souvent à la suite de fortes pluies amenées par les vents du nord-ouest. Ces précipitations non seulement ont une surabondance diluvienne mais encore entraînent les neiges et activent leur fonte, prématurée. Aussi la ville que le fléau éprouve le plus est-elle Toulouse, située en pIaine, au point où le fleuve encore étroit concentre les eaux de la Neste, du Salat et de l'Ariège. Il y a là une sorte d'entonnoir collecteur des eaux pyrénéennes qui se dégorge en amont de Toulouse et déchaîne sur cette ville un torrent furieux. »
D'autre part, le lit de la Garonne n'est pas très profond, environ 6 mètres, soit 2 mètres à l'étiage et 4 mètres de hauteur de berges, ce qui est manifestement insuffisant pour retenir un flot beaucoup plus élevé, susceptible de monter jusqu'à 10 et même 12 mètres.

Les inondations de 1875 furent générales clans le bassin, puisque le fleuve monta à 11,70 m à Agen, à 13,34 m à Castets; elles ont à Toulouse surtout laissé de tristes souvenirs. Il est vrai, et c'est ce que l'on a constaté lors de la crue de 1910 à Paris, que la Garonne, resserrée entre les quais, n'en monta que bien davantage. Les dégâts furent considérables : 

« Les usines furent démolies ou dévastées, les ponts s'écroulèrent, à l'exception d'un seul; le faubourg Saint-Cyprien, ville de 20.000 habitants qui occupe toute la rive gauche, en face de Toulouse, et plusieurs villages bâtis en briques crues, cimentées par un mauvais mortier, furent presque entièrement rasés; des centaines de personnes restèrent ensevelies sous leurs décombres. Les pertes matérielles causées par l'immense débâcle qui renversa plus de 7000 maisons furent évaluées à 85 millions de francs; en outre, des campagnes que l'inondation recouvrit de pierres devinrent incultivables pour des années. " (Marcel Dubois et Camille Guy, 1906).
En aval de Toulouse, le Tarn et le Lot apportent au fleuve des eaux rapides et abondantes sur lesquelles, en raison de la déclivité, l'influence absorbante des sols n'a que peu d'action : grossis par la fonte des neiges, ils présentent des crues normales de printemps, mais gonflés par des pluies d'orages ou dues à la persistance des vents d'ouest, ils sont la cause de crues assez violentes. On a remarqué que le flot du Tarn, moins long, est plus rapide que celui du Lot qui s'attarde en méandres nombreux; en temps de crue, le flot du premier passe avant le second; quand, par suite de circonstances exceptionnelles, les deux flots se superposent, l'effet est désastreux.

On attribue encore à la largeur de l'estuaire, à la pénétration de la marée et aux vents de l'océan Atlantique qui soufflent en tempête, un retardement du flot qui facilite les inondations. Enfin, on croit que celles-ci sont plus fréquentes de nos jours et plus considérables : on cite, au cours du XIXe siècle, sept inondations et beaucoup moins au XVIIIe et au XVIIe siècle; il y aurait là un effet dû non tant au changement de climat qu'au déboisement inconsidéré sur les pentes des Pyrénées et du Massif Central. Il est certain que la déforestation excessive a pu aggraver le régime des torrents affluents de la Garonne supérieure, tels que la Neste et la Pique, mais il est également évident que les inondations exposent aujourd'hui à plus de désastres qu'autrefois, de grandes cités, des ports se pressant sur les rives du fleuve et que par suite les débordements du fleuve restent mieux marqués dans le souvenir des populations riveraines.

La Gironde est une masse d'eau fluviale et maritime dont le débit d'ailleurs régulier suit les mouvements des marées. Le débit moyen est de 1200 mètres cubes, mais c'est par millions de mètres cubes qu'il faut évaluer l'énorme quantité d'eau que refoule la mer. (Maurice Allain).


 
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