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Henri III
est un roi de France, né à
Fontainebleau le 19 septembre 1551,
mort le 2 août 1589. II était le troisième fils de
Henri II et de Catherine
de Médicis et porta d'abord le titre de duc d'Anjou, puis celui
de duc d'Orléans à l'avènement de Charles
IX et reprit bientôt après son titre primitif, sous lequel
il est du reste uniquement connu dans l'histoire. -
Henri
III, par François Quesnel (XVIe
s.)
Après la mort du connétable
de Montmorency (novembre 1567), sa mère,
dont il était l'enfant favori, le fit pourvoir de la charge de lieutenant
général du royaume avec le maréchal de Tavannes pour
second ou, pour mieux dire, pour mentor. Ce dernier, aussi bon courtisan
qu'habile capitaine, eut soin de lui laisser tout l'honneur des victoires
de Jarnac et de Montcontour (1569), auxquelles
il ne prit qu'une part insignifiante, celle qui consiste pour un jeune
soldat à se montrer plein d'ardeur et à vouloir à
toutes forces se jeter dans la mêlée. En revanche, la responsabilité
de la Saint-Barthélemy lui appartient
bien réellement, de compte à demi avec Catherine de Médicis
et ses affidés, Retz, Birague, Nevers; son esprit versatile aidant,
le prince qui, en 1561, manifestait des tendances très accusées
vers la Réforme (V. plutôt les
Mémoires de sa soeur Marguerite
de Valois), était devenu un farouche ennemi des réformés.
Peu après, tandis qu'il était
devant La Rochelle, leur dernier boulevard,
il recevait l'avis que les Polonais l'avaient élu leur roi (1573).
Il se montra fort peu pressé de prendre possession de la couronne
qui lui était offerte d'une façon si flatteuse pour son amour-propre.
Calcul politique, a-t-on prétendu, la santé de Charles IX
baissant de jour en jour. Non! mais passion d'amoureux. Il lui en coûtait
trop de s'éloigner de sa maîtresse, Marie de Clèves,
princesse de Condé; il avait déjà
beaucoup pris sur lui en la quittant pour aller diriger les opérations
du siège de La Rochelle, exil qui n'avait rien de comparable à
celui-ci. Mais Charles IX, se méprenant sans doute (comme a fait
la postérité) sur ses motifs, coupa court à ses desseins.
« Si vous ne partez de gré,
je vous ferai partir de force », lui dit-il un jour. Il se résigna
de mauvaise grâce. « Vous ne demeurerez guère là-bas
», lui glissa Catherine, quand il prit congé d'elle (2 décembre).
Et, de fait,dans la nuit du 14 au 15 juin
1574, un messager lui venait annoncer que son frère avait expiré
le 30 mai et qu'il était lui, depuis quinze jours déjà,
légitime roi de France. Dès lors, il ne songea qu'au départ.
Mais les Polonais tenaient à leur roi. Pour se dérober à
cet attachement gênant, il fallut se résoudre à une
évasion en règle, et, une fois hors de Varsovie,
à une galopade furieuse de trente heures à travers les steppes
galiciennes. Il y épuisa le reste de son énergie. Son retour
à petites journées par les pays autrichiens et les petites
souverainetés de l'Italie septentrionale
fut marqué par une longue suite de fêtes et donne l'avant
goût de la vie carnavalesque dont fut témoin le Louvre à
dater de ce moment. Soif de plaisir, mais aussi besoin de s'étourdir.
La première nouvelle qui l'avait accueilli sur la terre de France
avait été la mort de la princesse de Condé. Il en
demeura inconsolable. Dans son existence, cette année 1574 est climatérique.
La mollesse l'emporte sur la passion de la gloire; la « chasse aux
dames », préoccupation dominante de ses années de jeunesse,
est également abandonnée pour jamais. Il ne se livre qu'avec
plus de frénésie à l'intimité de jeunes gens
efféminés comme lui, et que l'on surnomme ses mignons.
De 1575 à 1588, il règne
de nom; mais c'est Catherine de Médicis
qui gouverne; la politique de bascule, chère à son tempérament
d'Italienne et de parvenue, triomphe, mais pour la ruine de la dynastie.
Le 6 mai 1576, elle signe à Etigny-lès-Sens la paix qui termine
la cinquième guerre civile. Les protestants et leurs alliés,
les catholiques modérés sont désarmés à
force de concessions et surtout moyennant la promesse que la liberté
de conscience, proclamée deux fois déjà, en 1570 et
1573, et deux fois inobservée, sera celle-ci une vérité.
Les catholiques fanatiques ripostent en constituant une Sainte
Ligue pour le maintien de la foi et l'éradication de l'hérésie.
En vain Henri III, sentant le coup et se flattant de le parer à
l'aide d'un simulacre, se déclarera-t-il chef de la Ligue; pour
les affiliés, leur chef réel, c'est Henri
de Guise. Le 11 juin 1584, le duc d'Alençon, frère du
roi, meurt sans enfants. Comme le roi n'en a pas non plus de sa femme,
Louise de Lorraine, l'héritier présomptif de la couronne
est désormais le huguenot Henri de Bourbon,
roi de Navarre. La Ligue en devient aussitôt plus puissante. Il faut
se livrer à elle ou périr par elle. Henri III tente pourtant
un suprême effort en faveur de la conciliation. Il presse le roi
de Navarre d'abjurer, de sacrifier les intérêts du chef de
faction aux intérêts du premier prince du sang de France.
Le Béarnais refuse : abandonner la religion réformée,
alors, c'eût été renoncer à tous ses adhérents
sans s'en acquérir un seul parmi ses anciens adversaires.
De guerre lasse, Henri III se jette à
corps perdu dans la Ligue, tout en sachant bien ce qu'il risque, mais le
risquant, d'ailleurs, contraint et forcé. Le 7 juillet 1585, il
promulgue l'édit de Nemours
qui met le protestantisme hors la loi.
Et la guerre civile recommence. C'est la guerre dite des Trois Henri,
du prénom des trois princes directement intéressés
dans son issue : Henri de Valois, qui la dirige nominalement et qui, de
fait, s'efforce sans cesse, en pure perte, de l'enrayer; Henri de Guise,
qui la presse activement ; Henri de Bourbon, qui en supporte tout le poids.
Chaque partie engagée est partie gagnée pour Guise et le
rapproche de la partie suprême, celle dont l'enjeu est la couronne.
En vain, une des armées royalistes-ligueuses, commandée par
le duc de Joyeuse, un des favoris de Henri III,
est-elle écrasée par les forces calvinistes
à Coutras (18 octobre 1587): la prompte retraite du vainqueur, motivée
par des préoccupations d'ordre plutôt sentimental que politique,
réduit à rien l'échec des Guisards; quant au roi,
il y a perdu un ami, le général en chef, tué dans
l'action. Pendant ce temps, une autre armée, dont on n'a pu refuser
le commandement au duc de Guise, harcèle dans les plaines de la
Champagne, en Bourgogne,
en Gâtinais, les hordes suisses et
allemandes, levées par les recruteurs protestants et qui cherchent
péniblement leur route vers les pays d'outre-Loire où les
attend le roi de Navarre. Le rôle fort médiocre de Henri de
Guise comme homme de guerre durant cette campagne peu glorieuse a été
démesurément grossi par les libellistes à ses gages.
Les prétendues victoires de Vimory
(26 octobre), d'Auneau (24 novembre) sont en réalité, l'une
une défaite d'avant-garde, l'autre un méchant combat de nuit.
Les vaincus l'étaient plutôt par leurs fautes que par l'habileté
du grand Henri. Quand les débris de l' « armée de secours
» eurent capitulé (mi-décembre), Henri III signifia
nettement au duc de Guise qu'il eût à retourner en son gouvernement
de Champagne et à y attendre ses ordres. Guise ne tarda pas à
rompre son ban. Le 9 avril 1588, il est à Paris.
Le 12 mai, un formidable mouvement éclate en sa faveur, et le roi
est obligé de quitter sa capitale en fugitif, afin de ne pas tomber
au pouvoir de l'insurrection triomphante. Le Lorrain avait levé
le masque; aussi bien l'avait-il pu sans danger.
Henri III était complètement
désarmé. Ce roi de France avait contre lui toute la France,
juges ou soldats, peuple ou bourgeoisie : la France protestante était
à Henri de Navarre; la France catholique
était à Henri de Guise; il ne restait à Henri de Valois
que quelques places de sûreté, quelques gentilshommes fidèles
et sa garde particulière, les célèbres Quarante-Cinq.
Sa résolution fut prise dès lors, une vraie résolution
à l'italienne. Il convoqua les Etats généraux et enjoignit
à son ennemi de s'y trouver avec les représentants des trois
ordres de la nation. Guise, confiant dans son étoile et dans la
pusillanimité de Henri III, s'empressa de se rendre à cette
périlleuse convocation (juillet). Le 23 décembre, il tombait
mort aux pieds de Henri de Valois, percé de vingt-deux coups de
poignard. « Dieu veuille que vous ne soyez pas devenu roi de néant
», dit Catherine de Médicis
à son fils, lorsqu'il lui annonça la fin tragique du «
roi de Paris ». Ce fut une de ses dernières paroles : quinze
jours après, elle exhalait le dernier soupir. Sa funèbre
prédiction se réalisa.
L'horreur du forfait, si justifiée
qu'elle fût par les velléités usurpatrices de la victime,
ôta de l'obéissance royale le peu de « bonnes volontés
à son service » qui lui demeurassent. Menacé dans Tours,
son refuge, Henri III n'attendait son salut que de la réussite des
négociations renouées par ses ordres avec le roi de Navarre.
Elles eurent plein succès, en effet, pour cette raison principale
qu'on accéda à toutes les conditions du Béarnais.
Suivant la belle expression de Michelet, ce
fut « la réconciliation des deux Frances ». Les troupes
royales et les troupes protestantes confondues se mirent aussitôt
en marche pour attaquer la rébellion dans sa capitale. Elles enlevèrent,
chemin faisant, Jargeau, Pithiviers, Etampes.
Le 30 juillet 1589, elles mettaient le siège devant Paris. Un immense
danger menaçait la ville, d'où était parti le signal
de la guerre contre le vilain Hérodes (les prédicateurs
« avoient ainsi anagrammatizé le nom de Henri de Valois »,
dit L'Estoile). On y connaissait son serment, en franchissant la porte
Neuve, le jour des barricades, de n'y rentrer que par la brèche.
On y répétait ses menaces, proférées sur les
hauteurs de Saint-Cloud pendant que les combats succédaient aux
combats dans les faubourgs :
«
Tête trop grosse pour un tel corps, tu as besoin d'une saignée,
je te la donnerai. »
On ne lui en laissa pas le temps : le 1er
août, un moine fanatique, le jacobin Jacques Clément, introduit
près de lui grâce à de fausses lettres de recommandation
du procureur général La Guesle, lui donna au bas-ventre un
coup de couteau. La blessure parut d'abord légère. Mais elle
s'aggrava rapidement. Il expira le lendemain, après avoir reconnu
solennellement pour successeur légitime son bon frère Henri
de Bourbon, roi de Navarre, désormais Henri
IV. (Léon Marlet)
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