| Les princes de Condé sont une branche de la maison de Bourbon, a pour chef Louis, prince de Condé (7e fils de Charles de Bourbon, duc de Vendôme), qui descendait, à la 5e génération, de Jacques de Bourbon, comte de La Marche, hériter par sa femme de la seigneurie de Condé, et qui était frère d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre. Condé (Louis I, prince de), chef du parti Calviniste, né en 1530 de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, fit ses premières armes sous le maréchal de Brissac en Piémont, et se distingua dans plusieurs actions; mais après la mort de Henri II, les mécontentements que lui firent essuyer les Guises le jetèrent dans le parti des Réformés. Il fut, dit-on, le moteur secret de la conspiration d'Amboise, et comme, tel il venait d'être condamné au dernier supplice, lorsque la mort de François II le sauva. Charles IX lui rendit la liberté; il n'en usa que pour se mettre ouvertement à la tête des Protestants. Il s'empara de plusieurs villes, mais il perdit la bataille de Dreux et y fut fait prisonnier (1512). Rendu à la liberté par la paix de 1563, il reprit les armes en 1567, livra la bataille de Saint-Denis, qui resta indécise, puis, en 1569, celle de Jarnac, qu'il perdit. Blessé dans le combat, il s'était déjà rendu prisonnier lorsqu'il fut lâchement assassiné par Montesquiou, capitaine aux gardes du duc d'Anjou. Il est le premier de sa famille qu'on ait appelé M. le Prince. On a de lui des Mémoires (dans la collection Michaud et Poujoulat). Son fils, Henri I, prince de Condé, né en 1552, n'échappa à la Saint-Barthélemy qu'en abjurant; mais à peine libre, il reprit sa religion leva des troupes, et s'unit avec le rot de Navarre (Henri IV) pour faire la guerre contre les Catholiques. Il mourut presque subitement en 1588 : on crut qu'il avait été empoisonné par ses domestiques, à l'instigation de sa propre femme. Henri II, prince de Condé, fils posthume du précédent, né en 1588, mort en 1646, fut aimé de Henri IV, qui le fit élever dans la religion catholique. Il avait épousé la belle Charlotte Marguerite de Montmorency, et fut obligé de l'emmener à Bruxelles pour la soustraire aux poursuites de Henri IV. Pendant la minorité orageuse de Louis XIII, il se mit à la tête d'un parti de mécontents : il fut pour ce fait arrêté et enfermé pendant trois ans à la Bastille et au château de Vincennes. Il rentra en grâce dans la suite et fut nommé, à la mort de Louis XIII, chef du conseil de régence. Sa plus grande gloire, dit Voltaire, est d'avoir été le père du Grand Condé. Condé (Louis II, prince de), dit le Grand Condé, premier prince du sang, connu d'abord sous le nom de duc d'Enghien, né à Paris en 1621, de Henri II, prince de Condé, montra dans la carrière militaire un génie précoce. Nommé général en chef à l'âge de 22 ans (1643), il défit entièrement à Rocroi les Espagnols bien supérieurs en nombre et redoutables alors par leur infanterie. L'année suivante, il battit les Allemands à Fribourg; il gagna en 1645 contre Mercy la bataille de Nordlingen, et prit Dunkerque en 1646. Moins heureux en Catalogne, il ne put prendre Lérida; mais il remporta bientôt après en Artois, sur l'archiduc Léopold, la victoire de Lens, qui amena la paix avec l'Allemagne (1648). Pendant les troubles de la Fronde, Condé, qui avait d'abord défendu la cour, prit ensuite parti contre Mazarin. il fut alors arrêté (1650) et subit une détention de treize mois. Aussitôt qu'il fut libre, il ne songea qu'à la vengeance; il leva des troupes, marcha sur Paris, et défit le maréchal d'Hocquincourt à Bléneau près de Gien; mais il fut battu lui-même par Turenne au faubourg Saint-Antoine (1652). Après cette défaite, il passa dans les rangs des Espagnols; mais sans y ramener la victoire. - Louis II de Bourbon (le Grand Condé). La paix des Pyrénées (1659) le rendit à son pays d'origine. La guerre s'étant rallumée entre la France et l'Espagne, Condé conquit la Franche-Comté en trois semaines (1668). Il prit aussi la part la plus notable à la guerre de 1672 contre la Hollande, battit le prince d'Orange à Senef (1674), puis passa en Alsace pour défendre cette province contre Montecuculli après la mort de Turenne (1675). Il passa ses derniers ,jours dans une charmante retraite à Chantilly, cultivant les lettres et conversant avec Racine, Boileau et Molière. Il mourut en 1687. Ce général dut ses succès à son élan irrésistible et à d'heureuses inspirations, mais il ne ménageait pas le sang des soldats. Bossuet prononça sur son cercueil une oraison funèbre qui est restée un chef-d'oeuvre du genre. De tous les ouvrages écrits sur ce prince, le plus intéressant est l'Histoire de Louis de Bourbon, par Desormeaux, Paris, 1766-1768, 4 v. in-12. - Condé à Rocroi « Dieu nous a révélé que lui seul il fait les conquérants, et que seul il les fait servir à ses desseins. Quel autre a fait un Cyrus, si ce n'est Dieu, qui l'avait nommé, deux cents ans avant sa naissance, dans les oracles d'Isaie? « Tu n'es pas encore, lui disait-il, mais je te vois, je t'ai nommé par ton nom; tu t'appelleras Cyrus. Je marcherai devant toi dans les combats; à ton approche je mettrai les rois en fuite; je briserai les portes d'airain. C'est moi qui étends les cieux, qui soutiens la terre, qui nomme ce qui n'est pas comme ce qui est » : c'est-à-dire, c'est moi qui fais tout, et moi qui vois, dès l'éternité, tout ce que je fais. Quel autre a pu former un Alexandre, si ce n'est ce même Dieu qui en a fait voir de si loin, et par des figures si vives, l'ardeur indomptable à son prophète Daniel? « Le voyez-vous, dit-il, ce conquérant; avec quelle rapidité il s'élève de l'occident comme par bonds, et ne touche pas à terre? » Semblable, dans ses sauts hardis et dans sa légère démarche, à ces animaux vigoureux et bondissants, il ne s'avance que par vives et impétueuses saillies, et n'est arrêté ni par montagnes ni par précipices. Déjà le roi de Perse est entre ses mains; « à sa vue il s'est animé : efferatus est in eum », dit le Prophète; « il l'abat, il le foule aux pieds : nul ne le peut défendre des coups qu'il lui porte, ni lui arracher sa proie ». A n'entendre que ces paroles de Daniel, qui croiriez-vous voir, messieurs, sous cette figure, Alexandre ou le prince de Condé? Dieu donc lui avait donné cette indomptable valeur pour le salut de la France, durant la minorité d'un roi de quatre ans. Laissez-le croître, ce roi chéri du ciel; tout cédera à ses exploits; supérieur aux siens comme aux ennemis, il saura tantôt se servir, tantôt se passer de ses plus fameux capitaines; et seul sous la main de Dieu, qui sera continuellement à son secours, on le verra l'assuré rempart de ses États. Mais Dieu avait choisi le duc d'Enghien pour le défendre dans son enfance. Aussi, vers les premiers jours de son règne, à l'âge de vingt-deux-ans, le duc conçut un dessein où les vieillards expérimentés ne purent atteindre; mais la victoire le justifia devant Rocroi. L'armée ennemie est plus forte, il est vrai; elle est composée de ces vieilles bandes wallonnes, italiennes et espagnoles, qu'on n'avait pu rompre jusqu'alors. Mais pour combien fallait-il compter le courage qu'inspirait à nos troupes le besoin pressant de l'Etat, les avantages passés, et un jeune prince du sang qui portait la victoire dans ses yeux? Don Francisco de Mellos l'attend de pied ferme; et, sans pouvoir reculer, les deux généraux et les deux armées semblent avoir voulu se renfermer dans des bois et dans des marais, pour décider leur querelle, comme deux braves, en champ clos. Alors que ne vit-on pas? Le jeune prince parut un autre homme. Touchée d'un si digne objet, sa grande âme se déclara tout entière : son courage croissait avec les périls, et ses lumières avec son ardeur. A la nuit qu'il fallut passer en présence des ennemis, comme un vigilant capitaine, il reposa le dernier; mais jamais il ne reposa plus paisiblement. A la veille d'un si grand jour, et dès la première bataille, il est tranquille, tant il se trouve dans son naturel et on sait que le lendemain, à l'heure marquée, il fallut réveiller d'un profond sommeil cet autre Alexandre. Le voyez-vous, comme il vole ou à la victoire ou à la mort? Aussitôt qu'il eut porté de rang en rang l'ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l'aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier le Français à demi vaincu, mettre en fuite l'Espagnol victorieux, porter partout la terreur et étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups. Restait cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne, dont les gros bataillons serrés, semblables à autant de tours, mais à des tours qui sauraient réparer leurs brèches, demeuraient inébranlables au milieu de tout le reste en déroute, et lançaient des feux de toutes parts. Trois fois le jeune vainqueur s'efforça de rompre ces intrépides combattants; trois fois il fut repoussé par le valeureux comte de Fontaine, qu'on voyait porté dans sa chaise et, malgré ses infirmités, montrer qu'une âme guerrière est maîtresse du corps qu'elle anime. Mais enfin il faut céder. C'est en vain qu'à travers des bois, avec sa cavalerie toute fraîche, Bek précipite sa marche pour tomber sur nos soldats épuisés : le prince l'a prévenu; les bataillons enfoncés demandent quartier; mais la victoire va devenir plus terrible pour le duc d'Enghien que le combat. Pendant qu'avec un air assuré il s'avance pour recevoir la parole de ces braves gens, ceux-ci, toujours en garde, craignent la surprise de quelque nouvelle attaque; leur effroyable décharge met les nôtres en furie; on ne voit plus que carnage; le sang enivre le soldat; jusqu'à ce que le grand prince, qui ne put voir égorger ces lions comme de timides brebis, calma les courages émus et joignit au plaisir de vaincre celui de pardonner. Quel fut alors l'étonnement de ces vieilles troupes et de leurs braves officiers, lorsqu'ils virent qu'il n'y avait plus de salut pour eux qu'entre les bras du vainqueur? De quels yeux regardèrent-ils le jeune prince, dont la victoire avait relevé la haute contenance, à qui la clémence ajoutait de nouvelles grâces Qu'il eût encore volontiers sauvé la vie au brave comte de Fontaines! Mais il se trouva par terre, parmi ces milliers de morts dont l'Espagne sent encore la perte. Elle ne savait pas que le prince, qui lui fit perdre tant de ses vieux régiments à la journée de Rocroi, en devait achever les restes dans les plaines de Lens. Ainsi la première victoire fut le gage de beaucoup d'autres. Le prince fléchit le genou, et dans le champ de bataille il rend au Dieu des armées la gloire qu'il lui envoyait. Là on célébra Rocroi délivré, les menaces d'un redoutable ennemi tournées à sa honte, la régence affermie, la France en repos, et un règne, qui devait être si beau, commencé par un si heureux présage. L'armée commença l'action de grâces; toute la France suivit : on y élevait jusqu'au ciel le coup d'essai du duc d'Enghien : c'en serait assez pour illustrer une autre vie que la sienne, mais, pour lui, c'est le premier pas de sa course. » Péroraison de l'Oraison funèbre du Grand Condé « Venez, peuples, venez maintenant; mais venez plutôt, princes et seigneurs; et vous qui jugez la terre, et vous qui ouvrez aux hommes les portes du ciel; et vous, plus que tous les autres, princes et princesses, nobles rejetons de tant de rois, lumières de la France, mais aujourd'hui obscurcies et couvertes de votre douleur comme d'un nuage; venez voir le peu qui nous reste d'une si auguste naissance, de tant de grandeur, de tant de gloire. Jetez les yeux de toutes parts : voilà tout ce qu'a pu faire la magnificence et la piété pour honorer un héros; des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n'est plus; des figures qui semblent pleurer autour d'un tombeau, et de fragiles images d'une douleur que le temps emporte avec tout le reste : des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu'au ciel le magnifique témoignage de notre néant : et enfin rien ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend. Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine, pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros. Mais approchez en particulier, ô vous qui courez avec tant d'ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides. Quel autre fut plus digne de vous commander? mais dans quel autre avez-vous trouvé le commandement plus honnête? Pleurez donc ce grand capitaine, et dites en gémissant : Voilà celui qui nous menait dans les hasards; sous lui se sont formés tant de renommés capitaines, que ses exemples ont élevés aux premiers honneurs de la guerre : son ombre eût pu encore gagner des batailles; et voilà que, dans son silence, son nom même nous anime, et il nous avertit que pour trouver à la mort quelque reste de nos travaux, et n'arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel. Servez donc ce roi immortel et si plein de miséricorde, qui vous comptera un soupir et un verre d'eau donné en son nom plus que tous les autres ne feront jamais tout votre sang répandu; et commencez à compter le temps de vos utiles services du jour que vous vous serez donnés à un maître si bienfaisant. Et vous, ne viendrez-vous pas à ce triste monument, vous, dis-je, qu'il a bien voulu mettre au rang de ses amis? Tous ensemble, en quelque degré de sa confiance qu'il vous ait reçus, environnez ce tombeau; versez des larmes avec des prières; et, admirant dans un si grand prince une amitié si commode et un commerce si doux, conservez le souvenir d'un héros dont la bonté avait égalé le courage. Ainsi puisse-t-il toujours vous être un cher entretien; ainsi puissiez-vous profiter de ses vertus : et que sa mort, que vous déplorez, vous serve à la fois de consolation et d'exemple. Pour moi, s'il m'est permis après tous les autres de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire : votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface. Vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître. C'est là que je vous verrai plus triomphant qu'à Fribourg et à Rocroi; et ravi d'un si beau triomphe, je dirai en action de grâces ces belles paroles du bien-aimé disciple : Et haec est victoria quae vincit mundum, fides nostra : « La véritable victoire, celle qui met sous nos pieds le monde entier, c'est notre foi. » Jouissez, prince, de cette victoire; jouissez-en éternellement par l'immortelle vertu de ce sacrifice. Agréez ces derniers efforts d'une voix qui vous fut connue. Vous mettrez fin à tous ces discours. Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte; heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint. » (Bossuet, Oraisons). | Condé (Louis Henri, prince de), 1er ministre sous Louis XV, plus connu sous le nom de Duc de Bourbon. Condé (Louis Joseph, prince de), fils de Louis Henri, duc de Bourbon, et 4e descendant du Grand Condé, né en 1736, servit avec distinction dans la guerre de Sept Ans et contribua au gain de la bataille de Johannisberg (1763). Lors de la Révolution, il fut un des premiers à quitter la France, et forma dès 1789, sur les bords du Rhin, cette armée d'émigrés connue sous le nom d'armée de Condé. Après avoir fait en pure perte des prodiges de valeur à Wissembourg, à Haguenau, à Bentheim, le prince fut obligé de congédier son armée et se retira en 1800 en Angleterre. Il rentra en France à la Restauration et reçut de Louis XVIII les titres de grand maître de la maison du roi et de colonel général de l'infanterie. Il mourut à Chantilly en 1818, à 82 ans. C'est lui qui avait fait construire le Palais-Bourbon (qui accueille aujourd'hui l'Assemblée nationale, à Paris). Il eut pour fils Louis H. Joseph de Bourbon, prince de Condé, plus connu sous le nom de duc de Bourbon, et qui eut pour fils l'infortuné duc d'Enghien. La maison de Condé s'est éteinte avec ces deux derniers. Son histoire a été écrite par le duc d'Aumale (1862 et suiv.). | |