| Le titre de pair, d'après l'étymologie, signifie égal, c.-à-d. de même condition sociale et politique, se rencontre dans les documents anciens appliqués à des personnages de conditions très diverses. On le trouve dans les lois barbares, dans les formules franques, dans les capitulaires mérovingiens et carolingiens; il y désigne les époux; le mari et la femme sont pairs l'un de l'autre; des parents ou simplement des amis, des voisins, des hommes libres liés par un serment commun; puis ceux qui sont unis par la recommandation, ceux que la féodalité appellera seigneur et vassal; plus tard les vassaux bénéficiaires du souverain et, d'une manière générale, les seigneurs, vassaux communs et immédiats d'un même suzerain, assujettis aux mêmes devoirs. Ces derniers seront désignés, lorsque la féodalité se sera développée, sous le nom de pairs de fiefs en pairs fieffés, et ce seront eux qui constitueront la cour féodale des grands fiefs, tout seigneur ayant le privilège de n'être jugé que par ses pairs. Au XIe siècle, ce terme généralisé était devenu synonyme de baron. Les nobles ne furent pas seuls à recevoir ce titre, les bourgeois des villes étaient pairs les uns des autres, et certaines communes eurent une assemblée de pairs qui composèrent le conseil communal. Toutefois, ce titre de pair s'est appliqué plus spécialement à une catégorie spéciale de vassaux du roi de France jouissant de prérogatives spéciales et assujettis à des devoirs particuliers. Mais, dans ce sens restreint, le mot pair était rarement employé seul. Tandis que les pairs au sens général étaient tous les barons du royaume, ceux qui formaient un groupe distinct et privilégié étaient les pairs du royaume ou les pairs de France (pares Franciae). On a beaucoup et longuement discuté la question de savoir à quelle époque remonte cette institution des pairs de France et quelle en est l'origine. On sait que les chansons de geste représentent Charlemagne sans cesse entouré de ses douze pairs. Il est à peine besoin de dire que ce n'est là qu'une légende poétique sans aucune base historique et qui dérive très probablement de la mythologie germanique où l'on voit certains héros entourés de douze compagnons. Mais, si les douze pairs de Charlemagne sont purement légendaires, il n'est pas impossible que cette légende, si populaire, si répandue, et tenue pour fait certain au XIe siècle, ait réagi sur les faits en donnant à penser que les rois de France, successeurs du grand empereur, devaient avoir aussi leurs pairs. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas cependant avant les premières années du XIIIe siècle que l'on peut historiquement constater l'existence des pairs de France. Tous les documents allégués jusqu'ici pour les faire remonter au delà sont faux ou ne disent rien de tel. Pour n'en citer ici que deux exemples frappants, la prétendue ordonnance de Louis VII sur le sacre de Philippe-Auguste où l'on verrait déjà les pairs exercer leurs prérogatives au couronnement des rois, est un faux aujourd'hui avéré; le prétendu jugement de Jean sans Terre par la cour des pairs de France en 1202 serait lui-même, Bémont a tenté de le démontrer, une fable inventée par Louis VIII en 1216. C'est à cette date précisément qu'un document nous montre qu'il existait à la cour du roi de France, indépendamment des barons, un groupe de hauts seigneurs, spécialement désignés sous le nom de pairs, au nombre desquels se trouvaient plusieurs évêques. Depuis cette époque, les documents abondent, qui montrent la cour des pairs constituée, mais tandis que les plus anciens font voir qu'elle avait un rôle judiciaire important et surtout que les pairs avaient des prétentions considérables, ceux de la fin du XIIIe siècle et du commencement du XIVe ne leur attribuent guère plus qu'un rôle décoratif et des prérogatives purement honorifiques. Au milieu du XIIIe siècle, la cour des pairs se compose de six pairs laïques (trois ducs, ceux de Normandie, de Bourgogne et de Guyenne, et trois comtes, ceux de Flandre, de Champagne et de Toulouse) et de six pairs écelésiastiques l'archevêque de Reims et les évêques de Langres, de Laon, de Châlons-sur-Marne (auj. Châlons-en-Champagne), de Beauvais et de Noyon. Leur rôle au sacre des rois paraît n'avoir été définitivement fixé qu'à l'avènement de Philippe V en 1316. Ils y figuraient en costume royal, la couronne en tête, et sou tenaient tous ensemble la couronne royale sur la tête du nouveau monarque. De plus l'archevêque de Reims avait le privilège de oindre et de sacrer, l'évêque de Laon portait la sainte Ampoule, celui de Beauvais soutenait le manteau royal, celui de Langres portait le sceptre, celui de Châlons, l'anneau, et celui de Noyon, le baudrier. Le rôle des laïques était le suivant : le duc de Guyenne portait la première bannière carrée; celui de Normandie, la deuxième bannière carrée; le comte de Champagne portait la bannière royale, le comte de Toulouse portait les éperons, le comte de Flandre, l'épée que le duc de Bourgogne avait le privilège de ceindre au roi. Quant à leurs fonctions primitives, elles s'étaient, nous l'avons dit, transformées en prérogatives : après avoir été les seuls barons de la cour du roi, ils n'y eurent plus guère d'autres privilèges, même dans les procès de pairie, que de siéger sur des chaires plus élevées et d'être énumérés en tête des juges dans les documents officiels. Comment, entre tant de seigneurs et de prélats du royaume, s'était faite cette sélection qui avait promu à une distinction particulière ces six vassaux laïques et ces six prélats? Pour les pairs laïques, l'explication est relativement facile : ils ne sont autres que les feudataires des grandes seigneuries entre lesquelles la féodalité avait morcelé le royaume et qui constituaient les véritables pairs de fief du souverain. Et cela permet de dater approximativement du second quart du XIe siècle l'époque à laquelle l'institution a dû se constituer. Pour les ecclésiastiques, il faut remarquer que l'archevêque et les évêques sont en même temps, l'un, duc, et les autres comtes de leurs cités, qu'ils sont aussi par conséquent feudataires du royaume et vassaux liges du roi dont ils relèvent directement. D'autres prélats, il est vrai, ont été aussi seigneurs temporels de leurs cités, mais les six évêques qui eurent rang de pairs sont certainement ceux qui, les premiers, avaient pris place dans la hiérarchie féodale; dès le Xe siècle ils avaient acquis la seigneurie temporelle de leurs villes épiscopales. Chose singulière, c'est au moment où l'institution achève à peine de se constituer et de devenir un rouage de l'état monarchico-féodal que les pairies, laïques de Normandie, de Toulouse, de Champagne cessent d'être indépendantes. Le duché de Guyenne, d'autre part, tombe aux mains des Anglais, en sorte qu'au début du XIVe siècle, des six pairies laïques il ne subsiste plus que le duché de Bourgogne et le comté de Flandre. Aussi les rois s'attribuèrent-ils le droit de créer de nouveaux pairs en érigeant en pairies (comtés ou duchés) des seigneuries qui n'avaient pas ce rang, et comme c'était là un moyen commode et relativement peu coûteux de distribuer des faveurs, ils cessèrent bientôt d'avoir égard à l'ancien chiffre des douze pairs et érigèrent en pairie, même avec titre de duché, de très petites seigneuries. Les prérogatives de ces pairs consistèrent à pouvoir siéger au Parlement de Paris à partir de vingt-cinq ans, à y prendre place dans les lits de justice immédiatement après les princes du sang et les pairs ecclésiastiques dans l'ordre d'ancienneté de leurs pairies, à assister au sacre des rois, et enfin à ne pouvoir être cités en justice devant une juridiction autre que le parlement de Paris. Certains fiefs érigés en pairies pouvaient être possédés par des femmes, mais celles-ci ne remplissaient pas les fonctions de pairs. la paierie fut supprimée par la Révolution. (GE). | |