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Le Saint-Empire romain germanique
Dans son acception la plus étendue, le terme de Saint-Empire romain germanique désigna l'Empire d'Occident, restauré par Charlemagne, sanctionné par la papauté et transmis aux empereurs d'Allemagne, successeurs de Charlemagne. Dans une acception plus restreinte, il désigna souvent la suzeraineté de l'Allemagne et de l'Italie seulement, en tant que dévolue à un prince germanique. 

L'histoire du Saint-Empire est liée à l'histoire générale de l'Europe et a ses origines dans l'histoire de l'Antiquité classique. Elle peut se diviser en plusieurs grandes périodes. De 476 à 800, la notion de l'Empire romain subsista en se modifiant. L'idée d'un Empire romain unique et universel, ayant son siège à Rome, persista traditionnellement en Italie. D'autre part, l'Empire d'Orient, transporté à Constantinople par Constantin, fut la continuation légale de l'Empire romain, puisque l'Empire d'Occident ne s'était pas maintenu dans l'Europe occidentale. Après les grandes invasions arabes du VIIIe siècle, les théories sur l'existence, en Europe, d'un pouvoir central fortement organisé, dont la nécessité se faisait de plus en plus sentir, prirent corps dans la reconstitution de l'Empire par Charlemagne (800). Au IXe et au Xe siècle, l'organisation du Saint-Empire se précisa et se formula définitivement, sous les règnes des empereurs d'Allemagne Otton ler, Otton II et Otton III. On fait même quelquefois dater le Saint-Empire romain germanique seulement de l'année 962, C'est à la même époque que le clergé entra dans la vie féodale par ses possessions temporelles (Etats de l'Eglise). Du XIe siècle au XIIIe siècle, la féodalité ecclésiastique, ayant à sa tête le  pape, engagea une lutte acharnée avec la féodalité laïque, représentée par l'empereur, et occasionna la « querelle des investiture ».

Le Saint-Empire eut généralement le dessous dans cette lutte contre le Saint-Siège, notamment sous les empereurs Henri IV, qui rendit à Grégoire VII l'hommage humiliant de Canossa, Henri V, qui conclut le compromis du concordat de Worms, Frédéric ler Barberousse, au XIIe siècle, et Frédéric II au XIIIe siècle. Au XIVe et au XVe siècle, le Saint-Empire et le Saint-Siège entrèrent chacun dans une période de troubles et de décadence, qui fut surtout nuisible au Saint-Empire romain germanique. De Charles-Quint aux traités de Westphalie, les dissensions religieuses et les troubles intérieurs de l'Allemagne contribuèrent encore à affaiblir l'organisation du Saint-Empire. Depuis 1648 jusqu'au commencement du XIXe siècle, le Saint-Empire, sans rapports définis avec le Saint-Siège et sans force intérieure, faisait dire à Voltaire qu'il n'était ni saint, ni romain, ni germanique. 
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Carte du Saint Empire romain germanique.
Carte du Saint-Empire romain germanique (XIIe- XIIIe s.).
Source : Atlas classique Vidal-Lablache.

Au commencement du XIXe siècle. Napoléon Ier, se posant en héritier de Charlemagne, rétablit le Saint-Empire à son profit (1806). Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Saint-Empire ressuscita, sous une forme inattendue et nouvelle, par la création de l'Empire allemand (1870-1918), à l'époque de la prépondérance de la Prusse. L' «-empereur allemand » n'est plus alors le chef laïque du catholicisme, mais le champion des nations protestantes; il n'est plus le vassal de Rome, mais l'allié politique du royaume d'Italie.

L'un des faits les plus curieux de l'histoire du Saint-Empire romain germanique est la persistance de la tradition antique. Les contemporains de Charlemagne et des empereurs carolingiens appelaient la création de l'Empire d'Occident le rétablissement de l'Empire romain, renovatio imperii romani, ainsi qu'on le voit sur les légendes des monnaies du IXe et du Xe siècle. Tous les anciens titres de la hiérarchie de Rome impériale étaient remis en usage. Imperator augustus est le titre ordinaire que prennent les empereurs d'Allemagne. On vit même reparaître les titres grecs, comme celui de basileus, que prirent quelquefois les rois saxons de l'Angleterre. Charlemagne et Otton III firent revivre également le titre de consul. La qualification de patricius fut conférée par le pape aux premiers rois carolingiens, avec une signification analogue à celle de princeps, c.-à-d. chef des citoyens, venant immédiatement après empereur et consul. Frédéric II rétablissait les honneurs divins pour la famille impériale en faisant appeler sa mère Diva et son fils « progéniture divine ». Les empereurs se proposaient de rendre au monde la paix romaine, pax romana

Charlemagne était considéré comme le successeur de Justinien, et Grégoire IX prétendait étre le « Justinien de l'Eglise ». L'un des plus forts raisonnements des théoriciens du Moyen âge était : puisque le Christ est né au moment où Rome dominait le monde et où l'Empire florissait avec Auguste, Dieu a reconnu et confirmé ainsi la puissance éternelle de l'Empire et de Rome (saint Thomas d'Aquin), Dante, l'un des défenseurs les plus éloquents du Saint-Empire, remonte à Numa Pompilius et à Enée pour ajouter l'Asie et l'Afrique aux possessions européennes de l'Empire. On sait que les papes faisaient remonter la donation du patrimoine de saint Pierre jusqu'au premier empereur chrétien, Constantin. Dans les formules de chancellerie, les empereurs carolingiens imitèrent les formes solennelles et l'écriture large et majestueuse des rescrits impériaux, notamment dans les premières lignes des diplômes, toujours écrites en « écriture allongée ». Les annalistes de l'époque carolingienne font commencer la série des empereurs à l'époque de Jésus. Otton Ier était compté pour Otton II parce qu'il venait après Othon, successeur de Galba. Cet usage se conserva jusqu'à la fin du Saint-Empire. François II était le cent vingtième empereur romain germanique depuis Auguste.

La théorie du Saint-Empire romain germanique au Moyen âge se forma depuis l'époque de la Renaissance carolingienne jusqu'au XIIIe siècle. La philosophie scolastique mit toutes les ressources de sa dialectique au service de la cause de l'empereur ou de celle du pape. Les raisonnements compliqués et spécieux des politiciens du Moyen âge étaient facilités par le système d'allégories et d'abstractions auquel toutes les choses étaient soumises : on traitait comme deux entités pures l'Empire (Imperium) et la papauté (Sacerdotium) et l'on effectuait sur ces entités toutes sortes d'opérations algébriques, conduisant souvent à des résultats très extraordinaires, dont Dante a donné des spécimens dans son traité De monarchia universali. Tous les grands théologiens, comme saint Thomas d'Aquin, par exemple, ne manquent jamais de traiter dans leurs ouvrages la question de l'Empire et de la papauté. Depuis le milieu du XIIe siècle jusqu'à la fin du Moyen âge, on demandait très souvent des consultations juridiques aux grandes Universités sur les questions de politique générale. Frédéric Barberousse consulta ainsi l'Université de Bologne en 1158. 

La Bible, à laquelle tout, au Moyen âge, devait être ramené, fournissait la base la plus solide du droit divin des rois et donnait les antécédents de l'alliance étroite de l'empereur et de la papauté : le grand prêtre Samuel avait consacré David roi à la place de Saül, qu'il avait déposé. Saint Paul reconnaissait l'Empire quand il appelait à César. L'Empire se retrouvait également dans les prophéties : on l'assimilait à la quatrième bête de la vision de Daniel, etc., et il devait être le dernier de la terre. Parmi les « signes de la fin du monde », sur lesquels il existe de nombreux traités, on rangeait la formation du Saint-Empire : l'empereur devait reparaître, au moment de la fin du monde, conquérir l'univers entier et aller en faire hommage au Christ à Jérusalem (Adson de Montier-en-Der, Vita Antichristi), les royaumes de la terre devaient finalement se séparer de l'Empire, l'Eglise du Saint-Siège et les fidèles de la foi apostolique, par une sorte de triple sécession ou discessio (Engelbert, saint Thomas d'Aquin). Quand les querelles suscitées par la question du Saint-Empire atteignirent leur période la plus aiguë, l'empereur ou le pape furent, suivant les polémistes, assimilés à l'Antéchrist : au XIIIe siècle, c'était tantôt Frédéric II et tantôt Innocent IV qui étaient traités de cette façon.

L'empereur et le pape s'attribuèrent, chacun de leur côté, presque les mêmes titres. Le principal de ces titres était celui de saint (sacer, sanctus, sanctissimus), transmis par l'étiquette des empereurs romains. Ce fut l'un des premiers pris par les empereurs d'Allemagne. Dans l'histoire de la Germanie, la tradition de la divinisation des familles royales existait : les Agilolfinges de la Bavière, les AEthelings de l'Angleterre, les Ynglings de le Suède étaient tous descendants directs des dieux. Les empereurs d'Orient prenaient ce titre et appelaient leurs territoires « notre Saint-Empire ». Otton Ier s'intitulait sanctus ou sanctissimus, pius et augustus. On représentait quelquefois l'empereur comme on représentait la divinité elle-même, sur des triptyques pareils à ceux qui étaient en usage dans le culte catholique : on en possède un bel exemple, relativement moderne et de temps de Charles-Quint, qui voulait restaurer le Saint-Empire (musée du Louvre). Sacrosanctus fut une épithète que les empereurs osèrent moins appliquer à eux-mêmes qu'à l'Empire, dans la seconde moitié du Moyen âge (sacrosanctum imperium). 

Le titre de saint fut de bonne heure réservé à l'empereur seulement, parmi les souverains laïques; néanmoins, on voit que le roi Robert, en France, était quelquefois appelé sanctus pater. La désobéissance ou la résistance à l'empereur recevait une sanction religieuse et était considérée comme un péché mortel. Le caractère sacré s'étendait à la personne des sept électeurs, comme à celle de l'empereur lui-même. On sait que le titre de saint s'appliquait encore à la Russie tsariste, à cette sainte Russie, dont le tsar était en même temps le chef religieux des nations slaves. Le titre de majesté était pris par l'empereur, qui prétendait, même encore aux traités de Westphalie, en avoir le privilège exclusif; mais cette prétention ne fut jamais reconnue. Le monopole du titre d'empereur fut laissé à l'empereur d'Allemagne dès le XIIe siècle. Le titre d'apostolique ne fut pas gardé par l'empereur, mais on le vit adopté par le roi de Hongrie dès la création de ce pays  (Sa Majesté Apostolique) et il a été repris au XIXe siècle par l'Autriche. L'empereur prétendait avoir le droit de convoquer et de présider les conciles oecuméniques, comme l'empereur Sigismond au concile de Constance

A la fin de l'existence du Saint-Empire, les titres conservés par l'empereur Joseph II étaient les suivants : chef de l'armée de la chrétienté, avoué de l'Eglise chrétienne, vicaire du Christ, chef temporel des fidèles, protecteur de la Palestine, des conciles généraux et de la foi catholique. Le titre d'empereur allemand (Deutscher kaiser), qui datait de l'époque de la Renaissance seulement et qui était rarement employé, a été le seul qui ait été repris par l'empereur d'Allemagne à la reconstitution de l'Empire allemand  (1871 - 1918). De son côté, le pape était le vicaire de Jésus-Christ, le successeur de saint Pierre et le père des fidèles. Il s'attribua exclusivement le titre de pape. Il disputa à l'empereur, ainsi qu'aux simples évêques, le titre de saint, qui finit par lui appartenir en propre depuis le XIVe siècle (notre très saint père le pape). Le pape avait également la majesté apostolique et la grandeur.

L'existence, au sein de la chrétienté, de deux pouvoirs aussi fortement constitués que l'Empire et la papauté, quoique la force de l'un fût toute matérielle et celle de l'autre entièrement symbolique, devait produire, pour la solution politique dont la recherche s'imposait, la théorie de l'accord des deux pouvoirs, constituant le Saint-Empire romain sous sa forme idéale. Jusqu'à l'époque de la querelle des investitures, c'est la seule théorie mise en pratique. Des abus de part et d'autre conduisirent ensuite à l'antagonisme des deux pouvoirs et à la théorie de la prépondérance de l'un ou de l'autre. 

Le pape était le chef de la société religieuse, l'empereur était le chef de la société civile. C'était une union internationale de l'Eglise et de l'Etat. Le caractère d'infaillibilité était donné à ce double gouvernement. De même qu'il y avait une trinité mystique en tête des dogmes religieux, de même, il y avait une sorte d'unité mystique dans le dualisme de l'Empire et de la papauté au sommet de la chrétienté. Les théoriciens du Moyen âge ont répété cette idée sous une multitude de formes différentes, qu'il est curieux de voir dans leurs termes mêmes. L'empereur est le pape séculier et le pape est l'empereur spirituel. Avec l'Eglise terrestre et visible doit exister un seul état temporel et chrétien, sous le gouvernement d'un seul chef. Le pape s'occupe des intérêts spirituels des hommes, l'empereur de leurs intérêts matériels. Tous les chrétiens sont sujets de l'empereur en matière temporelle, comme tous les chrétiens sont sujets du pape en matière spirituelle. Dieu, empereur du ciel, a pour représentant sur la terre le chef du Saint-Empire romain germanique, qui est vice-roi temporel du monde.

Le serment des électeurs de l'Empire était : Ego N... volo regem Romanorum, in Caesarem promovendum, temporale caput populo christiano eligere (je veux élire le roi des Romains, notre empereur futur, comme chef temporel de la chrétienté). Alcuin appelait l'empire de Charlemagne imperium christianum. Le pape Sylvestre II (Gerbert) projetait, d'accord avec l'empereur germanique, une restauration complète de l'Empire romain. Le corporel et le temporel devaient dépendre du spirituel comme l'opération du corps dépend de la force de l'âme (saint Thomas d'Aquin). Les deux épées mystiques avaient été données, l'une à saint Pierre et au pape, l'autre à saint Jean et à l'empereur (Sachsenspiegel). Les premiers ouvrages d'histoire générale écrits au Moyen âge sont des « chroniques parallèles des empereurs et des papes » où l'histoire ecclésiastique et l'histoire féodale se déroulent en regard l'une de l'autre. Les représentations graphiques de l'Empire et de la papauté, telles qu'on les trouve dans les miniatures des manuscrits et sur les fresques murales, représentent allégoriquement l'alliance de l'Empire et de la papauté : les plus célèbres sont celle de la mosaïque de Saint-Jean-de-Latran à Rome (IXe siècle), et celle de Santa-Maria-Novella à Florence (vers 1350) : dans la première, on voit le pape et l'empereur agenouillés de chaque côté du Christ; dans la seconde, grand tableau symbolique de la vie terrestre, du ciel et de l'enfer, on voit le pape et l'empereur siégeant l'un à côté de l'autre, au-dessus des autres rois et princes de la Terre.

La papauté ne se contenta pas de la supériorité religieuse qu'elle avait sur l'Empire et de la suzeraineté spirituelle qu'elle exerçait à l'égard de celui-ci. Depuis le IXe et le Xe siècle, le clergé fut prépondérant dans la direction des affaires politiques de chaque pays. Les principaux conseillers des rois étaient des prélats ou des moines en France, en Angleterre, en Allemagne, etc.

Avec la constitution des nationalités et Ies dissensions qui se produisirent dans le monde féodal, la papauté apparut comme le seul pouvoir prépondérant exerçant une surveillance générale et elle eut pour elle toute la force que lui donnait la cohésion et l'unité de sa hiérarchie, vis-à-vis de la hiérarchie du système féodal, soumise à des fluctuations incessantes. Comme l'empereur, dans ses rapports avec le pape, avait l'attitude d'un véritable vassal en face de son suzerain, la papauté voulut que ce formalisme répondit à une réalité : à son couronnement à Rome, l'empereur recevait l'ordre ecclésiastique de sous-diacre, il était desservant à la célébration de la messe dite par le pape, et il était nommé chanoine de Saint-Pierre ou de Saint-Jean de Latran. Le pape se considéra comme le seul représentant de la divinité sur la Terre et prétendit que l'Empire devait relever du Saint-Siège à titre de fief. Grégoire VII affranchit la papauté de la confirmation des élections pontificales, faite par l'empereur depuis Otton le Grand. Les successeurs de Grégoire VII allèrent encore plus loin et émirent la prétention de contrôler l'élection des empereurs (Décrétales de Grégoire IX, liv. I, ch. XXIV). L'opinion publique fut favorable à la papauté dès le IXe siècle. A l'époque carolingienne, le pape était considéré comme le gardien et le dépositaire de l'autorité impériale (Annales de Lorsch). 

Certaines particularités du culte des reliques, qui est d'une importance si considérable au Moyen âge, étaient faites pour appuyer cette manière de voir : puisque Rome possédait le corps de saint Pierre, prince des apôtres, elle avait le droit d'élire le prince de toute la Terre; au nombre des inventions de reliques, se trouve la découverte de la crosse de saint Pierre sur les bords du Rhin, comme un signe palpable indiquant que la volonté de Dieu assujettissait l'Empire au Saint-Siège. Au XIe siècle, les deux partis guelfe et gibelin étaient constitués. Les Guelfes furent surtout puissants dans l'Italie, qui sentait que l'Italie ne devait qu'à Rome seule de pouvoir jouer un rôle politique dans le monde. Plusieurs papes remarquables mirent leurs talents an service de la cause pontificale. Grégoire VII formula très nettement la théorie de la suprématie du Saint-Siège. C'est à lui qu'on doit la célèbre comparaison du Soleil (puissance ecclésiastique) et de la Lune (puissance impériale), qui donna beaucoup de mal aux dialecticiens gibelins pour la réfuter et qui est très bizarrement discutée par Dante dans le De Monarchia. L'office de l'empereur devait être de tirer le glaive matériel sur un signe du vicaire du Christ (Nicolas III). Boniface VIII fut le pape qui poussa le plus loin les prétentions pontificales : 

« L'Eglise, une et unique, n'a qu'un seul corps, disait-il, elle a une tête et non deux têtes, comme un monstre ». 
Les récits qui lui font s'écrier, au jubilé de 1300 : « C'est moi qui suis l'empereur!  » tandis qu'il était assis sur le trône pontifical et ceint de l'épée temporelle, montrent quelle réputation il s'était faite parmi ses contemporains. L'intolérance de la papauté à l'égard du pouvoir laïque amena une réaction non moins violente de la part de ceIui-ci, et produisit la théorie de la suprématie de l'Empire, qui eut pour principal champion l'empereur Frédéric II. Il se proposait la restauration de l'Empire romain en devenant lui-même le chef politique et religieux de la chrétienté. Il appelait sa ville natale, dont le nom était Jési, « le Bethléem où César a vu le jour ». Il se prétendit qualifié pour convoquer les conciles généraux. Il réclama une autorité directe sur la ville de Rome. Il ravalait le pape au rang d'un simple évêque accomplissant la cérémonie du sacre pour l'empereur. Il confondit entièrement la cause de l'Empire avec celle des adversaires des prétentions du clergé. Dante déclare avec lyrisme que le monarque (empereur) est l'image de l'unité divine, que la monarchie (universelle) est le seul gouvernement légitime et que la paix universelle n'est possible qu'avec le monarque.
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Le Saint-Empire : les sept princes électeurs.
1308 : les princes électeurs placent Henri VII à la tête du Saint-Empire.

Les résuItats de la grande lutte de l'empereur et du pape restèrent indécis et ne furent profitables ni au Saint-Empire romain germanique ni au Saint-Siège. La papauté perdit toute sa force en se déplaçant, pendant son séjour à Avignon, puis en se brisant, pendant le Grand Schisme. L'Empire se localisa en Autriche, et l'ancienne idée de son universalité s'affaiblit, malgré les efforts des empereurs du XVIe siècle. Diminués l'un et l'autre, le Saint-Siège et l'Empire restèrent isolés. Frédéric III fut le dernier empereur d'Allemagne couronné à Rome. Charles-Quint, qui prenait encore le titre de chef de la chrétienté, ne se fit couronner qu'à Bologne seulement.

Au point de vue du droit féodal, le Saint-Empire romain germanique occupait une place théorique très importante dans le « droit public ». Il constituait ce qu'on appelait le corps germanique. On peut s'étonner de ce qu'une question aussi importante que celle de la prédominance d'un Etat sur les autres n'ait jamais reçu de solutions plus claires que celles qui furent débattues au Moyen âge et jusque dans les temps modernes. L'isolement et l'éloignement des pays les uns des autres, la difficulté des communications, les résultats peu décisifs atteints par les grandes guerres européennes et la persistance des subtilités scolastiques dans les négociations diplomatiques furent cause que jamais la question du Saint-Empire ne fut résolue d'une façon absolue, positive ou négative, comme elle le serait aujourd'hui à bref délai, si elle venait de nouveau à se poser par la diplomatie ou par la guerre. La situation légale à laquelle Empire prétendait en Europe ne fut jamais ni complètement niée ni complètement acceptée. Les feudistes admirent en principe l'existence du Saint--Empire, car, la féodalité devant former un tout parfaitement homogène et nulle terre ne pouvant demeurer sans seigneur, il fallait nécessairement, de vassal en vassal, remonter à un suzerain suprême, qui se trouvait dans la personne de l'empereur. L'empereur était le monarque suprême et le premier des rois (Boniface VIII). Quand la féodalité reçut son organisation définitive, le titre d'empereur, pris d'abord un peu au hasard par différents souverains, fut réservé, d'un accord unanime, à l'empereur de Germanie, successeur de Charlemagne, et fut considéré comme le degré le plus élevé de tonte la hiérarchie féodale.

Les rois de France ne prirent que très rarement le titre d'imperator au XIe siècle et l'abandonnèrent complètement au XIIe siècle. Quelques rois d'Espagne, qui s'intitulaient imperatores Hispaniae, renoncèrent à ce titre, mais beaucoup plus tard que les rois de France. La dignité d'empereur était primitivement élective et personnelle, comme celle du pape. En fait, le titre impérial fut conservé par les mêmes familles aussi longtemps que possible et devint légalement héréditaire au XIVe siècle. Néanmoins, depuis le XVIe siècle, l'empereur reprenait encore officiellement le titre d'imperator electus. Les autres souverains lui donnaient seulement le titre d'empereur. De même que presque tous les papes furent Italiens, parce que Rome était en Italie, presque tous les empereurs furent Allemands, parce que les premiers successeurs de Charlemagne, qui continuèrent à briguer l'Empire, appartenaient à la Germanie. Il y eut quelques candidats anglais (Richard de Cornouailles, Henri VIII), français (Charles de Valois, François Ier), espagnols (Alphonse de Castille), etc. En 1658, on projeta encore d'offrir la couronne impériale au jeune Louis XIV. La position féodale de l'Empire vis-à-vis du Saint-Siège était celle de l'avoué. Le fils aîné de l'empereur était roi des Romains. En reconstituant l'Empire, Napoléon Ier reprit ce titre pour son fils, qui s'appela le roi de Rome. Les vassaux de l'Empire étaient Ies princes, ducs, comtes, etc., ainsi que les villes libres, appartenant au « corps germanique ». Il y avait des fiefs et des arrière-fiefs. L'organisation du corps germanique ne fut complétée qu'à l'époque de sa décadence, d'une façon plus théorique que réelle, par Maximilien, qui créa la chambre impériale, le conseil aulique et l'impôt général. La Diète impériale formait un parlement périodique, auquel assistaient ou députaient les électeurs, les princes et les villes. Les grands ordres de chevalerie, comme la Toison d'or, etc., qui étaient des institutions internationales, ne relevaient que de l'empereur et du pape.

Les pays sur lesquels l'Empire exerçait sa suzeraineté, avec le plus d'apparence de réalité, étaient ceux qui se trouvaient géographiquement les moins éloignés de l'Allemagne et de Rome. L'Allemagne et l'Italie du Nord (Lombardie) furent les seuls à reconnaître, d'une façon à peu près suivie, l'autorité des empereurs. Le royaume d'Arles cessa d'exister après le XVe siècle. Le Danemark, la Pologne, la Bohème et la Hongrie n'admirent leur dépendance du Saint-Empire que d'une façon très intermittente. Dans ses relations extérieures, le Saint-Empire romain germanique n'abandonna jamais ses prétentions et revendiqua ses droits théoriques auprès de tous les souverains de l'Europe. Les empereurs de Byzance ne reconnurent jamais aux empereurs d'Allemagne le titre d'empereur d'Occident. Au Xe siècle, les papes appelaient l'empereur d'Orient imperator Graecorum et les villes de l'Italie méridionale l'appelaient imperator Constantinopolitanus. Au XIIe siècle, le pape Adrien IV menaça Frédéric Barberousse de transférer la couronne impériale à l'empereur d'Orient. La principale tentative de rapprochement des empereurs d'Allemagne avec l'Empire d'Orient fut celle d'Otton le Grand, qui fit conclure le mariage d'Otton II avec la princesse byzantine Théophano. C'est dans leurs rapports avec la France que Ies empereurs d'Allemagne mirent le plus d'obstination à revendiquer les droits du Saint-Empire, comme s'ils avaient été désireux de reconstruire à leur profit l'unité du royaume franc sous Charlemagne. L'archevêque de Trèves était officiellement archichancelier pour la Gaule et le royaume d'Arles, et il garda ce titre longtemps après la fin de la domination impériale dans le royaume d'Arles. 

Du Xe au XIIIe siècle, les empereurs d'Allemagne conduisirent personnellement quatre grandes expéditions contre la France, en 946. En 1378, pendant le voyage de l'empereur Charles IV en France, le souvenir des prétentions impériales était encore tellement présent à tous les esprits que le roi Charles V prenait des précautions infinies pour éviter la moindre apparence d'un acte de vassalité vis-à-vis de l'empereur : il interdisait de sonner les cloches aux entrées de l'empereur dans les villes françaises et, dans les cortèges, il réservait les chevaux blancs pour lui et faisait monter l'empereur sur des chevaux noirs, parce que l'empereur, en Allemagne, ne montait que sur des chevaux blancs. A l'égard de l'Angleterre, les prétentions des empereurs d'Allemagne étaient moins continues. Henri VI investit Richard Coeur de Lion du royaume d'Arles. L'Irlande, suivant certaines traditions populaires, admettait la suzeraineté du Saint-Empire, avant la conquête par les Normands. Au commencement du XVe siècle, Sigismond fit un voyage en Angleterre et, à son arrivée, le duc de Gloucester lui fit prendre l'engagement de ne rien entreprendre contre l'autorité du roi d'Angleterre. Par suite de la création de l'électorat de Hanovre au XVIIe siècle (1692), le roi d'Angleterre participa, au siècle suivant, à l'élection de l'empereur d'Allemagne. L'Espagne, qui n'eut jamais occasion, au Moyen âge, d'entrer en rapports directs avec le Saint-Empire, en fit partie au XVIe siècle seulement, avec Charles-Quint. (E.-D. Grand).

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