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Le mot église
signifie assemblée, et comme ce mot fut employé par les premiers chrétiens
pour désigner leurs réunions le plus souvent secrètes et aussi les confréries
ou groupes religieux qu'ils organisèrent dans les différentes parties
de l'empire romain
pendant les trois premiers siècles de notre ère, au temps des persécutions,
ce mot prévalut plus tard pour désigner les édifices qu'ils construisirent
sur un plan spécial en vue de célébrer en commun et au grand jour les
mystères
de leur religion.
Le sens de ce mot église indique déjÃ
la grande différence qui dut exister, même à l'origine, entre les temples
consacrés par les Grecs
et les Romains
à leurs dieux et les églises que les chrétiens élevèrent au leur.
En effet, dans l'Antiquité ,
les prêtres et ceux qui participaient aux cérémonies
religieuses pouvaient seuls entrer dans les temples, lesquels n'étaient,
à proprement parler, que la maison de la divinité représentée par sa
statue
et où l'on gardait les plus riches des offrandes qui lui étaient apportées,
tandis que, dès l'ère nouvelle, tous les fidèles, même avant le baptême
qui les faisait chrétiens, pouvaient et devaient se réunir dans les églises
et y accomplir certains offices communs.
De là le nombre et l'étendue des églises
dans les grands centres de population. De cette participation plus ou moins
grande des ministres du culte et des assistants aux cérémonies ainsi
que de la nature même de ces cérémonies et du symbolisme particulier
à la nouvelle religion, découlèrent les dispositions intérieures et
les formes extérieures des églises, lesquelles devinrent beaucoup plus
compliquées que celles des temples grecs ou romains.
Ce ne fut cependant pas immédiatement
après que Constantin eut, par l'édit
de Milan en 313, proclamé le christianisme
religion de l'Empire, que les lieux d'assemblée des chrétiens prirent
le nom d'églises; car, parmi les premiers fidèles, si ceux qui vivaient
dans les cités, dissimulés au milieu de la société civile, se réunissaient
dans des catacombes, comme à Rome, ou
dans des locaux écartés et dont rien ne trahissait la destination, comme
dans nombre de villes de l'Empire, et si ceux qui vivaient dans la solitude
où ils habitaient des cellules, comme les
plus anciens religieux des déserts de la Thébaïde, se construisaient,
à proximité de leurs cellules, une cellule plus grande où ils se rendaient
à certaines heures pour prier en commun, d'où le nom d'oratoire
appliqué à ce premier sanctuaire des moines, quand les chrétiens purent
pratiquer librement leur religion, ils ne manquèrent pas d'aller au plus
pressé et d'approprier aux besoins de leur culte les édifices, si nombreux
et en partie abandonnés par suite de la dépopulation considérable, qui,
sous le nom de basiliques, servaient, près
des forums des villes, à rendre la justice, et les chrétiens conservèrent
leur ancienne dénomination à ces édifices auxquels ils donnèrent ainsi
une destination nouvelle.
L'église
de Sana (Haute-Garonne). © Serge
Jodra.
La basilique
romaine
se prêtait au reste à merveille aux données du culte chrétien
primitif, ce qui explique, la tradition aidant, comme, malgré d'importantes
modifications, ses principales dispositions se perpétuèrent dans les
édifices chrétiens, qui furent érigés par la suite. L'église devant
représenter la barque de saint Pierre, l'ancien pêcheur, l'avenue centrale
de la basilique fut appelée nef, et cette nef
fut divisée en plusieurs parties à l'aide de balustrades
basses de bois, de pierre ou de marbre; dans la partie près de l'entrée,
délimitée parfois dans les grandes basiliques par une colonnade
parallèle à la façade, se tenaient les catéchumènes
n'ayant pas encore reçu le baptême, et les pénitents retranchés provisoirement
de la communauté, lesquels ne pouvaient, les uns et les autres, assister
à tout le sacrifice, tandis que, dans la partie milieu, sa réunissaient
ceux appartenant à la communion des fidèles, et que, plus en avant, était
le choeur occupé par tout le personnel des
serviteurs de l'église, ceux qui n'étaient pas ordonnés, tels
que les diacres, pour lesquels étaient disposés des ambons ou pupitres
destinés à la lecture de I'Epître et de l'Évangile, les chantres, les
instrumentistes, etc.; enfin, au haut bout de la nef, au milieu du chalcidique
ou transept, lequel formait avec la nef
un T qui, pour les chrétiens primitifs, figurait la croix, fut placé
l'autel et derrière cet autel, dans l'hémicycle
ou abside, sur le banc circulaire où siégeaient
autrefois le préteur et ses assistants, étaient assis les prêtres ordonnés,
à droite et à gauche de l'évêque ou de son délégué. Ce dernier occupait,
au milieu de ce banc, un siège plus élevé, chaire ou cathedra,
lequel donna plus tard son nom à l'église cathédrale,
la principale église d'un épiscopat ou d'un archiépiscopat. Dans les
avenues latérales, nefs latérales, basses nefs ou bas-côtés,
se groupait l'assistance, laquelle, dans les temps primitifs plus rapprochés
du judaïsme ,
observait la séparation des sexes, les hommes occupant la droite et les
femmes la gauche de la nef centrale.
-
Fig.
1. - Plan de l'ancienne basilique de Saint-Pierre, Ã Rome.
Mais autant les Grecs
et les Romains élevaient
les façades de leurs temples presque sur la voie publique, autant les
chrétiens
s'efforcèrent, à l'origine et même assez avant dans le Moyen âge ,
d'isoler leurs églises de cette voie publique, et, dans ce but, ils les
faisaient précéder d'une cour carrée entourée de portiques,
dont un plus large juxtaposé à la façade de l'église et, dans cette
cour comme plus tard dans les mosquées musulmanes ,
une fontaine servait aux ablutions. La basilique
de Saint-Clément, à Rome, reconstruite dans la première moitié du IXe
siècle, et surtout l'ancienne basilique de Saint-Pierre, dans la même
ville, et dont le plan nous a été conservé par Fontana (fig. 1, ci-dessus),
donne bien l'idée de ce que pouvait être une grande basilique chrétienne
de l'ère latine, vaste édifice au corps principal duquel s'ajoutaient
des tours pour les cloches qui appelaient les fidèles; des absidioles
ou petites absides, à l'extrémité des nefs
latérales, pour recevoir des autels consacrés
à des martyrs dont ces autels recouvraient le tombeau ou des reliques ;
des pièces à usage de sacristie, de trésor,
de bibliothèque, d'école, de salle synodale et même, autour d'un cloître,
des habitations pour les prêtres et les clercs, des logettes pour les
pénitents, etc.
Après tant de siècles, pendant lesquels,
dans presque tous les pays de l'Europe ,
les grandes basiliques et les cathédrales
ont été incendiées par accident, dévastées par les guerres civiles
et religieuses et enfin parfois reconstruites de fond en comble, on peut
cependant, dans quelques villes d'Italie ,
d'Allemagne
ou d'Angleterre ,
plus encore qu'en France ,
se faire une idée exacte, par ce qu'il en subsiste, de l'ensemble des
bâtiments qui entouraient les grandes églises du Moyen Âge
et qui formaient comme une petite ville sainte dominée par la masse imposante
de l'église et les silhouettes élancées de ses clochers.
-
L'intérieur
de l'église saint-Aignan, à Chartres. © Serge
Jodra.
Mais un autre type, commun à la fois Ã
l'Occident et à l'Orient, vint apporter un nouvel élément des plus importants
dans la composition du plan ainsi que dans la construction et par suite
dans la forme extérieure des églises. Les chrétiens ,
tout en s'appropriant, pour célébrer les cérémonies
de leur culte, les basiliques romaines
au plan rectangulaire et à la couverture à deux versants, voulurent cependant,
dès le IVe siècle de notre ère, créer
des édifices distincts et sur des plans différents du plan des basiliques,
et ces édifices, mausolées, baptistères,
oratoires, utilisés aussi comme églises,
affectèrent en plan des formes rondes, carrées ou polygonales, pendant
que, pour leur couverture, il était fait appel à la coupole, cet élément
connu de toute antiquité, dont le Panthéon
d'Agrippa, Ã Rome, offrait un type qui n'a pas
été surpassé, mais dont les architectes chrétiens devaient, surtout
en Orient, multiplier les exemples et aussi modifier la structure. Parmi
ces édifices des premiers siècles du christianisme, le mausolée de Sainte-Constance,
à Rome, l'église de Sainte-Sophie, à Constantinople,
et l'église primitive de Saint-Marc,
à Venise, tous édifices construits du IVe
au Xe siècle, servirent de types à des
églises bien différentes comme plan des basiliques romaines
et dans lesquelles des modifications profondes, comme dispositions intérieures,
comme construction et comme aspect extérieur; découlèrent du rôle dominant
qu'y joua la coupole.
-
L'intérieur
de l'église du Saint Sépulcre, à Jérusalem.
Source : The World Factbook.
Cependant, dans l'érection de l'église
du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, église
comprenant juxtaposés un mausolée de forme circulaire et une basilique
rectangulaire, on vit au IVe siècle, réunis
en un seul édifice, les deux types qui devaient, pendant plus de quinze
siècles, servir de modèles à l'architecture d'une grande partie du monde.
Nous ne suivrons pas, dans leurs développements
successifs, ces deux formes principales des églises et, tout en constatant
qu'a toutes les époques et dans toutes les régions, furent érigées,
dans les campagnes, des églises de peu d'importance consistant en une
seule salle, parfois ronde, polygonale ou carrée, mais le plus souvent
rectangulaire, nous renverrons aux articles spéciaux Abside,
Bas-côtés, Chapelle,
Choeur, Clocher,
Narthex, Nef, Porche,
Transept, etc., pour tout ce qui concerne
les diverses parties des églises, et aux divers articles de construction,
de décoration ou d'ameublement, pour tout ce qui se rapporte à la structure
des églises, à leur aspect extérieur et intérieur, ainsi qu'à leur
aménagement.
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Eglise
en bois (Laerdal, Norvège).
© Serge
Jodra.
Exemples d'églises.
Nous nous bornerons seulement à reproduire
ici quelques exemples, pris entre mille, de plans d'églises intéressantes
par leur forme et par leur importance, églises dont les façades ou des
vues extérieures sont données aux noms des villes qui les ont vu élever.
La
cathédrale d'Angoulême.
La cathédrale
d'Angoulême
est un édifice de l'architecture romane
datant du XIIe siècle et construit Ã
l'exemple de l'église Saint-Front de Périgueux, elle-même imitée au
Xe siècle de l'église
Saint-Marc de Venise. Cette cathédrale
était composée à l'origine ( fig.
2 ci-dessous le plan de la cathédrale d'Angoulême) d'une seule nef
à quatre travées, ayant ses contreforts légèrement saillants à l'intérieur
et surmontées de coupoles dont la dernière s'élevait à l'intersection
de la nef et des deux bras du transept.
Cette nef était prolongée au delà du transept par une abside
circulaire avec quatre petites chapelles
rayonnantes; mais, au milieu du XIIe siècle,
au moment de la reconstruction ou de l'agrandissement des principales cathédrales
chrétiennes, on ajouta, dans cette église, aux deux bras du transept,
des tours dont, seule, celle du nord existe aujourd'hui. Des colonnes engagées
furent aussi incrustées, à l'intérieur de la nef, dans les pieds-droits
recevant les retombées des arcs portant les
coupoles, et la façade fut reconstruite et ornementée de sculptures .
Cependant, malgré ces modifications, la cathédrale d'Angoulême a conservé
les grandes lignes de son plan primitif et de sa construction première
une seule nef couverte à l'aide de coupoles, réunissant ainsi les dispositions
de la basilique romaine
à la couverture en coupole, des édifices du premier âge du christianisme .
-
Fig.
2. - Plan de la cathédrale d'Angoulême.
La
cathédrale de Worms.
Datant à peu près de la même époque,
la cathédrale de Worms
(Hesse-Darmstadt )
a trois nefs qui aboutissent à un transept,
ce qui donne à l'ensemble du plan (fig. 3, ci-dessous) la forme d'une
croix latine; mais cette église a, particularité assez rare, deux choeurs,
dont l'un, à l'orient, se termine à l'extérieur par une partie carrée
masquant l'hémicycle intérieur, et dont l'autre, à l'occident, à la
place habituelle du grand portail des cathédrales,
est de forme polygonale. En outre, les nefs sont couvertes par des voûtes
d'arêtes sans arcs doubleaux et la coupole
qui surmonte la croisée du transept est octogonale et, comme dans certaines
églises byzantines ,
repose en partie sur des niches voûtées en quart de cercle qui rachètent
le passage de plan carré à l'octogone.
-
Fig.
3. - Plan de la cathédrale de Worms.
La
cathédrale de Noyon.
C'est aussi au milieu du XIIe
siècle qu'il faut faire remonter la construction de la cathédrale
de Noyon ou tout au moins du choeur
et du transept (les parties les plus anciennes),
dont les deux bras ( fig. 4, ci-dessous,
le plan de cette cathédrale) sont demi-circulaires, probablement, dit
Vitet (Monographie de l'église Notre-Dame de Noyon; Paris, 1845),
« pour complaire aux souvenirs et aux prédilections des chanoines
»; car la vieille église que l'on remplaçait avait probablement, comme
sa soeur la cathédrale de Tournai (autrefois suffragante du diocèse de
Noyon), des bras de transept ainsi arrondis suivant un ancien type byzantin
qui s'est perpétué dans plusieurs églises de Cologne et des bords du
Rhin. Dans la cathédrale de Noyon, comme dans l'église abbatiale de Saint-Denis,
qui lui est de fort peu antérieure et qui semble lui avoir servi de type,
le choeur est accompagné de cinq chapelles
circulaires et de quatre chapelles carrées que l'on retrouve dans le plan
de nombre d'autres grandes cathédrales, ainsi que la galerie voûtée
qui surmonte les collatéraux au premier étage; enfin les arcs
doubleaux et les arcs ogives des voûtes,
ces derniers peut-être remaniés postérieurement, et le système des
contreforts font pressentir la grande
époque de l'art gothique
ou ogival dont la cathédrale de Reims montre le plus complet épanouissement.
Fig.
4. - Plan de la cathédrale de Noyon.
La
cathédrale de Reims.
La cathédrale
de Reims, qui fut commencée en 1212, est, dit Corroyer (l'Architecture
gothique; Paris, 1892),
« la superbe
expression des inventions antérieures des constructeurs de l'Aquitaine
et de l'Anjou
réunies à celles des architectes de l'île-de-France. Elle est la manifestation
la plus complète de leurs efforts persévérants pour établir un système
de construction qui a comme principe de maintenir en équilibre un édifice
dont les poussées des voûtes, sur croisée
d'ogives, sont contrebutées par des arcs-boutants
extérieurs. »
Quelles que soient les critiques méritées
que l'on puisse faire à un pareil système de construction, le plan si
bien étudié, malgré quelques hésitations ou retouches, de la cathédrale
de Reims, oeuvre de Robert de Coucy ,
frappe par les masses puissantes de son périmètre et la légèreté de
ses points d'appui intérieurs ainsi que par la disposition logique de
ses contreforts (plan, fig. 5).
-
Fig.
5. - Plan de la cathédrale de Reims.
Et Corroyer ajoute :
« Ce qu'il
faut admirer sans réserve à Reims, c'est la magnifique ordonnance de
sa façade occidentale et la parfaite convenance de l'ornementation, étudiée
et appliquée avec autant de sobriété que de justesse, qui fait de la
statuaire, des chapiteaux, des frises,
des crochets et des fleurons autant d'exemples de l'art décoratif du Moyen
âge .
»
Afin de donner une idée de ce qu'aurait pu
être une cathédrale française de cette
époque, complètement conçue et achevée dans les données de composition
et dans le style architectural de la cathédrale de Reims, Viollet-le-Duc
a dessiné une vue cavalière que nous réduisons (fig. 6) et qui montre
bien l'importance relative du grand portail,
ou portail occidental, avec ses deux hautes flèches reliées à la base
par une galerie, et des portails du transept
avec leurs flèches de moindre hauteur et aussi de la tour centrale sur
la partie carrée de laquelle viennent se buter les combles
de la nef et du transept et que surmonte un clocher
accompagné de clochetons.
Fig.
6. - Vue cavalière d'une cathédrale du XIIIe siècle,
(d'après
Viollet-le-Duc).
Quoique due tout entière à l'imagination
de cet artiste, archéologue sans rival dans l'étude de l'architecture
religieuse du Moyen âge ,
cette composition fait concevoir la masse imposante et élégante à la
fois d'une cathédrale française qui
aurait été conçue et achevée au XIIIe
siècle, sans les défaillances et aussi les incendies qui en entravèrent
souvent la construction. Il est cependant une cathédrale, sinon française,
du moins française d'inspiration, remontant au milieu du XIIIe
siècle, et dont le XIXe siècle a vu terminer
l'oeuvre architecturale d'une parfaite régularité et d'une remarquable
exécution de détail. C'est la cathédrale de Cologne :
Cathédrale
de Cologne.
La cathédrale
de Cologne, dont le plan (fig. 7, ci-dessous) est imité du plan de la
cathédrale d'Amiens et du plan resté inachevé
de la cathédrale de Beauvais, a été complètement
terminée au XIXe siècle d'après les
projets primitifs du XIIIe siècle.
-
Fig.
7. - Plan de la cathédrale de Cologne.
D'autres
églises.
A côté de cette influence, surtout française,
qui se fit sentir si longtemps dans la composition, la construction et
la décoration des grandes églises à plusieurs nefs
du Moyen âge ,
il ne faut pas croire que la forme circulaire, celle que l'on disait inspirée
de la rotonde du Saint-Sépulcre de Jérusalem,
fut tout à fait abandonnée : loin de là , on construisit toujours, dans
tous les pays de la chrétienté, Allemagne ,
Autriche ,
Pays-Bas ,
Angleterre ,
Suède ,
Danemark ,
Espagne ,
Portugal ,
Italie
et aussi en France ,
surtout à partir des Croisades ,
des églises circulaires et polygonales, quelquefois accompagnées d'absides,
de nefs ou de porches,
et dont un curieux exemple, remontant pour la partie circulaire à la fin
du XIIe siècle et existant encore de nos
jours, est fourni par l'église du Temple, à Londres,
église dont le nom même rappelle les chevaliers templiers ,
ses fondateurs. Le plan de cet édifice (fig. 8) se compose de deux parties
bien distinctes communiquant l'une avec l'autre : la rotonde, de beaucoup
la plus ancienne, et un vaisseau ajouté postérieurement et du style ordinaire
des églises gothiques. Édifice de transition du style anglo-normand au
style ogival, la rotonde montre l'emploi simultané de l'arc
en plein cintre, d'arcatures formées
d'arcs entrelacés et de l'arc
ogival aussi est-elle une page curieuse de l'architecture religieuse
anglaise du Moyen âge.
-
Fig.
8. - Plan de l'église du Temple, à Londres (d'après Britton).
Mais, malgré le grand enthousiasme excité
dans les pays du Nord de l'Europe
par les grandes cathédrales de style
gothique et par leurs admirables sculptures
faisant si bien corps avec les lignes de leur architecture et en augmentant
l'effet monumental, l'Italie
et surtout la ville de Rome, siège de la papauté ,
n'avait jamais cessé, malgré les guerres continuelles qui désolèrent
ce pays pendant tout le Moyen âge ,
de conserver un certain culte des édifices antiques, et se mit à chercher,
aussi bien dans leurs ruines que dans les constructions byzantines de l'empire
grec ,
dans les salles des thermes romains comme à Sainte-Sophie de Constantinople
ou au Saint-Sépulcre de Jérusalem, la
solution du problème que présentait aux architectes chrétiens la nécessité
de réunir les fidèles autour ou tout au moins en vue d'un autel
principal dont la position serait accusée extérieurement par une masse
architecturale imposante. Aussi, pendant que, dans le Nord de l'Europe,
les maîtres d'oeuvres du XVIe siècle
s'efforçaient de décorer d'ordres classiques des églises dans la construction
desquelles entraient, comme dans l'église
Saint-Eustache de Paris, les éléments
de l'architecture ogivale ,
la coupole reprenait faveur dans l'Italie centrale et, après Buschetto
et la cathédrale de Pise au XIIe
siècle et Brunelleschi et Sainte-Marie-des-Fleurs
de Florence au commencement du XVe
siècle, Michel-Ange élevait, à Saint-Pierre
de Rome, au XVIe siècle, le dôme du Panthéon
d'Agrippa au-dessus du centre de la croix grecque
que Bramante avait donnée pour plan primitif
à cette basilique suprême du catholicisme .
-
L'église
Saint-Nicolas, à Prague (République Tchèque). Photo
: © Angel Latorre, 2008.
L'influence exercée dans le monde entier
par ce retour aux traditions classiques et par leur application aux églises
chrétiennes fut des plus considérables et dure encore. Toutes les grandes
villes métropolitaines voulurent posséder un ou plusieurs sanctuaires
dans lesquels des ordres antiques décorèrent des nefs et les bras d'un
transept dont la croisée fut surmontée
d'une coupole, et, entre autres exemples, Paris put s'enorgueillir, Ã
la fin du XVIIIe siècle, de la nouvelle
église Sainte-Geneviève ,
aujourd'hui le Panthéon .
Le plan de cet édifice (fig. 9) figure exactement une croix grecque précédée
d'un vaste portique et au centre de laquelle
s'élève, sur un tambour monumental, une triple coupole dont l'une, inférieure
et hémisphérique, tronquée à son sommet, laisse voir les peintures
décorant une seconde coupole ovoïde que recouvre une troisième coupole,
également ovoïde, portant la couverture.
-
Fig.
9. - Plan du Panthéon, à Paris.
Les
églises protestantes (temples protestants).
Laissant de côté, dans cette étude,
les édifices consacrés spécialement au rite grec, lesquels ont conservé
les traditions de l'empire byzantin
au milieu duquel ce rite a pris naissance et s'est développé, nous avons
bien peu de choses à dire des églises protestantes
au point de vue de leur forme architecturale. Partout, dans tous les pays
ou a dominé la Réforme et dans ceux où elle s'est partagé avec le catholicisme
la majorité des chrétiens, d'anciennes églises catholiques ont été
affectées à la religion nouvelle et, de nos jours, suivant les nationalités
et aussi la différence des confessions et des sectes protestantes, les
architectes s'inspirent, dans la construction des églises qui leur sont
destinées, de tel ou tel style d'architecture, se bornant le plus souvent
à supprimer les chapelles qui sont sans
destination dans le culte protestant, Ã modifier l'importance, la nature
et la place du mobilier fixe et surtout à donner à leurs oeuvres une
extrême sobriété dans la décoration extérieure et intérieure. Cependant,
une tentative qui mérite d'être signalée a été faite, au XIXe
siècle, en Suède
par un architecte de talent, Langlet, auteur de nombreuses églises protestantes,
afin de donner à ces églises une forme en rapport avec les nécessités
du protestantisme (V. fig. 10 le plan de l'église Saint-Paul, à Malmö).
Cet architecte cherchait, autant que possible, dans le plan des églises
qu'il élevait et à défaut d'une forme absolument circulaire, une forme
polygonale ou de croix grecque, aux angles coupés et aux bras très courts.
Cette forme, qui concentre bien l'auditoire auprès du pasteur et qui,
de plus, met ce dernier presque en vue de tous, rappelle assez bien l'unité
de l'église et l'égalité des fidèles.
-
Fig.
10. - Plan de l'église Saint-Paul, à Malmö (Suède).
En outre, il est facile, avec un tel plan,
de faire converger les différents pans de la couverture vers le cintre
au-dessus duquel une lanterne vitrée éclaire l'église par le
haut et supporte un petit campanile recevant
une cloche. Les angles de la croix grecque ou du polygone régulier sont
rachetés par les escaliers des tribunes
et de petites sacristies ou dépôts de
mobilier et de livres, pendant que le vestibule d'entrée, avec, au-dessus,
la tribune d'orgue, fait face à d'emplacement
dé l'autel et de la chaire. On ne saurait
nier qu'il y a eu là une tentative tout au moins digne d'attention et
essayant de faire revivre, à l'époque moderne, et dans les églises protestantes ,
les sentiments d'égalité et les formes d'architecture qui imprimaient
leur caractère aux édifices consacrés, à l'origine du christianisme,
à abriter les premières assemblées des fidèles.
Les catégories
d'églises.
Par rapport aux dispositions de leur plan,
les églises sont dites simples, si elles n'ont que la nef
et le choeur sans bas-côtés;
à bas-cotés et à doubles bas-côtés, suivant qu'elles
ont la nef principale accompagnée d'un ou de deux rangs de promenoirs
ou de galeries, souvent de deux étages de hauteur et avec ou sans chapelles
latérales; quelques églises même, appartenant à des ordres
mendiants, n'ont qu'un bas côté accolé à la nef principale ou encore
l'église est divisée en deux nefs presque égales. On dit encore que
l'église est en forme de croix grecque, de croix latine ou
de croix de Lorraine, suivant les dimensions égales ou différentes
des bras de la croix ou le double transept
formant une croix archiépiscopale appelée aussi croix de Lorraine. Enfin
une église est dite orientée, lorsque l'axe de la nef ou du diamètre
de sa partie circulaire passant par la porte principale et par le maître-autel,
suit la direction de l'occident à l'orient, direction parfois infléchie
vers la gauche, en souvenir, croit-on, de l'inclinaison de la tête du
Christ
sur la croix.
Si l'on considère maintenant les églises
non plus en tant que monuments, mais en tant que lieux dans lesquels les
fidèles se réunissent pour la célébration normale du culte catholique ,
les églises portent différents titres suivant leur destination. Le nom
appartient essentiellement à l'église cathédrale,
c.-à -d. affectée au siège de l'évêque. Cette église est aussi appelée
matrice, parce qu'elle est censée avoir produit toutes les autres
églises du diocèse, lesquelles sont dites ses filiales. Cependant, dans
un sens plus étendu, on donne le titre de matrices à toutes les églises
qui en ont d'autres sous leur dépendance; on le donne même à toutes
les églises baptismales, c.-à -d. à toutes les églises qui possèdent
des fonts baptismaux : dicitur matrix quia generat per baptismum.
Parmi les églises cathédrales, les espèces sont caractérisées par
les mots patriarchale (patriarcale), primatiale, archiépiscapale
ou métropolitaine, épiscopale. Viennent ensuite les églises collégiales,
desservies par un chapitre
ou collège de chanoines autres que ceux de la cathédrale.
-
Une
église du Tabasco (Mexique). © Serge
Jodra.
Les églises de paroisse desservies par
un curé s'appellent paroissiales. Les églises de communautés qui font
office de paroisses, sont dites conventuelles; celles qui sont le siège
d'un abbé ou d'un prieur, abbatiales ou priorales. Pour les lieux de culte
d'un ordre inférieur voyez la page Chapelle.
A ces divers titres correspondent des droits
sacerdotaux, des droits liturgiques, des droits lucratifs, des préséances
et des honneurs minutieusement énumérés par les canonistes. Il n'y a
plus en France
d'églises collégiales ni d'églises conventuelles proprement dites. A
ces anciennes distinctions la politique des papes a ajouté une hiérarchie
nouvelle, en attribuant à quelques églises le titre de basilique,
aujourd'hui fort prisé par le clergé ultramontain et comportant certains
insignes et certains privilèges. Dans les basiliques majeures, appelées
aussi patriarchales ou sacrosaintes, le maître-autel est dit autel
papal, parce que le pape seul peut y célébrer. Les basiliques mineures
possèdent préséance sur toutes les autres églises, à l'exception des
cathédrales. Elles se classent outre
elles selon l'ancienneté de la concession, sans tenir compte du qualificatif
perinsignis donné à quelques-unes. Le qualificatif insignis
est concédé à certaines collégiales. Les privilèges des basiliques
mineures, les seules qu'on trouve en France, résultent des deux décrets
de la Sacrée Congrégation des Rites du 29 mai 1817 et du 27 août 1836.
Le premier est la préséance, dont il vient d'être parlé et qui vaut
même en dehors du diocèse. Leur insigne le plus important est le pavillon,
immense parasol, dont l'armature est recouverte de bandes alternativement
rouges et jaunes. Ces couleurs, .qui sont celles du gouvernement pontifical,
attestent une sujétion plus immédiate au pape. Le pavillon est porté,
en tête de toutes les processions, par un employé de l'église, vêtu
d'une grande robe ou sac de toile blanche, lié à la taille par un cordon
blanc ou une lanière de cuir. Le second insigne est la clochette, appareil
d'une structure et d'une ornementation compliquées, qui dans les processions
précède toujours le pavillon. Elle est portée et tintée par un homme
vêtu comme le porteur du pavillon. Le pavillon et la clochette appartiennent
de droit à toutes les basiliques mineures. Le troisième insigne ne peut
être porté que là où il existe un chapitre. C'est la cappa canoniale,
qu'il faut distinguer de la cappa épiscopale. (Charles
Lucas / E.-H. V.).
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Wenzler, Eglises et cathédrales, Editions de Lodi, 2006. |
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