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Johannes Kepler
ou Keppler est un astronome né à Weil (Württemberg)
le 27 décembre 1571, mort à Ratisbonne
le 15 novembre (nouveau style) 1630. On connaît aujourd'hui d'une
façon à peu près certaine le lieu de sa naissance,
dont trois localités voisines, Weil, Leonberg et Magstatt, se sont
longtemps disputé l'honneur, mais que les travaux d'érudits
allemands à la fin du XIXe siècle
ont placé presque incontestablement à Weil. On sait aussi
qu'il fut l'aîné de trois garçons et d'une fille et
qu'il vint au monde avant terme (septemmestris sum, écrit-il
dans une de ses lettres), circonstance à laquelle il dut une constitution
chétive et une vue faible, peu appropriée aux observations
astronomiques. Il est enfin hors de doute qu'il eut une enfance peu heureuse
et très négligée entre une mère de caractère
violent et d'éducation grossière, Katharina Guldenmann, laquelle
lui préférait ses jeunes frères, et un père
d'humeur vagabonde, Heinrich Kepler, qui, fils d'un bourgmestre de Weil
et successivement soldat (1572-75), puis aubergiste (1579-83), abandonna
finalement femme et enfants pour s'enrôler de nouveau et ne plus
reparaître. Mais il est faux qu'il ait alors été recueilli
et ensuite guidé dans ses études, comme l'ont longtemps raconté
la plupart de ses biographes, par le pasteur J. Bender, son beau-frère
: il n'avait qu'une soeur, Marghareta, née en 1584, et elle se maria
seulement en 1608. En réalité, il fut mis à six ans
à l'école de Leonberg, en fut retiré à huit
ans, aida ses parents de 1580 à 1582 dans leur auberge et aux champs,
puis retourna à l'école et fut admis gratuitement, en 1584,
au séminaire d'Adelberg, d'où il passa en 1586 à celui
de Maulbronn.
Reçu bachelier en 1588, Johannes Kepler alla, l'année suivante, étudier la théologie à Tubingen et y prit en 1591 le degré de maître ès arts. Mais éloigné de la carrière pastorale par ses opinions indépendantes, il se mit à fréquenter les cours de mathématiques de Maestlin, qui l'initia aux sciences de la nature et qui lui inculqua les doctrines de Copernic. En 1594, il fut nommé professeur de mathématiques à Graz, en Styrie. Il était en même temps chargé de la rédaction de l'almanach et il publia en 1595 un premier calendrier d'après la réforme grégorienne. Bientôt chassé de Styrie, ainsi que tous ses collègues de religion protestante, il accepta l'offre de Tycho Brahe, qui, intéressé par la lecture de son Prodromus, paru en 1596, lui avait proposé à plusieurs reprises de l'associer, avec de bons appointements, à la confection de ses Tables rudolphines, et, en 1600, ayant hâtivement vendu les biens de sa femme, il se rendit auprès de lui, à Prague. L'accord ne régna pas longtemps entre les deux illustres astronomes. Tycho Brahe était hautain et arrogant, quoique bienveillant au fond, Kepler irascible et surtout aigri. De plus, il fallait que la femme du second tirât au premier les florins un à un. La mort de Tycho Brahe, survenue en 1601, prévint une rupture complète et Johannes Kepler lui succéda comme astronome de l'empereur Rodolphe II. Johannes Kepler conserva la même
fonction, d'abord auprès de l'empereur Mathias (1612-19), qui le
nomma en outre mathématicien de la Haute-Autriche, avec résidence
à Linz, et qui l'emmena en 1613 à
la diète de Ratisbonne pour y défendre le calendrier grégorien,
puis auprès de Ferdinand II, qui remplaça Mathias, en
1619, sur le trône impérial. Mais les trois souverains le
payèrent plus mal encore que Tycho Brahe
et, en 1628, le duc de Wallenstein s'étant engagé à
prendre à sa charge, s'il entrait à son service, les 12 000
florins qui lui étaient dus, il quitta Linz, où il était
d'ailleurs en butte aux persécutions des jésuites,
et il vint résider à Sagan, en Silésie.
Lorsqu'il fut installé, le duc de Wallenstein lui proposa, au lieu
de la somme promise, une place de professeur à Rostock.
Il refusa et, à bout de ressources et de patience, à peu
près réduit qu'il était, depuis un quart de siècle,
en dépit de ses hautes situations officielles, à vivre du
produit de petits almanachs composés pour des libraires ou d'copes
tirés à des gens de cour, il résolut d'aller présenter
lui-même ses doléances à la diète de Ratisbonne.
Épuisé par la fatigue et la misère, il fut pris de
fièvre en arrivant et mourut six jours après (1630).
Johannes Kepler (1571-1630). D'autres chagrins que les embarras pécuniaires et que les persécutions religieuses avaient torturé son existence. En 1597, il s'était marié avec une jeune veuve de famille noble, Barbara Müller von Mühleck, qui, fière et acrimonieuse, avait exigé que lui-même produisît, coûte que coûte, des parchemins, et qui lui donna cinq enfants, mais non le bonheur. Elle devint folle et elle mourut en 1611, suivie de près dans la tombe par trois des enfants. D'une seconde femme, Susanna Reutlinger, épousée à Linz en 1613, il en eut sept autres, qui vécurent peu. Il eut enfin la douleur de voir jeter en prison, comme sorcière, sa mère, Katharina Guldenmann, qui s'était fait à Leonberg de nombreux ennemis. Oubliant combien elle avait été dure pour lui, il accourut de Linz, en 1620, pour la défendre, mais il ne réussit qu'à lui éviter la torture et elle mourut dans un cachot en 1622. Quant à ses deux frères, Christoph et Heinrich, l'un ouvrier fondeur et l'autre soldat, ils s'étaient complètement désintéressés du procès leur mère. La seule consolation qui restât, parmi tant d'amertumes, à Johannes Kepler, fut de conserver quelques amis dévoués, entre autres Maestlin, son ancien maître, et surtout Bernegger, professeur d'histoire à l'université de Strasbourg, auprès duquel il avait l'intention d'aller s'établir s'il réussissait dans sa suprême démarche et qui reporta sur ses deux enfants, Ludwig et Susanna, mariée en 1630 au professeur de mathématiques J. Bartsch, l'affection profonde qu'il avait pour le père. Leur correspondance a été publiée, et elle est des plus intéressantes pour l'appréciation de l'oeuvre de Kepler aussi bien que pour la reconstitution de sa vie. L'auteur des trois lois (Lois de Kepler) qui résument si admirablement l'harmonie des mondes occupe, dans l'histoire des sciences, une place tout exceptionnelle. Avide de vérité et doué d'un riche génie, il avait résolu, dès ses premières recherches, de déchiffrer l'énigme de la nature. Avec une sagacité merveilleuse, avec une opiniâtre persévérance et, en même temps, avec une modestie qui n'avait d'égale que sa sincérité, il fit, défit et refit sans relâche hypothèses et démonstrations, jusqu'à ce qu'il eût atteint la perfection, ne se laissant en aucune occasion aveugler par l'orgueil et n'hésitant jamais à sacrifier l'idée de la veille, quelque peine qu'elle lui eût coûtée. La genèse de ses prodigieuses découvertes, bases de l'astronomie moderne, offre à cet égard un exemple édifiant de bonne foi et de désintéressement. Aujourd'hui, la lecture des ouvrages de
Kepler est particulièrement difficile. Moins par leur caractère
technique, au demeurant bien réel, qu'à cause de la perspective
dans laquelle Kepler place ses travaux. Il est sans doute astronome, mais
il est avant tout astrologue.
Sa vision du monde et de ses agencements repose sur des bases très
différentes de celles des sciences qui utiliseront les résultats
auxquels il parvient. Et l'on commettrait un contresens important si, comme
on le faisait encore il y a un siècle, on se mettait à croire
cet assemblage hétéroclite de vérités et d'erreurs
que constituent ses écrits était le fruit d'une stratégie
délibérée de la part de Kepler. Celui-ci aurait pu
mieux se faire comprendre de ses contemporains. La vérité
est que Kepler croyait au même monde que beaucoup de ses contemporains,
un monde traversé d'influences occultes. Tant pis pour le "héros
immaculé de la science", tant mieux pour les historiens de sciences,
qui disposent ainsi d'une occasion de plus se délecter des formes
changeantes de la rationalité au fil du temps...
Le premier ouvrage astronomique de Johannes Kepler fut écrit à vingt-quatre ans et imprimé par les soins de Maestlin, sous le titre : Prodromus dissertationum cosmographicarum, continens mysterium cosmographicum de admirabili proportione caelestium orbium, etc. (Tubingen, 1596, in-8). L'auteur, partisan déclaré du système de Copernic, s'y propose d'établir qu'il existe une relation entre les distances des planètes au Soleil et les cinq polyèdres réguliers. Et voici comme il y parvient. A une sphère de rayon égal à celui de l'orbite de Mercure, il, circonscrit un octaèdre et à cet octaèdre une sphère. Elle se trouve avoir un rayon égal à celui de l'orbite de Vénus. A cette seconde sphère, il circonscrit un icosaèdre et à cet icosaèdre une troisième sphère. Elle a, à son tour, un rayon égal à celui de la Terre. Puis viennent un dodécaèdre pour Mars, un tétraèdre pour Jupiter et enfin un carré, auquel il circonscrit une sixième sphère, qui est justement de même rayon que celui de l'orbite de Saturne. Kepler a émis, dans le même
livre, plusieurs autres idées. Ainsi il raconte
qu'il a un instant supposé l'existence
de deux planètes invisibles, l'une entre Mercure et Vénus,
l'autre entre Mars et Jupiter (Les
Astéroïdes,
loi de Titius-Bode).
II fait aussi connaître qu'il a cherché, mais sans pouvoir
la découvrir, une loi mathématique
qui reliât la durée des révolutions
des planètes à la grandeur de leurs orbes. II se livre enfin
à d'intéressantes critiques sur le système de Copernic,
qu'il appuie, dans sa généralité, par de bonnes raisons,
mais dont il signale quelques erreurs de détail révélées
par ses calculs. Il envoya un exemplaire de son
Prodromus à Tycho Brahe, qui le complimenta
tout en lui conseillant de renoncer aux vaines spéculations
(non pas celles de l'astrologie,
mais plutôt celles de Copernic!) pour s'en tenir aux observations.
Le jeune astronome tint heureusement peu de compte de ce conseil (il avait,
d'ailleurs, nous l'avons dit, une très mauvaise vue) et, pas la
suite, il se servit même presque exclusivement pour ses travaux des
propres observations de Tycho.
Portrait gravé de Kepler. Les premières années de son séjour à Prague furent surtout consacrées aux Tables rudolphines. C'est néanmoins de cette époque que date la découverte de ses deux premières lois. Les circonstances qui ont précédé et entouré cet événement sont longuement relatées dans son Astronomia nova, seu physica coelestis tradita commentariis de motibus stellae Martis, etc. (Heidelberg, 1609, in-fol.). Mars avait tout de suite captivé son attention comme la planète la plus propre à lui révéler les secrets de l'astronomie. Il en possédait du reste de nombreuses observations recueillies par Tycho Brahe. Il s'attacha à bien déterminer ses positions successives (Le Repérage des astres), constata que, sauf erreurs d'observations inadmissibles (il existait des différences en longitude de 8 et 9 minutes), son orbite ne pouvait être circulaire et trouva tout d'abord, après de longs et pénibles détours, que « le rayon vecteur héliocentrique de la planète décrit autour du Soleil des aires proportionnelles aux unités du temps. ».C'était la loi des aires, qui est souvent désignée sous le nom de seconde loi de Kepler, bien qu'elle soit la première dans l'ordre chronologique, et que l'on énonce généralement ainsi : Seconde loi de Kepler - Chaque planète se meut autour du Soleil dans une orbite plane et le rayon vecteur mené du Soleil à la planète décrit des aires égales en des temps égaux.Quant à la forme exacte de l'orbite, il crut primitivement que c'était un ovale aplati dans le sens latéral au diamètre qui va de l'apogée au périgée, puis il acquit la conviction que c'était une ellipse, et il formula sa première loi, la seconde dans l'ordre chronologique, - la loi des ellipses : Première loi de Kepler - La courbe décrite par chaque planète est une ellipse dont le soleil occupe un des foyers.C'est dans cette même Astronomia nova, son ouvrage capital, que Kepler nous fait entrevoir sa conception de l'attraction entre les astres. Il y explique, en effet, à propos de la pesanteur et de l'attraction terrestre, que deux corps voisins et hors de la sphère d'attraction d'un troisième corps de même nature s'attireraient en raison directe de leurs masses et que, si la Lune et la Terre n'étaient pas retenues dans leurs orbites respectives par « quelque force vitale ou autre », elles se précipiteraient l'une sur l'autre. Joahnnes Kepler s'efforce, un peu plus loin, d'établir un rapprochement entre la pesanteur terrestre et la force d'attraction que le Soleil exerce sur les planètes. Mais il reste fidèle à sa cosmovision, et suppose une analogie entre l'attraction universelle et l'attraction magnétique (au sens où l'entendaient les astrologues depuis le Moyen âge). Il établit, par contre, en principe, que le mouvement d'un corps est naturellement rectiligne et ne dévie que sous l'influence d'une cause étrangère. Il attribue enfin les marées à l'attraction lunaire (mais toujours à la manière astrologique qui suppose des "fluides magnétiques", plus ou moins occultes) et il parle le premier de la rotation du soleil autour de son axe. Sa troisième loi, celle de la proportionnalité des carrés des révolutions aux cubes des distances, ne fut définitivement découverte que le 15 mai 1618, vingt-deux ans après qu'il s'était posé le problème dans son Prodromus dissertationum. Ainsi que pour les deux premières, il a conté lui-même ses laborieuses recherches, ses nombreux déboires et son enthousiasme final. Le livre, imprégné, comme toujours, de considérations ésotériques, est intitulé Harmonices mundi libri V (Linz, 1619, in-fol.). La loi des révolutions y est nettement définie : « Proportio quae est inter binorum quorumcumque planetarum tempora periodica est praecise sesquialtera proportionis mediarum distantiarum; id est orbium coelestium. »On l'énonce communément en ces termes : Troisième loi de Kepler - Les carrés des révolutions des planètes autour du Soleil sont entre eux comme les cubes de leurs moyennes distances à cet astre.Les autres travaux de Kepler ont trait notamment à l'optique, à la pesanteur de l'air, aux éclipses, aux comètes. Son premier ouvrage sur la lumière a pour titre : Ad Vitellionem paralipoimena, quibus astronomiae; pars optica traditur, etc. (Francfort, 1604, in-4). Il contient une très bonne table des réfractions astronomiques, une théorie toute neuve de la vision, une théorie de l'irradiation. Johannes Kepler y affirme en outre, le premier, la pesanteur de l'air. Dans son Dioptrice (Augsbourg, 1611, in-4), il propose, le premier également, de composer des lunettes au moyen de l'accouplement de deux lentilles convexes et il créa ainsi la lunette astronomique. Une mention spéciale est due aussi
à son Epitome astronomiae copernicanae (Linz, 1618-22, 2
vol. in-4). Il y attribue les taches
du Soleil à des nuages
qui s'élèvent de son sein et il donne à cet astre
une photosphère,
qui, durant ses éclipses totales, forme le cercle lumineux qui borde
la Lune. Quant à son traité sur les comètes
: De Cometis libelli tres (Augsbourg,
1619, in-4). Il y fait mouvoir ces astres en ligne directe et qu'il attribue
leur queue à des parcelles de leur noyau entraînées
par les rayons du soleil. Il proclame aussi la possibilité de la
séparation d'une comète en deux fragments suivant désormais
des routes différentes. Un tel phénomène
sera effectivement observé par la suite.
« On y trouve, dit Chasles, la notion analytique unissant la théorie des polygones étoilés, qui du reste y est traitée à fond, à celle des polygones des anciens. »Kepler fut enterré dans le cimetière protestant de Saint-Pierre, à Ratisbonne, non loin de l'emplacement actuel de la gare centrale. Il ne reste aucun vestige de son tombeau et l'on ignore si l'épitaphe qu'il s'était lui-même composée y était gravée : Mensus eram caelos, nunc terrae metior umbras;En 1808, un monument en marbre lui a été élevé par les soins du prince Charles de Dalberg dans le jardin botanique de Ratisbonne. Depuis 1870, sa statue en bronze, due à Kreling, se dresse sur une place de Weil, Son portrait original, que son ami Bernegger avait donné à la bibliothèque de Strasbourg, y a été brûlé pendant le bombardement de 1870. (L. Sagnet).
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