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L'histoire de Cuba
Avant la colonisation européenne, Cuba était habitée par plusieurs peuples autochtones, principalement les Taïnos, un groupe amérindien apparenté aux Arawaks des Grandes Antilles. Les Taïnos vivaient principalement de l'agriculture, cultivant des aliments tels que le manioc, le maïs, les haricots, les patates douces et le tabac. Ils étaient également habiles dans la poterie et avaient une organisation sociale basée sur des chefs héréditaires appelés caciques.

C'est Ă  son premier voyage, en 1492, que Christophe Colomb aborda, pour la première fois, Ă  l'Ă®le de Cuba, qui, Ă  partir du dĂ©but du XVIe siècle devint une colonie espagnole pour près de quatre siècles.  L'extermination de la population indigène nĂ©cessita l'emploi d'esclaves venus d'Afrique, et, jusqu'en 1860, plus de 3 millions furent ainsi importĂ©s dans l'Ă®le. Ils Ă©taient employĂ©s dans les plantations de cafĂ© et de Sucre. La Havane, capitale de Cuba, devint  aussi le point de passage des flottes qui emportaient en Espagne les richesses amassĂ©es au Mexique et au PĂ©rou, ce qui fit naĂ®tre les convoitise des pirates et des corsaires. En 1660 et en 1762 les Anglais la prirent et la ravagèrent; mais elle fut rendue en 1763 aux Espagnols, qui imposaient un rĂ©gime très dur aux populations suscitèrent ainsi plusieurs rĂ©voltes.

Sous la pression de l'opinion publique et contrainte par l'union des Créoles espagnols et des Noirs contre les Blancs étrangers, l'Espagne fut forcée de faire aux habitants de l'île des concessions importantes. En 1817, elle ouvrit le port de La Havane au commerce étranger, et abolit, du moins officiellement, l'esclavage en 1847, puis accorda quelques avantages médiocres aux travailleurs, en 1856. Mais la situation n'était pas sensiblement modifiée, et les habitants de l'île se soulevèrent en 1868. La lutte atteint son paroxysme en 1973, et dura au total dix ans. Après une apparence d'accalmie, elle reprit en 1895 et, grâce à l'intervention des États-Unis, qui avaient depuis longtemps des visées annexionnistes sur l'île, Cuba se libéra du joug espagnol en 1898. Elle resta administrée par les États-Unis jusqu'en 1902, et subit encore une forme de tutelle américaine, pour sa politique étrangère jusqu'en 1934.

Au cours du XXe siècle plusieurs dictatures se sont succédées dans le pays. Celle de Machado y Morales, en 1925, puis celle de Fulgencio Batista, homme fort du pays depuis 1933, mais qui ne prend officiellement la tête du pays qu'en 1940 (et de nouveau en 1952) se signaleront par leur caractère répressif et le système de corruption qu'elles auront signifié. En 1959, la Révolution cubaine entraîne la chute de Batista. Fidel Castro, leader du soulèvement, prend le pouvoir et engage le pays dans une alliance avec l'Union soviétique, tout en mettant en place à Cuba une économie de type marxiste. L'effondrement de l'URSS en 1990, principal soutien économique du pays, par ailleurs soumis à un boycott commercial par les États-Unis depuis 1961, ont plongé Cuba dans une récession sans précédent, mais sans menacer apparemment le pouvoir autoritaire du régime castriste, toujours en place en ce début de XXIesiècle.

Dates-clĂ©s  :
1492 - DĂ©couverte de Cuba par Colomb.

1511 - DĂ©but de la colonisation espagnole.

1868-78 - Première guerre d'indépendance.

1898 - Indépendance de l'Espagne; Administration des États-Unis.

1902 - Retrait américain.

1952 - Dictature de Batista.

1959 - Révolution cubaine; début du régime castriste.

2006 - Castro se retire au bénéfice de son frère.

2016 - Mort de Fidel Castro (25 novembre).

Les Espagnols Ă  Cuba

L'Ă®le de Cuba fut dĂ©couverte le 28 octobre 1492 par Christophe Colomb qui lui donna le nom de Juana; plus tard Velasquez l'appela Ferdinanda, mais le nom de Cuba que lui donnaient les indigènes a prĂ©valu. Colomb l'explora plus complètement dans son second voyage, mais conserva toujours l'illusion que c'Ă©tait l'extrĂ©mitĂ© Est de l'Asie; mĂŞme son voyage de 1502 ne la dissipa pas. La vraie nature de l'Ă®le, que l'on dĂ©laissait pour HaĂŻti, ne fut connue qu'en 1508 par SebastiĂ n Ocampo, lequel fut ChargĂ© par le gouverneur Nicolas Ovando d'une exploration et fit la circumnavigation de Cuba. On dĂ©cida alors de la coloniser et en 1511 partit Ă  cet effet de HaĂŻti ou Hispaniola une expĂ©dition commandĂ©e par Diego Velasquez. Il aborda Ă  Santiago avec trois cents hommes montĂ©s sur quatre navires; après une courte rĂ©sistance opposĂ©e par le cacique Hatoney qu'il fit brĂ»ler vif, Velasquez s'empara de Cuba. 

La colonisation.
A cette époque, l'île était habitée par une population (probablement de Caraïbes) qui atteignait vraisemblablement plus de 200000 habitants. Moins de cinquante ans après, il n'en resterait pas 30 000. Un grand nombre d'entre eux s'étant soustraits par le suicide à la cruauté et aux exigences des conquérants. Mais déjà au temps de Velasquez, son chapelain, le fameux Las Casas qui défendait les indigènes, défendit l'idée de faire venir sur l'île une autre main d'oeuvre : celle que pourrait constituer les esclaves Noirs arrachés à l'Afrique. Sous le gouvernement de Velasquez (mort le 1er décembre 1524) la colonie prospéra. Il y fonda les plus anciennes villes de l'île : en 1512, Nuestra Señora de la Ascencion qui devint Baracoa, puis Bayamo, Trinidad Santo Espiritu, Puerto Principe, Santiago de Cuba, enfin San Cristobal; le lieu du massacre de trente Espagnols reçut le nom de Matanzas; bientôt, elle servit de point de départ pour la conquête du Mexique par Cortez (1519).

Après cette conquĂŞte et l'exploration de la Floride, le port du Nord-Ouest, San Cristobal, qui devint La Havane, se dĂ©veloppa beaucoup. DĂ©truit par les corsaires français en 1538, il fut reconstruit par le gouverneur Hernando de Soto; ce dernier opprima terriblement les Indiens dont il fut l'exterminateur. Au dĂ©but du XVIIesiècle, ils Ă©taient  encore au nombre de 6000. En 1560, ils avaient disparu. La situation plus favorable de La Havane notamment pour rĂ©sister aux attaques des corsaires, dĂ©cida les Espagnols Ă  y transporter le centre de leur domination dans l'Ă®le qu'ils avaient d'abord Ă©tabli Ă  Santiago. L'admirable situation de la nouvelle capitale sauva Cuba du sort des autres Antilles dĂ©laissĂ©es par les Espagnols et relevĂ©es seulement Ă  la fin du XVIIe siècle quand les Français puis les Anglais s'y installèrent. 

La Havane fut fortifiée en 1584 et devint en 1633 le siège d'un gouvernement séparé. Pendant tout le courant du XVIIe siècle, Cuba eut à souffrir des incursions et pillages des flibustiers. En 1604, le capitaine Gilbert Giran, à la tête d'une bande de deux cents hommes, la saccagea; en 1522, des Anglais occupèrent le fort Morro de Santiago; en 1679, les Français dirigés par Franquesnoi assaillirent la région orientale; en 1638, Puerto del Principe avait été pillé par Morgan. Seule La Havane repoussait les attaques; en 1542, elle avait été brûlée; mais en 1544le Français Boas; en 1585, l'Anglais Drake; en 1622, 1623 et 1638, les Anglais y échouèrent.

Le temps des plantations.
Au XVIIIe siècle commença le développement des plantations; à l'élevage du bétail on joignit la culture du tabac ; le gouvernement s'en étant réservé le monopole, en 1717 plusieurs insurrections éclatèrent qui furent comprimées. Une immense contrebande se développa surtout avec la Jamaïque et le monopole fut affermé à des marchands de Cadix. A la fin de la guerre de Sept Ans, les Anglais qui venaient de conquérir la Martinique dirigèrent une grande expédition contre Cuba; en 1762, quarante-quatre navires apportèrent devant La Havane 15 000 hommes de troupes de débarquement commandés par l'amiral Pococke et Albemarle. Le gouverneur, Juan de Prado de Porto Carrero, se défendit un mois, puis capitula le 13 août 1762. Les Anglais, maîtres de la moitié occidentale de Cuba, y proclamèrent la liberté du commerce. Dès l'année suivante ils l'évacuèrent, ayant obtenu la Floride en échange. Les Espagnols se virent obligés, en 1765, d'accorder à Cuba la liberté du commerce avec l'Espagne. Ce fut le point de départ de la fortune de la colonie et de sa capitale, La Havane.

Les plantations prirent un grand essor et La Havane devint le grand marchĂ© d'esclaves de l'AmĂ©rique espagnole Ă  partir de 1773. En 1777, Cuba forma une capitainerie gĂ©nĂ©rale particulière. Après la guerre de l'indĂ©pendance amĂ©ricaine, on concĂ©da Ă  La Havane et Santiago le droit de trafiquer avec l'Ă©tranger; en 1790, le commerce des esclaves fut dĂ©clarĂ© libre. Cuba profita Ă©galement d'une manière indirecte de la RĂ©volution française. Un grand nombre de planteurs français de Saint-Domingue s'y transportèrent et la firent profiter de leur expĂ©rience, mĂŞme de leurs capitaux; la culture du cafĂ© fut introduite alors. 

Plantation de tabac.
Une plantation de tabac près de La Havane.
Le XIXe siècle

L'audience espagnole (tribunal suprĂŞme) des Antilles fut transfĂ©rĂ©e de San Domingo Ă  Puerto Principe (1797). Les rĂ©voltes d'esclaves furent comprimĂ©es; en 1812, eut lieu celle dirigĂ©e par Aponte; plus tard, en 1844, une autre Ă©clata Ă  Matanzas, une troisième Ă©clata en 1848, lorsque la RĂ©publique française eut affranchi les esclaves des Antilles françaises. La domination espagnole n'Ă©tait pas seulement menacĂ©e par les Noirs. Les CrĂ©oles Ă  Cuba comme dans les autres colonies espagnoles rĂŞvaient l'autonomie. Toutefois de bons gouverneurs comme le marquis de La Torre (1771-1777) et le gĂ©nĂ©ral Las Casas (1790-1796) prĂ©venaient le mĂ©contentement; en 1816, le monopole du tabac fut abandonnĂ©; en 1818, la libertĂ© du commerce concĂ©dĂ©e aux Cubains. 

L'île avait des députés aux Cortès de 1812 à 1820. Aussi cette colonie demeura-t-elle fidèle; en 1823, 1826, des conspirations échouèrent; de même en 1828 celle dirigée par la société de l'Aigle noire. La situation se compliqua lors de la révolution libérale de 1836; le général Tacon qui la gouvernait fut hostile aux libéraux et réussit à empêcher l'admission de députés cubains au parlement espagnol; on promit à l'île une constitution spéciale. La promesse ne fut pas tenue et les Créoles devinrent de plus en plus mécontents. Les difficultés créées par cet antagonisme très marqué sous le gouvernement oppressif d'O'Donnell (1844) s'aggravaient de difficultés internationales. L'Angleterre, qui avait résolu d'abolir la traite des esclaves tenait à ce que les colonies espagnoles ne fissent pas exception, le maintien de l'esclavage et du recrutement des esclaves africains leur donnant un grand avantage dans la concurrence.

Les visées annexionistes des États-Unis.
Un traité conclu en 1847 entre l'Angleterre et l'Espagne fixa au 3 mai 1820 l'abolition de la traite; l'Espagne recevait une indemnité de 10 millions de francs. L'Angleterre versa l'argent, le gouvernement espagnol défendit la traite, mais favorisa la contrebande. Les protestations multipliées de l'Angleterre, qui profitait de ces incidents pour intervenir dans les affaires cubaines, donnèrent l'éveil aux États-Unis. Ceux-ci convoitèrent également la « perle des Antilles ». En 1825, ils refusèrent la demande des Espagnols qui leur offraient des avantages commerciaux si la république voulait leur garantir la possession de Cuba. Ils se montraient plutôt disposés à s'entendre avec les Créoles. Ces velléités étaient très marquées chez les Etats esclavagistes de l'Union américaine (États-Unis); au contraire ceux du Nord étaient peu favorables. Au milieu du siècle quand dominaient les démocrates, on put croire imminente l'annexion de Cuba à la grande République.

En 1845, on proposa au Sénat de Washington l'achat de l'île; en 1846, il se forma une compagnie américaine qui voulut réunir un milliard (200 millions de dollars) pour
acheter Cuba Ă  l'Espagne; un corps franc de quinze cents hommes rĂ©uni Ă  Bound Island sous les ordres du colonel White allait partir pour Cuba quand le gouvernement amĂ©ricain s'y opposa au nom du droit des gens. Il se formait Ă  New-York une Junta promovedera de los intereses politicos de Cuba qui pouvait compter sur les sympathies de la presse amĂ©ricaine. A la tĂŞte Ă©tait le gĂ©nĂ©ral Narciso Lopez, VĂ©nĂ©zuĂ©lien qui avait combattu Bolivar, puis les carlistes, Ă©tĂ© nommĂ© gouverneur de Trinidad, grâce Ă  Espartero; destituĂ©, il complota Ă  Cuba et fut obligĂ© de se rĂ©fugier aux États-Unis (1847). 

Lopez Ă©tait un autonomiste plutĂ´t qu'un annexionniste. En 1850, il tenta une expĂ©dition; dĂ©barquĂ© Ă  Cardenas avec six cents hommes le 19 mai, il fut obligĂ© de s'enfuir; traduit en justice  en GĂ©orgie, puis Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans et deux fois acquittĂ©, il revint avec l'AmĂ©ricain Crittenden et le Hongrois Tragay; dĂ©barquĂ© près de Bahia Honda, le 11 aoĂ»t, il fut Ă©crasĂ© par des forces dĂ©cuples, pris et exĂ©cutĂ© Ă  La Havane, le 31 aoĂ»t  le colonel Crittenden avait Ă©galement Ă©tĂ© fusillĂ© ainsi que les chefs locaux Aguero et Armentero; deux cents Cubains furent exilĂ©s par ordre du gouverneur, le gĂ©nĂ©ral Concha. MalgrĂ© ces succès, les Espagnols inquiets demandèrent aux États-Unis, Ă  la France et Ă  l'Angleterre, de leur garantir la possession de Cuba (1852); nouveau refus. Le capitaine gĂ©nĂ©ral Penezuela inaugura alors une politique nouvelle et chercha Ă  s'appuyer sur les Noirs qu'il favorisa, dĂ©crĂ©tant le 1er janvier 1854 une Ă©mancipation partielle. On l'accusa d'africaniser le pays, et le mĂ©contentement gagna les classes riches qui devinrent favorables Ă  l'annexion aux États-Unis. L'Ă©nergique Concha fut chargĂ© en 1854 de comprimer le mouvement : il arrĂŞta les chefs dans les villes, crĂ©a des bataillons noirs, dĂ©porta une centaine de Cubains, intimida les AmĂ©ricains; ceux-ci, d'abord exaspĂ©rĂ©s par la saisie de leur navire Black Warrior (pour contrebande), et l'incarcĂ©ration de leurs nationaux, se laissèrent arrĂŞter par l'habiletĂ© diplomatique et l'Ă©nergie de Concha, lequel fut rĂ©compensĂ© de ses services par le titre de marquis de La Havane. Cependant, le prĂ©sident Buchanan Ă©tait Ă©lu aux États-Unis; il avait jadis signĂ© Ă  Ostende (octobre 1854) la dĂ©claration des dĂ©lĂ©guĂ©s amĂ©ricains SoulĂ© et Mahon, d'après laquelle le versement Ă  l'Espagne d'une indemnitĂ© de 200 millions de dollars donnerait aux États-Unis le droit d'occuper Cuba. Cependant Buchanan ne fit rien; Concha, un moment remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Lersundi (1857), revint Ă  son poste en 1858. Le projet d'annexion aux États-Unis Ă©tait abandonnĂ©.

¡Libertad!
Dans la pĂ©riode suivante, le mĂ©contentement des Cubains a persistĂ©; ils se plaignaient des abus administratifs, de l'arbitraire et de la vĂ©nalitĂ© des fonctionnaires envoyĂ©s du continent, du poids des impĂ´ts et du rĂ©gime Ă©conomique imposĂ© uniquement au profit de la mĂ©tropole, la dĂ®me qui Ă©crasait l'agriculture, l'alcabala, impĂ´t de 6% (majorĂ© fortement ensuite), sur les transactions immobilières et les ventes d'esclaves, les droits imposĂ©s Ă  l'exportation; ils rĂ©clamaient les libertĂ©s civiles et politiques accordĂ©es Ă  la plupart des peuples europĂ©ens (libertĂ© de la presse, pĂ©tition, accès aux emplois publics, libertĂ© commerciale, reprĂ©sentation aux Cortès espagnols, junte provinciale, etc.); de plus, l'abolition de l'esclavage, rĂ©clamĂ©e surtout par les Noirs, l'Ă©tait aussi par les CrĂ©oles qui proposaient des mesures graduelles très pratiques. 

En 1866, une commission convoquée par la reine Isabelle II présenta ces réclamations. Le gouvernement de Madrid n'en tint aucun compte; en 1868, les impôts directs furent élevés à 10%; les réformistes furent persécutés. Aussi, une insurrection éclata à Cuba. Cespedes et Aguilera en donnèrent le signal à Yara, près de Bayamo, et le marquis de Santa Lucia, à Puerto Principe, s'y rallia (octobre 1868). Les insurgés faisaient une guerre de partisans; maîtres de la partie orientale de l'île, après la prise de Bayamo, ils appelaient les esclaves à la liberté, promettant une indemnité aux possesseurs d'esclaves. Les Espagnols agirent avec une énergie sauvage; le général Dulce confisqua les biens des insurgés; on décida de passer par les armes quiconque serait rencontré hors de son habitation. Le général espagnol Balmaceda fut battu près de Nuevitas (25 novembre), le colonel Alvear en décembre, mais Bayamo fut repris. Le gouvernement républicain, formé par le marquis de Santa Lucia, Cisneros Betancourt, et les deux Agramonte, opérait à part du capitaine général insurrectionnel Cespedes, mais d'accord avec lui.

Les insurgĂ©s Ă©taient infĂ©rieurs en forces, mais ils tenaient toute la campagne, bloquant leurs ennemis dans les villes, les dĂ©cimant par une guerre d'escarmouches, tandis que la fièvre jaune les ravageait. Les opĂ©rations Ă©taient conduites surtout par Quesada; il obtint de tels succès qu'en fĂ©vrier 1869 le gouverneur espagnol Dulce offrit une amnistie et des concessions sur les principaux griefs (les libĂ©raux Ă©tant maĂ®tres de l'Espagne); on refusa, les Cubains voulaient l'indĂ©pendance. Le district des Cinco Villas s'insurgea et son chef militaire, le Polonais Kulov, battit constamment les Espagnols; le gouvernement rĂ©publicain du district central abolit l'esclavage. Le 10 avril 1869 fut rĂ©unie une convention nationale des dĂ©putĂ©s du centre et de l'est de Cuba Ă  Guaimaro; elle vota une constitution, partagea la rĂ©publique en quatre Etats, nomma Cespedes prĂ©sident et Manuel Quesada gĂ©nĂ©ral en chef. Des secours arrivèrent des États-Unis. Jordan, successeur de Quesada, battit les Espagnols Ă  Guaimaro le 1er janvier 1870. Les renforts envoyĂ©s d'Espagne Ă©taient victimes de la fièvre jaune; les lĂ©gions de volontaires formĂ©es pour renforcer l'armĂ©e de ligne Ă©taient absolument indisciplinĂ©es, emprisonnant et expulsant le gouverneur Dulce (juin 1870). On s'explique ainsi que des forces Ă©valuĂ©es Ă  110 000 hommes (40 000 de ligne et 70 000 volontaires) n'aient pu venir Ă  bout de 25 000 insurgĂ©s. 

Les gouverneurs Caballero de Rodas (1870), Balmaceda (dĂ©cembre 1870), malgrĂ© leur terrorisme; Ceballos (1872), Pieltain (1873) demeurèrent impuissants; ce dernier proposa la paix Ă  Cespedes, qui la refusa, les indĂ©pendants de Cuba ne voulant pas rester sujets espagnols, quelles que fussent les conditions. En novembre 1873, le gĂ©nĂ©ral Jovellar fut nommĂ© gouverneur et en dĂ©cembre Cisneros succĂ©da Ă  Cespedes comme prĂ©sident. Il fut pris et fusillĂ© en fĂ©vrier 1874. L'aspect des choses changea. Jovellar Ă©tait un homme Ă©nergique et capable; l'ouest de l'Ă®le restait fidèle; il dĂ©clara Cuba en Ă©tat de siège, incorpora dans la milice tous les hommes valides et en employa le dixième contre les insurgĂ©s. L'opposition provoquĂ©e par ses mesures le fit rappeler et on le remplaça par JosĂ© de la Concha qui connaissait l'Ă®le et Ă©tait aimĂ© des planteurs. Celui-ci battit les insurgĂ©s Ă  Yarayaba (septembre 1874). Mais la guerre carliste paralysait l'Espagne; elle avait dĂ©pensĂ©, de 1869 Ă  1874, 300 millions; sur les 80000 soldats envoyĂ©s Ă  Cuba d'octobre 1868Ă  1874, il n'en restait que 12000. Cependant, l'insurrection Ă©tait impuissante Ă  conquĂ©rir la rĂ©gion occidentale de l'Ă®le, la plus riche et la plus peuplĂ©e. 

Les États-Unis avaient, Ă  plusieurs reprises, proposĂ© leurs bons offices, prudemment dĂ©clinĂ©s par l'Espagne; d'ailleurs la majoritĂ© des AmĂ©ricains se souciaient peu de s'adjoindre un million de catholiques espagnols et un demi-million de Noirs. Aussi le conflit que l'on redoutait, après la saisie du Virginius et l'exĂ©cution sommaire de cinquante marins amĂ©ricains pour contrebande de guerre (31 octobre 1873), fut-il Ă©cartĂ© par la convention de Washington. Quand l'insurrection carliste fut domptĂ©e, on expĂ©dia Ă  Cuba des forces suffisantes. Jovellar les amena en mars 1876, abolit l'impĂ´t de 10% sur le revenu ; les guĂ©rillas insurgĂ©es furent dĂ©sarmĂ©es successivement. On promit, en 1877, des concessions de terres aux soldats, aux colons fidèles et aux insurgĂ©s soumis. En 1878, le gĂ©nĂ©ral Martinez Campos acheva la soumission des Cubains par le pacte de Camaguey ; il leur promit l'amnistie, l'abolition de l'esclavage, des monopoles, des taxes d'exportation. 

Les Cortès d'Espagne ne ratifièrent pas toutes ces concessions en 1879. Toutefois, l'abolition de l'esclavage fut dĂ©cidĂ©e en 1880, sauf un stage de sept ans pour les affranchis et, en 1886, elle fut consommĂ©e. On donna aux Noirs, qui avaient un engagement de travail pour quatre ans, les droits civils et politiques. Le 13 avril 1884, la constitution espagnole fut introduite dans l'Ă®le. Enfin, les griefs Ă©conomiques reçurent  satisfaction Ă  la suite des grandes concessions faites par l'Espagne aux États-Unis en 1890. Mais, par un incroyable aveuglement, l'Espagne continua Ă  vouloir tirer de sa colonie les revenus les plus exorbitants et Ă  imposer aux habitants des sacrifices excessifs. Renoncer Ă  Cuba, c'Ă©tait la ruine pour l'Espagne, tant ses finances dĂ©pendaient des richesses agricoles de la colonie et de leur exploitation.  Elle avait voulu fermer l'accès de ses possessions sans compenser cette interdiction, dont souffrait cruellement la colonie, en lui assurant une part dans les bĂ©nĂ©fices et dans les entreprises. En somme, elle avait accaparĂ© toutes les bonnes affaires de l'Ă®le et tirait une fortune de sa colonie.

La guerre qui éclata en 1895 , à l'initiative de José Marti idéologue de l'indépendance, mais qui sera tué lors des premiers combats, était donc, pour les uns comme pour les autres, une question de vie et de mort. Grâce à l'intervention des Américains, elle fut néfaste aux Espagnols, qui usèrent dans une lutte que le climat rendait inégale trois armées et trois généraux : Martinez Campos, Weyler et Blanco. Les insurgés, conduits par les chefs Maxime Gomez et Maceo, soutenus par les subsides étrangers, résistèrent jusqu'au moment où l'Amérique se jeta résolument dans la lutte. Les deux flottes espagnoles furent détruites, les Philippines envahies, Manille bombardé, et Cuba tout entière tomba au pouvoir des Américains.

L'Espagne dut signer une paix onĂ©reuse. Grâce aux bons offices de la France, les prĂ©liminaires furent Ă©changĂ©s le 12 aoĂ»t 1898. L'Espagne renonçait Ă  tous ses droits sur l'Ă®le de Cuba, sans que le sort de l'Ă®le fĂ»t dĂ©finitivement fixĂ©. Porto-Rico et les autres Antilles espagnoles Ă©taient purement et simplement cĂ©dĂ©es aux États-Unis. En Ă©change de ce sacrifice, qui anĂ©antissait l'empire colonial de l'Espagne, les États-Unis devaient payer Ă  l'Espagne 20 millions de dollars dans les trois mois qui suivraient l'Ă©change des ratifications. La paix dĂ©finitive a Ă©tĂ©  signĂ©e Ă  Paris. La perte de Cuba, suivie de la cession des Carolines (1899), Ă  l'empire allemand, mettait fin au rĂ´le colonial de l'Espagne.

La Havane.
Une rue de La Havane vers 1900.
Le XXe siècle

L'administration américaine.
Le traité définitif de paix signé à Paris entre l'Espagne et les États-Unis stipulait l'abandon par l'Espagne de tout droit de souveraineté sur Cuba. L'île devait, après son évacuation par l'Espagne, être occupée par les États-Unis, mais ceux-ci avaient déclaré qu'ils repoussaient toute intention d'exercer une souveraineté, une juridiction ou un contrôle sur l'île de Cuba, et qu'une fois la pacification accomplie, ils laisseraient le gouvernement et le contrôle de l'île au peuple cubain. Le dernier délai pour l'évacuation fut fixé au 1er janvier 1899. Le gouverneur espagnol, maréchal Blanco, avait laissé l'île, le 26 novembre. Le 1er janvier, le général Castellanos, chargé de présider à l'évacuation, fit remise de la souveraineté sur l'île au général Wade, président de la commission américaine. Le major général John R. Brooke prit le gouvernement de l'île, qu'il eut à tirer de son état anarchique. Une entente avec le général Maxime Gomez, chef de l'armée de la révolution cubaine, amena celle-ci à déposer les armes.

Un nouveau gouverneur militaire, le major général Wood, fut installé le 13 décembre 1899. Il fit paraître, le 25 juin 1900, un ordre pour l'élection d'une convention chargée d'élaborer une constitution. La Constituante, qui s'ouvrit le 5 novembre, réussit à présenter, en janvier 1901, un avant-projet de constitution comportant un président de la République, élu par un suffrage à deux degrés, et un Congrès composé d'un Sénat, élu, à raison de quatre membres par département, par l'ayuntamiento des municipalités, et d'une Chambre des représentants, élue au suffrage universel, à raison d'un député pour 30 000 habitants. Mais le Congrès de Washington vota certains articles, présentés par Hitchcock Platt comme amendement au budget de la guerre, qui restreignaient l'indépendance de Cuba en limitant le droit pour la République cubaine de conclure des traités et de gérer ses finances, en l'obligeant à l'observation de mesures sanitaires et en réservant la question de possession de l'île des Pins. De plus, les Etats-Unis pouvaient exercer le droit d'intervention pour préserver l'indépendance cubaine en cas de troubles et se réservaient le droit d'acheter ou de louer les terrains nécessaires pour établir des dépôts de charbon ou des stations navales. La Convention commença par rejeter l'amendement Platt, mais, après les explications données par le président Mac Kinley et sur la promesse que les États-Unis abaisseraient les droits d'entrée sur les produits cubains, elle se résigna, en juin 1901, à accepter l'amendement Platt sous forme d'appendice à la constitution.

Les élections cubaines eurent lieu, conformément à la nouvelle constitution, le 31 décembre 1901. Le 24 février suivant, les électeurs présidentiels élurent président de la République don Tomas Estrada Palma et vice-président don Luis Estevez y Romero. Le 20 mai 1902, le drapeau américain fut retiré de Cuba et fit place au drapeau cubain ; le gouverneur américain Wood quitta en même temps La Havane. Le nouveau gouvernement eut à régler avec les États-Unis la grave question des relations commerciales. Le président Mac Kinley, puis le président Théodore Roosevelt avaient demandé au Congrès américain d'accorder aux produits de Cuba le bénéfice de droits de douane réduits. Devant l'opposition qu'il rencontra, le président Roosevelt se décida, en 1902, à négocier avec la République cubaine un traité de réciprocité. Le Sénat cubain, après une certaine résistance, dut l'accepter, le 29 mars 1903, devant l'insistance comminatoire des États-Unis. Le 23 mai suivant, fut conclu un traité permanent, qui confirmait les clauses de l'amendement Platt; il y est dit aussi que les Américains pourront établir un dépôt de charbon à l'Île des Pins.

Le président Estrada Palma, qui s'était jusque-là appuyé sur tous les partis sans distinction, fit au début de 1905 une déclaration en faveur du parti modéré, sur le concours duquel il comptait pour sa réélection à la présidence. Le cabinet donna sa démission qui, d'abord refusée, fut renouvelée; un nouveau ministère, composé de modérés, fut constitué. En août, à la demande des nationaux libéraux, la Chambre des députés décida que l'amendement Platt ne serait pas annexé au texte officiel de la constitution cubaine et n'en ferait pas partie. Les élections, en septembre, furent favorables au parti modéré. Une tentative séparatiste eut lieu, en novembre, dans l'île des Pins, dont le statut politique n'était pas encore fixé. Les résidents américains, acquéreurs de la plus grande partie des terrains de l'île, avaient constitué un gouvernement spécial et demandé l'annexion aux États-Unis; mais cette puissance reconnut la souveraineté cubaine. Tomas Estrada Palma fut réélu président le 1er décembre 1905.
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Tomas Estrada Palma.
Tomas Estrada Palma.

L'indépendance sous tutelle.
Les États-Unis, qui en principe ne conservaient que la maîtrise de la politique étrangère de Cuba, intervinrent cependant militairement dans les affaires intérieures entre 1906 et 1909, pour aider au maintien d'Estrada Palma, leur homme de paille, réélu en 1906, mais menacé de renversement par Miguel Gomez, leader du parti libéral. Des troupes furent encore envoyées de 1917 à 1919. Mais les Américains laisseront faire le général Gerardo Machado y Morales qui s'empare du pouvoir en 1925 et instaure une dictature qui réprimera durement les communistes, dont le parti a été fondé cette même année, et les syndicalistes de l'industrie du sucre. Ils laissent également faire le coup d'État fomenté, en 1933, par des sous-officiers, parmi lesquels était le sergent Fulgencio Batista. Le nouveau pouvoir, placé officiellement entre les mains de Grau San Martin, puis du colonel Carlos Mendiota, imposé par l'Armée, obtiendra même l'abrogation de l'amendement Platt, l'année suivante sous la présidence de Franklin Roosevelt, ainsi que la restitution à Cuba de l'Île des Pins (aujourd'hui Île de la Jeunesse ou Isla de la Juventud).

Lors du renversement de Machado, le sergent Batista s'Ă©tait fait gĂ©nĂ©ral du jour au lendemain, mais n'Ă©tait pas apparu au premier plan. Il avait encore laissĂ© faire l'Ă©lection, Ă  la prĂ©sidence du maire de La Havane, Miguel Mariano Gomez, en 1936, mais l'avait fait remplacer un an plus tard par le vice-prĂ©sident, Laredo Bru, qui lui obĂ©issait docilement. Fulgencio Batista parvint finalement Ă  se faire Ă©lire en 1940, puis il fut battu en 1944 par Grau San Martin, auquel succède Ă  partir de 1948 Prio Socarras. L'un et l'autre se signalant par la rĂ©pression et la corruption de leur gouvernement. Batista, peut revenir en s'Ă©rigeant en sauveur du pays. Le 10 mars 1952, il instaure par un coup d'État une dictature militaire, ce qui ne va mettre fin, Ă©videmment, ni Ă  la rĂ©pression policière, de plus en plus brutale, ni Ă  la corruption, qui atteint dĂ©sormais des niveaux inĂ©galĂ©s. Les villes tireront plus ou moins parti de la situation, tandis que les campagnes, pillĂ©es et saignĂ©es Ă blanc par le rĂ©gime, vont très vite devenir le lieu d'un grand soulèvement pays. C'est de lui que naĂ®tra la rĂ©volution cubaine, qui, en 1959, allait porter au pouvoir Fidel Castro Ruz. 

L'ère castriste.
Le tombeur de Batista, Fidel Castro, alors membre du Parti orthodoxe (un parti nationaliste, anti-américain et populiste), et désavoué par les communistes, avait déjà tenté, en 1953 (assaut contre la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba, le 26 juillet), de renverser le dictateur, mais avait échoué; il avait emprisonné quelque temps, et avait dû ensuite se réfugier au Mexique, pour ne revenir dans l'île avec quelques partisans, que le 2 décembre 1956. Le petit groupe de guérilleros prend le maquis, dans la Sierra Maestra, une petite chaîne de montagnes, à l'Ouest de Santiago de Cuba. Prenant appui sur le soulèvement paysan, les partisans de Fidel Castro, à la tête du Mouvement du 26 juillet (en référence à la date de la première tentative), entrent à La Havane en janvier 1959. La capitale est paralysée par une grève générale et Batista doit abandonner le pouvoir. Un premier président de la république, Manuel Urrutia, est nommé, tandis qu'une vaste épuration a lieu, parmi les anciens soutiens de Batista; l'armée de mercenaires sur laquelle il s'appuyait est dissoute. En même temps des luttes de pouvoir ont lieu au sein des vainqueurs. En juillet, Urrutia doit démissionner au profit d'Oswaldo Dorticos Torrado, dont le premier ministre est Fidel Castro, qui est désormais le seule vrai détenteur du pouvoir.

Quantité de réformes nécessaires dans un pays à la dérive, gangrené par des inégalités scandaleuses, sont mises en oeuvre : une réforme agraire est lancée en plusieurs étapes, interdisant les grandes propriétés et redistribution de terres aux aux paysan, politique d'éducation et de santé, politique de grand travaux et d'industrialisation, confiée à un marxiste pur sucre, rencontré et rallié à sa cause par Castro au Mexique, le médecin argentin Ernesto « Che » Guevara, qui permet une résorption rapide du chômage. En somme, le nouveau régime paraît en mesure d'incarner une nouvelle voie pour la révolution socialiste, différente de celles ouvertes par la Russie et la Chine, et peut-être plus attrayante à cette époque pour de nombreux pays, non seulement en Amérique latine, mais aussi dans le reste du Tiers monde, où les jeunes pays issus de la grande vague de décolonisation et se confrontaient à des problèmes très comparables à ceux que Cuba semblait en passe de résoudre. Ce risque de contagion de la révolution cubaine, en même temps que le programme de nationalisations des raffineries de sucre et de pétrole, jusque là entre les mains de capitaux américains, ainsi, enfin que l'expropriation des grands propriétaires terriens américains (détenteurs de plus d'un million d'hectares dans l'île), conduisirent les États-Unis, premier partenaire commercial de Cuba, à réagir en décrétant un boycott sur tous les échanges.

Le rĂ©sultat fut une rupture des relations diplomatiques entre La Havane et Washington, en janvier 1961, le rĂ©tablissement, le 8 mai, des relations diplomatiques avec Moscou, le 8 mai, puis, en dĂ©cembre de la mĂŞme annĂ©e, la fusion du  Parti socialiste populaire (communiste) et du Mouvement du 26 Juillet, qui constituent le Parti uni de la rĂ©volution socialiste (il sera transformĂ© en octobre 1965 en  Parti communiste cubain), et l'affirmation par Castro de son adhĂ©sion au marxisme-lĂ©ninisme (discours du 1er dĂ©cembre 1961), qui relève sans doute moins d'une conviction profonde que de l'opportunitĂ©, mais qui range rĂ©solument Cuba dans le camp soviĂ©tique. Entre temps, une tentative de renversement du rĂ©gime castriste avait eu lieu : 2000 Ă©migrĂ©s cubains, armĂ©s et appuyĂ©s par la CIA, avaient dĂ©barquĂ© le 17 avril 1961 dans la baie des Cochons, Ă  la Playa Giron, mais avaient Ă©chouĂ©. Elle n'avait fait que conforter la radicalisation des positions et transporter la Guerre froide dans les CaraĂŻbes. En octobre 1962, les SoviĂ©tiques installent ainsi des rampes de lancement de missiles nuclĂ©aires Ă  Cuba. RepĂ©rĂ©es par les avions espions amĂ©ricains, dès le 14 octobre, ces installations suscitent une inquiĂ©tude extrĂŞme Ă  la Maison Blanche. John Kennedy, le prĂ©sident amĂ©ricain, dĂ©cide, le 22 octobre le blocus de Cuba. Le 28 octobre, Nikita Krouchtchev, numĂ©ro un soviĂ©tique, accepte le dĂ©mantèlement de ses missiles, en Ă©change du retrait de leur Ă©quivalent amĂ©ricain en Turquie, et de la promesse amĂ©ricaine de ne pas envahir Cuba.

Dans les années suivantes, la révolution cubaine conserve encore son aura. L'anti-impérialisme et la lutte pour le développement du Tiers-Monde et la solidarité avec le mouvements révolutionnaires qui y naissent sont au centre du discours de politique extérieure tenu par Fidel Castro. Une conférence, dite tricontinentale, se tient à La Havane en janvier 1966, qui réunit plusieurs centaines de délégués venus délégués d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. L'année suivante, une seconde conférence, dite cette fois de solidarité latino-américaine, réunit divers mouvements de guérilla et partis communistes du continent, mais laisse aussi apparaître apparaître deux grandes options. Celle de « Che » Guevara partisan du développement des mouvements de libération ou, pour paraphraser un de ses slogans, de « l'exportation de la révolution, et de la création d'autres Viet-nâm » à travers le monde, et celle de Moscou, à laquelle est rallié Fidel Castro et qui consiste simplement s'en tenir à la logique existante des blocs. Après cette rupture, Guevara partira vivre son utopie révolutionnaire hors de Cuba, et sera tué quelques mois plus tard (9 octobre 1967) dans le maquis bolivien, et Castro continuera d'être l'allié fidèle, si ce n'est enthousiaste, de l'URSS, qui lui accorde un solide soutien économique. Cette dépendance étroite est aussi synonyme d'alignement politique. Castro soutient l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie qui écrase « le Printemps de Prague » en 1968. Le prestige de la révolution cubaine, à partir de là, se fissure. Reste un pouvoir personnel et autoritaire d'un populiste opportuniste et manipulateur.

A l'intérieur du pays, les mécontentements de la population ont été de plus en plus patents au cours des années 1970. En 1980, le régime est forcé d'ouvrir ses frontières à plus de 120000 Cubains qui souhaitent quitter le pays. Il y a parmi ceux qui embarqueront au cours de quatre mois suivants au port de Mariel (à l'Ouest de La Havane), à destination de la Floride, quelques opposants politiques et une majorité de gens qui souhaitent simplement tenter une meilleure chance ailleurs, aux États-Unis. Le pouvoir cubain en profitera aussi pour se débarrasser de vider ses geôles de criminels qui séviront bientôt dans les gangs mafieux de Miami. Depuis 1980 plus d'un million de personnes, les balseros, auraient ensuite fui le pays clandestinement, bravant les courants et les requins du détroit de Floride sur des embarcations de fortune appelées balsas. Après la disparition de l'Union soviétique, en 1991, Cuba ne peut plus compter sur le soutien économique de la nouvelle Russie. La crise économique déjà largement enracinée s'amplifie. Le boycott commercial américain renforcé en 1992 ne fait qu'étrangler un peu plus les populations tout en consolidant le régime. Celui-ci s'en tire en introduisant un semblant d'économie de marché; le dollar est légalisé, le tourisme encouragé. Le tout, dans un contexte d'opacité, qui favorise un affairisme semi-clandestin et le retour des inégalités sociales. Le 31 juillet 2006, Fidel Castro, invoquant des problèmes de santé, a délégué provisoirement ses fonctions à son frère Raul Castro, jusque là chef de l'armée. L'annonce de l'abandon définitif du pouvoir par le lider maximo a été faite en février 2008. Son frère a été désigné officiellement chef de l'Etat le 25 du même mois. Un rapprochement de Cuba avec les Etats-Unis a été amorcé début 2016 sous l'impulsion du président américain Barack Obama. Fidel Castro est mort en novembre de la même année. En avril 2018, Raul Castro a cédé le pouvoir à Miguel Diaz Canel, qui était le numéro deux du régime depuis 2013. Une nouvelle constitution, adoptée en 2019, attribue au président le rôle de chef de l'Etat et au premier ministre celui de chef du gouvernement. Raul Castro, qui était resté premier secrétaire du Parti communiste abandonne ses fonctions en avril 2021. (A.-M. B. / NLI).

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