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Histoire de l'Europe > La France > Géographie historique de la France
L'histoire de la Normandie
Aperçu
Jalons chronologiques
• Jusqu'à la bataille de Tinchebray
Les Normands en Italie
Guillaume le Conquérant
• La Normandie, entre France et Angleterre
• De 1461 à la Révolution

Civilisation
Le dialecte normand
La littérature normande
Les beaux-arts en Normandie

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La Normandie, Normannia et Neustria, est une ancienne province et grand gouvernement de France, bornée au Nord et à l'Ouest par la Manche, au Nord-Est par la Picardie, à l'Est par l'lle-de-France, au Sud par le Maine, et au Sud-Ouest par la Bretagne. Capitale : Rouen

Elle se divisait en Haute-Normandie à l'Est, et Basse-Normandie à l'Ouest (des divisions et des noms qu'ont repris les deux régions administratives actuelles créées en 1956). La première avait pour chef-lieu Rouen et comprenait les pays de Caux et de Bray, le Vexin normand, le Roumois, le Lieuvin et les pays d'Auge et d'Ouche; la seconde, dont le chef-lieu était Caen, renfermait les campagnes d'Alençon et de Caen, les Marches, le pays d'Houlme, le Bessin, le Bocage, le Cotentin et l'Avranchin.
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La bannière des ducs de Normandie flotte toujours sur les ruines du château de Fécamp.

La Normandie est arrosée par la Seine, l'Eure, l'Orne, etc. Cette contrée fertile produit en abondance les céréales, le lin, le chanvre, le colza et les pommes avec lesquelles on fait une grande quantité de cidre. Elle a d'excellents pâturages, qui nourrissent des chevaux, des boeufs et des moutons très recherchés. Ses côtes offrent un grand nombre de ports, et sont très poissonneuses. L'Avranchin a des salines importantes.

Histoire

Quelques monuments mĂ©galithiques sont les seuls vestiges de la prĂ©histoire normande. Lorsque CĂ©sar fit la conquĂŞte des Gaules, le pays qui fut dĂ©signĂ© dans la suite sous le nom de Normandie faisait partie de l'Armorique ou Gaule Armoricaine; il comprenait alors plusieurs peuplades, dont les principales Ă©taient les Calètes (dans le pays de Caux), les VĂ©locasses (Vexin Normand), les Aulerces Eburoviques (pays d'Évreux), les Lexoviens (pays de Lisieux), les Essuens (pays de SĂ©es), les Viducasses (pays de Caen), les Bajocasses (pays de Bayeux ), les Unelliens (pays de Coutances), enfin les Abrincates dans l'Avranchin. 

De l'époque gallo-romaine à la bataille de Tinchebray.
Sous l'Empire romain cette province fut la seconde Lyonnaise. Elle reçut de de Rome une  civilisation, une administration, une langue nouvelles. Des voies romaines furent Ă©tablies Ă  travers le pays pour le mettre en communication avec les autres parties des Gaules. Une voie romaine longeait l'ocĂ©an, de Boulogne Ă  l'embouchure de la Seine; une autre traversait le pays des VĂ©liocasses et des Calètes, et aboutissait Ă  Caracolicum, près d'Harfleur. Alors furent fondĂ©es ou agrandies Rouen, Bayeux, Évreux, Lisieux, et quelques-unes de ces villes furent embellies de monuments dont il ne nous est parvenu que de faibles vestiges. Au IIIe et au IVe siècle le christianisme se propagea dans ce pays sous l'impulsion notamment de saint Nicaise et de saint Mellon. 

Quand, au Ve siècle, les Francs eurent envahi une partie des Gaules, la même province fut conquise par Clovis. Elle fit partie du royaume de Soissons, puis de celui de Neustrie (par opposition à l'Austrasie ou partie orientale de la France), laquelle Neustrie s'étendait de la Seine à la Loire. Pendant la période mérovingienne, les crimes des rois francs y côtoient le travail d'évangélisation des évêques saint Romain, saint Ouen, saint Ansbert. Alors furent fondés les monastères de Saint-Wandrille, de Jumièges, de Fécamp, de Saint-Michel-en-Péril-de-Mer.

Des bandes de pirates originaires de Scandinavie, les Vikings (ou Northmans  = hommes du Nord), terme dont on a fait Normands) vinrent dès cette Ă©poque infester les cĂ´tes de la Neustrie, et s'Ă©tablir mĂŞme dans quelques localitĂ©s. Quoique ce fĂ»t une Ă©poque de violence et de barbarie, il se faisait pourtant du commerce par la Seine avec les contrĂ©es d'outre mer, et on voit par une charte de Dagobert en faveur de la foire de Saint-Denis que, cette foire Ă©tait approvisionnĂ©e de diverses denrĂ©es apportĂ©es par mer en Neustrie, et transportĂ©es sur la Seine jusqu'au près du lieu de la foire. Les Ă©glises et les couvents se multiplièrent, et il se forma dans plusieurs de ces institutions religieuses des Ă©coles et des bibliothèques. 

Au IXe siècle les invasions hostiles des Vikings devinrent frĂ©quentes, le cours de la Seine fut infestĂ©, et la province servit aux Normands de passage pour pĂ©nĂ©trer dans l'intĂ©rieur de la France. La dynastie carolingienne, dont les membres Ă©taient peu d'accord entre eux, fut Ă  la fin trop faible pour se dĂ©barrasser de ces ennemis, et obligĂ©e de leur cĂ©der par une convention passĂ©e Ă  Saint-Clair-sur-Epte entre le chef viking Rollon et le roi Charles le Simple, la partie de la Neustrie qu'ils avaient envahie, et qui dès lors prit le nom de Normandie; cette dĂ©nomination s'Ă©tendit sur les districts que les Normands rĂ©unirent Ă  leur conquĂŞte. 

A partir de l'an 912, la Normandie eut donc des ducs vikings, qui adoptèrent assez promptement, les moeurs et usages locaux, et rebâtirent dans la province où ils s'étaient établis les églises et les couvents que païens ils avaient dévastés sans pitié. Ils s'étaient partagé les terres qui étaient à leur convenance, et les chefs étaient devenus des seigneurs de district, de ville et de village. De 931 à 996, le nouveau duché s'étendit de la Bresle au Couesnon, de l'Epte, de l'Eure et de la Sarthe à l'Océan Atlantique. Comme on jouissait de la paix et de la tranquillité sous le régime ducal, la Normandie, qui auparavant avait perdu beaucoup d'habitants, se repeupla, et beaucoup d'émigrés d'autres parties de la France étaient venus se mêler à la population indigène.

Dès le règne du second duc, Guillaume, surnommé Longue-Épée, fils de Rollon ou Raoul, la Normandie entra dans les querelles de la France, sa voisine. Guillaume contribua à assurer le trône à Louis d'Outre-mer; mais, en prenant fait et cause pour un comte de Montreuil-sur-Mer contre Arnoul, comte de Flandres, il fut attiré par celui-ci dans un guet-apens, et assassiné dans une île de la Somme. Louis d'Outre-Mer profita du trouble pour enlever le jeune Richard, fils mineur de Guillaume et le mener en France; mais des serviteurs fidèles surent le ramener en Normandie, et appelèrent à leur secours des chefs danois. Louis à son tour fut fait prisonnier et obligé de promettre de laisser la Normandie en paix. Hugues, comte de Paris, entra en alliance avec le jeune duc de cette province, et lui donna sa fille en mariage.

Par la suite Lothaire, successeur de Louis d'Outre-Mer, attaqua encore le duchĂ© de Normandie; mais il ne fut pas plus heureux que son prĂ©dĂ©cesseur; et Richard gagna par sa rĂ©sistance un accroissement de territoire. Sous Richard II ce furent d'autres ennemis que la Normandie eut Ă  combattre : d'abord des nobles du pays, qui s'insurgeaient contre le pouvoir du duc et opprimaient le peuple; ensuite Éthelred, roi d'Angleterre et beau-frère de ce duc; enfin le duc de Chartres, autre beau-frère de Richard II. Dans la dernière de ces guerres il fut encore secouru par une expĂ©dition des hommes du Nord. 

Richard III succéda à Richard II; mais, étant mort en 1028, il avait été remplacé par son frère Robert, contre lequel il avait été en guerre lorsque celui-ci n'était encore que comte d'Exmes. Ce frère fut même accusé par la voix publique de s'être débarrassé par le poison du duc régnant. Plus guerroyant que ses prédécesseurs immédiats, Robert aida le duc de Flandre à rentrer dans son pouvoir, et le roi de France à remonter sur le trône, ce qui lui valut la cession du Vexin Français, de Gisors et de quelques autres places. Puis il força le duc de Bretagne à lui rendre un hommage auquel prétendaient les ducs de Normandie depuis la convention de Saint-Clair-sur-Epte. Il fit ensuite un pèlerinage à Jérusalem, et mourut, en Asie, en 1035, ne laissant que des enfants illégitimes, de ses liaisons avec la fille d'un pelletier de Falaise.

L'un de ces enfants, Guillaume, n'avait que huit ans quand il fut appelĂ© Ă  succĂ©der Ă  son père; ce n'Ă©tait encore que Guillaurne le Bâtard; on ne se doutait pas qu'il acquerrait un jour le titre de ConquĂ©rant. Henri, roi de France, profita de la minoritĂ© de Guillaume pour envahir son hĂ©ritage. Le comte d'Arques, quoique oncle de l'enfant, se dĂ©clara contre lui; deux autres parents, les comtes d'Eu et de Mortain, par leur rĂ©volte, et le comte d'Anjou par ses attaques, ajoutèrent aux troubles de la province. 

Guillaume, parvenu à l'adolescence, se défendit avec succès contre tous ses ennemis, et enfin son mariage avec Mathilde, fille du comte de Flandre et nièce du roi de France, lui procura des alliances puissantes. Dès lors, tranquille à l'égard de son duché, il porta ses vues plus loin; faisant valoir, un prétendu testament d'Édouard, roi d'Angleterre, il réclama de Harold, fils du comte de Kent, le trône de ce pays; et sur le refus de ce chef saxon, il assembla; en 1066, ses leudes à Lillebonne, pour prendre, avec eux la résolution d'une expédition en Angleterre
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Tapisserie de Bayeux.
La conquête de l'Angleterre par les Normands (détails de la Tapisserie de Bayeux).
Tapisserie de Bayeux.

Cette expédition composée, de trois mille bâtiments; montés par soixante mille guerriers, non seulement de la Normandie, mais aussi du royaume de France et de la Bretagne, mit à la voile peu, de temps après : Harold fut vaincu à la bataille d'Hastings; Guillaume avec ses Normands prit possession du royaume d'Angleterre, et distribua des terres plus ou moins considérables aux compagnons d'armes qui l'avaient secondé, et qui devinrent ainsi grands seigneurs en Angleterre, sans perdre leurs petites seigneuries en Normandie; avec eux furent transplantées dans la Grande-Bretagne les lois et coutumes de la féodalité normande et en partie la langue de cette province.

Dès lors, la Normandie fut en rapports continuels avec l'Angleterre; Guillaume revint dans son duchĂ©, et tint en 1080 une grande assemblĂ©e Ă  Lillebonne pour rĂ©gler les affaires urgentes du pays; six ans auparavant, dans une autre assemblĂ©e, on avait dĂ©jĂ  dĂ©fendu ces guerres que les nobles se faisaient de château Ă  château, et dont le peuple Ă©tait victime. Dans l'assemblĂ©e de 1080 il fut enjoint aux Normands d'observer la trĂŞve de Dieu; dĂ©fense fut faite de construire de nouveaux forts, de tendre des embĂ»ches dans les forĂŞts, de troubler les marchands dans leur commerce, d'usurper le droit de battre monnaie. 

Ayant Ă©tĂ© blessĂ© dans une expĂ©dition entreprise pour repousser le roi de France, qui menaçait le duchĂ©, Guillaume expira en 1087. Il avait lĂ©guĂ©, Ă  ce qu'il paraĂ®t, Ă  son second fils Guillaume, surnommĂ© le Roux, la couronne d'Angleterre, tandis qu'Ă  son fils aĂ®nĂ©, Robert, surnommĂ© Courte-Heuse, qui auparavant avait pris les armes contre lui, il ne laissait que le duchĂ© de Normandie; ou bien celui-ci s'Ă©tait laissĂ© prĂ©venir par son frère, plus hardi et plus actif que lui. Robert Courte-Heuse Ă©tait en effet peu capable de gouverner. Il laissa les nobles, reçommencer leurs vexations, oppressives, aussi Guillaume le Roux, fut-il appelĂ© d'Angleterre par un parti de mĂ©contents, Ă  Rouen; mais le complot Ă©choua. 

Au départ de Robert pour la croisade, 1095, les deux contrées sont réunies, puis divisées à la mort de Guillaume, 1100. Robert, de retour, règne en Normandie, et son jeune frère, Henri Beauclerc, en Angleterre; mais, en 1106, la bataille de Tinchebray (Orne) soumet la Normandie à Henri Ier

La Normandie, entre France et Angleterre.

Parmi les dispositions qu'Henri fit en faveur des villes, il y en avait une qui accordait la franchise aux serfs qui auraient Ă©tĂ© Ă©tablis dans les villes et bourgs, pendant un an et un jour  sans ĂŞtre rĂ©clamĂ©s, ce qui eut pour effet d'augmenter beaucoup la classe bourgeoise et d'affaiblir le pouvoir des seigneurs fĂ©odaux.

Après la mort de Henri Ier, plusieurs partis se formèrent et dĂ©solèrent de nouveau le pays; c'Ă©taient ceux de Mathilde, fille de ce roi, et de Henri Plantagenet, duc d'Anjou et mari de Mathilde, puis d'Étienne de Blois, petit-fils de Guillaume le ConquĂ©rant; Cliton, fils de Robert Courte-Heuse, avait aussi des partisans, mais ils Ă©taient trop peu nombreux pour pouvoir le mettre en possession de l'hĂ©ritage de son père.Ce fut Henri Plantagenet qui, par une charte, reconnut la commune de Rouen et les corporations de ses bourgeois. Aussi les Rouennais, le soutinrent-ils dans ses guerres contre ses propres fils, contre Louis VII, roi de France, et contre le comte de Flandre. Son mariage avec AliĂ©nor d'Aquitaine (ÉlĂ©onore de Guienne) lui donna encore l'ancien duchĂ© d'Aquitaine, de la Loire aux PyrĂ©nĂ©es. 

Obligé de repasser en Angleterre, Henri ne put empêcher ses ennemis de pénétrer en Normandie, et d'en assiéger la capitale; mais victorieux de ses adversaires dans les îles Britanniques, Henri Plantagenet vint la délivrer, et assura de nouveaux avantages aux habitants de Rouen, tels que le monopole de la navigation et du commerce de la basse Seine, et celui du commerce avec l'Irlande; depuis lors le chef-lieu de la Normandie parvint à une grande prospérité.

En 1189, Richard, surnommé Coeur de Lion, succéda à son père comme roi d'Angleterre et comme duc de Normandie; ce fut un règne peu heureux pour le duché, qui, pendant la croisade entreprise par Richard, fut envahi par Philippe Auguste, roi de France. A cette invasion se joignirent des querelles entre le clergé et la bourgeoisie; mais ce fut sous Jean Sans Terre, qui, en 1199, avait succédé à Richard, que la Normandie cessa d'avoir des ducs indépendants. Ce roi d'Angleterre ayant laissé ou fait assassiner le jeune Arthur de Bretagne, son neveu, qui était tombé entre ses mains, et qu'il avait fait enfermer dans une tour auprès de la Seine, Philippe-Auguste fit valoir ses prétentions de suzerain; puis, connaissant le mécontentement des Normands au sujet du mauvais gouvernement du roi Jean, il vint de nouveau envahir la Normandie, et força, en 1204, la ville de Rouen à se rendre; tout le duché subit le sort du chef-lieu, n'étant pas secouru par l'indolent Jean sans Terre, et fit dès lors partie du royaume de France. Jean sans Terre ne conserva que Jersey, Guernesey, Aurigny (Les Îles Anglo-Normandes).

Philippe-Auguste confirma pourtant les droits de la commune de Rouen, et son monopole Ă  l'Ă©gard de la navigation commerciale sur la basse Seine, et du commerce avec l'Irlande. D'un autre cĂ´tĂ©, il restreignit et rĂ©prima les opĂ©rations usuraires des juifs que Jean sans Terre avait tolĂ©rĂ©es, et il mit des bornes Ă  la puissance temporelle du clergĂ©, qui trop frĂ©quemment Ă©tait dans cette province comme ailleurs en conflit avec l'autoritĂ© civile. 

DĂ©jĂ , sous le rĂ©gime ducal, la Normandie avait une haute cour de justice, dĂ©signĂ©e sous le nom de l'Échiquier; et qui Ă©tait en mĂŞme temps une cour des comptes. Un autre conflit existait et se renouvelait frĂ©quemment entre les Parisiens et les Rouennais au sujet de la navigation de la Seine; il y eut plusieurs enquĂŞtes et decisions du parlement du roi Ă  cet Ă©gard. En 1293, après une insurrection des Rouennais contre l'autoritĂ© royale, qui frĂ©quemment portait atteinte Ă  leurs anciens privilèges, ils furent privĂ©s de leur monopole de la navigation sur la basse Seine, les droits de commune furent restreints dans toute la province, et en 1302 l'Échiquier de Normandie, jusqu'alors assez indĂ©pendant, fut obligĂ© de recevoir des commissaires royaux. 

Après le règne de Philippe le Bel vint un mode d'administration moins despotique; et son successeur Louis X accorda la fameuse Charte aux Normands, qui reconnaissait quelques-uns des droits auxquels les Normands attachaient beaucoup d'importance, comme étant un reste de leur ancienne indépendance, et cette charte fut confirmée dans la suite par plusieurs rois successifs. Il leur sembla recouvrer encore davantage cette ancienne indépendance lorsqu'en 1332 Philippe de Valois nomma duc de Normandie son fils Jean, rétablissant ainsi un titre auquel était attaché jadis un pouvoir souverain. En même temps paraissent les États de Normandie, qui dureront jusqu'à Louis XIV

Ce qui fut plus important, c'est une charte de 1339, par laquelle le roi et Jean son fils, tout en confirmant la charte aux Normands, reconnurent qu'en Normandie les impĂ´ts ne pourraient ĂŞtre levĂ©s s'ils n'avaient Ă©tĂ© votĂ©s prĂ©alablement par les Ă©tats provinciaux. PĂ©nĂ©trĂ©s de reconnaissance, les Normands promirent de seconder le roi de France dans sa guerre contre Édouard III d'Angleterre; mais celui-ci les prĂ©vint en faisant une invasion en Normandie, et en ravageant le pays. La prise des vaisseaux normands lors du combat de l'Écluse, en 1340, les dĂ©faites des troupes françaises Ă  CrĂ©cy et Ă  Poitiers, et les troubles civils de la France laissèrent de longues traces en Normandie, qui avait besoin du commerce maritime pour prospĂ©rer. 

L'invasion anglaise en 1346, la guerre civile, la Peste noire, dĂ©solèrent la Normandie jusque sous Charles V. Aux Ă©tats de la province, assemblĂ©s en 1351 pour voter des subsides au roi, un orateur exposa tous les maux qu'un mauvais gouvernement avait attirĂ©s Ă  la province. DĂ©solĂ©e de nouveau par la guerre des Armagnacs et des Bourguignons, la Normandie est aux Anglais de 1417 Ă  1450. De cette Ă©poque date l'universitĂ© de Caen, Ă©tablie par Bedford en 1435. En 1419, Henri V, roi d'Angleterre, fit son entrĂ©e Ă  Rouen; c'est dans la mĂŞme ville que les Anglais firent mourir en 1431 Jeanne d'Arc. Il fallut que les Français assiĂ©geassent une place après l'autre, et ce ne fut qu'en 1450 qu'ils dĂ©livrèrent le pays des garnisons anglaises. 

La Ligue du Bien public agita encore la Normandie, qui fut reconstituée en duché, pour une année seulement, en faveur de Charles de Berry, frère de Louis XI, 1465-1466. Le roi fit déclarer par des États généraux de 1468 que la Normandie ne serait jamais détachée de la couronne; l'anneau ducal fut brisé en présence de l'Echiquier, et le titre de duc de Normandie ne fut plus porté que par le fils de Louis XVI (Louis XVII).

De 1461 à la Révolution.
Après tant d'agitations, les Normands se livrèrent au commerce et Ă  la navigations. Aux ports de Dieppe et de Cherbourg, François ler ajouta celui du Havre; Rouen n'Ă©tait pas seulement un port commerçant : c'Ă©tait aussi une ville manufacturière, qui fournissait beaucoup de marchandises pour l'exportation. Une bourgeoisie enrichie y formait une pairie et une vĂ©ritable aristocratie dans le corps municipal. 

Au commencement du XVIe siècle, l'Échiquier fut transformĂ© en parlement siĂ©geant Ă  Rouen. Les guerres de religion et de Ia Ligue ensanglantèrent la Normandie : Rouen Ă©tait pour Charles de Bourbon, Caen pour Henri IV. Ce dernier, s'Ă©tant emparĂ© du chef-lieu après plusieurs jours de tranchĂ©e ouverte, parvint enfin Ă  pacifier le pays, et prĂ©sida en 1595 Ă  une assemblĂ©e de notables Ă  Rouen. 

La Normandie connut encore un certaine effervescence au XVIIe siècle, mais l'Ă©meute des Nu-pieds, en 1639, et les troubles de la Fronde y furent assez rapidement Ă©touffĂ©s. Louis XIV enleva Ă  la Normandie ses États en 1654, qui Ă©taient demeurĂ©s le seul reste de l'ancienne indĂ©pendance de la Normandie; la Charte aux Normands et le cri de Haro n'eurent plus de sens. Les libertĂ©s municipales firent place aux mairies royales. Cette province s'assimila de plus en plus au reste de la France, et Ă  mesure que les voies de communication ont Ă©tĂ© perfectionnĂ©es, l'assimilation devint plus intime et complète. 
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Les outre-mers normands

A partir de 1025, des nobles de la Normandie Ă©tant allĂ©s en pèlerins en Palestine, et ayant, vu, Ă  leur retour, en passant par le midi de l'ltalie, les cĂ´tes de ce pays en butte aux incursions des Sarrasins, repoussèrent ces derniers, et, Ă  leur retour dans leur pays, ils engagèrent leurs compatriotes Ă  aller s'Ă©tablir dans le pays de Naples, pour s'y Ă©tablir, sous prĂ©texte d'y dĂ©fendre les chrĂ©tiens. 

De fait, les premiers Normands qui s'y rendirent eurent à combattre non des Musulmans, mais les Grecs, qui étaient en possession des plus belles contrées de l'ltalie méridionale. Ils furent suivis des fils de Tancrède de Hauteville et d'autres Normands, qui en dépit des Grecs, des Napolitains et même du, pape, s'emparèrent de la Pouille, de la Calabre, et de la Sicile. Le pape finit par lnves tir Robert Guiscard du duché de la Pouille et de la Calabre, et Roger fut le premier roi normand de Sicile et de Naples (Les Normands en Italie).

Les Normands ont aussi fondĂ©sur la cĂ´te d'Afrique des comptoirs, 1366, et, sous Jean de BĂ©thencourt, ils colonisent les Canaries. Au XVIe siècle les navigateurs normands se signalent mĂŞme par des dĂ©couvertes maritimes.  Ils dĂ©couvrirent le Canada, et y fondèrent les premières colonies françaises. Avec la paix, 1594, recommencèrent les expĂ©ditions maritimes : les Normands fondèrent QuĂ©bec en 1608, s'Ă©tablirent au BrĂ©sil en 1612, visitèrent les Ă®les de la Sonde en 1617, colonisèrent la Guadeloupe en 1635. 

La population française du Canada est en grande partie d'origine normande, et encore aujourd'hui au QuĂ©bec et Ă  MontrĂ©al on reconnait dans la langue parlĂ©e un accent qui tĂ©moigne de son hĂ©ritage normand. 

Sous Louis XV, la Normandie ne s'Ă©mut vivement qu'Ă  la suppression du parlement de Rouen, 1771. Louis XVI le lui rendit en 1774, et lui donna Cherbourg, 1786. 

Pendant la RĂ©volution, le Normand Thouret fut quatre fois prĂ©sident de l'AssemblĂ©e nationale; le mouvement girondin, organisĂ© Ă  Caen et Ă  Evreux contre la Terreur, eut le Normand Buzot pour chef; de Caen partit la Normande Charlotte Corday. Mais la dĂ©faite de Wimpfen et du marquis de Puisaye Ă  Vernon abattit l'opposition fĂ©dĂ©raliste. Ajoutons que la Normandie leva 100 bataillons contre l'Ă©tranger; les gĂ©nĂ©raux Davenay, Bachelet, Canville, Bonnet, Brouard, Cavalier, Chauvel, Dagobert, Decaen, Delannay, Lemarrois, Ruffin, Valhubert, tous Normands, les commandaient. 

En 1790, la province et l'ancien gouvernement de Normandie disparurent pour laisser la place Ă  cinq dĂ©partements qui se distribuent aujourd'hui entre la Haute-Normandie (Seine-Maritime, Eure) et la  Basse-Normandie (Calvados, Orne, Manche)

Le débarquement et la bataille de Normandie

Après la Révolution, l'histoire des départements normands se fond dans l'histoire de la France. Aucun événement majeur n'y est à relever jusqu'à la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). La partie Est de la Normandie souffre de l'invasion allemande à partir de 1940, mais c'est surtout avec le débarquement, du 6 au 12 juin 1944, des troupes américano-anglaises et la bataille qui s'ensuit, jusqu'en août 1944, entre les armées alliées et la Wehrmacht, que va s'écrire une des pages les plus dramatiques de l'histoire de la Normandie.

Le débarquement de Normandie.
La préparation (1942-1944).
Connue sous le nom de plan Overlord, le débarquement de troupes en Normandie, puis l'invasion de l'Europe, a été une opération militaire de très grande envergure préparée dès décembre 1942, d'abord par le haut commandement britannique, puis par le quartier général des forces alliées (Supreme headquarter allied expeditionary forces), placé, près de Londres, sous le commandement du général Dwight D. Eisenhower.

La mise en oeuvre du plan d'invasion impliquera trois millions et demi de soldats : 1.750.000 Britanniques, 1.5000.000 AmĂ©ricains; le reste originaires de divers pays en guerre contre l'Allemagne. Parmi les Français, 256 seront appelĂ©s Ă  prendre part au dĂ©barquement. L'invasion sera prĂ©cĂ©dĂ©e de bombardements  massifs des industries allemandes, des voies de communication et d'autres objectifs stratĂ©giques, qui s'intensifieront entre le 20 fĂ©vrier et le 1er juin 1944, et feront aussi beaucoup de dommages parmi les populations civiles. 

De leur côté, les Allemands s'attendant à une invasion, dont ils ne connaissent ni le lieu ni la date, s'y préparent en édifiant des fortifications côtières (le mur de l'Atlantique) et en disposant près de trois millions de mines terrestres. Cinq plages sont finalement choisies par les Alliés, entre le nord de Carentan et le cours de l'Orne. De l'ouest à l'est; noms de code : Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword. Escortées de près de mille navires d'escorte, 4000 unités navales seront chargées d'acheminer les troupes et le matériel d'invasion, dans le cadre du plan Neptune, dont la mise en oeuvre est confiée à l'amiral Ramsey, épaulé par les amiraux Alan C. Kirk et Philip Vian.
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Normandie : carte des sites du débarquement et de la bataille de l'été 1944.
Le théâtre du débarquement et de la bataille de Normandie.
(Cliquer pour afficher une carte détaillée des plages du débarquement
et des sites de parachutages alliés).

Les débarquement (6-12 juin 1944).
Le mauvais temps retarde d'un jour le dĂ©barquement, qui a lieu le 6 juin 1944; c'est le D Day ou Jour J. Au milieu de la nuit du 5 au 6, 7000 tonnes de bombes son lâchĂ©es sur les positions allemandes  par  2 000 avions entre Cherbourg et Le Havre. Dans le mĂŞme temps, afin de protĂ©ger le flanc des opĂ©rations, 2400 avions et près de 900 planeurs larguent 24 500 hommes dans la rĂ©gions de Sainte-Mère-Église, près du pont de BĂ©nouville, sur le canal de Caen (Britanniques) et près de Montebourg (AmĂ©ricains), dans le Cotentin. Suit, peu avant l'aube, un bombardement naval, puis, Ă  partir de 6 h 30, les premières vagues d'infanterie et les premiers chars amĂ©ricains dĂ©ferlent sur la cĂ´te. Une heure plus tard, les Britanniques dĂ©barquent sur le secteur qui leur a Ă©tĂ© dĂ©volu. 

Une première tĂŞte de pont est Ă©tablie dans le secteur d'Utah Beach (Les Dunes de Varreville) et  Sainte-Mère-Église par les AmĂ©ricains, qui parviennent Ă©galement Ă  se rendre maĂ®tres de la route entre Caen et Bayeux, puis Ă  assurer la jonctions avec les forces britanniques et canadiennes, confrontĂ©es Ă  de très fortes  rĂ©sistances. A partir des 14 h, la situation a tournĂ© Ă  peu près partout en faveur des AlliĂ©s. Le soir, les plages Gold, Juno et Sword sont reliĂ©es; dix divisions amĂ©ricaines, britanniques et canadiennes ont rĂ©ussi a Ă©tablir deux solides tĂŞtes de pont entre l'Orne et la Vire. Reste encore Ă  assurer la jonction avec les forces amĂ©ricaines dĂ©barquĂ©es Ă  Omaha Beach; la soudure complète s'opĂ©rera progressivement entre le 7 et le 12 juin.
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Débarquement de Normandie : troupes alliées et matériel sur une plage.
Débarquement de troupes et de matériel sur une plage normande en juin 1944.

Le débarquement proprement dit est accompagné d'une gigantesque opération logistique. De vieux navires sont acheminés le long des côtes normandes pour y être coulés et former des digues artificielles; en un rien de temps deux ports artificiels sont créés, comme celui d'Arromanches. Une rotation de navires permet alors d'acheminer depuis l'Angleterre le gros du corps expéditionnaire, avec tout son matériel et sont ravitaillement (armes, essence, etc.). Plus d'un million et demi de soldats et 300 000 véhicules, vont pouvoir, à partir du 25 juin, entreprendre pas à pas la libération de tout l'Ouest de l'Europe, non sans se heurter à une âpre résistance alllemande.

La bataille de Normandie.
L'avancĂ©e des AlliĂ©s Ă  l'intĂ©rieur des terres a commencĂ© avec les prises de Bayeux (8 juin) d'Isigny (9 juin) et de Carentan (12 juin) et la première bataille de Caen (11 au 16 juin). Le 16 les AmĂ©ricains arrivent Ă  Barneville; le 26, ils prennent Cherbourg, tandis que le 28 juin de nouveaux combats ont lieu Ă  Caen, qui ne sera reprise aux Allemands que le 9 juillet.  Les campagnes entre Falaise et Caen sont l'objet d'effroyables combats de chars entre Britanniques et Allemands.

Entretemps, les AlliĂ©s se seront emparĂ©s de La Haye-du Puits (8 juillet). Et le 10, ils entrent dans Saint-LĂ´. Le 29, la bataille atteint Coutances; Ă  la suite d'une guerre de haies conduite par les AmĂ©ricains solidement appuyĂ©s par leur aviation dans le Bocage, Avranches et Granville tombent entre les mains des AlliĂ©s le 30; le lendemain c'est au tour de Pontaubault. 

Début août, les lignes allemandes s'effondrent à partir d'Avranches. Vire (2 août), Dinan (3 août), Mortain (4 août), Rennes (5 août) sont libérées. L'ordre de retraite générale est donné à l'armée de Von Kluge (qui se suicidera le 18 août), le 13 août. Il faudra encore quelques jours pour que Dreux et Falaise passent au mains des Alliés, mais la route vers Paris est désormais ouverte. Déjà la Bretagne, Orléans, Le Mans, Chartres, Châteaudun ont été libérées de l'occupation allemande.

Gens de Normandie

La Normandie a vu naĂ®tre un grand nombre d'hommes remarquables dans les genres les plus divers : des guerriers, tels que les fils de Tancrède de Hauteville et Guillaume le ConquĂ©rant; de hardis navigateurs et d'intrĂ©pides explorateurs, Jean de BĂ©thencourt d'Enambuc, Ango, Jacques Cartier, Robert de Lasalle; d'illustres marins, Tourville, Duquesne; de grands poètes, Malherbe, les deux Corneille, Casimir Delavigne; des philosophes et des historiens, Fontenelle, Huet, Bernardin-de-St-Pierre, MĂ©zeray, Daniel, Vertot, les peintres tels que Poussin, Jouvenet, etc. Le consul Lebrun et Flaubert aussi Ă©taient Normands. 

Rouen a donnĂ© naissance au sculpteur Pierre Mazeline (1632-1708) et Ă  un architecte, qui fut surtout un thĂ©oricien, Jacques-François Blondel (1709-1774). Michel lasne, qui naquit Ă  Caen et mourut en 1667, fut un graveur de grand talent et son compatriote, Jean-Baptiste Fontenay, fournit des dessins pour les Gobelins et la manufacture de Chaillot (1654-1715). Enfin le XVIIIe siècle a vu naĂ®tre Ă  Caen le grand musicien Auber (1782) et, Ă  Rouen, Boieldieu (1775). 

Au XIVe et au XVe siècle, la Normandie avait donné le jour à quelques médecins illustres, Jean Pitart, qui fut médecin de Philippe le Bel; Henri de Mondeville, dont le traité de médecine renferme des prescriptions qui n'ont pas peu étonné le monde médical au moment de leur publication à la fin du XIXe siècle; Jean Dalechamp, qui fut surtout un praticien.

Plusieurs scientifiques peuvent encore ĂŞtre mentionnĂ©s. Le mĂ©decin Pierre Heurtant publia un TraitĂ© de la peste en 1621 Ă  Caen oĂą il exerçait. Son confrère de Dieppe, Jean Pecquet (mort en 1674), dĂ©couvrit le rĂ©servoir du chyle connu sous le nom de rĂ©servoir de Pecquet et publia ses ExpĂ©riences d'anatomie. Georges Fournier (1595-1652), Adrien Auzout (mort en 1690), Guillaume et Jean Gosselin, Pierre Varignon (1654-1722) et Laplace (1749-1827), furent des mathĂ©maticiens et des astronomes.  Le Havre a produit le naturaliste Dicquemare (1733-89) et Rouen  le chimiste LĂ©mery (1645-1715). Vauquelin a Ă©tĂ© un autre chimiste d'origine normande.

Ducs héréditaires de Normandie

Rollon, 912 
Guillaume Ier, Longue-Epée, 927
Richard ler, Sans-Peur, 942
Richard II, le Bon, 996 
Richard III, 1027
Robert Ier, le Magnifique et le Diable, 1028 
Guillaume II, le Bâtard et le Conquérant,1035
Robert II, Courte-Heuse, 1087 
Henri Ier, roi d'Angleterre, 1106
Mathilde / Etienne de Blois, roi d'Angleterre, 1135
Geoffroi Plantagenet,1144
Henri II, roi d'Angleterre, 1149
Richard Coeur de Lion, roi d'Angleterre, 1189
Jean Sans-Terre et Arthur, 1199-1204

Le titre de duc de Normandie a Ă©tĂ© donnĂ© Ă  quatre princes de la maison royale de France : Jean, fils de Philippe de Valois, roi de France en 1350; Charles, fils aĂ®nĂ© du roi Jean, roi en 1364; Charles de France, fils de Charles VII, et frère de Louis XI, mort en 1472, et Louis-Charles, second fils de Louis XVI, Dauphin après la mort de son frère en 1789, Louis XVII en 1705. 


En librairie. - Collectif, LĂ©gendes et rĂ©cits de Normandie, La DĂ©couvrance, 2007. Charles Brisson, RenĂ© Herval et A. Lepilleur racontent dans cet ouvrage, quelques lĂ©gendes et croyances populaires de la Normandie : L'histoire du roi d'Yvetot, La lĂ©gende du diable et du pont de Pont-de-l'Arche, La lĂ©gende du Val-Pitant, Le loup de Jumièges  (lĂ©gende du Loup-Vert), Les Ă©nervĂ©s de Jumièges, Le trĂ©sor diabolique, Le maĂ®tre de l'oeuvre de Norrey, Le fou de Valognes, La dame blanche de Gouvy, La brèche au diable, Des ailes au vent des grèves, La reine de Cent Quatre. (couv).
 
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