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Jean Vauquelin
de La Fresnaye est un poète
né à la Fresnaye-au-Sauvage, près de Falaise, en 1536,
mort en 1607. La noblesse de sa famille remontait, si on l'en croit lui-même,
à Guillaume
le Conquérant; son père, lieutenant des gens d'armes
sous le maréchal d'Annebaut, mourut à trente ans, laissant
la terre de la Fresnaye grevée. Heureusement sa mère, Barbe
de Boislichausse, put, à force d'économie, libérer
le patrimoine du futur poète. En 1549, elle envoya son fils à
Paris; il y resta jusqu'en 1554, étudiant
les belles-lettres sous la direction de Tournebu, de Baquet et de Muret,
et il connut à cette époque la plupart des poètes
de la jeune école. En 1554, après quelques hésitations,
il se décida à faire son droit et, accompagné de deux
amis, se mit en route pour Poitiers. Mais, avant
même d'y être arrivé, à Angers,
il rencontra le poète Tahureau qui le dégoûta, par
ses railleries, des études juridiques; puis à Poitiers, il
fit la connaissance de Scévole de Sainte-Marthe, si bien qu'en 1535
parurent dans cette ville les deux premiers livres des Foresteries
de Vauquelin de La Fresnaie; son livre une fois publié, le jeune
homme courut à la Fresnaie chercher les éloges maternels.
Mais Barbe de Boislichausse, femme avisée et prudente, tança
vertement son fils.
Vauquelin se remit en route pour aller
poursuivre ses études de droit à Orléans,
puis à Bourges. Il les acheva sous
la direction des professeurs Balduin, Duarin et Donneau. En 1559, il fut
reçu avocat et obtint la charge d'avocat du roi au bailliage de
Caen. C'est vers cette époque qu'il écrivit
ses premières Epîtres et ses Idillies. En 1560, il
épousa l'héroïne et l'inspiratrice de ses vers, la Philis
des Idillies et la Myrtine des Foresteries, Anne de Bourgueville,
fille de Charles de Bourgueville, lieutenant général au bailliage
de Caen. Cependant Henri II, puis
François II mouraient; on était en pleine guerre civile;
Vauquelin prit parti pour le roi et, en 1562, écrivit un Discours
à la Royne, mère du Roy, intitulé Pour la Monarchie
contre la Division; les idées exprimées dans ce discours
sont excellentes; mais la forme en est moins heureuse; il ne fut imprimé
qu'en 1568.
Vauquelin, d'ailleurs, ne s'en tint pas
aux vers : en 1574, on le retrouve, en qualité de commissaire des
vivres, aux sièges de Domfront, puis de Saint-Lô. C'est cette
même année qu'il fait le projet d'écrire un Art
poétique et fait part à Desportes de son projet. Après
la mort de Charles IX, Desportes, favori de
Joyeuse, fit recommander par lui Vauquelin au nouveau roi. Henri
III écrivit au poète une lettre flatteuse et le nomma
intendant des côtes de Normandie.
-
Aux jeunes
poètes
«
Jeunes, prenez courage, et que ce mont terrible
Qui
du premier abord vous semble inaccessible [1]
Ne
vous estonne point. Jeunesse, il faut oser,
Qui
veut au haut du mur son enseigne poser.
A
haute voix desja la neuvaine cohorte [2]
Vous
gaigne, vous appelle et vous ouvre la porte,
Vous
montre une guirlande, un verdoyant lien,
Dont
ceint les doctes fronts le chantre Delien [3],
Et
par un cri de joye anime vos courages
A
vous ancrer au port en dépit des orages
Elle
repand desja des paniers pleins d'oeillets,
Des
roses, des boutons, rouges, blancs, vermeillets, Remplissant l'air de musc,
de fleurettes menues,
Et
d'un parfum suave enfanté dans les nues
Ces
belles fleurs du ciel vos beaux chefs toucheront,
Et
sous vos pieds encor la terre enjoncheront.
Dans
le ciel, obscurci de ces fleurs espandues,
Sont
les divines voix des Muses entendues.
Voyez
comme d'odeurs un nuage epaissi
De
manne, d'ambrosie, et de nectar aussi
Fait
pleuvoir dessus vous une odeur embamee
Qui
d'un feu tout divin rend vostre ame enflamee.
Les
vers sont le parler des anges et de Dieu;
La
prose, des humains. Le poete au milieu
S'elevant
jusqu'au ciel, tout repeu d'ambrosie,
En
ce langage escrit sa belle poësie. »
(Vauquelin
de la Fresnaye, extrait de l'Art poétique).
Notes
: [1] Le Parnasse. Vauquelin crie d'abord : « Courage, avancez ».
Boileau. « Prenez garde, n'avancez pas, consultez longtemps.
- [2] Les neuf Muses. - [3] Apollon, dieu de Délos.
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L'Art poétique ne fut pas
achevé avant 1589, date de l'assassinat du roi; il ne devait paraître
qu'en 1605, dans les Diverses poésies; Vauquelin, en effet,
ne négligea jamais ses fonctions, pour se donner plus assidûment
à la poésie - dans la préface des Diverses poésies,
il écrivait :
«
Jamais je ne m'oubliay tant que je laissasse les affaires pour entendre
à mes vers... Je n'escoutoy les Sirènes des Muses qu'à
mon grand loisir et aux heures où d'autres s'ébattent à
des exercices moins honnestes ».
Pourtant, de 1581 à 1585. il avait
écrit des Satires, des Idillies, une Israélide
et une Pastorale, inédites. Député aux États
de Blois, il y fit la connaissance du poète
Pontus de Tyard; puis il revint à Caen et
y resta jusqu'en 1594; il s'occupait d'élever ses huit enfants,
de revoir ses ouvrages et d'exercer ses fonctions de lieutenant général.
En 1505, il écrivit ses Sonnets chrétiens et fit paraître
le recueil dont nous avons parlé plus haut : il y avait réuni
des satires, des épigrammes, des épîtres, des épitaphes,
des sonnets et l'Art poétique. Il y avait même glissé
quelques idylles licencieuses, entre autres la Nuit de Mariage,
dans laquelle il fait aux lecteurs des confidences sur sa propre nuit de
noces. Il mourut dix ans avant sa femme.
Les poésies de Vauquelin ne sont
pas sans valeur; la langue en est saine et pure, l'inspiration souvent
sincère. Mais il leur manque l'originalité et la force. Elles
ressemblent un peu trop à la poésie courante de cette époque.
C'est par son Art poétique que Vauquelin occupe dans l'histoire
de notre littérature une place importante. Boileau,
qui n'a pas parlé de lui, l'avait lu et souvent imité. Vauquelin
lui-même avait pris à tâche de suivre Horace
pas à pas, et une grande partie de son ouvrage est consacré
â formuler des préceptes généraux, fidèlement
traduits du latin. Cependant, il s'y trouve aussi des jugements sur les
poètes contemporains.
L'Art poétique représente
la doctrine de transition entre les théories de la pléiade
et celles de Malherbe; Vauquelin ne formule
pas encore nettement les règles sévères de Malherbe,
mais il réagit avec vigueur contre la fantaisie excessive de Ronsard
et de ses disciples.
Oublié et dédaigné
pendant le XVIIe et le XVIIIe
siècle, Vauquelin a été, comme tant d'autres, réhabilité
par Sainte-Beuve. (A. Bayet).
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En
Bibliothèque - F.
Boïsard, Notice sur les hommes du Calvados; Caen, 1848. - Geanty,
Préface d'une édition de l'Art poétique; Paris,
1862. |
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Louis-Nicolas
Vauquelin est un chimiste né
à Saint-André-d'Hébertot (Calvados) le 16 mai 1763,
mort à Saint-André-d'Hébertot le 14 novembre 1829.
Il alla se placer, à quatorze ans, comme garçon pharmacien,
à Rouen, puis, à seize ans, à Paris, où il
arriva avec un écu en poche, et, remarqué par Fourcroy,
parent de son patron, entra dans son laboratoire où il passa huit
années (1783-91). Reçu pharmacien en 1792 et envoyé
l'année suivante à Melun comme
pharmacien en chef de l'hôpital militaire, il fut rappelé
en 1795 à Paris comme inspecteur et professeur de docimasie à
la nouvelle École des mines et, quelques mois après, fut
chargé d'une suppléance de chimie à l'École
polytechnique.
En même temps,
il était nommé membre de l'Institut, qu'on venait de réorganiser.
Il devint par la suite professeur de chimie au Collège
de France, en remplacement de Darcet (1801).
essayeur â la Monnaie (1802), directeur de l'École spéciale
de pharmacie (1803), professeur de chimie au Jardin
des Plantes (1801) et à la Faculté de médecine
(1809), ou il succéda respectivement à Brongniart
et à Fourcroy, membre de l'Académie de médecine (1820).
Tombé en disgrâce en 1822, sous le ministère Villèle,
à raison de ses opinions libérales, il se retira dans son
pays natal et, en 1827, fut envoyé par le département du
Calvados à la Chambre des députés, où il siégea
au centre gauche.
Vauquelin fut un
professeur peu brillant, mais très méthodique, qui forma
d'illustres élèves, comme Chevreul, Orfila,
Payen, Bouchardat. Il se montra, de plus, un expérimentateur fort
sagace, doué au plus haut degré du sens analytique, et, sans
pouvoir être rangé au même titre que les Lavoisier,
les Fourcroy et les Berthollet,
parmi les fondateurs de la chimie moderne, il a, du moins, notablement
contribué à ses premiers progrès.
On lui doit, notamment,
la découverte, en 1797, de deux corps nouveaux, le chrome et le
glucinium. Il a rendu, d'autre part, de signalés services à
l'industrie et à l'hygiène par ses multiples observations
sur le fer, l'acier, le plomb, la fabrication de l'alun, celle du laiton,
l'eau de couleur des bijoutiers, l'action oxydante du vin, de l'huile,
du vinaigre, etc. Enfin, il s'est livré, dans les règnes
végétal et animal, à de délicates recherches
sur les principes immédiats de nombreuses plantes, sur la sève
des végétaux, sur la respiration
des insectes et des vers, sur la liqueur séminale, sur les concrétions
urinaires, sur la coquille des oeufs, sur la laite des poissons. (L.
S.).
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Nicolas-Louis
Vauquelin.
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En
Bibliothèque - Outre
deux cent cinquante mémoires, qu'il a rédigés, soit
seul, soit avec Fourcroy, et qui ont paru dans le Journal des mines,
dans les Annales de chimie, dans le Journal de l'École
polytechnique, dans les Recueils de l'Académie des sciences,
dans les Annales du Muséum, dans les Annales des mines,
il a publié : Instruction sur la combustion des végétaux
(Tours, 1794-1803, in-4); Expériences sur les sèves des
végétaux (Paris, 1798, in-8); Analyse de la matière
cérébrale (Paris, 1814, in-4); Manuel de l'essayeur
(Paris, 1812, in-8 2e éd., 1835, in-18); Dictionnaire de chimie
(Paris, 1826, in-8).
Voir
aussi : Cuvier, Eloge de Vauquelin, dans Mém. Acad.
sc., t. XII. - Pour la liste des mémoires de Vauquelin, consulter
la France littéraire de Quérard et le Biograph.
literar. Handworterbuch de Poggendorff. |
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