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La diaspora juive
dans l'Empire romain et au Moyen âge
Aperçu
Le temps des persécutions
Les aspects régionaux
Les Juifs se révoltèrent plusieurs fois, contre le joug des Romains installés en Palestine depuis l'an 65 av. J.-C. En 70, Titus s'empara de Jérusalem (destruction du second temple) après une guerre de plusieurs années et un siège meurtrier de sept mois; enfin, à la suite d'une dernière révolte, la ville fut prise de nouveau sous Hadrien, l'an 135 les Juifs furent en grande partie exterminés, et ce qui restait fut à jamais chassé de Jérusalem. Ces événements marquent symboliquement les débuts de la dispersion des Juifs à travers le monde. Une dispersion qui avait, en réalité, commencé plus tôt, des populations juives étant déjà établies en divers points des côtes de la Méditerranée, et que l'on désigne habituellement sous le nom de diaspora juive. (Le terme est également appliqué aux populations juives vivant hors de la Palestine depuis cette époque).

Lorsque le christianisme fut devenu la religion de l'Empire, leur sort ne fit que que s'agraver. En 418, le service militaire leur fut interdit et on voulut les contraindre à recevoir le baptême. L'empereur Héraclius lança contre eux de nouvelles et terribles ordonnances (610). Ils furent moins maltraités par l'Islam : sous le règne des califes, les Juifs d'Asie, d'Afrique et d'Espagne purent en paix - ou dans une paix relative - se livrer au commerce et cultiver les lettres et les sciences. Dans l'Europe chrétienne, au contraire, surtout au temps des croisades, et dans les autres périodes de crises, comme au moment des épidémies de peste, ils eurent à subir toutes sortes de persécutions; ils se virent même à différentes époques forcés d'acheter à prix d'or le droit de vivre et de commercer; on leur fit porter des marques distinctives sur leurs habits (à partir du XIIIe siècle); dans chaque ville on les relégua dans un quartier séparé (appelé ghetto en Italie). Chassés de l'Angleterre en 1290, du midi de la France en 1395, d'Espagne et de Sicile en 1492, ils parvinrent cependant presque toujours à se faire rappeler, mais ce ne fut qu'en payant des sommes immenses. On les tolérait en Allemagne, mais ils y étaient la propriété des empereurs ou des seigneurs, qui les imposaient, les vendaient, les mettaient en gage à leur gré. L'établissement de l'Inquisition ranima encore contre eux les persécutions, surtout dans les États soumis à la domination espagnole. 

Le Moyen âge et une partie des temps modernes ont vécu, en ce qui concerne la situation légale des Juifs, sur deux principes universellement acceptés :

1° Les Juifs étaient considérés comme une nation, non comme une secte; cette nation, quoique arrachée de sa patrie, avait gardé ses lois, ses coutumes, sa langue sacrée; ses membres devaient donc être traités, dans les pays où on tolérait leur présence, comme des colons étrangers, peregrini sine civitate, ou des serfs.

2° En admettant même que les Juifs renonçassent à leur nationalité, ils ne pouvaient pas, dans un État chrétien, prétendre à l'exercice des droits politiques et à ceux des droits civils qui leur étaient assimilés; l'État médiéval était, en effet, une association de personnes professant la même religion. Seuls les chrétiens pouvaient participer activement à la société chrétienne.

Le grand mouvement d'idées suscité par la Renaissance et la Réforme ne modifia pas ces principes; le second reçut même une application nouvelle par l'effet de la scission de la chrétienté en protestants et catholiques : dans les États catholiques, les protestants, sauf de rares et temporaires exceptions, furent exclus de la « cité », et il en fut de même des catholiques dans les États protestants; bien plus, dans certains États protestants morcelés en plusieurs sectes, la confession dominante accapara au moins les droits politiques pour elle seule, et réduisit les « non-conformistes » à la situation de sujets tolérés. La Réforme ne profita donc qu'indirectement à la condition des Juifs en réveillant l'intérêt pour le passé biblique et en faisant couler le fleuve de la persécution et des haines religieuses dans un autre lit; mais les sentiments des réformateurs n'étaient pas favorables au judaïsme; Luther s'exprima sur son compte aussi durement que les dominicains de Cologne. Cependant la situation générale des Juifs s'améliora progressivement à dater du XVIe s. En France, ils furent admis à séjourner à Bayonne et à Bordeaux dès 1550 , et un peu partout en Europe commença à leur être accordée l'égalité des droits. Une évolution des lois, appelée l'émancipation des Juifs

L'émancipation.
Les véritables promoteurs de l'émancipation des Juifs seront les écrivains rationalistes du XVIIIe siècle. A cette époque, les philosophes propagent, avec le scepticisme religieux, les idées de tolérance, de justice et de large humanité; le sentiment national perd de son âpreté; surtout on substitue à la notion de l'État chrétien celle d'un État purement laïc, simple association d'intérêts, étrangère aux querelles et aux différences de religion. Ces conceptions nouvelles, qui se répandirent bientôt du haut en bas de la société, devaient avoir pour conséquence naturelle l'émancipation des Juifs, c.-à-d. leur assimilation pure et simple aux autres habitants des pays où ils étaient fixés. Peu importaient les sentiments personnels des philosophes à l'égard du peuple persécuté : si Montesquieu a un beau chapitre contre l'Inquisition portugaise (Esprit des lois, XXV, 13), Voltaire n'a pour les Juifs que sarcasmes et rancunes. Mais la conclusion était renfermée dans les principes; tôt au tard elle devait s'en dégager. 

Un obstacle sérieux résidait dans les Juifs eux-mêmes, dans leur attachement à leur nationalité, à certains « privilèges », achetés par la privation de tant de droits essentiels, dans leur particularisme de moeurs et d'idées qui les tenait à l'écart de la société environnante. L'émancipation légale devait être précédée d'une réforma-
ion intérieure, ou tout au moins marcher de pair avec elle. Le signal de cette réformation partit d'Allemagne, c.-à-d, du pays où jusqu'alors le judaïsme avait vécu le plus renfermé et jeté le moins d'éclat. Son principal initiateur fut un grand homme de bien : Moïse Mendelssohn (1729 -1786). Juif de Berlin, ami de Lessing, philosophe et écrivain distingué. Par ses conseils comme par son exemple, Mendelssohn s'efforça de répandre parmi ses coreligionnaires la connaissance de la langue allemande, le goût des lettres et des sciences modernes, de concilier, en un mot, les traditions religieuses du judaïsme avec les exigences nouvelles de la société européenne. Sa traduction allemande  en 1779 du Pentateuque (Ancien Testament) marque une date dans l'évolution du judaïsme, et donna l'impulsion à toute une jeune école de savants et de littérateurs israélites dont l'organe fut la revue Meassef. Ce fut sous l'inspiration de Mendelssohn qu'un écrivain chrétien, Dohm, rédigea un mémoire sur la réforme politique des Juifs (1781) qui, destiné d'abord à Louis XVI, fit sensation en Allemagne. 

C'est en Allemagne et en Autriche que l'esprit nouveau porta aussi ses premiers fruits dans la législation. Les premières traces en sont déjà sensibles dans l'ordonnance de Frédéric II (1750). L'édit de tolérance de Joseph Il (1781) abolit le Leibzoll en Autriche, assujettit les Juifs au service militaire, leur permet l'exercice de la profession d'avocat, mais leur refuse encore la propriété foncière et l'entrée des corporations; en même temps l'empereur ouvrait des écoles destinées à répandre parmi eux l'instruction profane. Le Leibzoll fut également aboli en Prusse en 1787. A la même époque, la constitution des États-Unis d'Amérique, rédigée sous l'influence de la philosophie nouvelle, n'admettait aucune distinction de droits fondée sur la différence de religion; à peine quelques États, comme le Maryland, conservaient des restrictions particulières destinées à bientôt disparaître.

Comme on le voit, l'histoire de la diaspora juive déborde largement du cadre strict du Moyen âge. Il nous a semblé cependant utile d'aborder comme un tout toute la période comprise entre la destruction du second temple et l'émancipation, tout en insistant sur la période médiévale, qui est phase la plus critique de cet intervalle de temps.



Edgar Morin, Le monde moderne et la question juive, Le Seuil, 2006.

Jules B. Farber, Les Juifs du pape en Provence, rééd. Actes Sud, 2006. De l'Espagne à Avignon, la route est balisée de vestiges laissés par ceux qui allaient devenir les Juifs du pape. Présents avec les Romains, les Juifs s'établissent en Gaule dès le Ier siècle avant Jésus-Christ dans des villes comme Marseille où Lunel. Au cours des siècles, leur situation se détériore. Frappées d'expulsion au Moyen Age, les petites communautés se sont pourtant maintenues en Languedoc et en Provence, en particulier dans le Comtat venaissin, propriété des papes jusqu'en 1791. (couv.).

André Kaspi, Les juifs américains, Plon, 2008. 9782259201605

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