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Jeanne d'Arc |
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Jeanne d'Arc ou Darc, surnommée la Pucelle d'Orléans, est une aventurière célèbre, qui naquit en 1412 à Domrémy, près de Vaucouleurs et a été, brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431. Fille de laboureurs, qui avaient une aisance relative (son père Jacques d'Arc, natif de Ceffonds, fut doyen de Domrémy), Jeanne mena dans son enfance une vie assez humble, n'ayant appris ni à lire ni à écrire, à une époque où pourtant l'instruction élémentaire n'était pas absolument rare. Ignorante, dira son dernier confesseur, au point de savoir à peine son Pater, Jeanne, selon une légende contestée, aurait gardé parfois les troupeaux de son père, mais plus souvent aidait aux soins du ménage sa mère Isabelle Romée, originaire de Vouthon, " filant et cousant aussi bien que femme du monde". La bigoterie, dont sa mère avait jeté les germes dans son esprit, s'y développa et prit dans sa vie une place prépondérante; si bien qu'elle n'hésitait pas à fuir les jeux de ses compagnes, à laisser même un moment ses occupations, pour prier dans les sanctuaires, notamment dans celui de Notre-Dame de Belmont ou Bermont, pèlerinage assez fréquenté. L'on a même pu dire avec vraisemblance, sinon avec certitude, qu'elle se fit affilier au tiers ordre de la pénitence de Saint-François d'Assise, qui comptait en France de nombreux adeptes. Toute abandonnée à sa foi fanatique en la religion chrétienne et en la monarchie française, elle disait ressentir avec vivacité la "grande pitié qui était au royaume de France"; elle ne pouvait, ajoutait-elle, voir couler le sang français sans que les cheveux lui dressassent à la tête, et le seul Bourguignon qui fût à Domrémy, elle eût voulu lui voir couper la tête, si c'eût été la volonté de Dieu. Sans être un théâtre habituel de la guerre, la vallée qu'elle habitait n'était pas à l'abri des incursions des hommes d'armes; une fois, avec sa famille, elle dut fuir jusqu'à Neufchâteau. D'ailleurs, Domrény, sis sur une route assez fréquentée par le commerce, recevait l'écho douloureux des désastres qui s'abattaient sur les régions alentour. Une légende qui courait le pays disait que la royauté, perdue par une femme, serait sauvée par une vierge : la femme de ruine, c'était lsabeau de Bavière; la vierge libératrice serait donc Jeanne d'Arc (La Guerre de Cent ans). Des prétendues voix, qu'elle dit être celles de l'archange saint Michel et des saintes Catherine et Marguerite, se manifestèrent à elle dans sa treizième année (été de 1824), lui recommandant d'abord d'être bonne et pieuse, puis la pressant de marcher au secours du dauphin. Après des angoisses et des hésitations qui durèrent jusqu'en 1428, Jeanne finit par céder à ce qu'elle regardait comme l'ordre impérieux du ciel. Conduite par son cousin Durand Lassart ou Laxart au capitaine de Vaucouleurs, le sire de Baudricourt, deux fois repoussée par ce dernier, elle ne céda pas; déclarant qu'il lui fallait aller trouver le dauphin, "quand elle y devrait user ses jambes jusqu'aux genoux", elle réussit à convaincre deux hommes d'armes, Jean de Metz et Bertrand de Poulangy, qui s'offrirent à l'accompagner, et les bonnes gens du lieu, qui se cotisèrent pour lui offrir un équipement. Baudricourt céda, lui donna l'épée, la munit d'une lettre d'introduction pour le dauphin et autorisa le départ le 23 février 1429. A Chinon, en Touraine, où était Charles VII, et où la petite troupe parvint le 6 mars, à travers tous les périls de la route, les difficultés recommencèrent. Statue équestre de Jeanne d'Arc, à Blois. La situation semblait désespérée pour le parti français : depuis six mois que le dernier boulevard de la royauté française, Orléans, luttait avec opiniâtreté contre le siège, Charles avait épuisé ses dernières ressources en hommes et en argent; et l'on s'attendait à voir d'un jour à l'autre tomber aux mains des Anglais la fidèle et courageuse cité. Pourtant, l'on n'accueillit pas sans méfiance les ouvertures de celle qui se disait envoyée de Dieu; la crainte de s'abandonner à une aventurière ou de prêter au ridicule faisait même hésiter à la recevoir. Après qu'on lui eut accordé l'entrevue, elle eut beau, nous dit-on, reconnaître le roi dans la foule des seigneurs où il se cachait, elle eut beau lui révéler un secret dont, prétendit-il, Dieu seul pouvait avoir connaissance, on ne voulut rien faire sans l'avoir fait examiner par des gens d'église à Poitiers. Jeanne sortit de l'épreuve triomphante : c'est là qu'elle fit cette malicieuse réponse à un de ses juges, d'origine limousine, qui lui demandait quelle langue parlaient ses voix : "Meilleure que la vôtre". Répondant sans faillir aux objections, déconcertant par les saillies d'un esprit vif et fin toute la tactique employée pour la prendre en défaut, charmant et touchant ceux qui l'approchaient, elle obtint gain de cause. Nommée chef de guerre, elle reçut une armure du roi, se fit donner une épée que ses voix lui avaient indiqué se trouver derrière l'autel de sainte Catherine de Fierbois, et se fit faire un étendard représentant sur une face Dieu en majesté, trônant sur les nues, ayant aux pieds deux anges en adoration avec chacun une fleur de lis; une banderole portait les mots Jésus-Maria. Sur l'autre face, deux anges soutenaient l'écu de France. On réunit l'argent nécessaire, et Jeanne, après avoir sommé les Anglais de lui rendre, au nom du roi du ciel, les clefs de toutes les places qu'ils occupaient dans le royaume, marcha sur Orléans, où elle entra le 29 avril, au grand enthousiasme des habitants. En quelques jours, elle ravitailla deux fois la place, chassa les Anglais des fortes positions qu'ils occupaient, jeta parmi eux la panique et les réduisit à une retraite précipitée. Orléans délivré, Jeanne voulut accomplir le second point de sa mission : conduire le dauphin à Reims pour y être sacré; mais elle se heurta à la mauvaise volonté d'un conseil où La Trémoille était tout-puissant et dont le roi ne savait pas se dégager. Jeanne, qui disait qu'elle ne "durerait qu'un an", obtint encore gain de cause, et, pendant que Charles VII faisait ses préparatifs, elle menait cette tonitruante campagne qui, en une semaine (12 à 19 juin), faisait tomber entre ses mains Jargeau, le pont de Meung, Beaugency, et se terminait, le 19 juin, par la défaite écrasante à Patay, en rase campagne, de l'armée anglaise et de l'un de ses meilleurs capitaines, Talbot. Le roi, cependant, ne se décidait pas à partir: il fallut qu'elle allât de l'avant pour l'y déterminer; La Trémoille, toujours hostile, empêcha de prendre Auxerre, qui paya largement ce service. Troyes faisait mine de résister, et le conseil parlait de passer outre; Jeanne imposa sa volonté : à la première menace d'assaut, la ville se rendit, entraînant dans sa soumission Châlons et Reims. Jeanne d'Arc au sacre de Charles VII, par Ingres. (1854). C'est le 16 juillet que l'armée pénétrait dans la ville du sacre; le lendemain avait lieu l'imposante cérémonie où Jeanne et son étendard eurent une place d'honneur. Jeanne qui, dès le début, avait déclaré que sa mission se bornait à faire lever le siège d'Orléans et à faire sacrer le roi à Reims, resta cependant avec l'armée. Elle eût voulu qu'on marchât sur Paris; les tergiversations du conseil, qui négociait sans cesse et qui voulait ramener le roi derrière la Loire, retardèrent tellement son désir que ce n'est que le 20 août qu'elle fut à Saint-Denis, et le 7 septembre qu'elle y fut rejointe par le roi. Blessée et repoussée à l'assaut de la porte Saint-Honoré, elle se vit empêchée par le roi de tenter un nouvel effort. Elle suspendit son armure en ex-voto à Saint-Denis, et la retraite commença. La fin de l'année se passa dans des succès mêlés de revers au sud de la Loire. Charles VII, qui en décembre anoblissait la Pucelle et toute sa famille, la maintenait dans l'inaction. Au printemps de 1430, Jeanne s'échappait et courait au secours de Compiègne assiégé, en dépit de ses voix qui, prétendra-t-elle plus tard, lui disaient qu'elle serait prise. Tombée aux mains des Bourguignons le 23 mai, peut-être à la suite d'une trahison, elle tenta de s'échapper de sa prison, en sautant par une fenêtre, et fut grièvement blessée. Le comte de Luxembourg, qui la détenait, finit par la vendre aux Anglais (21 novembre), représentés par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et créature du roi d'Angleterre Henri VI; elle fut conduite à Rouen, où commença un procès qui ne fut qu'un long martyre. Après l'instruction préparatoire (14-17 février), eut lieu le procès, qui commença le 21 février. Jeanne étant accusée de crimes contre la foi, le vice-inquisiteur fut appelé à siéger au procès ; il refusa d'abord, et ce ne fut que contraint, après en avoir reçu une commission spéciale, qu'il prit place comme assesseur, le 13 mars. Il nous reste du procès-verbal rédigé par le greffier Manchon, outre un fragment de la minute originale, une traduction authentique en latin, document de premier ordre, malgré des lacunes, et malgré le soupçon fondé de changements apportés par les juges. Les dépositions faites au procès de réhabilitation nous ont conservé plusieurs traits de la physionomie du procès de condamnation. Si à aucun moment l'on n'employa contre Jeanne la torture physique (la majorité du tribunal y fit opposition), l'interrogatoire constitua pour elle une véritable torture morale. Toutes les finesses de la théologie, toutes les subtilités de la jurisprudence furent mises en oeuvre contre cette pauvre fille ignorante, à laquelle on n'accordait même pas le secours d'un avocat et qui, pour se défendre, n'avait que son bon sens. Statue de Jeanne d'Arc (Paul Dubois, 1901) devant l'église Saint-Augustin, à Paris. Photos : © Serge Jodra, 2010 - 2011. On croisait, on entremêlait les questions captieuses; on sautait brusquement d'un point à un autre; on cherchait dans chaque réponse une base à de nouvelles interrogations, à de nouvelles attaques. On lui posait des questions auxquelles un théologien eût hésité à répondre; parmi ceux même qui siégeaient au tribunal, il s'en trouva que de tels procédés écoeurèrent; quand Cauchon demanda à Jeanne si elle se croyait en état de grâce, Jeanne eut une de ces réponses qui déconcertaient toute l'adresse de ses juges : "Si je n'y suis, que Dieu m'y mette; et si j'y suis, que Dieu m'y tienne". On fit surtout rouler le procès sur le port des habits d'homme, que Jeanne refusait avec énergie de quitter, tant qu'elle serait entourée de grossiers soudards; sur les visions qu'elle s'obstinait à déclarer réelles et envoyées de Dieu, mais sur lesquelles elles ne voulait pas donner de détails précis; sur la soumission à l'Eglise. Si Jeanne eût été conseillée, elle en eût appelé au pape, ce qui aurait mis l'évêque de Beauvais dans une situation embarrassée; elle se contenta de requérir qu'on la conduisît devant le souverain pontife, ou bien au concile où siégeaient des prélats de son parti. Malgré toute son énergie, Jeanne s'épuisait dans cette lutte inégale; elle fut un instant si gravement malade qu'on put craindre de la voir mourir. Elle eut un moment de faiblesse : le 23 mai 1431 au cimetière Saint-Ouen en face du bûcher qui se dressait pour elle, pressée par les objurgations de ceux qui l'entouraient, elle signa d'une croix la formule d'abjuration, mais on ne tarda pas à la reprendre. Elle avait promis de revêtir des habits de femme; elle garda son vêtement masculin, contrainte, suivant une version, par ses gardiens, qui n'en mettaient pas d'autre à sa disposition. On la déclara relapse; alors, elle rétracta ce qu'on lui avait fait dire déclarant qu'elle n'avait abjuré que par crainte du feu, mais que ses voix le lui avaient reproché et qu'elle aimait mieux mourir que de les renier. Le 30 mai, on la conduisit au lieu du supplice. Elle mourut en prononçant le nom de Jésus, qu'elle avait fait jadis marquer sur son étendard et qu'elle mettait en tête de ses lettres. Jeanne d'Arc. On a vivement reproché à Charles VII de n'avoir rien tenté pour délivrer celle qui l'avait fait sacrer : il y a de fortes présomptions qu'il fit tenter un coup de main, la seule chance qu'il eût de réussir à la sauver. La nouvelle de la prise de la Pucelle avait jeté la consternation en divers lieux de France; à Tours, on ordonna un deuil public. A Orléans, dès 1435, sa vie devint le sujet d'un Mystère représenté devant le peuple et qui entretenait chez lui l'amour de la libératrice. Dès que Charles VII fut le maître en France, il s'occupa de faire réhabiliter Jeanne d'Arc. Le 17 novembre 1455, la cause fut officiellement introduite : le 7 juillet suivant. La sentence définitive fut prononcée par le pape Calixte III. L'aventurière sera béatifiée en 1909, et canonisée en 1920. Jeanne dans la littérature. Jehanne, la bonne LorraineCitons aussi le long et ennuyeux poème de Chapelain, la Pucelle, dont on disait méchamment : Depuis vingt ans on parle d'elle,Il eut cependant au moins trois éditions (la 1re en 1656), que n'expliquent pas suffisamment quelques beaux vers mêlés dans le fatras d'une insipide poésie. On parlera en son lieu de la Pucelle, de Voltaire, dont nous nous dispenserons de rien dire ici. Parmi les tentatives poétiques que le XIXe siècle a vues éclore, nous rappellerons, avec l'élégie assez froide de Casimir Delavigne dans les Messéssiennes, la trilogie de Soumet, Jeanne d'Arc (Paris, 1846), parue après la mort de l'auteur. D'autres drames en vers ou en prose, comme ceux du comte de Puymaigre, de Porchat, de Renard, de Daniel Stern, de Barbier, de Joseph Fabre, ne peuvent être que mentionnés. Hors de France, quelques oeuvres sont à signaler particulièrement. En Angleterre, après les insultes versées sur l'aventurière française par Shakespeare dans le premier Henri VI et où l'on relève cependant, dans la bouche de la Pucelle, de beaux vers que quelques critiques (Montégut, par exemple) regardent comme une sourde protestation de l'illustre poète contre les sentiments du public, l'opinion s'est, peu à peu modifiée. Robert Southey a pu écrire en 1795, à la gloire de Jeanne d'Arc, un poème qui contient des beautés, mais où le caractère de l'héroïne est étrangement travesti. Plus tard, Steggall a dédié « aux soeurs de Jeanne, les filles de la France » une Jeanne d'Arc (Londres, 1868) fort enthousiaste. Schiller a fait représenter, en 1801, die Jungfrau von Orléans, drame où l'histoire est singulièrement altérée, mais où le génie de l'auteur se reconnaît à des morceaux de premier ordre. « Au XVe siècle, les historiens, proches des juristes qui, en s'appuyant sur le droit romain, essaient de renforcer le pouvoir de la monarchie, ignorent pratiquement la Pucelle, et Gilles, dans ses Annales, ne fait même pas allusion au procès de Jeanne. C'est que le triomphe du roi et du principe monarchique ne sauraient reposer sur l'aide d'une sainte, ou d'une sorcière; le service du roi exige la laïcisation de l'héroïne, et que son rôle ne soit pas grandi. Gilles écrit donc que le Roi a « permis » à Jeanne de l'aider dans son combat, et que ses conseillers, comprenant le parti que leur maître pourrait tirer de la venue de la Pucelle, ont monté toute une affaire pour qu'elle apparût miraculeuse. Au XVIIe siècle, tout change l'Eglise fortifiant son emprise sur l'Etat, elle veut l'incarner, et le miracle prend le dessus: Jeanne a vraiment entendu des « voix »; de l'évêque Cauchon, qui devient un gêneur, on parle moins, pour mieux accabler les Anglais, responsables du procès. Bien entendu, lorsque, avec la Révolution française, apparaît une version laïque de l'histoire, les historiens sont ennuyés par ces voix, précisément; ils écrivent donc que Jeanne a « cru » entendre des voix. En 1904, après l'Entente cordiale entre la France et l'Angleterre, l'historien Lavisse, pour concilier l'inconciliable, restitue son mauvais rôle à Cauchon, quitte, pour sauver l'honneur de l'Eglise - dans un pays qui vient de connaître de durs conflits sur la laïcité - à faire intervenir un moine qui, au moment où Jeanne va mourir, lui tend la croix. » (Marc Ferro, in Le Temps stratégique, n°15, Genève, 1985-1986).Mais c'est au XIXe siècle surtout que l'histoire de Jeanne d'Arc a été remise au goût du jour et la place qu'elle occupe dans l'imaginaire contemporain s'est façonné à cette époque, en même temps sans doute que l'histoire commençait à se muer en science, mais aussi que l'école de Jules Ferry introduisait Jeanne dans les manuels d'histoire, au côtés de Vercingétorix et de "nos ancêtres les Gaulois". Michelet avait déjà consacré à l'héroïne ces pages ardentes et enthousiastes, et par ailleurs attendrissantes, qui forment un des plus beaux morceaux de son Histoire de France; Henri Martin, avec un esprit, plus froid, avait aussi écrit son Histoire de Jeanne d'Arc, tirée de sa grande Histoire de France quand Jules Quicherat fit faire à la connaissance de ce drame un pas décisif par la publication intégrale des deux Procès de condamnation et de réhabilitation, de jeanne d'Arc (dans les publications de la Société de l'histoire de France, Paris, 1841-1849). Les procès, jusqu'alors, n'étaient à la disposition du public que dans les extraits donnés au siècle précédent par L'Averdy (t. IIl des Notices et Extraits des manuscrits de la bibliothèque du Roy, Paris, 1790); Quicherat les collationna avec soin sur les manuscrits originaux, et sa publication reste la source principale où ont puisé tous ceux qui ont écrit l'histoire de Jeanne. Le tome Ier, est consacré au procès de condamnation dont Quicherat a donné, outre le texte latin, ce qui reste de la minute originale de Manchon; le procès de réhabilitation et les pièces qui y sont relatives remplissent tout le tome II et une partie du tome III, qui contiennent encore les opinions et mémoires extra-judiciaires publiés du vivant de Jeanne : tels le mémoire de Gélis, celui d'un clerc allemand, etc. Le tome IV donne tout ce que Quicherat a pu relever sur Jeanne d'Arc dans les chroniqueurs et historiens du XVe siècle; enfin, le tome V, avec les témoignages des poètes, contient les lettres, extraits de comptes, etc. Les procès, qui restent malgré tout la source essentielle, celle où l'on apprend le mieux à connaître le caractère de Jeanne et les circonstances de sa vie, ont été d'assez bonne, heure mis à la portée des lecteurs français par des traductions plus ou moins complètes, plus ou moins exactes. Une récupération de Jeanne d'Arc, à l'occasion d'un appel aux femmes américaines pendant la Première Guerre mondiale. Presque au même moment, Vallet de Viriville traduisait le Procès de condamnation (Paris, 1867), et O'Reilly présentait, dans une autre version, les Deux Procès de condamnation, les Enquêtes et la Sentence de réhabilitation (Paris, 1868). Mais on a plutôt eu recours aux traductions données par Fabre, qui a beaucoup fait pour la mémoire de Jeanne d'Arc (Procès de condamnation, 1885; Procès de réhabilitation, Paris, 1888), et par l'abbé Fesch et Léo Taxil (le Martyre de Jeanne d'Arc, Paris, 1890). Dans son recueil, Quicherat n'avait donné qu'un choix des mémoires rédigés en faveur de Jeanne d'Arc (celui, par exemple, de Théodore de Leliis). En 1889, Pierre Lanery d'Arc a publié, pour servir de suite et de tome VI au recueil de Quicherat, les Mémoires et Consultations en faveur de Jeanne d'Arc, par les juges du procès de réhabilitation (Paris, 1889). Ce recueil contient les sommaires de Théodore de Leliis, de G. de Verseilles, de Jean Bréhal, les opinions, considérations ou consultations de Paul Pontanus, de Jean L'Hermite, d'Hélies, de Bourdeilles, de Thomas Basin, de Martin Bernier, de Jean Bochard, de Jean de Martigny, Guillaume Rouillé, etc., enfin la Recollection de Jean Bréhal, grand inquisiteur, qui fut la pièce capitale du procès de réhabilitation. Parmi les ouvrages de grande vulgarisation ou les thèses de quelque importance dont Jeanne d'Arc a été l'objet à l'époque, les plus considérables sont : Histoire de Jeanne d'Arc, par Wallon, écrite dès 1860 et dont il a paru, en 1876, une magnifique édition illustrée; Jeanne d'Arc, par Marius Sepet (1869); Jeanne d'Arc libératrice de la France, par J. Fabre (1884); Jeanne d'Arc à Domrémy, par Siméon Luce (1886). L'on s'est placé à un double point de vue pour juger Jeanne d'Arc : tandis que les écrivains catholiques, tels que Marius Sepet, ont adopté en général la certitude de la mission divine de Jeanne d'Arc et la réalité de ses voix et apparitions, d'autres, se plaçant au point de vue rationaliste, ont considéré Jeanne d'Arc comme une hallucinée, tantôt croyant, dans un sens fort large, comme Henri Martin, à sa mission divine, tantôt l'expliquant, comme J. Fabre, par les conditions de milieu et par l'inspiration du simple patriotisme. Il paraît encore au XIXe siècle, sur Jeanne d'Arc, un certain nombre d'ouvrages de fantaisie; par exemple, on a été jusqu'à soutenir qu'il n'y avait pas eu une Jeanne d'Arc, mais deux Jeanne l'inspirée et sa soeur Claude, la guerrière, celle-ci agissant sous l'influence des fées. Claude, après la mort de sa soeur, aurait voulu reprendre les armes, et c'est elle la fausse Jeanne d'Arc, connue dans l'histoire sous le nom de «dame des Armoises». Est-il besoin de dire que cette thèse extravagante ne s'appuie que sur des imaginations? Claude, dite « Jeanne des Armoises », qui de 1436 à 1440, réussit à tromper la crédulité publique en se faisant passer pour Jeanne d'Arc et dont la fraude ne fut mise au jour que par Charles VII, a trouvé d'autres historiens qui ont voulu l'identifier avec Jeanne d'Arc elle-même. Bien qu'il ne puisse y avoir l'ombre d'un doute sur le supplice, à Rouen, de Jeanne, dont les cendres furent jetées dans la Seine, quelques auteurs ont soutenu qu'elle n'avait été qu'incarcérée, et que la femme qui se faisait passer pour elle et qui épousa le sire des Armoises était bien l'héroïne d'Orléans. Parmi ces auteurs, on citera Ernest Lesigne : la Fin d'une légende (Paris, 1889, et Gaston Save : Jehanne des Armoises, pucelle d'Orléans (Nancy, 1893). Ajoutons ici les jugements qu'ont portés sur Jeanne d'Arc deux des auteurs que nous venons de nommer et qui l'ont étudiée de près. Quicherat s'exprime en ces termes-: « La sainte du Moyen âge, que le Moyen âge a rejetée, doit devenir celle des temps modernes. Elle a confessé par sa mort bien des sentiments pour lesquels il convient qu'il y ait encore des martyrs... Du dernier regard qu'elle jeta sur la terre, elle vit la France reconquise et consolée : sérénité admirable de l'expérience enfantée par une conviction vraie, abnégation dont il faut prier Dieu que les coeurs se pénètrent toutes les fois que chercheront à se réunir les forces divisées de la patrie. »Joseph Fabre a proposé au Parlement de décider que la République française célébrerait annuellement par toute la France la fête de l'héroïne, soit le 8 mai, anniversaire de la délivrance d'Orléans, soit le 30 mai, anniversaire de la mort de la Pucelle. « Jeanne, écrit-il, est la sainte de la France. Il est conforme à toutes les traditions que les saints soient glorifiés l'anniversaire du jour où ils furent martyrisés. D'ailleurs, Jeanne mourante a été encore plus grande que Jeanne triomphante... La nation a sa fête de la liberté. Elle aurait sa fête du patriotisme. »Et l'on peut conclure sur ce sujet en rendant la parole à Marc Ferro : « Comme on le voit, ces différentes versions [l'histoire de Jeanne] expriment à la fois la vision des différentes institutions qui incarnent l'Etat ou la nation, leurs besoins successifs, et la nécessité qu'elles éprouvent d'arriver à des compromis. » (Ibid.)Jeanne d'Arc dans les Beaux-Arts. Les monuments élevés en l'honneur de l'aventurière sont innombrables; chacune de ses stations douloureuses ou glorieuses a été consacrée, pour ainsi dire, par une oeuvre d'art. Nous ne pouvons citer que les principales. Sa maison natale, à Domrémy, est devenue une sorte de musée avec, pour ornement, le groupe d'Antonin Mercié représentant la France blessée et lâchant son épée que saisit Jeanne d'Arc. Un autre groupe par André Allar, Jeanne entendant ses voix (saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite) qui lui ordonnent de partir au secours de la France (chevet de la basilique de Domrémy). Ce groupe a été exposé au Salon de 1891. On voit : à Mousson, sur la tour de l'église, la statue colossale de Jeanne, par la duchesse d'Uzès; à Nancy, une statue équestre de Jeanne, par Frémiet; à Compiègne, la Jeanne d'Arc combattant, d'Etienne Leroux; à Beaurevoir (Aisne), le bronze de Jeanne serrant sur sa poitrine l'étendard fleurdelisé, par Léon Moynet. Outre la statue équestre de Jeanne par Foyatier, sur la place du Martroi, celle de Jeanne foulant aux pieds l'étendard britannique, par Gois, au bout du pont sur la Loire, celle de Jeanne pressant son épée sur son coeur, par la princesse Marie d'Orléans, dont l'original est à Versailles, à l'hôtel de Ville, Orléans a consacré un musée spécial aux souvenirs de Jeanne et de son époque. Chinon possède la statue de Jeanne lancée au galop, par Roulleau. De plus, le musée du Luxembourg renferme une Jeanne sur le bûcher, du sculpteur Cordonnier; Jeanne à Domrémy écoutant ses voix, chef-d'oeuvre de Chapu; le Louvre a aussi une Jeanne d'Arc, par Rude. La cathédrale de Reims abrite une Jeanne d'Arc au sacre, par de Saint-Marceaux. A Rouen, le monument de Jeanne prisonnière, par Barrias, s'élève sur le plateau de Bon-Secours, et la grosse Tour a été reconstruite dans cette ville sur l'emplacement et sur le plan de l'ancienne où Jeanne fut emprisonnée. On trouve également des statues de Jeanne à Blois, à Beaugency, etc. , à droite, Dante Gabriel Rossetti (école préraphaélite). Les sculpteurs n'ont pas été seuls à célébrer la gloire de Jeanne; les peintres l'ont fait dans de nombreux tableaux; nous ne pouvons en citer que quelques-un. En premier lieu, la série des fresques de Lenepveu au Panthéon : Jeanne entendant les voix; Jeanne combattant à Orléans; le Sacre de Charles VII à Reims; Supplice de Jeanne d'Arc; une bonne toile de Paul Delaroche, Jeanne d'Arc interrogée dans sa prison par le cardinal de Winchester (1824); la Mort de Jeanne, d'Eugène Devéria au musée d'Angers; Jeanne d'Arc assistant au sacre de Charles VII, par Ingres (1855). On peut encore mentionner la Jeanne d'Arc, de Bastien-Lepage (Histoire de la peinture française), très remarquable, malgré quelques imperfections (1880); Jeanne d'Arc victorieuse des Anglais rentre à Orléans et est acclamée par la population, par Jean-Jacques Scherrer (1887), et enfin, Jeanne d'Arc à Domrémy, de Demont-Breton, qui figura au Salon de 1873. (NLI). |
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