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L'histoire de l'Italie
Les Normands en Italie
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Les Normands ont pris pied dans le sud de l'Italie au début du XIe siècle, à l'occasion de leurs expéditions en Palestine, lors de la première Croisade. Ce pays appartenait à l'empire grec, mais les Lombards y avaient conservé plusieurs principautés, les Sarrasins pillaient les uns comme les autres, et il résultait de ce chaos de peuples, de langues et de dominations, une anarchie favorable aux audacieux coups de main. Les pèlerins passaient souvent par là, car les ports de Naples, d'Amalfi, de Bari, étaient en relations suivies avec le Levant. Les Normands particulièrement prenaient ce chemin pour vénérer au passage le fameux sanctuaire du Mont Cassin, et surtout celui du Mont Gargano, dédié à saint Michel, et qui avait des liens spirituels depuis plusieurs siècles avec le fameux monastère normand placé sous la même invocation.

Une quarantaine d'entre eux, revenant de Palestine, se trouvaient à Palerme à un moment où la ville était attaquée par une flotte de 20.000 Sarrasins. Cette ville, devenue une sorte de Capoue, où la vie était facile, n'osait se défendre. Notre poignée de pèlerins, troquant le bourdon pour l'épée, ranimèrent le courage de la population, et mirent l'ennemi en fuite (1016). Ils refusèrent d'ailleurs toute récompense « n'ayant agi que pour l'amour de Dieu », mais, revenus en Normandie, ils vantèrent les charmes et la richesse du pays napolitain, et de nombreux aventuriers, guidés cette fois par des  moins désintéressés, passèrent les Alpes.

Les plus célèbres et les plus heureux furent les fils de Tancrède de Hauteville, pauvre gentilhomme du Cotentin, qui vont exploiter avec une merveilleuse habileté et une complète absence de scrupules les conflits et les jalousies de ceux qui auraient pu les arrêter. C'est ainsi qu'on les voit servir les Grecs contre les Sarrasins au siège de Syracuse, puis tomber sur les Grecs eux-mêmes qui leur ont refusé leur part du butin. Ils sont d'ailleurs irrésistibles. 

Guillaume Bras de Fer pourfend d'un coup d'épée le gouverneur de Syracuse, un autre assomme d'un coup de poing le cheval d'un parlementaire dont les explications lui paraissent trop longues. Avec 1200 hommes, ils taillent en pièces 60.000 Grecs.

C'est alors qu'ils commencent à s'installer. Guillaume Bras de Fer devient duc de Pouille et il a une douzaine de comtes pour vassaux (1043). Les Grecs essayaient de s'en débarrasser par des massacres, mais il en arrivait d'autres constamment : c'était devenu une émigration en règle. Du reste les Normands usaient de terribles représailles. Un des fils de Tancrède ayant été assassiné dans une église, son meurtrier eut les membres sciés et fut ensuite enterré encore vivant.

Le plus remarquable des fils de Tancrède de Hauteville est Robert Guiscard ou l'Avisé qui devint à son tour duc de Pouille. Il commence en bandit de grand chemin et finit en souverain de haute allure. La princesse byzantine Anne Comnène nous en trace un portrait plutôt sympathique. Au physique, c'est un hercule blond, au teint coloré, aux yeux qui lancent des éclairs, les épaules larges à porter un monde, un type accompli de beauté virile. Avec cela, c'est l'esprit le plus souple, le plus délié, le plus prompt à saisir l'occasion favorable ou le plus habile à la faire naître.

Le pape en fit l'expérience. Incommodé par ces terribles voisins qui étendaient chaque jour leur domination, le pape Léon IX excommunia les Normands et marcha contre eux en personne, à la tête d'une armée composée d'Italiens, d'Allemands et même de Grecs. Il fut battu et tomba entre les mains de Robert Guiscard (1053). Un tel captif était embarrassant. Guiscard lui demande sa bénédiction et lui offre ses services. Ce coup de théâtre le servit plus qu'une victoire. La papauté donna aux conquérants normands ce qui leur manquait, une consécration officielle. 

Le successeur de Léon IX, le pape Nicolas II, légitima définitivement leur situation (1059) : il reconnut Guiscard comme duc de Pouille, et lui conféra d'autant plus volontiers l'investiture de la Calabre et de la Sicile que le Saint-Siège n'avait sur elles aucun droit. Robert Guiscard prend alors une attitude de croisé. Son frère Roger envahit la Sicile et bat à plates coutures les musulmans. 

En dix ans l'île est prise tout entière pendant que s'achève la pacification de l'Italie méridionale. Les Normands créent même une marine pour empêcher tout retour offensif des Grecs ou des Sarrasins. Le pape Grégoire VII, qui avait d'abord cherché à entraver les progrès de Robert Guiscard, finit par invoquer son appui contre l'empereur et par se réfugier dans ses Etats où il mourut à Salerne. 

La même année (1085) mourait Guiscard lui-même au milieu d'immenses projets. Il
visait l'empire d'Orient. Il s'était déjà ménagé les voies en s'emparant de Corfou lorsqu'il fut arrêté par le seul obstacle qu'il n'eût pas prévu. Il avait soixante ans.

Son oeuvre fut achevée par son frère Roger, le grand comte de Sicile, le dernier de la lignée envahissante de Tancrède de Hauteville. Roger et surtout son fils Roger II constituèrent solidement l'Etat des Deux-Siciles, qui prit le titre de royaume en 1130. Le roi y est le maître, comme le duc en Normandie. Tous les seigneurs relèvent de lui directement et ne relèvent que de lui. L'Eglise est complètement dans sa main. 

La tolérance religieuse est d'ailleurs parfaite. Les Sarrasins conservent leurs écoles, leurs mosquées, leurs lois. Les princes Normands parlent l'arabe comme le latin et le grec. Ils s'affinent, sans s'amollir, au contact de cette triple civilisation. Leur cour rivalise avec celles de Constantinople ou de Bagdad. La fameuse école de médecine de Salerne (La médecine néo-latine) brille d'un éclat incomparable. Des palais enchantés, de merveilleuses églises s'élèvent à Palerme. La cathédrale de Messine, détruite par le tremblement de terre de 1908, datait des princes normands. Il en est de même de celle de Monréale, à Palerme, le joyau de la Sicile, qui remonte à 1174.

Et en même temps l'expansion continue. Bohémond, fils de Guiscard, encore plus habile et plus séduisant que son père, prend part à la première croisade et fonde la principauté d'Antioche; son cousin Tancrède plante le premier son étendard sur les remparts de Jérusalem et devient prince de Galilée. C'est le héros de la Jérusalem délivrée du Tasse, mais dans la réalité c'est un héros peu sociable. Quand il fallut choisir un roi de Jérusalem, c'est à Robert Courte-Heuse, duc de Normandie, que la couronne fut d'abord offerte, et c'est sur son refus qu'elle fut donnée à Godefroy de Bouillon

La Grèce d'autre part est entamée, Roger II a pour avant-postes Thèbes et Corinthe. Il ne laissa malheureusement qu'une fille qui porta son héritage à la maison de Souabe. Ce royaume des Deux-Siciles est une des floraisons les plus surprenantes que l'esprit d'aventures ait produites au Moyen âge. Un historien très pondéré, Luchaire, a pu dire que « c'est le chef-d'oeuvre du génie normand ». (Ch. Barthélemy).

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