| Casimir Delavigne est un poète français, né au Havre en 1793, mort en 1843, était fils d'un négociant et étudia au lycée Napoléon. Il composa, étant encore sur les bancs, un Dithyrambe sur la naissance du roi de Rome (1811), qui lui valut, avec un prix, la protection de Francais (de Nantes) et une place dans les droits réunis. ll disputa pendant quelques années les palmes académiques, et présenta aux concours plusieurs pièces de vers qui furent remarquées (Charles XII à Narva, la Vaccine, les Charmes de l'étude), mais dont une seule, l'Enseignement, mutuel, fut couronnée; puis il se fraya une route nouvelle en consacrant sa muse, après les désastres de 1815, à des sujets nationaux, et pleura les malheurs de la France dans d'admirables élégies, qu'il intitulait Messéniennes, assimilant les malheurs des Français à ceux de l'antique Messénie. - Casimir Delavigne (1793-1843). Delavigne se tourna enfin vers le théâtre pour lequel il s'était senti une vocation précoce. Il donna en 1819 la tragédie des Vêpres siciliennes, qui fut représentée à l'Odéon avec un succès extraordinaire, bien qu'elle eût été refusée au Théâtre-Français; il fit jouer l'année suivante, au même théâtre, une comédie en vers, les Comédiens, qui ne fut pas moins bien accueillie; puis, en 1821, une nouvelle tragédie, le Paria, également remarquable par la nouveauté des situations, par la générosité des sentiments et la perfection de la poésie. Le ministère d'alors, irrité de l'esprit libéral qui perçait dans ses écrits, lui enleva une modeste place de bibliothécaire; le duc d'Orléans (roi ensuite) s'empressa de le dédommager en lui confiant sa bibliothèque du Palais-Royal. En 1823 parut l'École des Vieillards, qui fut représentée au Théâtre-Français. Le succès de cette oeuvre détermina l'admission de son auteur à l'Académie (1825). Au retour d'un voyage en ltalie, il fit jouer la Princesse Aurélie (1828), comédie qui fut froidement accueillie, puis Marino Faliero (1829), tragédie en cinq actes, qui réussit beaucoup mieux. - Aux ruines de la Grèce païenne, de Casimir Delavigne « O Sommets de Taygète, ô rives du Pénée, De la sombre Tempé vallons silencieux, O campagnes d'Athène, ô Grèce infortunée, Où sont pour t'affranchir tes guerriers et tes dieux? Doux pays, que de fois ma muse en espérance Se plut à voyager sous ton ciel toujours pur! De ta paisible mer, où Vénus prit naissance, Tantôt du haut des monts je contemplais l'azur; Tantôt, cachant au jour ma tête ensevelie Sous tes bosquets hospitaliers, J'arrêtais vers le soir, dans un bois d'oliviers, Un vieux pâtre de Thessalie. Des dieux de ce vallon contez-moi les secrets, Berger; quelle déesse habite ces fontaines? Voyez-vous quelquefois les nymphes des forêts Entr'ouvrir l'écorce des chênes? Bacchus vient-il encor féconder vos coteaux? Ce gazon que rougit le sang d'un sacrifice, Est-ce un autel aux dieux des champs et des troupeaux? Est-ce le tombeau d'Eurydice? Mais le pâtre répond par ses gémissements C'est sa fille au cercueil qui dort sous ces bruyères; Ce sang qui fume encor, c'est celui de ses frères Egorgés par les Musulmans. » - (C. Delavigne, huitième Messénienne). | En 1830, Casimir Delavigne improvisa, le lendemain des journées de juillet, la Parisienne, chant patriotique, qui fut bientôt répété d'un bout de la France à l'autre. Retournant bientôt à ses travaux dramatiques, il donna successivement quatre grands ouvrages, où son talent flexible se montra sous des faces toutes nouvelles : Louis XI (1832), les Enfants d'Édouard (1833), don Juan d'Autriche (1835), drame en prose, la Popularité (1838), comédie en 5 actes et en vers, indépendamment de plusieurs pièces moins importantes : une Famille au temps de Luther (1836), tragédie en un acte; la Fille du Cid (1840), tragédie en 3 actes; le Conseiller rapporteur (1841), comédie en prose; Charles VI (1841), opéra fait en société avec son frère Germain. Epuisé par tant de travaux, il quitta Paris en 1843 pour aller chercher le repos en Italie; mais il ne put arriver au terme de son voyage, et mourut à Lyon. Ses Oeuvres complètes ont été réunies en 6 vol. in-8, 1846, avec une Notice par son frère. Casimir Delavigne et le plus pur et le plus classique des poètes du début du XIXe siècle; il rappelle la perfection de Racine. Tout en se garantissant des écarts du romantisme, il n'a pas craint, surtout dans la dernière moitié de sa carrière, d'emprunter à l'école nouvelle plus de hardiesse dans les situations, plus de liberté dans l'allure et de familiarité dans le style. Voué au culte de son art, ce poète refusa constamment les honneurs les fonctions qui l'en auraient détourné; il vécut fort retiré, offrant le modèle des vertus privées et domestiques. Son mérite littéraire a été apprécié par Sainte-Beuve, qui le remplaça à l'Académie française. (L.). | |