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Vers la fin du
VIe siècle on désigna sous
le nom de Neustrie (Neustria, Neuster, Neptrecum) la partie
occidentale de la Francia (c.-à-d. du pays entre les sources
du Main
et l'embouchure de la Loire
occupé par les Francs antérieurement
à la bataille de Vouillé)
par opposition à la partie orientale dénommée Austrasie.
D'une manière analogue, le pays occupé par les Lombards
dans le Nord de l'Italie fut divisé
en deux régions, la Neustria et l'Austria.
En Gaule, ces
appellations apparaissent pour la première fois dans les écrits
hagiographiques de Grégoire de Tours;
elles n'y sont encore que des expressions géographiques sans aucune
valeur politique. Mais comme la Neustrie rependait à peu près
au royaume de Chilpéric,
et l'Austrasie à celui de Sigebert
Ier,
et que ces royaumes se maintinrent distincts et dans les mêmes limites
sous leurs successeurs, les deux royaumes entre lesquels la Francia
resta divisée au VIIe siècle
prirent les noms de royaume de Neustrie et royaume d'Austrasie. Même
pendant les périodes où l'un et l'autre furent réunis
sous un même roi, chacun d'eux garda son administration particulière.
A l'époque carolingienne, ou
ne tint aucun compte, dans les partages de l'Empire franc, de la distinction
entre la Neustrie et l'Austrasie. Ces appellations
ne désignèrent plus au IXe
siècle que des régions, dont l'étendue fut même
restreinte et entre lesquelles s'étendait la Media Francia.
D'après un passage d'Adrevald, moine
de Fleury, la Neustrie s'étendait, par le travers, d'Orléans
à Paris. Cependant on y comprenait le
diocèse de Rouen. En 843, la Neustrie
perdit les comtés de Rennes et de Nantes dès lors rattachés
à la Bretagne. L'appellation de Neustrie se restreignit à
la Normandie. Dudon de Saint-Quentin, qui
écrivait aux environs de l'an 1000, appelle Neustrie le pays cédé
en 911 par Charles le Simple à Rollon;
Orderic Vital, Guibert de Nogent, au XIIe
siècle, considèrent aussi Neustria comme synonyme
de Normannia. Et dans les temps modernes, en 1663, Du Monstier publia
sous le titre de Neustria pia son recueil de notices sur les églises
de la Normandie. Nous présenterons ici un canevas de l'histoire
du royaume de Neustrie, renvoyant pour les détails aux noms des
rois (ci-dessous) et maires du Palais.
Liste
des rois de Neustrie. — Chilpéric Ier, roi en 561, mort en septembre
584; Clotaire II, 584, après le 1er septembre et avant le 18 octobre,
mort entre octobre 629 et avril 630; Dagobert Ier, 629 ou 630, mort le
19 janvier 639; Clovis II, janvier 639, mort fin 657; Clotaire III, fin
657, mort au commencement de 673; Childéric II, frère du
précédent, commencement 673, mort fin 675; Thierry Ill, frère
du précédent, fin 675, mort au printemps 691 Clovis III,
fils du précédent, 694, mort en 695, mars; Childebert III,
frère du précédent, mars 695, mars, mort le 14 avril
711; Dagobert III, fils du précédent, 14 avril 711, mort
le 24 juin 715; Chilpéric II, fils de Childéric II, 717,
mort en janvier 722 ; Thierry IV, fils de Dagobert III, fin 721 ou janvier
722, mort en 737; interrègne; Childéric III, fils de Chilpéric
II, 742, déposé en 752.
Dès la fin du VIe
siècle, la lutte éclata entre les rois de Neustrie et d'Autrasie,
Chilpéric et Sigebert,
pour se continuer pendant le siècle suivant entre leurs successeurs,
auxquels se joignirent les grands. Comme on a pensé que la Neustrie
était moins germanisée que l'Austrasie, on a cherché
autrefois l'origine de cette lutte dans une haine nationale entre les populations
de ces deux royaumes; mais en réalité le nombre des Francs
ne devait pas être beaucoup moins grand en Neustrie qu'en Austrasie,
et il n'y avait pas une différence sensible de civilisation entre
les habitants de ces deux régions. Les guerres qui ont troublé
la France au VIIe
siècle ont été d'abord des guerres dynastiques, entre
deux rois rivaux, cherchant à s'arracher des lambeaux de territoire
ou poursuivant une vengeance privée, puis des luttes de prépondérance
entre deux aristocraties également
avides de domination.
L'acte de partage du royaume de Caribert,
fils de Clotaire Ier,
mort en 567, entre ses frères Gontran,
Sigebert et Chilpéric, était
à peine signé qu'un premier différend éclata
entre les rois d'Austrasie et Neustrie. Puis l'assassinat de Galswinthe,
femme de Chilpéric, dont son époux avait été
le complice, et que sa soeur Brunehaut,
femme de Sigebert, voulut venger, fut le signal
d'une série de guerres fratricides que ce n'est pas le lieu de raconter
ici dans le détail. Après l'assassinat de Sigebert, quelques-uns
des grands d'Austrasie s'attachèrent au parti de Chilpéric;
usais le plus grand nombre reconnut pour roi Childebert, fils unique de
Sigebert et de Brunehaut.
En 584, Chilpéric fut assassiné
à son tour, laissant pour unique héritier un enfant de quatre
mois, Clotaire II,
que les ennemis de Frédégonde
enlevèrent. Mais les grands de Neustrie soutinrent Frédégonde
et donnèrent Gontran pour tuteur au jeune roi. Gontran apparut en
conciliateur entre la Neustrie et l'Austrasie. Il adopta cependant le roi
d'Austrasie Childebert II et lui assura
sa succession. Après la mort de Gontran en 593, les Neustriens,
mécontents de la réunion de la Burgondie à l'Austrasie,
prirent les armes contre les Austrasiens, et, après avoir pillé
la Champagne, les battirent à Trucy près de Laon.
Profitant de la mort de Childebert II (597) auquel ses deux fils Théodebert
II et Thierry II avaient succédé,
l'un en Austrasie, l'autre en Bourgogne,
sous la tutelle de leur grand-mère Brunehaut, Frédégonde
s'empara de Paris et dirigea une armée contre les Austrasiens et
les Bourguignons qui furent vaincus à Latofao, dans le diocèse
de Laon. Peu après, Frédégonde mourut. Une nouvelle
expédition des rois Théodebert et Thierry tourna à
leur avantage; les Neustriens furent vaincus à Dormelles en l'an
600.
Le roi Clotaire dut céder à
Thierry le pays d'entre la Seine
et la Loire,
et à Théodebert la région entre la Seine et l'Oise,
appelée duché de Dentelenus;
il ne lui resta que douze pagi entre l'Oise, la Seine et l'Océan
Atlantique. Clotaire II ne tarda pas à
reprendre l'offensive et, dès 604, confiant le commandement d'une
partie de ses troupes à son fils Mérovée
et à Landry, maire du palais, envahit les pays d'entre Seine et
Loire. Il fut vaincu près d'Étampes.
Mais des dissensions ayant, éclaté entre les deux frères
Théodebert et Thierry, ce dernier se rapprocha de Clotaire, et lui
promit, s'il gardait la neutralité dans la guerre qu'il déclarait
à Théodebert, de lui rendre le duché de Dentelenus.
Une fois vainqueur, il oublia ses promesses; il s'apprêtait à
marcher contre son allié quand il mourut en 613. Les grands d'Austrasie,
ayant à leur tête Arnulf et Pépin,
appelèrent Clotaire II. Brunehaut lève une armée au
nom de Sigebert II, fils de Thierry; elle
est vaincue et mise à mort par ordre de Clotaire II, qui devient
ainsi seul maître des trois royaumes de Neustrie, d'Austrasie et
de Bourgogne (613).
En 623, Clotaire II établit son
fils Dagobert roi en Austrasie. Celui-ci, à
la mort de son père, garda la monarchie, à l'exception d'une
partie de l'Aquitaine, qu'il céda
à son frère Caribert. Au commencement de 634, il donna le
royaume d'Austrasie à son fils Sigebert. A la mort de Dagobert (639),
Sigebert garda l'Austrasie, et Clovis II fut
proclamé roi en Neustrie et en Bourgogne, sous la tutelle de sa
mère Nanthilde et d'AEga, maire du palais. Après là
mort de Sigebert III, Clovis dut intervenir en Neustrie contre le maire
Grimoald, qui, reléguant l'héritier légitime, avait
prétendu mettre son propre fils sur le trône. Clovis
II réunit à nouveau toute la monarchie. Le règne
de son fils Clotaire III
fut troublé par les guerres civiles que déchaîna la
tyrannie du maire Ebroïn,
contre lequel se liguèrent les grands dirigés par Léger,
évêque d'Autan, qui fit reconnaître en Neustrie et Bourgogne
le roi d'Austrasie, Childéric
II. Celui-ci ayant été assassiné en 673,
Ebroïn et Léger sortirent du cloître de Luxeuil où
ils avaient été relégués l'un et l'autre. lls
se réconcilièrent un moment ; mais la lutte reprit entre
les factions, et l'anarchie fut à son comble.
Cependant la puissance des Pippinides
grandissait en Austrasie. Soutenus par tous ceux des grands de Neustrie,
évêques et laïques, qui avaient eu à souffrir
de la tyrannie d'Ebroïn, ils marchèrent contre lui; mais ils
furent vaincus près de Laon. L'année suivante, Ebroïn
fut assassiné. La lutte n'en continua pas moins et se termina en
687 par la victoire des ducs austrasiens à Testry.
Les rois de Neustrie n'eurent plus désormais
qu'un vain titre; le pouvoir appartint au maire d'Austrasie, Pépin
d'Héristal, puis à son fils Charles-Martel,
qui gouvernèrent la Neustrie sous le nom des rois et des maires
qu'ils faisaient et défaisaient à leur gré. Cependant
les Neustriens se soulevèrent à plusieurs reprises, mais
sans succès. Charles-Martel, vainqueur à Vincy en 717, substitua
au roi Chilpéric Il, qui s'était enfui, un certain Clotaire
dont on ne sait que le nom. Chilpéric II ayant tenté de reprendre
son royaume à l'aide d'une armée formée on Aquitaine,
fut vaincu près de Soissons en 719.
Charles lui rendit cependant son trône, ne gardant que le titre de
maire. On sait comment en 752 le fils de Chilpéric, Childéric
III, fut relégué dans un monastère par Pépin
le Bref qui se fit proclamer roi des Francs. (M.
Prou). |
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