| Coutances, Constantia. - Ville du Cotentin (Manche), à 28 kilomètres au Sud-Ouest. de Saint-Lô, sur la Soulte; 9500 habitants. Belle cathédrale gothique du XIIe siècle, ancien aqueduc (qu'on croit être du XIIIe s.). Près de là naquirent l'abbé de Saint-Pierre et le consul Lebrun. - La cathédrale de Coutances. A gauche , le porche sud. Église Notre-Dame de Coutances. Cette église cathédrale, que certains archéologues, admirateurs du style ogival pur, sont tentés de préférer à d'autres monuments gothiques plus renommés, est assurément une des plus étonnantes productions de l'art religieux au Moyen âge. Tout le monde admire l'unité du plan, la justesse des proportions, la régularité de l'ensemble, la simplicité des lignes, la distinction des formes, la beauté de la perspective, l'harmonie des détails et la noblesse des ornements. L'époque de la construction de l'édifice a été âprement discutée. Selon Cerville et Delamarre, la cathédrale de Coutances appartiendrait au XIe siècle, sauf des restaurations que le temps rendit nécessaires : commencés en 1030, les travaux auraient été conduits avec activité, surtout depuis 1040, par l'évêque Geoffroy de Montbray, et l'église, presque achevée, aurait été consacrée en 1056. En faveur de cette opinion, on allègue les notes d'un contemporain, insérées dans le Livre noir de l'évêché de Coutances, cartulaire composé après 1200, mais dont l'original a été perdu; on fait remarquer qu'aucun document n'atteste une reconstruction de l'édifice postérieure au XIe siècle; on suppose que les Normands, à une époque où le style romano-byzantin régnait encore dans le reste de la France, ont connu l'ogive à la suite des rapports que leur pays entretint avec la Sicile et l'Italie méridionale. Caumont, avec la plupart des archéologues, ne s'est pas rendu à cette argumentation, qui tendrait à créer, pour un seul monument, une exception illégitime. Les églises de la Sicile, telles que la cathédrale de Montréal, bâties au XIIe siècle, n'offrent encore qu'un style de transition, dans lequel les ogives sont loin d'être élancées comme à Coutances, et leur ornementation est toujours empreinte du goût byzantin; elles ne pouvaient donc servir de modèles. Comment expliquer que Coutances ait possédé un monument complet de style gothique, sans essais préliminaires, un siècle et demi avant que ce style régnât dans les provinces françaises même les plus rapprochées? L'abbaye bénédictine de Lessay, construite aux portes de Coutances, longtemps après la date qu'on voudrait assigner à la cathédrale, appartient encore au style romano-byzantin. Lorsque Guillaume le Conquérant bâtit une abbaye à Caen, ce fut en style plus ancien aussi que celui de la cathédrale de Coutances dont la supériorité incontestable aurait dû, au contraire, faire naître des imitateurs. Caumont conclut que cet édifice ne put être entrepris qu'à la fin du XIIe siècle, et qu'il appartient en grande partie au XIIIe. Il regarde comme des traces de l'architecture de transition qui régnait dans la première moitié du XIIIe siècle : 1° le tympan de la porte placée au-dessous de la tour méridionale, où l'on voit, comme dans beaucoup d'églises de cette époque, le Père Éternel entouré des symboles des évangélistes; 2° les chapiteaux presque romans de plusieurs colonnes dans la nef, où les feuillages n'ont pas la forme de la période ogivale, et sont parfois mêlés de figures humaines; 3° la forme de quelques clochetons extérieurs, terminés par des pyramides à quatre pans; 4° la base carrée des tours du grand portail, qui prennent, à moitié de leur hauteur, la forme octogonale, et dont les flèches de pierre présentent, sur leurs faces, des modillons imbriqués. Viollet-le-Duc (Dictionnaire de l'architecture française, t. II, p. 360) inclinait à penser que l'église fut bâtie au XIe siècle, mais complètement réédifiée au commencement du XIIIe. Le plan de la cathédrale de Coutances est en forme de croix latine, avec transept et nefs déambulatoires. Les chapelles absidales, peu profondes, éclairées par trois belles fenêtres à lancettes, ont un remarquable caractère de majesté : on y voit des autels antiques, formés d'une simple table en pierre qui repose sur quatre soutiens assez grossiers. L'élégante chapelle de la Vierge date du XIVe siècle. Les chapelles des collatéraux, dont les autels sont de mauvais goût, appartiennent à la même époque, et n'ont pas de rivales dans l'art gothique : elles communiquent les unes avec les autres, à une certaine hauteur, par de larges ouvertures en style ogival rayonnant, et leurs parois sont ornées d'arcatures, de colonnettes et de moulures d'un excellent effet. Les piliers qui supportent l'édifice présentent quelques particularités: dans les collatéraux de l'abside, ils sont cylindriques et isolés; autour du rond-point du sanctuaire, ils se composent de deux colonnes posées l'une devant l'autre, disposition rare dans les monuments religieux. Les fenêtres, qui surmontent une double galerie à jour, sont généralement étroites et élancées; elles s'élargissent aux chapelles latérales de la nef. Celles du transept et de la façade n'ont pas été modifiées en rosaces. Au-dessus de l'entrecroisement des nefs et du transept, s'élève, à une hauteur de 60 m, une merveilleuse lanterne octogonale, qu'on nomme le Plomb : chef-d'oeuvre de hardiesse et de grâce, elle excita l'admiration de Vauban. La cathédrale de Coutances a 74 m de longueur, 20,60 m de largeur, et 26,60 m de hauteur sous voûte. L'extérieur est d'une grande simplicité, rehaussée cependant par une multitude de clochetons aigus rangés autour des nefs, et par les deux flèches symétriques de la façade. Ces flèches, élevées de 74 m, se voient à de grandes distances, de tous les points de l'horizon; car l'édifice est bâti à la partie supérieure d'un plateau que recouvre la ville entière. La façade n'offre pas cette riche ornementation dont tant d'autres cathédrales sont fières; ce ne sont que des lignes grandes et sévères, dont l'aspect a néanmoins quelque chose d'imposant. (B.). | |