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Le spiritualisme

Le mot spiritualisme (du latin spiritus, esprit) désigne toute doctrine qui admet l'existence de l'esprit, de l'âme individuelle. Par suite, cette doctrine se présente sous deux formes nettement différentes : il y a un spiritualisme dualiste et un spiritualisme idéaliste. D'après le premier de ces deux systèmes, l'âme et le corps, la pensée et la matière, coexistent; d'après l'autre, l'esprit seul existe, la substance étendue n'est que l'apparence, la vraie réalité est inétendue et immatérielle. Tout n'est pas matériel, voilà la formule de l'un; rien n'est réellement matériel, voilà la formule de l'autre. On pourra ainsi noter que dans l'histoire de la philosophie, les matérialistes sont rares; le spiritualisme, au contraire, outre qu'il est implicitement compris dans les religions qui, avec l'immortalité de l'âme, admettent la sanction de la loi morale dans une autre vie, est la doctrine de diverses écoles de l'Antiquité, comme celles de Pythagore, de Socrate, de Platon, ou de l'école d'Alexandrie; Aristote, en lui refusant la personnalité après la mort, distinguait cependant l'âme du corps. Chez les Modernes, Descartes l'a établie en distinguant d'une manière bien tranchée l'esprit de la matière; s'il n'a pas bien démontré l'existence de cette dernière, il ne l'a pas niée; Bossuet, Fénelon, Locke lui-même, l'ont également soutenue. C'est encore la doctrine de l'Ecole française du XIXe siècle, qui se rattache à Descartes et à Platon. (Voir également  les  articles : Malebranche, Cousin, Maine de Biran, Berkeley, Leibniz). Nous n'avons pas à exposer ici ces systèmes. Nous avons seulement à chercher quelles sont les thèses essentielles à tout spiritualisme.
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La philosophie spiritualiste, selon V. Cousin

« Notre vraie doctrine, notre vrai drapeau est le spiritualisme, cette philosophie aussi solide que généreuse, qui commence avec Socrate et Platon, que l'Évangile a répandue dans le monde, que Descartes a mise sous les formes sévères du génie moderne, qui a été au dix-septième siècle une des gloires et des forces de la patrie, qui a péri avec la grandeur nationale au dix-huitième, et qu'au commencement de celui-ci, M. Royer-Collard est venu réhabiliter dans l'enseignement public, pendant que M. de Chateaubriand, madame de Staël, M. Quatremère de Quincy la transportaient dans la littérature et les arts.

On lui donne à bon droit le nom de spiritualisme, parce que son caractère est de subordonner les sens à l'esprit, et de tendre, par tous les moyens que la raison avoue, à élever et à agrandir l'homme. Elle enseigne la spiritualité de l'âme, la liberté et la responsabilité des actions humaines, l'obligation morale, la vertu désintéressée, la dignité de la justice, la beauté de la charité; et, par delà les limites de ce monde, elle montre un Dieu auteur et type de l'humanité, qui, après l'avoir faite évidemment pour une fin excellente, ne l'abandonnera pas dans le développement mystérieux de sa destinée. Cette philosophie est l'alliée naturelle de toutes les bonnes causes. Elle soutient le sentiment religieux; elle seconde l'art véritable, la poésie digne de ce nom, la grande littérature; elle est l'appui du droit : elle repousse également la démagogie et la tyrannie; elle apprend à tous les hommes à se respecter et à s'aimer.

Concourir selon nos forces à relever, à défendre, à propager cette noble philosophie, tel est l'objet que de bonne heure nous nous sommes proposé, et qui nous a soutenu dans le cours d'une carrière déjà longue, où les difficultés ne nous ont pas manqué. Grâce à Dieu, le temps a plutôt augmenté qu'affaibli nos convictions, et nous finissons comme nous avons commencé : cette nouvelle édition d'un de nos premiers ouvrages est un nouvel effort en faveur de la sainte cause pour laquelle nous combattons depuis près de quarante années.

Puisse notre voix être entendue des générations présentes comme autrefois elle le fut de la sérieuse jeunesse de la Restauration! Oui, c'est à vous que nous adressons particulièrement cet écrit, jeunes gens qui ne nous connaissez plus, mais que nous portons dans notre coeur, parce que vous êtes la semence et l'espoir de l'avenir. Nous vous montrons ici le principe de vos maux et leur remède. Si vous aimez la liberté et la patrie, fuyez ce qui les a perdues. Loin de vous cette triste philosophie qui vous prêche le matérialisme et l'athéisme, comme des doctrines nouvelles destinées à régénérer le monde : elles tuent, il est vrai, mais elles ne régénèrent point. N'écoutez pas ces esprits superficiels qui se donnent pour de profonds penseurs, parce qu'après Voltaire ils ont découvert des difficultés dans le christianisme; vous mesurerez vos progrès en philosophie par ceux de la tendre vénération que vous ressentirez pour la religion de l'Évangile. Ne fléchissez pas le genou devant la Fortune; mais accoutumez-vous à vous incliner devant la loi. Entretenez en vous le noble sentiment du respect. Sachez admirer; ayez le culte des grands hommes et des grandes choses. Repoussez cette littérature énervante, tour à tour grossière et raffinée, qui se com plait dans la peinture des misères de la nature humaine, qui caresse toutes nos faiblesses, qui fait la cour aux sens et à l'imagination, au lieu de parler à l'âme et d'élever la pensée. Défendez-vous de la maladie de votre siècle, ce goût fatal de la vie commode, incompatible avec toute ambition généreuse. Quelque carrière que vous embrassiez, proposez-vous un but élevé, et mettez à son service une constance inébranlable. Sursum corda, tenez en haut votre coeur, voilà toute la philosophie, celle que nous avons retenue de toutes nos études, que nous avons enseignée à vos devanciers, et que nous vous laissons comme notre dernier mot, notre suprême leçon. »
 

(Victor Cousin, Extrait de la préface du livre Du Vrai, Du Beau, Du Bien, édition de 1853).

L'effort principal du spiritualisme a nécessairement pour but de démontrer l'existence de l'âme, c.-à-d. de démontrer que la matière, et en particulier le corps organisé, et plus spécialement le cerveau n'explique pas la pensée; que la pensée n'est pas un produit ou une fonction du cerveau; en un mot, ce qui est capital, pour tout spiritualiste, c'est la critique du matérialisme. Cette critique peut se ramener à trois points essentiels : elle porte contre les arguments matérialistes, contre la méthode des matérialistes, contre l'essence même de la conception matérialiste.

Tout d'abord, les arguments matérialistes ne sont pas rigoureux; ils se résument tous en quelques formules, toujours les mêmes : pas de pensée sans cerveau (méthode de concordance); il suffit de supprimer les fonctions cérébrales pour supprimer la pensée (méthode de différence); il suffit que le cerveau varie pour que la pensée varie (méthode des variations). Donc le cerveau est la cause de la pensée. Or ces arguments ne prouvent pas ce qu'il s'agit de prouver; ils prouvent sans doute qu'il y a un lien entre le cerveau et la pensée, mais non pas que ce lien soit un lien de cause à effet ou d'organe à fonction. Le cerveau peut être un instrument nécessaire pour penser sans créer lui-même la pensée. D'ailleurs, entre le phénomène cérébral et le phénomène mental, il n'y a pas succession, mais simultanéité : l'un n'est donc pas la cause de l'autre. La méthode qui préside aux théories matérialistes est vicieuse : elle consiste à se fier au témoignage des sens plus qu'au témoignage de la conscience, et, par suite, à expliquer le clair par l'obscur, le connu par l'inconnu, le certain par le douteux : qu'y a-t-il en effet de plus directement et de plus sûrement connu que la pensée, qu'y a-t-il de plus obscur, de plus problématique même que la matière? Et enfin la conception matérialiste est, dans son essence même, inintelligible. En effet, cette formule : «le cerveau pense», n'a pas de sens. Dans le cerveau, qui est étendu, il peut y avoir des mouvements de cellules, il ne peut y avoir des idées, inétendues par nature. Le cerveau reçoit, transmet, distribue des mouvements, il ne peut pas penser. 

Telle est, dans ses grandes lignes, la critique du matérialisme telle qu'on pourrait la retrouver chez un grand nombre de philosophes spiritualistes.Beaucoup vont plus loin; non contents de cette discussion défensive, ils invoquent à leur tour des arguments offensifs. Ces arguments, qui ne sont pas sans valeur, pour peu qu'on sache les comprendre, sont tirés de l'unité, de l'identité, de l'activité de l'esprit, et aussi de l'existence des « facultés supérieures ». J'ai conscience d'être un; or cette unité est inexplicable par la matière de notre corps qui est en un perpétuel tourbillon. J'agis, je fais effort sur mes organes ou sur mes idées : or cette activité ne peut s'expliquer par la matière qui est passive. Enfin, il y a en moi des facultés qui, en tous cas, même si la simple conscience pouvait sortir de la matière, resteraient irréductibles : la raison ne peut se ramener à la sensation, la liberté au désir, la moralité à l'intérêt, bref la pensée humaine à l'intelligence animale. Donc, la pensée humaine n'étant pas explicable par la matière, il faut une force spéciale pour l'expliquer, une force immatérielle, c'est l'âme. Cette âme n'a du reste pas besoin d'être démontrée par le raisonnement : elle est connue directement par la conscience, par la conscience de l'effort (M. de Biran) ou par la conscience. de la pensée (Descartes). 

Quelles sont maintenant les thèses essentielles du spiritualisme sur les trois grands problèmes de la connaissance, de l'univers et de la destinée? Tout d'abord, pour bien comprendre un système quelconque, il est utile de partir de ce point capital : le conception du criterium de la vérité qui lui est spéciale. Tout dépend de là. Suivant que c'est aux sens - ou à la raison - ou à la conscience, qu'un philosophe accorde sa confiance, il est entraîné vers tel ou tel système du monde : si c'est aux sens, il est entraîné vers un système matérialiste; si c'est à la raison, il est entraîné vers un système idéaliste et finalement panthéiste; si c'est à la conscience, il est entraîné vers un système spiritualiste. C'est au témoignage de la conscience que se fie surtout le spiritualisme. 

Quelles sont les théories des spiritualistes sur l'origine de la connaissance? On peut poser en règle à peu près absolue qu'elles sont rationalistes. La psychologie spiritualiste s'oppose directement à la psychologie empiriste et associationiste. D'après les empiristes, toute connaissance s'explique par la sensation, par l'association des idées et par l'habitude; la pensée humaine se ramène à la pensée animale. Les spiritualistes affirment au contraire que l'esprit ajoute aux données de l'expérience un élément qui vient de lui. Cet élément a d'ailleurs été conçu de plusieurs façons très différentes; peut-être en dégagerait-on l'essentiel en disant que l'esprit introduit l'unité dans les données de l'expérience : les principes premiers sont des affirmations a priori de l'unité; l'induction consiste à ramener une multitude de phénomènes à l'unité d'une loi ; le jugement consiste à affirmer qu'un sujet donné rentre dans l'unité d'une catégorie; l'idée générale est la conception d'un type unique pour une multitude de cas particuliers ; la perception elle-même consiste à ramener une pluralité de phénomènes, connus par divers sens, à l'unité d'une substance. Bref, l'esprit manifeste son existence en réagissant d'une façon spéciale sur les matériaux qui lui sont fournis : et cette réaction spéciale est une réduction à l'unité. L'esprit apparaît, dans la connaissance, comme une activité unifiante. 

Sur la valeur de la connaissance, le spiritualisme n'a pas une théorie fixe. Un spiritualiste peut être, soit dogmatique, soit relativiste. Il est parfois dogmatique, quand il regarde l'âme comme étant créée par Dieu, et par suite comme ne pouvant être vouée à l'erreur. Il est au contraire relativiste, quand il est surtout frappé de ce fait que l'esprit réagit sur les données sensibles, leur impose ses lois et ses formes, et par suite élaboré des perceptions et des idées qui ne sont valables que pour lui. Peut-être le relativisme est-il la thèse la plus logiquement liée au spiritualisme. 

Quelles sont maintenant les solutions spiritualistes du problème de l'univers, - substance et origine? En ce qui concerne la substance, nous savons déjà que la solution varie. Il v a la solution dualiste et la solution idéaliste. D'après le spiritualisme dualiste, il y a deux sortes de substances : les substances étendues et les substances inétendues, les corps et les âmes. Dès lors un problème très grave s'impose : le problème de l'union de l'âme et du corps : puisque ce sont deux substances différentes, hétérogènes, comment s'expliquent les rapports constants que l'expérience constate entre elles? Descartes répondait, sans rien expliquer en réalité, que cette union a lieu dans la glande pinéale. Malebranche répondait que le rapport est établi à tous les moments de la durée par Dieu, seule cause réelle de ce qui se passe dans le corps d'une part et de ce qui se passe dans lime d'autre part (théorie des causes occasionnelles). Leibniz répondait en disant que l'harmonie entre le corps et l'âme, comme d'ailleurs entre tous les êtres de l'univers, a été préétablie une fois pour toutes par Dieu. Bref, la difficulté ne se résolvait que par une intervention surnaturelle. 

Le spiritualisme idéaliste se présente lui-même sous deux formes : le spiritualisme immatérialiste, tel qu'il est chez Berkeley, et le spiritualisme monadique, tel qu'il est chez Leibniz. D'après le premier, les corps n'ont pas d'existence ; ils ne sont rien que les idées ou les images (Théorie des Idées-images) représentées dans l'esprit. D'après le second, les corps sont constitués par des substances inétendues, monades ou forces. La force est la réalité universelle, nous la trouvons en nous par la réflexion : et toute substance est au fond analogue à nous-même. Nous la trouvons aussi dans la nature par l'analyse du mouvement : entre un corps en mouvement et un corps en repos pris à un moment unique de la durée, En tô vyn, comme disait Zénon, il n'y a qu'une différence : c'est l'effort, la tendance à passer d'un point à un autre, la force. Il suit de là qu'il y a dans l'univers une hiérarchie de forces. Chez l'humain, la force est volonté, volonté raisonnable. Dans l'animal, c'est encore une âme, mais une âme inférieure, douée seulement de sentiment et de mémoire. Dans la plante, la force ne mérite plus le nom d'âme : c'est une force inconsciente qui préside seulement aux fonctions vitales élémentaires. Enfin, dans le minéral, c'est la force brutale impénétrabilité ou pesanteur. 

L'origine du monde, pour un spiritualiste, doit être cherchée dans une force suprême, qui est Dieu. La doctrine de la création est à peu près inséparable du système. Quant au développement des êtres, aux variations des espèces vivantes, le plus souvent un spiritualiste les explique par une théorie dynamiste : les « êtres supérieurs » ne sortent pas des « êtres inférieurs », comme l'affirment les mécanistes et les évolutionnistes ; mais tout être fait effort pour s'élever vers une forme supérieure, et il s'en approche indéfiniment, mais sans y, atteindre. L'évolution n'est que l'apparence; le fond, c'est la tendance des êtres à passer « de la puissance à l'acte ». Il suit de là que la vie ne peut se ramener à de simples phénomènes physico-chimiques; il faut un principe spécial, force vitale ou âme; le spiritualiste est donc, en règle générale, soit vitaliste, soit animiste. Mais cetterègle n'est pas absolue, un philosophe spiritualiste peut être mécaniste : par exemple Descartes. Mais ce mécanisme reste alors incomplet : on peut expliquer mécaniquement les corps bruts, la vie, même les actions des animaux : la pensée reste toujours en dehors du mécanisme et irréductible au monde physique. 

Quant au problème de la destinée humaine, le spiritualisme présente des solutions à peu près fixes. Tout d'abord nous sommes en partie les auteurs de notre destinée; l'âme est libre. La morale est une morale du devoir ou de la perfection et non une morale utilitaire; puisqu'il y a en nous un principe spirituel, il s'agit de subordonner le corps et toute la vie sensible à ce principe; le but de la vie est donc l'épanouissement de la raison et de la liberté, le respect et l'amour des personnes humaines et de Dieu. En troisième lieu, la thèse de l'immortalité est liée au spiritualisme : puisqu'il y a en nous une substance immatérielle, radicalement distincte du corps, cette substance ne périt pas avec le corps : le corps se désagrège, mais elle ne peut pas se désagréger. 

Enfin l'optimisme paraît à peu près constant : car le spritualiste, admettant la création du monde par une raison suprême, est entraîné à concevoir ce monde comme étant « le meilleur possible ». Telles sont les idées essentielles du spiritualisme sur le but, l'avenir et la valeur de l'existence. 

Malgré l'excellence de ce système, il serait puéril de dissimuler qu'il laisse subsister des difficultés assez graves; il nous suffira d'indiquer ici celles qui sont essentielles, et qui concernent la nature des êtres, l'origine des êtres et les rapports des êtres entre eux. 

Tout d'abord le problème de la substance ne semble pas complètement éclairci. En effet, dans le spiritualiste dualiste, il reste à savoir ce qu'est cette matière, qui est unie à l'âme, et comment cette union est possible : questions singulièrement complexes. Dans le spiritualisme monadique, l'objection est différente, mais aussi grave : on affirme l'existence d'une multiplicité de forces, et on regarde cette hypothèse comme la plus naturelle de toutes, puisque le seul être connu de nous est notre propre esprit, qui est une force ; et il y a, dit-on, tout lieu de concevoir les autres êtres à l'image de celui-là. Mais précisément il s'agirait de savoir si l'hypothèse la plus naturelle est, du même coup, la plus légitime; et puisqu'il y a là une tendance instinctive, il s'agirait de savoir s'il n'y a pas lieu de s'en défier; nous avons un instinct qui nous pousse à tout nous représenter à notre image; mais cet instinct est peut-être trompeur; nous savons même qu'il l'est souvent, qu'il est pour nous une source d'illusions, de ces illusions qu'on appelle anthropomorphiques. Un système qui choisit cet instinct pour guide risque donc de s'égarer. Dans le spiritualisme immatérialiste, il reste aussi quelques obscurités.; on nous dit qu'il n'existe que nos esprits - les idées ou les images que nos esprits perçoivent - et Dieu qui les crée. Mais quelle espèce d'existence faut-il alors attribuer aux idées ou aux images? Elles n'existent évidemment pas de la même manière que l'esprit qui les perçoit. Faudra-t-il penser alors que l'esprit seul existe réellement; ou bien au contraire que l'idée seule existe, ce qui supprimerait le spiritualisme au profit de l'idéalisme. Les rapports des êtres entre eux sont difficiles à expliquer. S'il y a d'un côté les âmes et de l'autre les corps, on sait assez les difficultés que soulève toute hypothèse sur leur union  action réciproque ou simple harmonie; s'il n'y a que des esprits ou des forces immatérielles, le problème n'est pas pour cela résolu : car l'action transitive d'une monade sur une autre est, ainsi que Leibniz l'a montré, assez peu intelligible. 

Enfin l'origine des êtres reste mystérieuse, car la théorie de la création est, quoi qu'on fasse pour la rendre concevable, peu propre à satisfaire la raison. C'est un dogme de la foi, ce n'est pas une explication scientifique. D'une part, il est. difficile d'admettre que Dieu se propose un but quelconue : car alors, ainsi que l'a profondément vu Spinoza, il y aurait en lui de l'inachevé, de l'imparfait. D'autre part, le passage mémé du possible à l'existence, qui est l'essentiel de la création, est obscur pour notre entendement. Et enfin, on ne voit guère comment concilier l'existence réelle et indépendante des créatures avec la toute-puissance de Dieu : si Dieu est vraiment infini en puissance, nous n'existons et nous n'agissons à tout moment que par lui ; c'est donc lui qui existe et agit en nous; il n'y a plus création, mais simple manifestation de Dieu. Du spiritualisme on retourne au panthéisme. 

En résumé, la grande difficulté, qui pour tout système métaphysique consiste à concilier l'un et le multiple, reste entière dans celui-ci. Le multiple est donné, mais e est l'unité qu'on n'explique pas, c.-à-d. le lien de toutes les substances entre elles et le lien de toutes les substances avec Dieu. Tel est le sort des trois grands systèmes auxquels tous les autres se ramèneront ; le panthéisme rend compte de l'unité, mais il est impuissant à en faire sortir le multiple; le matérialisme ne rend compte ni de l'unité (qui ne peut se trouver dans la matière étendue) ni du multiple (qui ne peut s'expliquer par une matière partout homogène); le spiritualisme rend compte du multiple, mais il est impuissant à le ramener à l'unité. (Camille Mélinand).

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Dictionnaire Idées et méthodes
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