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Le fini et l'infini
en philosophie
En philosophie,
le mot fini exprime l'idée d'une chose qui a des limites; ainsi,
toute figure est limitée ou finie dans l'espace,
toute durée est limitée dans le temps. Tout ce
que perçoivent les sens et la conscience
est conçu comme fini; mais, en concevant ainsi des êtres
et des faits, nous ne pouvons assigner de limites à l'espace et au temps
qui les contiennent.
A côté et à l'occasion
de l'idée du fini, apparaît dans l'esprit celle de l'infini, c'est-à -dire
de ce qui est sans bornes, de ce qui n'a ni commencement ni fin. L'infini,
d'après le mot même, c'est ce qui n'a pas de limites. La première question
à se poser, à propos de cette notion, consiste à se demander si nous
l'entendons véritablement, si ce mot ne cacherait pas une absurdité.
Il faut distinguer deux cas, l'un où on appliquerait cette notion à un
objet dont l'existence est posée par ses limites, l'autre où cette notion
se contente d'indiquer la suppression des limites dans un objet qui peut
exister sans elles.
Dans le premier cas, il est clair que l'attribution
de l'infinitude est absurde. C'est le cas de tous les objets mathématiques.
Dire d'un triangle qu'il est infini est absurde, car un triangle n'existe
que par la position de ses trois cotés qui le limitent; l'affirmer infini,
c'est dire à la fois :
1° qu'il a des limites, puisqu'il
est triangle;
2° qu'il n'en a pas, puisqu'il est infini.
C'est l'absurdité même. Toute quantité
réelle infinie est ainsi absurde et le concept d'un infini de quantité
l'est également. En est-il de même de la qualité? Oui, pour certaines
qualités qui enferment essentiellement en elles de la quantité. Par exemple,
une vitesse infinie est absurde, car la vitesse infinie serait celle où
un espace quelconque serait parcouru en un temps nul, mais la formule de
la vitesse étant V = E/T , si l'on écrit V= E/0 , ce qui serait l'expression
de la vitesse infinie, la formule n'offre plus aucun sens. Le mouvement
a disparu de la vitesse et qu'est-ce qu'une vitesse sans mouvement?
Mais il est des qualités comme l'intelligence,
la bonté, la force, qui ne sont pas conçues par leurs limites, mais sans
lesquelles, au contraire, on ne comprendrait pas les qualités négatives
qui leur correspondent.
Les limites de l'intelligence sont l'ignorance
et l'erreur. Or, ce n'est pas par l'ignorance, par l'erreur, que nous savons
ce que c'est que l'intelligence, c'est au contraire par l'intelligence
que nous savons ce que c'est que l'ignorance et l'erreur. Si donc, nous
pensons une intelligence sans borne, infinie, c.-Ã -d. sans ignorance,
sans erreur, nous pensons une intelligence pleinement intelligente; nous
n'introduisons donc aucune absurdité dans le concept; nous le purifions,
au contraire, de tout ce qui, dans l'expérience, peut le contredire et
le contredit, en effet.
De même, ce n'est pas par la faiblesse
que nous concevons la force (au sens philosophique), mais nous concevons
la faiblesse par la force. Une force infinie, une force sans faiblesse,
est donc une force qui n'est que force, une force pure, pleinement intelligible.
Si on trouve quelque difficulté à concevoir la force infinie, c'est qu'on
introduit dans l'idée de force quelque représentation de mouvement et
par là de quantité, ainsi qu'on le fait en mécanique où le mot force
désigne le produit de la masse par la vitesse. La force pure, ou, ainsi
que parlait Aristote, l'acte pur exclusivement
qualitatif, ne renferme aucune contradiction, quand il n'est soumis Ã
aucune limitation.
De même, encore, c'est la bonté qui
permet de concevoir la méchanceté et non la méchanceté qui permet de
concevoir la bonté. Une bonté infinie n'est donc pas absurde, mais, au
contraire, pure de toute contradiction. La force, l'intelligence, la bonté
sont dites infinies quand on les purifie en les séparant de la faiblesse,
de l'ignorance et de la méchanceté qui, dans l'expérience, les bornent
et les limitent. Le concept d'infini exprime la manière dont nous arrivons
à former ces conceptions; c'est une expression logique.
Il ne faut donc pas confondre la notion
mathématique de l'infini représentée par le symbole
et qui est proprement la notion de l'indéfini, avec la notion métaphysique
d'infini. (G. Fonsegrive).
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Différence
de l'infini et de l'indéfini
« Nous ne nous embarrasserons
jamais dans les disputes de l'infini; d'autant qu'il serait ridicule que
nous, qui sommes fini, entreprissions d'en déterminer quelque chose, et
par ce moyen le supposer fini, en tâchant de le comprendre; c'est pourquoi
nous ne nous soucierons pas de répondre à ceux qui demandent si la moitié
d'une ligne infinie est infinie, et si le nombre infini est pair ou non
pair, et autres choses semblables, Ã cause qu'il n'y a que ceux qui s'imaginent
que leur esprit est infini qui semblent devoir examiner telles difficultés.
Et pour nous, en voyant des choses dans lesquelles, selon certains sens,
nous ne remarquons point, de limites, nous n'assurerons pas pour cela qu'elles
soient infinies, mais nous lee estimerons seulement indéfinies. Ainsi,
parce que nous ne saurions imaginer une étendue si grande que nous ne
concevions en même temps qu'il y eu peut avoir une plus grande, nous dirons
que l'étendue des choses possibles est indéfinie; et parce qu'on ne saurait
diviser un corps en des parties si petites que chacune de ces parties ne
puisse être divisée en d'autres plus petites, nous penserons que la quantité
peut être divisée en des parties dont le nombre est indéfini; et pas
ce que nous ne saurions imaginer tant d'étoiles que Dieu n'en puisse créer
davantage, nous supposerons que leur nombre est indéfini, et ainsi du
reste.
Et nous appellerons
ces choses indéfinies plutôt qu'infinies, afin de réserver à Dieu seul
le nom d'infini; tant à cause que nous ne remarquons point de bornes en
ses perfections, comme aussi à cause que nous sommes très assurés qu'il
n'y en peut avoir. »
(Descartes,
extrait des Principes de la Philosophie, I, 26).
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L'infini en
mathématiques
Infiniments grands.
En termes de mathématiques,
une quantité
'variable est dite infinie,
ou est un infini, un infiniment grand, quand il est possible
de la faire croître au delà de toute limite,
de la prendre plus grande que toute quantité donnée fixe. Ainsi une quantité
infinie est :
1° essentiellement
variable
(une quantité fixe très grande n'est jamais infinie);
2° une valeur particulière
d'une quantité infinie peut être très petite, nulle par exemple, pourvu
qu'on puisse la prendre plus grande que toute quantité fixe donnée, elle
sera qualifiée infinie.
Donnons quelques exemples
de l'emploi du mot infini : un nombre et le double de ce nombre deviennent
infinis en même temps, cela veut dire que quand un nombre peut être pris
plus grand que tout nombre donné, il en est de même du double de ce nombre.
En ajoutant successivement les deux premiers, les trois premiers, les quatre
premiers... nombres, on obtient un résultat infini, cela veut dire que
l'on obtient un résultat qui peut dépasser tout nombre fixe donné. Quelquefois
le langage prend une forme plus elliptique et l'on dit d'une quantité
qu'elle est infinie dans une circonstance donnée : il faut entendre par
là qu'elle peut devenir plus grande que toute quantité donnée quand
cette circonstance tend à se produire; par exemple, on dit que le quotient
d'une division est infini quand le diviseur est nul et quand le dividende
est différent de zéro. Il faut traduire cette phrase ainsi en langage
ordinaire : en prenant le diviseur suffisamment petit, on petit rendre
le quotient plus grand que toute quantité donnée. On dit quelquefois
que deux droites parallèles menées par des points fixes A, B, se rencontrent
à l'infini, cette phrase n'a de sens que si les droites considérées
ne sont pas parallèles; elle doit être traduite ainsi en langage ordinaire:
lorsque l'angle des deux droites devient de plus en plus petit, leur point
de rencontre se trouve à une distance de A ou B que l'on peut rendre de
plus en plus grande de manière à lui faire dépasser toute quantité
donnée fixe.
Infiniment petits.
Une quantité
variable
qui a pour limite zéro est ce que l'on appelle un
infiniment petit
ou une quantité infiniment petite. Une quantité
fixe n'est
donc jamais infiniment petite. Zéro lui-même étant fixe n'est pas infiniment
petit, mais il peut être une valeur particulière d'un infiniment petit,
comme tout autre nombre d'ailleurs. Infiniment petit ne veut pas dire très
petit, il veut seulement dire variable, qui a pour limite zéro,
ou qui peut être pris aussi petit que l'on veut.
Des divers ordres
des quantités infinies et infiniment petites.
Soit
une quantité infinie, soit
une autre quantité infinie. Si le rapport
/
tend vers une limite différente de zéro, quand
et
croissent indéfiniment, on dit que
et
sont de même ordre. On dit que m
est d'ordre m par rapport à ;
tout infini de même ordre que m
sera dit d'ordre m. Enfin si
croît indéfiniment avec ,
on dit que
est d'ordre supérieur à ,
et cela quand même il ne serait d'aucun ordre, c.-à -d. quand même il
n'existerait pas de nombre m tel que lim
/ m
soit différent de zéro et fini. De même si
est un infiniment petit ainsi que ,
ces infiniment petits sont dits du même ordre, si
/ tend
vers une limite différente de zéro quand
et
tendent vers zéro. m
et les infiniment petits de même ordre que m
sont dits d'ordre m par rapport à ;
enfin si lim
/ est
nul, on dit que
est d'ordre supérieur par rapport à ,
bien qu'il puisse être impossible de lui assigner un ordre déterminé.
Point associés
à l'infini.
En géométrie trilinéaire,
lorsque les coordonnées
barycentriques d'un point sont , , ,
le point qui a pour coordonnées
-,
-
est dit associé à l'infini du premier. (GE).
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David
Foster Wallace, Tout
et plus encore : Une histoire compacte de l'infini, Ollendorff
et Desseins éditions, 2011.
2918002070
Michel
Blay, Penser
avec l'infini, Vuibert, 2010.
Joel
Biard, De
la théologie aux mathématiques : l'infini au XVIe siècle,
Les Belles Lettres, 2005. - Au XIVe siècle la croyance
en la puissance illimitée de Dieu conduit à un intérêt renouvelé pour
l'infini, particulièrement à partir de Duns Scot qui pense Dieu comme
étant infini et introduit les raisonnements mathématiques en théologie.
Une grandeur ou une multitude infinies sont-elles pensables? Un infini
pourrait-il être plus grand qu'un autre? Dieu aurait-il pu faire que le
monde soit éternel? Aurait-il pu créer une puissance infinie? Ces questions,
et d'autres qui leur sont liées notamment sur la structure du continu,
sont posées, discutées et résolues avec des arguments logiques, mathématiques
ou philosophiques. Des textes (Bradwardine, Grégoire de Rimini, etc.)
sont présentés qui montrent la variété des arguments utilisés et mettent
en évidence la progression des discussions. Cet ensemble de traductions
a ainsi pour ambition de présenter à un public non spécialiste un aspect
de la richesse de la pensée du XVIe siècle (couv.).
Joseph
Silk, L'univers
et l'infini, Odile Jacob, 2005.
2311001469
En
bibliothèque - V.
Cousin, Cours de l'histoire de la philosophie
moderne, 5 vol. in-12, Paris, 1846, t. IV, 12e leçon. |
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