| Acte, se dit, en philosophie, de toute manifestation de l'activité et de l'esprit, comme sentir, désirer, penser, se résoudre, etc. Cependant, comme l'activité se prononce plus ou moins dans l'exercice de ces différentes fonctions, on oppose volontiers les actes, actions ou phénomènes actifs, aux passions, entendues dans le sens général de phénomènes passifs; c.-a-d. qu'on désigne par là les modifications qui procèdent de l'activité volontaire, tandis qu'on réserve le nom de passions à celles dont nous n'avons ni l'initiative, ni la pleine direction, telles que les sensations, la joie, la tristesse, etc., suscitées dans la conscience par des causes extérieures. Dans la métaphysique d'Aristote on appelle acte (en grec energeia) l'opération par laquelle la matière première, par elle-même indéterminée, substance universelle qui n'est que la puissance des contraires (dynamis), passe à l'état d'entéléchie (entelekeia), c.-à-d. de substance et d'être réel. En appliquant à des faits d'une, généralité inférieure la terminologie péripatéticienne, on pourrait dire, pour faire comprendre cette théorie, que le bloc de marbre, avant que le statuaire l'ait façonné, est statue en puissance, et qu'il devient statue en acte ou entéléchie, lorsqu'il a passé par les mains de l'artiste. Cette théorie se rattache étroitement, dans la métaphysique péripatéticienne, à celle des quatre principes; car si la puissance est identique au principe matériel, l'acte résulte du concours de deux autres principes, la cause efficiente et la cause finale, qui, en s'appliquant à la matière, la déterminent et lui donnent la forme, le 4e principe suivant Aristote. (B-E.). On appelle acte exercé (elicitus) et acte commandé (imperatus). Par rapport à la volonté, l'acte exercé c'est le consentement, le vouloir, qui est exercé, produit par la volonté elle-même; l'acte commandé est celui qui est produit par quelque autre faculté, sous l'empire de la volonté, comme marcher, réfléchir, parler, faire attention. L'acte d'homme (actus hominis) ou acte humain (actus humanus) est celui dont l'homme est l'auteur matériellement, mais non pas formellement, c'est-à-dire en tant qu'homme, avec délibération ou connaissance suffisante ainsi de respirer en dormant ou sans attention; l'acte humain, au contraire, est un acte voulu, délibéré. Les Scolastiques expliquent que l''acte prime la puissance (Actus est prior potentia). L'acte, en effet, est de toutes manières avant la puissance; car la puissance ne peut être connue que par l'acte qui lui correspond, et de plus elle suppose un acte qui la fasse passer de la possibilité à l'existence ou de l'existence à l'action. De plus, c'est l'acte qui sépare et distingue (Actus est qui separat et distinguit). C'est l'acte, en effet, comme forme, comme différence, ou comme opération, qui détermine les êtres et sert à les reconnaître. Il s'ensuit que, de deux êtres en acte on ne peut faire un seul et même être essentiellement (Ex duobus entibus in actu non fit unum per se). Enfin, l'acte et la puissance sont contraires, c'est-à-dire qu'ils s'excluent dans le même sujet et sous le même rapport : le même principe ne peut être à la fois acte et puissance, donner le mouvement et le recevoir. L'acte et la puissance qui lui répond essentiellement sont dans le même genre suprême. (E. B.).
| En bibliothèque - Métaphysique d'Aristote , livres VII, VIII et IX; Essai sur la Métaphysique d'Aristote, par F. Ravaisson; et Théorie des premiers principes suivant Aristote, par Vacherot. | | |