.
-

La monarchie

La monarchie (du grec monos = seul, et arkhéin = commander) est le mode de gouvernement où le pouvoir suprême est déposé dans les mains d'un  seul individu,  qui porte ordinairement le titre de roi ou d'empereur, et qui règne sur un Etat ou territoire, le plus souvent pour la vie. La monarchie peut être élective ou - le plus souvent - de droit héréditaire. Dans les Etats contemporains, la monarchie revêt trois formes principales  :
La monarchie absolue est une forme de gouvernement  où la souveraine puissance appartient au monarque sans aucune restriction(Absolutisme). Son écueil est le despotisme.

La monarchie constitutionnelle est un système de gouvernement dans lequel un monarque est guidé par une constitution dans laquelle ses droits, devoirs et responsabilités sont précisées par la loi ou la coutume.

La monarchie parlementaire est la forme de gouvernement d'un État dirigé par un monarque qui n'est pas activement impliqué dans l'élaboration ou la mise en oeuvre des politiques. Le souverain a alors essentiellement des fonctions de représentation. Le pouvoir exécutif est entre les mains d'un cabinet (gouvernement), dirigé par un chef de cabinet (ou un premier ministre), dont les membres sont issus d'un parlement, qui repésente le pouvoir législatif. 

Dans les pays musulmans, les régimes monarchiques peuvent prendre les noms de sultanat ou d'émirat. :
Le sultanat est un système politique similaire à une monarchie :  gouvernement où le pouvoir suprême est entre les mains d'un sultan (le chef d'un État musulman). Le sultan peut être un monarque absolu ou avec une autorité constitutionnellement limitée.

L'Émirat est lui aussi similaire à une monarchie. Le pouvoir est ici entre les  entre les mains d'un émir (le dirigeant d'un État musulman); l'émir peut être un monarque absolu ou avec une autorité constitutionnellement limitée.

On a dit que la monarchie était sortie de la famille, et que le père avait été le type du roi; mais la vie patriarcale conduit bien plutôt à l'oligarchie; car, après la mort du père, qui a régné sur toutes les générations nées de son vivant, l'unité du pouvoir est brisée, les fils deviennent les chefs de nouvelles familles, et la puissance tend à se morceler de plus en plus. D'ailleurs, il résulte de l'expérience que le pouvoir royal et le pouvoir paternel sont loin d'être identiques; que l'égalité entre les membres de la famille politique, l'amélioration de leur bien-être et de leur intelligence, n'ont guère été le souci des souverains, dont un très petit nombre ont mérité d'être appelés les pères des peuples; que souvent même ils affectèrent de n'être pas de même race ou origine que les Sujets, et affichèrent une origine supérieure, sinon divine (Droit divin). Sans attacher trop d'importance à ce vers de Voltaire (Mérope, I, 3)
Le premier qui fut roi fut un soldat heureux,
on peut admettre que la force a été fréquemment le principe du pouvoir. On ne trouverait guère de dynasties qui n'aient débuté par une usurpation, et c'est seulement à la suite d'une possession plus ou moins longue de l'autorité, ou par l'ascendant de services rendus, qu'elles ont été définitivement acceptées. Si la monarchie a été chez la plupart des peuples une institution primordiale, il est remarquable qu'elle a été partout en lutte avec les sujets, dont les efforts ont tendu à limiter, à amoindrir son autorité.

La royauté dans l'histoire.
La royauté est la dignité, le pouvoir de roi. La royauté remonte aux premiers temps des sociétés humaines, et elle a pris, à travers les siècles, des caractères très divers. 

Les monarchies orientales antiques.
Dans l'ancien Orient, elle nous apparaît avec le plus fastueux appareil, entourée du respect et de l'admiration des peuples, consacrée par la religion : rattachés à la divinité même par leur généalogie, les princes la représentent sur la Terre; tout le monde s'incline devant leur pouvoir solitaire et sans contrôle. Vêtus comme on se figurait les dieux, objet des mêmes hommages, à peu près invisibles dans leurs palais comme au fond d'un sanctuaire, ils puisaient dans la source apparente de leur autorité l'audace d'accomplir de grandes choses et aussi de commettre d'effrayants forfaits. Ninus, Sémiramis, Nabuchodonosor, les rois de Perse depuis Cyrus, sont les types de cette monarchie orientale qui s'est perpétuée presque sans modification jusqu'au seuil de l'époque contemporaine au milieu des peuples de l'Asie

Il est vraisemblable que la théocratie précéda partout la royauté; c'est, du moins, ce que l'on peut affirmer pour l'Egypte, où Ménès, chef de la classe des guerriers, enleva le pouvoir aux prêtres. Ceux-ci conservèrent néanmoins une grande influence dans l'État; ils élurent les rois, déterminèrent par les règlements les plus minutieux l'emploi de toute leur vie, leur imposèrent, aussi bien qu'à la nation, des lois qu'ils disaient émanées des dieux, et mirent un frein à leur despotisme par la menace du jugement public qui serait prononcé sur eux après la mort. La royauté égyptienne devint héréditaire après l'expulsion des Hyksos (Le Moyen Empire). 

Chez les Hébreux, la royauté, telle qu'elle fut instituée par Samuel, n'était qu'un pouvoir exécutif permanent : le roi représentait Yahveh lui même; les prophètes et les prêtres, gardiens et interprètes des lois écrites, étaient ses conseillers ou les senseurs, selon qu'il était ou n'était pas fidèle au pacte fondamental qui fixait ses droits et ses devoirs. Ce pacte, nous n'en possédons plus le texte; mais il y est fait de fréquentes allusions dans la Bible. Les rois juifs avaient la droit de juger en dernier ressort, de faire grâce, de déclarer la guerre et de conclure des traités; leur pouvoir s'étendait aussi sur l'organisation du culte et des cérémonies. La couronne devait passer à l'un des fils du du roi, et, à défaut de fils, au plus proche parent. Saül, David et Salomon furent consacrés par la cérémonie de l'onction; mais ce genre de sacre ne fut pas reproduit pour leurs successeurs, à l'exception de Jéhu, qui commençait une dynastie différente de celle de David. Salomon, par son goût pour la magnificence et les plaisirs, donna à la royauté hébraïque le caractère des autres royautés de l'Orient.

En Grèce et à Rome.
La royauté existait dans les premiers temps de la Grèce : les rois, que les poèmes homériques (l'Iliade, l'Odyssée) appellent les pasteurs des peuples, exerçaient une sorte de pouvoir patriarcal; on les voit surtout présider les assemblées, commander les guerriers, administrer les choses de la religion, et ce sont les fonctions qu'ils conservèrent à Sparte, alors que la royauté avait fait place partout ailleurs à des gouvernements aristocratiques ou à la démocratie

Chez les Romains, depuis Romulus jusqu'à Tarquin le Superbe, le gouvernement fut presque une monarchie constitutionnelle : à côté du droit d'un roi électif, il y avait le droit de la nation, représenté par le Sénat et les Comices. Lorsqu'à la République succéda l'Empire, un nouveau pouvoir se forma de la concentration des anciennes magistratures dans une seule main rien ne paraissait extérieurement changé quant à la distribution des fonctions; il y avait toujours des consuls, des tribuns, des censeurs, des préteurs, etc., rouages légaux dans la marche des affaires, mais l'empereur possédait l'essence de leurs divers pouvoirs, et, comme, ces pouvoirs étaient autrefois donnés par le peuple, il se substituait au peuple lui-même dans sa souveraineté. Le dépôt de la souveraineté dans les mains des Césars étant personnel et viager, le peuple à leur mort était censé rentrer dans ses droits; mais ce furent les soldats, et non le peuple entier, qui exercèrent le droit d'élection. 

A partir de Dioclétien, les empereurs se rapprochèrent, par le faste et l'étiquette, des rois de l'Orient : leur séjour à Nicomédie ou à Byzance les jeta au milieu des délices asiatiques; la couronne de laurier et la robe de pourpre des anciens Césars furent remplacées par le diadème et par la robe de soie et d'or; la personne du prince et son palais devinrent sacrés, et l'on n'approcha de lui qu'en se prosternant comme devant un dieu. Il était, d'ailleurs, grand pontife du paganisme, et cette union du pouvoir politique et du pouvoir religieux dans le même homme explique pourquoi le christianisme ne put s'accorder avec l'Empire.

La monarchie en Europe après la chute de Rome.
Avec les invasions germaniques, la royauté se présente sous une forme nouvelle. Par quelque filiation dont le souvenir s'est perdu, les rois des Barbares se rattachaient aux dieux : à ce titre, les Amales chez les Goths, les Agilolfinges chez les Bavarois, les Mérovingiens chez les Francs Saliens, étaient des familles privilégiées dans lesquelles la royauté, bien qu'élective, se perpétuait. Mais les guerriers n'en choisissaient pas moins, pour les expéditions particulières, tel chef qui leur inspirait confiance par sa force physique et sa bravoure. Ces deux qualités étaient aussi celles qu'un roi devait posséder, pour être respecté et obéi : les derniers Mérovingiens, connus sous le nom de Rois fainéants, furent dédaignés par leur tribu. Le pouvoir royal était limité : absolu sur le champ de bataille, il s'évanouissait pendant la paix. Clovis impuissant à distraire du butin le vase de Soissons, et se vengeant plus tard du soldat qui le lui a disputé; Clotaire Ier, battu par ses guerriers, pour n'avoir pas voulu marcher contre les Saxons; Frédégonde obligée de comparaître devant l'assemblée des Francs, et de jurer que son enfant Clotaire II est le fils légitime de Chilpéric; Gontran suppliant ses guerriers de le laisser vivre encore quelques années, afin qu'il puisse veiller sur la jeunesse de ses neveux; Brunehaut menacée par les Austrasiens d'être foulée aux pieds de leurs chevaux : tous ces faits et beaucoup d'autres donnent une idée de la faiblesse des rois Barbares, même après leur établissement sur les ruines de l'Empire romain. Ce n'est pas que l'organisation de cet Empire, et la puissance impériale à laquelle ils succédaient, n'aient frappé d'étonnement quelques-uns d'entre eux; mais Théodoric chez les Ostrogoths, plus tard Charlemagne chez les Francs, ne firent qu'une résurrection factice de l'administration romaine, et ne purent transmettre à leurs descendants ce pouvoir absolu que possédaient les anciens empereurs.

Les seuls changements que l'invasion ait amenés dans la condition de la royauté barbare, c'est d'abord la substitution assez prompte de l'hérédité à l'élection; c'est ensuite que la puissance des rois eut pour base la possession des terres conquises, et que les guerriers qui reçurent quelques portions de ces terres en récompense de leurs services devinrent dépendants, non plus par le respect, mais par les obligations auxquelles ils s'étaient astreints en retour. Ce caractère nouveau de la royauté devait causer sa ruine : car, à mesure que les rois s'appauvrirent par leurs dons, les propriétaires de terres furent moins dociles, et, après Charlemagne, ils s'attribuèrent sur leurs domaines tous les droits de la souveraineté; en sorte que, pendant les temps féodaux, la royauté ne fut plus qu'un nom. Le clergé, il est vrai, la concevant comme un pouvoir social, comme une magistrature publique, avait essayé de l'élever au-dessus de toutes les forces individuelles, pour trouver auprès d'elle un rempart; se rattachant à la tradition hébraïque, il avait sacré les premiers Carolingiens, dans l'espoir que l'onction sainte leur attirerait la vénération des peuples. Mais les dignitaires de l'Église, évêques et abbés, puissants seigneurs eux-mêmes à cause des grands biens qu'ils avaient reçus, affermis désormais dans leurs domaines temporels et dans leur empire sur les esprits, s'isolèrent du trône à leur tour, pour être plus indépendants, et voulurent tenir leur rang dans la hiérarchie féodale.

Il fallut plusieurs siècles pour reconstituer la royauté en France. Les Capétiens, à l'origine seigneurs peu respectés de l'lle-de-France, trouvèrent pour auxiliaires, dans leur lutte contre la féodalité, tous ceux qui avaient à souffrir de ce système social, c.-à-d. la bourgeoisie et l'Église : l'une, privée de droits politiques jusqu'au jour où elle forma des communes; l'autre, envahie par la corruption et l'ignorance des laïques. Les Capétiens avaient pu prendre sans opposition le titre de roi; c'était même une sécurité pour les autres seigneurs, qui n'avaient plus à craindre, ainsi qu'au temps des Carolingiens, la revendication de leurs domaines usurpés et la menace d'être ramenés à l'obéissance. Toutefois, le roi tenant le premier rang dans la hiérarchie féodale, les Capétiens devaient, du jour où ils auraient la force, imposer comme un droit leur autorité souveraine. Au reste, la royauté tend de jour en jour avec eux à exister indépendamment de la suzeraineté : elle s'érige en pouvoir d'équité, d'ordre et de paix, qui a mission et droit d'intervenir pour établir la justice et protéger les faibles, et dont la force réside, non dans quelque fait antérieur, mais dans son harmonie avec les besoins de la société, dans le remède qu'elle apporte ou promet aux maux qui la travaillent. Aussi. les Capétiens cherchent-ils à faire renaître l'idée chrétienne qui voit dans le roi l'image de Dieu même : Hugues Capet renouvelle la cérémonie du sacre; il demande aussi l'onction sainte pour le fils qui doit le remplacer, et ses premiers successeurs, en imitant cet exemple, donnent à leur dynastie naissante le prestige de la religion et comme la garantie de la perpétuité.

Sous les deux premières dynasties, à la mort de chaque roi, ses enfants se partageaient l'héritage, conformément aux coutumes de succession des anciens Germains : les Capétiens adoptèrent la loi d'hérédité du Droit féodal; Hugues Capet fixa l'ordre de succession dans la ligne masculine par ordre de primogéniture, et assura de cette manière l'unité et par con-séquent la force du pouvoir royal. Enfin les Capétiens, à partir de Louis IX, se rattachèrent à la tradition romaine; c'était l'époque où le Droit romain commençait à être étudié avec ardeur; les légistes répandirent dans la société les maximes les plus favorables au pouvoir absolu, et travaillèrent à subordonner les nobles, le clergé et les communes, à ce pouvoir public, général, qu'on nommait royauté. Le roi devint la loi vivante, et la jurisprudence formula cet axiome :

  Si veut le roi, si veut la loi. 
Tels sont les éléments dont s'est formée la royauté capétienne, qui se développa principalement par les conquêtes de Philippe-Auguste, et par les lois de Louis IX et de Philippe le Bel. La guerre de Cent Ans semblait devoir lui être funeste : elle en sortit, au contraire, plus puissante, car elle prit en main la défense du pays compromis par les fautes des soigneurs, elle créa l'unité de la France, et fut le symbole de la nationalité. C'est ce qui donna la force à Louis XI d'abattre une nouvelle féodalité, la féodalité princière ou apanagée. François Ier mit la royauté hors de pages, c.-à-d. qu'il la délivra de tout contrôle et lui enleva tout contre-poids : le Concordat de 1516, en lui donnant la nomination aux bénéfices ecclésiastiques, plaça le clergé sous sa main; la noblesse, déjà rompue à l'obéissance par les habitudes de la vie militaire pendant les guerres d'Italie, se transforma, au milieu des plaisirs et des intrigues de la cour nouvellement formée, en une sorte de domesticité des princes; le Parlement, qui voulait profiter de la formalité de l'enregistrement pour contrôler les édits royaux, vit briser son opposition par l'emploi des lits de justice, et dut rentrer dans ses attributions judiciaires. L'arbitraire règne alors dans toutes les parties de l'administration publique, et l'absolutisme le plus complet est résumé dans cette formule de conclusion des ordonnances : 
« Car tel est notre bon plaisir. » 
L'anarchie des Guerres de religion a pu faire faire à la royauté un pas en arrière; les derniers Valois l'ont même avilie : mais, après l'oeuvre déjà réparatrice de Henri IV, le cardinal de Richelieu rétablit dans sa plénitude la prérogative royale, et il a porté de si rudes coups aux ennemis du trône, qu'ils n'ont pu, malgré leur vouloir, renverser Mazarin et prendre une revanche. Le gouvernement de Louis XIV marque l'apogée de la royauté en France alors, en effet, triomphe la doctrine du droit divin. Le caractère de la monarchie du XVIIIe siècle, c'est de se donner comme la personnification de cette volonté unique, supérieure, essentiellement légitime, qui a seule le droit de gouverner la société, c.-à-d. de Dieu même. Dans les Mémoires et Instructions qu'il rédigea pour le dauphin, Louis XIV semble croire que les rois sont d'une nature supérieure an reste de l'humanité, et qu'ils reçoivent comme des illuminations d'en haut :
« La fonction des rois consiste à laisser agir le bon sens; un roi doit se décider lui-même, parce que la décision a besoin d'un esprit de maître et. que, dans le cas où livraison ne donne plus de conseils, il doit s'en fier aux instincts que Dieu a mis dans tous les hommes et surtout dans les rois [...]. Celui qui a donné des rois aux hommes a voulu qu'on les respectât comme ses lieutenants, se réservant à lui seul le droit d'examiner leur conduite. Sa volonté est que quiconque est né sujet obéisse sans discernement. » 
Quoi d'étrange, après cela, que les rois aient disposé librement de la propriété, de la liberté et de la vie de leurs sujets? On comprend aussi qu'ils aient cru participer de l'infaillibilité, de la sainteté de Dieu, et, quand le duc de La Feuillade entretenait un luminaire devant la statue de Louis XIV, c'était un hommage naturel plus encore qu'une flatterie. Non seulement la royauté représente Dieu même, elle est encore la personnification de l'intérêt général; tous les besoins, tous les pouvoirs se concentrent en elle : 
« L'État, c'est moi. » disait Louis XIV.
Arrivée à de pareils excès de doctrine, la royauté devait rencontrer une autre puissance, la souveraineté nationale, et succomber dans la lutte. Dès le milieu du XIVe siècle, dans les États Généraux de 1357, Robert Lecoq et Étienne Marcel avaient conçu une importante révolution, là périodicité des assemblées représentatives et leur droit à voter l'impôt, c.-à-d. ce qui fait l'essence des monarchies tempérées par le pouvoir national. Les États de Tours, en 1484, avaient formulé les mêmes désirs. Depuis plusieurs siècles aussi, ces réformes, qui avaient paru prématurées en France, avaient été accomplies en Angleterre, où les libertés publiques se développaient sous un gouvernement constitutionnel. Après la Révolution anglaise de 1688, Locke, dans un Traité du gouvernement civil, destiné à justifier philosophiquement cette révolution, posa le dogme de la souveraineté du peuple, proclama la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, la nécessité que la loi fait faite et l'impôt décrété avec le concours des députés de la nation, la révocabilité de l'autorité royale dont il serait fait mauvais usage, etc. 

Louis XIV crut la royauté menacée par ces doctrines; en soutenant Jacques II contre Guillaume III, il combattit pour le droit absolu des rois. Vaincu sur la question de principe, puisqu'il reconnut au traité de Ryswyck le nouvel ordre de succession établi en Angleterre par la volonté nationale, il transmit à ses successeurs un pouvoir gravement compromis par cette défaite. Pendant le XVIIIe siècle, les idées anglaises se propagèrent en France, et Montesquieu en fut un apôtre convaincu. 
-
Les préjugés de l'honneur sont le ressort des gouvernements monarchiques

« Je supplie qu'on ne s'offense pas de ce que j'ai dit; je parle d'après toutes les histoires. Je sais très bien qu'il n'est pas rare qu'il y ait des princes vertueux; mais je dis que dans une monarchie il est très difficile que le peuple le soit.

Qu'on lise ce que les historiens de tous les temps ont dit sur la cour des monarques; qu'on se rappelle les conversations des hommes de tous les pays sur le misérable caractère des courtisans : ce ne sont point des choses de spéculation, mais d'une triste expérience.

L'ambition dans l'oisiveté, la bassesse dans l'orgueil, le désir de s'enrichir sans travail, l'aversion pour la vérité, la flatterie, la trahison, la perfidie, l'abandon de tous ses engagements, le mépris des devoirs du citoyen, la crainte de la vertu du prince, l'espérance de ses faiblesses et, plus que tout cela, le ridicule perpétuel, jeté sur la vertu, forment, je crois, le caractère du plus grand nombre des courtisans, marqué dans tous les lieux et dans tous les temps. Or il est très malaisé que la plupart des principaux d'un État soient malhonnêtes gens, et que les inférieurs soient gens de bien; que ceux-là soient trompeurs, et que ceux-ci consentent à n'être que dupes.

Que si, dans le peuple, il se trouve quelque malheureux honnête homme, le cardinal de Richelieu, dans son testament politique, insinue qu'un monarque doit se garder de s'en servir. Tant il est vrai que la vertu n'est pas le ressort de ce gouvernement! Certainement elle n'en est point exclue; mais elle n'en est pas le ressort.

Je me hâte et je marche à grands pas, afin qu'on ne croie pas que je fasse une satire du gouvernement monarchique. Non; s'il manque d'un ressort, il en a un autre. L'honneur, c'est-à-dire le préjugé de chaque personne et de chaque condition, prend la place de la vertu politique dont j'ai parlé, et la représente partout. Il y peut inspirer les plus belles actions; il peut, joint à la force des lois, conduire au but du gouvernement comme la vertu même.

Ainsi, dans les monarchies bien réglées, tout le monde sera à peu près bon citoyen, et on trouvera rarement quelqu'un qui soit homme de bien; car, pour être homme de bien, il faut avoir intention de l'être et aimer l'État moins pour soi que pour lui-même. 
 

(Montesquieu, extrait de l'Esprit des lois, III, V, VI, VII).
 

Mais tel était le degré d'abaissement où tombait avec Louis XV la royauté elle-même, qu'elle fut emportée avec ses abus dans la tourmente de 1789. Les efforts de Mounier, de Malouet, de Lally-Tollendal, dans l'Assemblée constituante, ne purent faire adopter le mécanisme de la Constitution anglaise, et, quand il eut été décidé qu'une seule assemblée, investie d'une autorité souveraine, coexisterait avec la monarchie, ce dernier rouage ne tarda pas à disparaître. 

Le royalisme. - Ce mot, qui date de la Révolution de 1789, sert à désigner le dévouement à l'idée monarchique, l'opposition au nouvel ordre de choses qui s'établissait sur les ruines de l'Ancien régime. Sous le l'Empire, les Royalistes furent ceux qui ne regardaient comme légitime que la monarchie ancienne, et qui en désiraient ou en secondaient le rétablissement. Pendant le gouvernement de la Restauration, on appela Royalistes, par opposition aux Libéraux, les hommes qui voyaient un danger dans les concessions faites par la Charte de 1814, et qui les auraient volontiers sacrifiées. Depuis la Révolution de 1830, leur nom fut réservé aux partisans de la branche aînée des Bourbons, ceux de la branche cadette prenant le nom d'Orléanistes ou de Philippistes.
Le principe monarchique fut restauré par Napoléon Ier, et il a toujours subsisté depuis, saut pendant le règne éphémère de la République de 1848. Mais, à partir du XIXe siècle, il ne paraît pas qu'une monarchie, de quelque nom qu'on l'appelle, puisse désormais aspirer à vivre, sans accepter d'être limitée par une Constitution et par divers pouvoirs, et sans reconnaître le principe de la souveraineté nationale. Les idées libérales et les essais d'institutions représentatives pénètrèrent jusqu'au milieu des monarchies les plus absolutistes, jusqu'en Russie et dans l'empire austro-hongrois

Le XXe siècle.
Le XXe siècle a vu tomber la plupart des monarchies absolues. Il n'y en avait plus déjà en Amérique, où tous les Etats, sauf le Brésil qui demeura une monarchie jusqu'en 1889, avait déjà opté au moment de leur indépendance pour un gouvernement de type républicain; le Canada, indépendant tout en se reconnaissant comme chef de l'Etat la reine d'Angleterre, est une monarchie parlementaire d'un type particulier. L'Europe, après la Première Guerre mondiale et la chute des empires centraux, s'est trouvée partagée entre Républiques et monarchies contitutionnelles. Seul le Vatican, avec son pape pour souverain protégé par le dogme de l'infaillibilité, reste une monarchie absolue, mais c'est un cas particulier. En Afrique, presque tous les Etats sont devenus des républiques après la décolonisation (quelques-uns conservent cependant des rois coutumiers sur certains parties de leur territoire), à l'exception du Maroc, du Swaziland et du Lesotho; l'Ethiopie, a renversé son négus en 1974; l'Egypte et la Libye qui avaient encore des rois sont devenues des républiques respectivement en 1952 et en 1969. En Asie, le tableau est à peu près le même. La Chine, l'Iran, l'Irak, etc. sont devenus des républiques, quelques Etats se sont mués en monarchies constitutionnelles, comme la Thaïlande, du Japon, ou la Jordanie, d'autres sont restés des monarchies absolues, à l'instar de l'Arabie saoudite et des émirats du golfe. Le Népal, qui était aussi dans ce cas, est devenu une république en 2008.  Enfin, en Océanie, il persiste quelques monarchies parlementaires (Tonga et Tuvalu), à Wallis et Futuna, il existe des rois coutumiers; l'Australie et la Nouvelle-Zélande ayant, pour leur part, un statut spécial analogue à celui du Canada vis-à-vis de la reine du Royaume-Uni. (B.).

.


[Histoire culturelle][Biographies][Sociétés et cultures]
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2008 - 2019. - Reproduction interdite.