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Étienne Marcel

Étienne Marcel est un prévôt des marchands de Paris sous le règne de Jean le Bon, tué le 31 juillet 1358. On ignore la date de sa naissance; mais il est certain qu'il appartenait à une des familles bourgeoises les plus notables de la corporation des drapiers. Il avait trois frères, Guillaume, Jean et Gilles, et épousa en premières noces Jeanne de Dammartin et en secondes Marguerite des Essarts, qui lui survécut. Son rôle politique commença en 1356 après la bataille de Maupertuis où le roi Jean fut fait prisonnier. 

Le dauphin Charles (Charles V), à son arrivée à Paris dix jours après la bataille, réunit immédiatement les États généraux de la langue d'oïl (17 octobre); les députés du tiers étaient au nombre de 400 : Marcel, avec l'évêque de Laon Robert Le Coq, dirigea leurs délibérations. Sur leur initiative, une commission de 80 membres fut nommée, qui prit des décisions menaçantes pour l'autorité royale. On demandait au duc de Normandie de priver de leurs charges sept des principaux officiers de la couronne, de saisir leurs biens, d'informer contre eux et de délivrer le roi de Navarre; on voulait encore que le dauphin gouvernât désormais avec un conseil de vingt personnes, dont douze bourgeois. A ces conditions, les États étaient disposés à voter pour une année une aide d'un décime et demi sur tous les revenus des trois ordres. Le dauphin refusa de souscrire à de telles exigences et prorogea les États; mais, manquant d'argent, il se trouva bientôt à la merci du prévôt des marchands qui avait fait prendre les armes à toutes les corporations; il dut accepter le renvoi de ses officiers et convoqua une seconde fois les États (3 février 1357). 

C'est à la suite de cette réunion que fut promulguée une grande ordonnance de réformation, par laquelle le dauphin renonçait à toute imposition non votée par les États et acceptait la création d'un conseil de 36 membres qui se mit aussitôt en mesure d'exécuter un programme de réformes que le dauphin, réduit à l'impuissance, dut ratifier : presque tous les conseillers royaux furent exilés, les membres du parlement et de la chambre des comptes renouvelés, les officiers de justice et de finances destitués, la cour des aides créée. Mais le roi Jean, quoique prisonnier des Anglais, envoya défense d'exécuter l'ordonnance, qui était l'arrêt de mort de son pouvoir absolu (6 avril). Marcel et Robert Le Coq protestèrent auprès du dauphin qui, se sentant soutenu par les provinces, lesquelles ne suivaient pas le mouvement imprimé par la population parisienne, interdit au mois d'août au prévôt et à ses adhérents de se mêler désormais du gouvernement, attendu qu'il entendait gouverner tout seul.
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Etienne Marcel.
Statue d'Etienne Marcel, devant l'Hôtel de Ville de Paris. © Photo : Serge Jodra, 2009.

Le Coq se retira dans son évêché; mais Marcel, resté à Paris, profita du départ du dauphin (Charles V) qui avait convoqué les États hors de la capitale pour organiser la résistance. Il songea dès lors à opposer à la branche régnante des Valois une autre branche de la maison de France et trouva en la personne du roi de Navarre, Charles le Mauvais, un prétendant prêt à tout. Un coup de main combiné par le prévôt des marchands fit sortir le roi de Navarre du château d'Ailleux où il était détenu, et le duc de Normandie, revenu à Paris sans argent, dut une fois encore convoquer les États (7 novembre); sous la pression des chefs populaires, il accorda à Charles le Mauvais une partie de ce qu'il réclamait. Le 13 janvier 1358, les États s'assemblèrent de nouveau; mais presque aucun noble et très peu de gens d'église s'y rendirent. Les députés ne purent se mettre d'accord, et le 22 février, Marcel, donnant libre cours aux fureurs du populaire qui voulait venger l'exécution d'un des siens coupable du meurtre de Jean Baillet, trésorier du dauphin, envahit le palais et fit massacrer sous les yeux du prince ses deux principaux conseillers, les maréchaux de Champagne et de Normandie.

Le meurtre des maréchaux divise en deux parties distinctes la vie publique d'Étienne Marcel. Jusqu'à ce moment, le prévôt des marchands apparaît comme un réformateur digne de sympathie; après cet attentat, la royauté eut le droit de voir dans le meurtrier un criminel digne de punition. Trop fier pour implorer la clémence du dauphin, trop peu honnête pour se livrer simplement à la justice, Marcel ne craignit pas dès lors de sacrifier la paix publique aux intérêts de sa personne et de son orgueil et de faire courir à la France tous les risques d'une guerre civile : ce fut un tort dont on ne saurait l'absoudre. Aussitôt après le meurtre, le prévôt ayant convoqué aux Augustins une grande assemblée de bourgeois, envoya des lettres closes aux bonnes villes pour leur demander d'approuver ce qui avait été fait et d'adopter le chaperon rouge et bleu que portaient ses partisans. Mais sa voix ne fut pas partout entendue; au sein même des États une scission se produisit et le dauphin en profita pour transporter les États à Compiègne : c'était la guerre ouverte entre la démocratie parisienne et la royauté que soutenaient les provinces. 

Là-dessus survint la Jacquerie qu'Etienne Marcel tenta, mais en vain, de diriger et de modérer; mais l'échec subi à Meaux par les Jacques (9 juin) fut le signal de leur défaite, et Marcel n'espérant plus rien des campagnes mit son dernier espoir dans le roi de Navarre (La Guerre de Cent Ans). Le 14 juin, celui-ci fut proclamé capitaine de Paris; mais les bandes qu'il avait sous ses ordres étaient justement redoutées des Parisiens qui refusèrent d'admettre dans leurs murs de pareils bandits. La popularité de Marcel commençait à décroître : un parti se forma dans la haute bourgeoisie qui poussa dès lors au rétablissement de l'autorité royale. Marcel fut contraint d'écrire au régent (28 juillet) pour l'inviter à revenir, mais le prince répondit qu'il ne rentrerait pas dans la capitale tant que le meurtrier des maréchaux serait en vie. Marcel prit alors un parti extrême et résolut de livrer Paris au roi de Navarre dans la nuit du 31 juillet au 1er août : cette décision lui coûta la vie. Il tomba à la porte Saint-Antoine, sous les coups de Jean Maillart comme il s'apprêtait à mettre son projet à exécution. Les jours suivants, les partisans du prévôt, dont son frère Gilles, étaient mis à mort et le 3 août le régent rentrait dans Paris. (H. Courteault).

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Dictionnaire biographique
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