| Après avoir gouverné révolutionnairement depuis le 21 septembre 1792 jusqu'au 26 octobre 1795, et après avoir fait la constitution du 3 septembre 1793, qui demeura toujours une oeuvre théorique, la Convention se sépara au moment où sa nouvelle constitution du 5 fructidor an III allait être appliquée. Cette constitution était précédée d'une nouvelle Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, déclaration suivie d'un exposé des devoirs; elle organisait la République avec deux Chambres, le conseil des Cinq-Cents et le conseil des Anciens, avec un pouvoir exécutif, le Directoire, composé de cinq membres, et avec des administrations électives. Le souverain était l'universalité des citoyens français. Le territoire était réparti en départements, les départements en cantons et les cantons en communes; les colonies étaient divisées de la même façon. Etait citoyen tout Français ou naturalisé, âgé de vingt-cinq ans inscrit sur le registre civique de son canton, domicilié depuis un an et payant une contribution directe, foncière ou personnelle; il fallait savoir lire et écrire, et exercer une profession pour être inscrit sur le registre civique; les Français ayant fait une campagne pour l'établissement de la République étaient dispensés de toute condition. Les assemblées primaires se réunissaient par canton et statuaient, sauf recours au tribunal civil, sur leur propre composition; elles faisaient leur police et nul ne pouvait y paraître en armes. Elles se réunissaient pour faire les élections et pour statuer sur les modifications proposées à la constitution par les assemblées de révision. Elles s'assemblaient de plein droit le 1er germinal de chaque année pour nommer les membres de l'assemblée électorale, le juge de paix et ses assesseurs, le président de l'administration municipale du canton et les officiers municipaux des communes de plus de cinq mille habitants; immédiatement après des assemblées communales élisaient dans les autres communes les agents de chaque commune et leurs adjoints. Les élections avaient lieu au scrutin secret et les tentatives de corruption étaient sévèrement punies. Chaque assemblée primaire nommait pour un an, dans une proportion moyenne d'un élu par deux cents inscrits, des électeurs qui n'étaient rééligibles qu'après deux ans, qui avaient au moins vingt-cinq ans, remplissaient en outre certaines conditions de cens, variant avec les communes de plus de six mille habitants, avec celles de moins de six mille et avec les campagnes. Dans chaque département, l'ensemble de ces électeurs formait l'assemblée électorale, qui se réunissait le 20 germinal de chaque année seulement, et qui avait pour mission exclusive de nommer les membres du Corps législatif, d'abord ceux du conseil des Anciens et ensuite ceux du conseil des Cinq-Cents, et de choisir les membres du tribunal de cassation, les hauts jurés, les administrateurs du département, le président, l'accusateur public et le greffier du tribunal criminel et les juges des tribunaux civils. Le commissaire de Directoire exécutif près l'administration avertissait le Directoire de l'ouverture et de la clôture des assemblées électorales. Le Corps législatif ne devait pas intervenir dans l'exercice du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire, et il y avait incompatibilité entre toute fonction publique et la qualité de représentant. Chaque département avait droit à un certain nombre de représentants en raison de sa population seulement, et la répartition se faisait tous les dix ans. Le renouvellement des deux conseils se faisait tous les ans par tiers; après trois ans de mandat, on ne pouvait pas être réélu avant un intervalle de deux ans. Des élections complémentaires avaient lieu immédiatement si un des deux conseils se trouvait réduit à moins de deux tiers de ses membres. Le Corps législatif nommait pour un mois seulement ses deux présidents et ses secrétaires; il avait le droit de police. Les deux conseils devaient délibérer dans la même commune, mais ils ne pouvaient jamais se réunir dans la même salle; leurs séances étaient publiques et les procès-verbaux en étaient publiés; les votes étaient toujours secrets. Il ne pouvait être formé que des commissions spéciales et temporaires, mais jamais de comités permanents. Une troupe armée ne pouvait passer ou séjourner sans leur autorisation dans la distance de six mvriamètres de la commune où ils se réunissaient. Le Corps législatif avait une garde de citoyens pris dans la garde nationale sédentaire de tous les départements et choisis par leurs frères d'armes; il n'assistait à aucune cérémonie et n'envoyait aucune délégation. Ses membres recevaient une indemnité. Ils ne pouvaient jamais être poursuivis pour les opinions émises dans l'exercice de leurs fonctions; s'ils commettaient des faits criminels, le conseil des Cinq-Cents proposait leur mise en jugement et le conseil des Anciens la décrétait; ils étaient alors traduits devant la haute cour de justice. Ils pouvaient également être poursuivis pour trahison, dilapidation, manoeuvres contre la constitution et attentats contre la sûreté intérieure de la République. Le conseil des Anciens était composé de deux cent cinquante membres, qui avaient au moins quarante ans, étaient mariés ou veufs et domiciliés depuis quinze ans sur le territoire de la République. Il ne délibérait que s'il y avait cent vingt-six membres présents, et dans les mêmes formes que le conseil des Cinq-Cents, lorsque les résolutions lui étaient transmises, mais ses votes avaient une forme spéciale : s'il adoptait, il disait : « le Conseil des Anciens approuve... »; s'il refusait d'adopter la résolution pour vices de formes commis par l'autre conseil, il devait dire : « la Constitution annule... »; s'il désapprouvait le fond de la loi proposée, il disait : « le Conseil des Anciens ne veut pas adopter...». Ses décisions, même négatives, étaient donc toujours exprimées par des formules. Une résolution adoptée par le conseil des Anciens prenait le nom de loi; une résolution rejetée ne pouvait être reprise qu'un an après par les Cinq-Cents. Le conseil des Anciens avait le droit de changer la résidence du Corps législatif. Si le lieu des séances était transféré et si les deux chambres n'avaient pas notifié leur réunion dans la commune indiquée vingt jours après la décision prise, il était procédé sans retard à leur renouvellement; si le nouveau Corps législatif ne pouvait se réunir dans la localité indiquée, il se constituait là où s'assemblerait la moitié plus un des membres de chacun des deux conseils. Lorsque les deux conseils étaient constitués, ils s'en avertissaient mutuellement, après les élections de chaque année; ils avaient chacun quatre messagers d'Etat, qui avaient entrée dans leurs salles des séances et dans celle du Directoire, et qui portaient les lois et les actes du Corps législatif. L'un des deux conseils ne pouvait s'ajourner pendant plus de cinq jours sans le consentement de l'autre. Le Directoire faisait sceller et promulguer dans le jour de leur réception les lois et actes législatifs déclarés urgents; il avait deux jours si l'urgence n'avait pas été déclarée; si les formalités constitutionnelles n'avaient pas été observées par les deux conseils, il ne devait pas promulguer, à moins que l'urgence eût été adoptée. Le pouvoir exécutif était délégué à un Directoire de cinq membres, nommés par le Corps législatif. Les Cinq-Cents présentaient une liste comprenant dix fois plus de candidats qu'il n'y avait de sièges; les Anciens faisaient l'élection en choisissant sur cette liste. Les directeurs devaient être âgés de quarante ans, et, à partir de l'an IX, avoir été membres du Corps législatif ou ministres; à partir de l'an V, il fallait avoir cessé d'être représentant depuis un an pour être directeur ou ministre. Le Directoire devait être renouvelé chaque année par l'élection d'un nouveau nombre; les quatre premiers sortants étaient désignés par le sort. On ne pouvait être réélu avant cinq ans. Les membres d'une même famille ou les alliés, jusqu'au quatrième degré, ne pouvaient faire partie en même temps du Directoire. Si une vacance se produisait subitement, elle était comblée dans les dix jours. Chaque directeur présidait à son tour pendant trois mois et avait alors les signatures et la garde des sceaux; il fallait trois membres présents pour qu'il y eut une délibération valable; les délibérations étaient rédigées et contresignées par le secrétaire que le Directoire avait choisi en dehors de son sein, et dont l'assistance n'était pas indispensable. Le Directoire était chargé de la sûreté intérieure et extérieure de la République et de l'exécution des lois; il disposait de la force armée, mais ses membres ne pouvaient la commander, fût-ce deux ans après l'expiration de leurs fonctions. En cas de conspiration contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat, il lançait des mandats d'amener et d'arrêt, et interrogeait les inculpés qu'il renvoyait dans les deux jours devant la justice ordinaire. Il nommait les généraux en chef et les ministres, qu'il ne choisissait jamais parmi les parents ou alliés de ses membres jusqu'au quatrième degré. Les ministres avaient au moins trente ans; ils étaient six au moins et huit au plus; ils ne formaient pas un conseil et étaient respectivement responsables de l'inexécution des lois et des arrêtés du Directoire. Les directeurs ne pouvaient sortir du territoire que deux ans après avoir quitté leurs fonctions; jusque-là ils justifiaient de leur résidence. Ils étaient mis en accusation dans les mêmes conditions que les députés, et ils ne pouvaient être mandés devant le Corps législatif qu'en cas d'accusation; s'il y en avait de poursuivis, ils étaient provisoirement remplacés jusqu'à leur jugement. Le Directoire proposait des mesures, mais non des projets de loi ; il présentait chaque année un exposé de la situation financière et signalait les abus. Il avait une garde et quatre messagers d'Etat ; il siégeait dans la même commune que le Corps législatif et il était logé par la nation. Il y avait dans chaque département une administration centrale, et dans chaque canton une administration municipale au moins; leurs membres avaient au moins vingt-cinq ans. Chaque administration départementale était composée de cinq membres et renouvelable par cinquième chaque année. Les communes de cinq mille à cent mille habitants avaient une administration de cinq à neuf membres, et celles d'une population inférieure avaient un agent et un adjoint; la réunion de ces avents formait la municipalité du canton, qui choisissait un président. Les communes de plus de 100.000 habitants. avaient au moins trois municipalités de 7 membres chacune, et un bureau central pour les questions jugées indivisibles par le Corps législatif. Les membres des municipalités étaient élus pour deux ans et renouvelables par moitié chaque année; ils étaient rééligibles une fois sans interruption. En cas de vacance dans les administrations départementales et communales, les administrateurs s'adjoignaient des collègues provisoires. Les administrateurs répartissaient les contributions directes et surveillaient la gestion des deniers publics; leurs autres attributions étaient réglées par le Corps législatif. Le Directoire nommait auprès des administrations départementales un commissaire qu'il pouvait révoquer et qui leur était subordonné, de même qu'elles-mêmes étaient subordonnées aux ministres, qui pouvaient les suspendre et les remplacer provisoirement, on annuler leurs actes par décision motivée; les municipalités dépendaient de même des administrations départementales. Toute administration devait annuellement rendre compte de sa gestion. Pour remplir des fonctions judiciaires, quelles qu'elles fussent, il fallait avoir au moins trente ans. Les séances des tribunaux étaient publiques et les délibérations étaient secrètes. Le droit de s'adresser à des arbitres était protégé. Il y avait des luges de paix, des juges de commerce et un tribunal civil par département. Les tribunaux se composaient de 20 juges et 5 suppléants élus pour cinq ans et rééligibles, et d'un commissaire et d'un substitut du Directoire. Le tribunal nommait son président et se partageait en trois sections. Les appels avaient lieu de tribunal à tribunal. En matière répressive le jury d'accusation et le jury de jugement de la constitution de 1791 étaient maintenus. Les délits étaient jugés par. un tribunal correctionnel composé d'un juge, président, et de deux juges de paix ou suppléants, assesseurs. Les appels du tribunal correctionnel étaient portés devant le tribunal criminel, qui, en outre du jury, était composé d'un président, d'un accusateur public, de quatre juges de tribunal civil. Le commissaire près le tribunal civil remplissait devant le tribunal criminel les mêmes fonctions qu'il se partageait avec l'accusateur public. Il pouvait y avoir et il y avait en fait plusieurs tribunaux correctionnels par département; il n'y avait qu'un tribunal criminel. Le tribunal de cassation conservait aussi les bases fixées par la constitution de 1791. Ses juges étaient élus par, les assemblées électo rales des départements, renouvelables par cinquième tous les ans, et rééligibles; ils avaient des suppléants. Une haute cour de justice jugeait les accusations portées par le Corps législatif contre ses propres membres et contre les directeurs; elle se composait de cinq juges et de deux accusateurs nationaux, nommés sur une liste tirée au sort par les membres du tribunal de cassation, et choisis parmi eux; elle était assistée de hauts jurés élus par les assemblées électorales. Elle se réunissait en vertu d'une proclamation des Cinq-Cents, dans la ville qui lui était désignée et qui devait être éloignée de plus de 12 myriamètres (120 km) de celle où siégeait le Corps législatif. Les actes d'accusation étaient dressés par les Cinq-Cents. La constitution affirmait la création des écoles primaires et des écoles supérieures; elle consacrait l'Institut national; elle donnait la liberté de l'enseignement. Le Corps législatif devait fixer chaque année les contributions et il pouvait en établir de nouvelles, à condition de maintenir une imposition foncière et une imposition personnelle. Les commissaires de la trésorerie nationale étaient au nombre de cinq, élus pour cinq ans par les Anciens sur une liste triple présentée par les Cinq-Cents; ils étaient renouvelables par cinquième et rééligibles. Ils surveillaient la recette des deniers, ordonnaient le mouvement des fonds et le payement des dépenses votées, tenaient un compte de dépense et de recette avec les agents financiers des départements dont ils vérifiaient et arrêtaient les comptes, et correspondaient avec eux; ils ne pouvaient agir que sur un décret du Corps législatif ou une décision du Directoire et en vertu d'un ordre signé d'un ministre, qui ordonnait les dépenses. Le Corps législatif nommait dans les mêmes conditions cinq commissaires de la comptabilité nationale, qui vérifiaient et arrêtaient le compte général des dépenses de la République, après l'examen des pièces justificatives que leur fournissait la trésorerie; ils faisaient un rapport au Corps législatif de leurs opérations et devaient signaler les abus. Le Directoire proposait les déclarations de guerre; le Corps législatif les votait. Le Directoire était chargé des négociations extérieures et du choix des agents diplomatiques; il pouvait signer des arrangements secrets et des stipulations provisoires ; les traités étaient ratifiés par les deux conseils. Les droits accordés aux étrangers en France étaient maintenus. Le conseil des Anciens pouvait proposer de réviser la constitution; si en neuf années cette proposition était ratifiée à trois reprises différentes, séparées l'une de l'autre d'au moins un an d'intervalle, par les Cinq-Cents, il y avait lieu de convoquer une assemblée de révision. Cette assemblée se recrutait en dehors des représentants au Corps législatif; elle était nommée à raison de deux membres par département, dans les conditions exigées par le conseil dés Anciens qui désignait un lieu de réunion éloigné d'au moins vingt myriamètres (200 km) du lieu où il siégeait lui-même. L'assemblée de révision siégeait trois mois au plus ; elle n'exerçait aucune fonction législative et révisait seulement les articles qui lui étaient désignés par le Corps législatif. Les modifications votées n'étaient définitivement adoptées que lorsqu'elles avaient été acceptées par le peuple. La constitution du 5 fructidor se terminait par un certain nombre de dispositions générales affirmant les principes de la Révolution. Elle proscrivait définitivement ceux qui avaient quitté leur patrie depuis le 15 juillet 1789, c: à-d. les émigrés, et elle déclarait leurs biens acquis à l'Etat. Les acquéreurs de ces biens appelés biens nationaux étaient garantis contre toute dépossession; il n'y avait de recours que contre I'Etat. L'unité des poids et des mesures était proclamée. Les distinctions honorifiques étaient abolies. (GE). | |