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Comté de Nice.
- L'ancien comté de Nice était une région
géographique plus uniforme que le département des Alpes-Maritimes; le
comté était proprement le pays des Alpes-Maritimes qui se composent essentielment
au centre de deux noyaux de terrain éocène, presque contigus, dirigés
dit Nord-Nord-Est ou Sud-Sud-Ouest et entourés de deux auréoles, l'une
crĂ©tacique, l'autre jurassique. Le plissement alpin proprement dit, Ă
l'époque miocène, a plissé ces terrains en les modelant autour du massif
archéen du Mercantour, qui a déterminé la
direction générale des plis. A l'extrémité Sud, la mer pliocène a
recouvert la plus grande partie du sol actuel de Nice; les alluvions quaternaires
ont aussi contribué à assécher le fond de ce golfe.
Aux temps préhistoriques, le territoire
du comté a été habité par l'homme de Menton, de plus grande taille
que celui de Cro-Magnon. Depuis, dans ce couloir resserré, le seul passage
naturellement et facilement praticable entre la France
et l'Italie ,
une foule de populations se sont mélangées : Ligures
ou Gaulois, Grecs,
Romains, Vandales,
Wisigoths,
Lombards, Francs,
Sarrasins. Cependant, au moment de l'annexion,
le pays avait une physionomie spéciale, des moeurs particulières dont
la plupart ont disparu depuis. La vie dans les vallées a toujours eté
agricole, mais peu productive. Dès le XIIIe
siècle, on importait surtout du blé. En 1803, Fodéré estimait que le
pays ne produisait en blé et en vin que le tiers de sa consommation. L'exploitation
des forêts, très importante au Moyen âge ,
était déjà presque annulée au moment de l'annexion.
Les premiers habitants dont nous parle
l'histoire dans le comté de Nice furent-ils des Ligures
ou des Celtes? La question n'est pas résolue.
Quoi qu'il en soit, il existe au Nord de Nice, sur la colline de Cimiez,
des traces de murailles antérieures à la conquête romaine .
C'était là -déjà la capitale du pays, et on a donné comme étymologie
de Cemenelum le mot gaulois Kéméné, chef-lieu. Au IIIe
siècle, des Massaliotes s'établirent au pied de cette colline et fondèrent
Nice (Nikh,
en souvenir de leur victoire sur les indigènes). Peu après, ils donnèrent
comme boulevard Ă la nouvelle ville Antipolis (Antibes ).
La prospérité de Nice fut rapide; elle fut, pendant les guerres puniques ,
un port de ravitaillement pour les Romains; Scipion
y relâcha deux fois. Strabon la cite immédiatement
après Rome dans la liste des villes italiennes. Cependant la capitale
de la province romaine continua d'être Cemenelum, où résidait un préfet
et qui renferma près de 25 000 habitants. D'ailleurs Nice, comme sa métropole
Marseille, prit contre César
le parti de Caton et fut punie par la fondation
de Fréjus. Néron octroya à toutes ces villes
le droit de cités latines. En somme, la domination romaine fut pour tout
le gays un temps heureux; des monuments furent construits, des routes établies.
Nice donna Ă Rome un empereur, Pertinax.
Cette prospérité fut interrompue par
l'arrivée des Germains (Vandales, Wisigoths et Lombards). Nice fut réduite
à une bourgade; Cemenelum, grâce à sa position et à ses murailles,
résista jusqu'en 574, année où elle fut prise et brûlée par Alboin.
Les habitants de Cemenelum se réunirent alors à ceux de Nice, qui se
releva et passa sous la domination des rois francs; Pépin
le Bref lui accorda les franchises des villes de Provence ,
et Charlemagne voulut la protéger contre
les attaques des musulmans .
Ceux-ci ne tardèrent pas à s'établir à demeure dans la contrée, grâce
au morcellement féodal qui suivit le traité de Verdun.
Le comté de Nice prêta hommage à Boson Ier,
roi d'Arles, en 879. En 889, les Sarrasins
avaient fondé en face de Saint-Tropez le fort du Grand-Fraxinet; en 970,
ils ruinèrent Cannes ,
Grasse et Antibes
et assiégèrent Nice qui résista; ils s'établirent alors au Petit-Fraxinet,
sur le promontoire de Saint-Hospice. Ils n'en furent délogés que par
un lieutenant d'Otton le Grand, Gibalin Grimaldi.
A la faveur des bouleversements du XIe
siècle, Nice se constitua en république indépendante, position qu'elle
garda, avec diverses alternatives, jusqu'en 1228; elle fut alors livrée
par trahison à Raymond Bérenger IV, comte de Toulouse .
Celui-ci traita la ville avec bienveillance, renforça le donjon,
qui devint le Château, la première forteresse de la Provence .
Les comtes de Provence laissèrent à Nice son organisation de cité féodale
du midi : les habitants étaient divisés en quatre classes, nobles, bourgeois,
marchands, cultivateurs et ouvriers. Chaque classe élisait un consul;
les consuls avaient la juridiction suprĂŞme.
La domination de la maison d'Anjou ,
qui s'établit sur le comté en 1246 par le mariage de Charles
d'Anjou avec Béatrix, héritière de Bérenger
IV, ne fut pas marquée par une période de prospérité; les guerres avec
Pedro d'Aragon ,
la peste
ruinèrent le pays. En 1388, après la mort de Jeanne de Naples ,
la mère de son successeur Ladislas, ne pouvant défendre tout son héritage
contre les Provençaux, permit à Nice de se donner au duc
de Savoie ,
Amédée VII. Ladislas se réservait la faculté de reprendre la ville
sous trois ans en payant les frais de la guerre, et Nice gardait tous ses
privilèges. L'annexion définitive à la Savoie fut opérée par Amédée
VIII en 1419. Grâce à cette protection, le comté de Nice redevint florissant.
La route de Coni fut construite pour suppléer celle de la Corniche, rançonnée
par les seigneurs de Monaco .
Les marines de Nice et de Villefranche devinrent très puissantes et luttèrent
glorieusement contre les Barbaresques .
L'époque des guerres d'Italie
fut pour Nice l'âge héroïque; les troupes de François
Ier et
de Charles-Quint empruntèrent le passage
des Alpes-Maritimes. En 1543, Nice tint un siège fameux contre les flottes
alliées de François Ier et de Barberousse;
la ville se rendit, mais le château résista.
Le pays était ruiné encore une fois. Le duc Philibert-Emmanuel, le vainqueur
de Saint-Quentin, rebâtit la ville,
fortifia Villefranche et ajouta au comté le territoire de Tende. La marine
reconstruite prit une part active à la bataille de Lépante ( Les
Ottomans au XIVe siècle ).
Charles-Emmanuel le Grand continua I'oeuvre de Philibert. Mais la cité
paya de ses privilèges municipaux les bienfaits de ses souverains. En
1601,la condamnation Ă mort d'Annibal Grimaldi, comte de Beuil, descendant
de celui qui avait contribué à donner Nice à la Savoie, abattit les
derniers restes de puissance des seigneurs féodaux. A Nice, les conseils
furent annihilés par la création d'un sénat nommé par le duc et chargé
de rendre la justice.
C'était le pendant de l'oeuvre accomplie
en France
par Richelieu. La maison
de Savoie
était alors complètement sous l'influence française; à la mort de Victor-Amédée
Ier la régence échut à Christine, soeur
de Louis XIII. Les usages français s'introduisirent
à Nice; l'instruction y fut très en honneur; le commerce prospéra et
les nobles purent s'y livrer sans déroger. Cet état de choses dura ,jusqu'en
1689. Le duc Victor-Amédée III ayant adhéré à la Ligue d'Augsbourg ,
Catinat fut chargé de l'empêcher de communiquer avec la flotte anglaise .
Catinat assiégea Nice qui capitula après un bombardement terrible. La
paix de Turin ,
avant celle de Ryswick, arrêta les hostilités. Dans la guerre de la succession
d'Espagne ,
Nice fut prise encore une fois en 1706 par La Feuillade, Louis
XIV fit alors raser toutes les fortifications du comté, et à la paix
d'Utrecht
la vallée de Barcelonnette
fut annexée à la France. La mort de Louis XIV laissa l'Europe
en paix pendant quelque temps, Le duc de Savoie
en profita pour abolir les derniers restes de franchises municipales dans
le comté. En revanche, il embellit et agrandit Nice. On établit un cadastre,
et Victor-Amédée Il promulgua un code. Nice fournit alors au mouvement
intellectuel les quatre Cassini et Carles Vanloo.
Le comté de Nice porta encore une fois la peine de la politique de ses
souverains: le duc de Savoie ayant pris parti pour Marie-Thérèse, le
comté de Nice fut de nouveau un champ de bataille jusqu'à la paix d'Aix-la-Chapelle.
La crise révolutionnaire changea pour
un temps les destinées politiques du comté; les émigrés se rendirent
odieux et le peuple de Nice appela les Français. Le général Anselme
prit possession de la ville, et une première fois il y eut un département
des Alpes-Maritimes. Le comité de Salut public envoya dans le Midi Salicotti,
Fréron et Robespierre le Jeune; mais la Terreur fut peu sanglante à Nice,
et la réaction thermidorienne n'eut guère d'autre effet dans la ville
que la mise aux arrĂŞts de Bonaparte. La guerre
générale en effet avait amené les armées dans le passage des Alpes-Maritimes.
A la tête des volontaires du Var, Masséna combattait pour la France ;
les montagnards du Nord du comté, au contraire, sous le nom de Barbets,
prétendaient défendre le duc de Savoie .
Nice fut le quartier général de Brunet, de Dumerbion, de Kellermann,
de Schérer, et enfin de Bonaparte avant la campagne de 1796. Les victoires,
en reculant les frontières, avaient procuré la paix au pays; les défaites
de 1797 y ramenèrent la guerre. Après la campagne de 1800, le comté
de Nice fut définitivement organisé en département français. Sous Napoléon
Ier, le département eut trois préfets
dont le dernier seul, le vicomte Joseph Dubouchage, nommé en 1803, fut
un véritable administrateur. Le Paillon fut endigué sur une partie de
son cours; on reprit le projet d'Antoninde construire
une route militaire du Var Ă la Spezzia; elle ne fut exĂ©cutĂ©e que jusqu'Ă
Vintimille. Cependant la conscription et le blocus continental aliénèrent
les Niçois à Napoléon et, en 1814, pendant que le préfet Dubouchage
essayait de proclamer Louis XVIII, le peuple
acclama Victor-Emmanuel comme souverain légitime. Le Congrès
de Vienne sanctionna le retour de Nice à la maison de Savoie, grâce
Ă l'intervention du tsar Alexandre
que poussait un de ses aides de camp originaire de Nice, le comte Michaud.
Le comté de Nice n'eut plus d'histoire
jusqu'au moment de la formation de l'unité italienne .
A Plombières, Napoléon
III et Cavour firent un marché : l'empereur
devait délivrer toute la Lombardo-Vénétie jusqu'à l'Adriatique et recevoir
en échange la Savoie
et le comté de Nice. La campagne de Magenta-Solférino n'enleva à l'Autriche
que la Lombardie, et Nice resta italienne. Mais l'oeuvre d'unification
continua aussitôt par la révolte de l'Italie centrale contre l'Autriche
et le pape. Pour sanctionner cette situation révolutionnaire,
Napoléon III exigea la cession convenue à Plombières. Victor-Emmanuel
écrivit aux Niçois pour les engager à demander leur annexion à la France .
Le plébiscite donna 25000 oui contre 160 non. Parmi les
protestataires se trouvait Garibaldi. Tout
l'ancien comté de Nice ne devint pas français; le pays de Tende et de
La Briga resta italien; en revanche, on acheta Menton et Roquebrune au
prince de Monaco .
(Ludovic Marchand). |
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