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Le poste de général en chef de l'armée d'Italie avait été confié à Napoléon Bonaparte en février 1796. Sur ce théâtre, il allait développer les grandes conceptions qu'il avait seulement laissé entrevoir jusqu'alors, et atteindre, en moins d'un an, les plus hautes renommées militaires anciennes et modernes. Ainsi, tandis que les autres généraux français, à deux reprises échouaient dans leurs tentatives sur l'Irlande; et pendant que, dans la vallée du Mayn, Jourdan se faisait battre à Wurzbourg par l'archiduc Charles, et que Moreau, dans la vallée du Danube et la Forêt-Noire, était contraint à la retraite, l'armée d'Italie marcha de victoires en victoires. Accueilli avec quelque réserve par ses anciens (Augereau, Masséna, Laharpe, Sérurier), avec confiance par le ponctuel Berthier, chef d'état-major, avec enthousiasme par les jeunes chefs (Lannes, Murat, Marmont, Duroc) et surtout par les soldats, dont le bien-être était sa constante préoccupation; adroit avec ses surveillants politiques (Saliceti, Gareau), qu'il savait susceptibles de corruption; tour à tour impitoyable et coulant avec les fournisseurs (Collot, Flachat, Cerfbeer) et subordonnant leurs gains à leur exactitude, Napoléon Bonaparte ne tarda pas à dominer et à entraîner tout le monde par la force de son talent. Il avait 34000 hommes et 30 canons; ses adversaires disposaient de 70000 hommes et de 200 canons : Beaulieu, à la tête des Autrichiens, avait échelonné ses 45000 soldats de Doge à Gênes, afin de couvrir Alexandrie; plus à l'Ouest, au camp de Ceva. Colli défendait la route de Turin avec 25000 Piémontais; la jonction des deux armées n'était assurée que par un faible rideau (Provera à Millesimo, d'Argenteau entre cette localité et Dego). Napoléon Bonaparte, qui avait conclu de longue date qu'il fallait tourner les Alpes par les cols les plus bas, eut d'abord à séparer les deux généraux ennemis afin de les battre l'un après l'autre. Il fit surveiller Colli par Sérurier, et envoya une partie de la division de Laharpe du coté de Gênes : Beaulieu, trompé par cette démonstration, se porta sur Voltri en ordonnant à Argenteau de prendre les Français en flanc, par Montenotte, Aussitôt que celui-ci eut dessiné son mouvement par l'attaque des redoutes de Monte-Legino, Bonaparte lance sur lui trois divisions, qu'il tenait sous sa main à Savone et aux environs, prêtes à franchir les cols. Argenteau recule sur Montenotte, où il se heurte à Augereau (12 avril); il se rejette sur Dego, d'où Masséna et Laharpe le délogent le lendemain, pendant qu'Augereau, se rabattant à sa gauche sur Provera, le battait à Millesimo et le faisait prisonnier. Le 14, l'armée autrichienne essaya vainement de reprendre Dego : elle se retira vers Acqui (route d'Alexandrie), sans que Laharpe perdît le contact. Le Directoire, qui considérait l'expédition d'Italie comme une simple diversion, et aussi comme une affaire, comme une "razzia" destinée à soutenir le délabrement du Trésor, avait donné comme objectif principal an général en chef les provinces les plus riches, le Milanais, etc., et non le Piémont. Il ne l'avait pas autorisé à négocier. Napoléon Bonaparte n'hésita cependant pas à négliger momentanément Beaulieu pour Colli, dont l'armée était la plus faible. Il porta presque toutes ses forces sur la route de Turin, battit les Piémontais à Mondovi (23 avril), et traita d'une suspension d'armes à Cherasco (28 avril). Le Directoire, auquel il envoyait de l'argent, ratifia les préliminaires qu'il avait signés, et le traité de Turin assura à la France la possession de Nice et de la Savoie, en même temps qu'il accordait, pendant la durée de la guerre, une base d'opération à l'armée d'Italie pour continuer ses opérations en territoire autrichien. Napoléon adressa aux Italiens un appel à l'indépendance, leur promettant que leurs propriétés, leur religion, leurs usages seraient respectés. Le 9 mai, trompant Beaulieu sur sa marche, Napoléon Bonaparte était à Plaisance, où le duc de Parme achetait chèrement un armistice. Beaulieu, qui comptait d'abord pouvoir défendre la ligne du Tessin, avait dû se replier sur l'Adda. A Lodi, pendant que le gros de l'armée l'attaquait de face, Masséna tourna la position en passant un gué, et décida de la victoire (10 mai). Le 14, il fut reçu comme un libérateur à Milan, dont il fit en quelque sorte sa capitale. Il fit payer 8 millions un armistice au duc de Modène, leva sur le Milanais 20 millions de contributions de guerre, et partagea cet argent entre la caisse de son armée et le Directoire, qu'il tenait par là. A la fin du mois, Beaulieu fut encore battu à Borghetto et se réfugia dans Mantoue. Pour couvrir le siège de cette ville, Napoléon n'hésita pas à occuper Vérone et Peschiera, villes vénitiennes, sous prétexte que la République de Venise avait permis à Beaulieu de s'échapper par Peschiera : or Beaulieu avait passé de vive force. Ce fût seulement quelques jours après la victoire que Napoléon Bonaparte demanda au Directoire « trois ou quatre mois » de repos et « d'obscurité » afin de « rétablir sa santé et de calmer l'envie ». On ne pouvait lui répondre que par des éloges, et il avait d'ailleurs si peu l'intention de céder la place que, le 18 avril, il faisait venir Joséphine à Milan, ou elle tint une véritable cour. Cependant Wurmser, qui avait réparé ses pertes, trompa son adversaire par une marche savante et redescendit par la vallée de la Brenta. Bonaparte, qui avait remonté celle de l'Adige et forcé l'entrée du Tyrol à Roveredo (4 septembre), au lieu de rebrousser chemin; suivit Wurmser qui, battu le 8 à Cassano, le 15 à Saint-Georges, s'enferma dans Mantoue, dont le siège continua. L'Autriche, victorieuse dans l'Allemagne occidentale, forma une troisième armée sous le commandement d'Alvinzi, pendant que la péninsule commençait à se soulever. La bataille d'Arcole, puis celle de Rivoli eurent raison de la ténacité d'Alvinzi (17 novembre 1796 et 15 janvier 1797) : son lieutenant Provera mit bas les armes après les affaires de Saint-Georges et de la Favorite (15 et 16 janvier) et Wurmser, réduit par la famine, livra Mantoue (2 février). Malgré les intentions du Directoire qui ne voulait pas rendre la paix impossible avec l'Autriche, Napoléon, après avoir occupé Modène et réuni un congrès de « patriotes » italiens, organisa l'Émilie ou République cispadane. Le pape, qui avait fait des préparatifs de guerre, dut signer (19 octobre) la paix de Tolentino, qui lui coûta une nouvelle contribution de 15 millions, la Romagne et les Légations (annexées à la Cispadane) et Ancône, qu'occupa une garnison française. Cependant, tout n'était pas terminé. L'archiduc Charles, vainqueur de Moreau, porta une nouvelle armée jusqu'aux Alpes Carniques. Napoléon Bonaparte le prévint. Le col du Brenner fut occupé par Joubert, celui de Tarwis par Masséna, tandis qu'au Sud il forçait le passage du Tagliamento (16 mars) derrière lequel l'archiduc gardait la route de Trieste. Le 31 mars, allant droit sur Vienne, il arrive à Klagenfürth, d'où il fait à son adversaire des ouvertures pacifiques, prend le défilé de Neumark le 1er avril, entre le 7 à Leoben, et, du haut du Soemmering, contemple au loin les clochers de Vienne. Le 13 avril, les préliminaires de Leoben étaient signés, sans Clarke, le fondé de pouvoir du gouvernement, au moment même où Hoche et Moreau inauguraient une brillante campagne, où Kray allait être vraisemblablement enveloppé. Irrité par la neutralité prolongée, et plutôt malveillante de Venise, il avait résolu d'en finir avec cette République. Le massacre de la garnison française de Vérone (Pâques Véronaises, 16 avril) lui en fournit une raison plausible; Baraguey d'Illiers reçut l'ordre d'occuper le territoire de terre ferme. A l'autre extrémité de l'Italie du Nord, il démocratisa Gênes. Il donna son entière adhésion au coup d'État directorial du 18 fructidor, et par ses proclamations, et par l'envoi d'Augereau à Paris. Il obtint enfin carte blanche pour négocier lui-même la paix de Campo-Formio qui reconnut à la France la possession des Pays-Bas autrichiens et de la rive gauche du Rhin (sauf règlement ultérieur avec les princes de l'empire dépossédés), reconnut la République cisalpine, mais livra le territoire vénitien à l'Autriche, sauf les îles Ioniennes laissées à la France (17 octobre 1797). (H. Monin). Les négociations de Campo-Formio. - Bonaparte menace de briser la monarchie autrichienne comme le vase qu'il vient de jeter à terre si les négociations étaient rompues ainsi que Cobenzl le laisse entendre. D'après une lithographie de Ligny. |
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