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François Ier

François Ier, roi de France, né à Cognac le 12 septembre 1494, mort à Rambouillet le 31 mars 1547, fils de Charles de Valois, comte d'Angoulême, et de Louise, fille de Philippe de Savoie. Charles de Valois, qui était arrière-petit-fils du roi Charles V, mourut le 1er janvier 1496. Lorsque Louis d'Orléans, qui n'avait pas d'enfants, monta sur le trône, François se trouva l'héritier présomptif de la couronne. Louis XII, dès la première année de son règne, invita Louise de Savoie, qui vivait assez pauvrement à Cognac, à venir habiter le château d'Amboise; François, à peine âgé, de sept ans, fut investi du duché de Valois. Il eut pour gouverneur, d'abord le vieux Pierre de Rohan, maréchal de Gié, puis Artus Goufier, sieur de Boisy. François de Rochefort, abbé de Saint-Mesmin-de-Micy, fut chargé d'apprendre le latin et l'histoire à François et à sa soeur Marguerite. Louise de Savoie leur enseignait l'italien, l'espagnol, la versification et leur composa une bibliothèque où entrèrent, ce semble, maintes productions de littérature ultra-légère et nombre de romans de la Table Ronde qui excitèrent outre mesure l'imagination du futur roi. Enfin le jeune prince, avec ses compagnons Anne de Montmorency, Chabot de Brion, etc., se livrait avec emportement à tous les exercices du corps, à la chasse et aussi aux mascarades et aux aventures galantes. Dès 1506, Louis XII avait arrêté le mariage de sa fille Claude avec François. Les fiançailles eurent lieu le 22 mai 1507 et à ce moment François quitta sa mère pour vivre à la cour. 

En 1512, il fit ses premières armes en Guyenne contre les Espagnols, et, en 1513, il commanda l'armée de Picardie. Le 18 mai 1514, il épousa Claude. Le mariage de Louis XII avec Marie d'Angleterre, qui eut lieu quatre mois après et qui aurait pu avoir pour conséquence la naissance d'un héritier mâle, inquiéta fort le duc de Valois; mais Louis XII ne put avoir d'enfant et mourut le 1er janvier 1515. François ler fut couronné le 25 du même mois. Il venait d'entrer dans sa vingt et unième année. Il n'avait pas le visage régulièrement beau, avec ses yeux bridés et son nez trop fort. Mais ses contemporains admiraient sa mine ouverte et affable, sa grande taille et son air de vaillance qui ne se démentait pas dans les batailles. Ni le fond vigoureux de sa santé, ni son caractère bienveillant et gai ne semblent avoir été modifiés sensiblement par la maladie dont il souffrit en 1539. L'ambassadeur Marino Cavalli écrivait en 1546 :

« Son aspect est tout à fait royal... son tempérament est robuste... il mange et boit beaucoup ; il dort encore mieux; et, qui plus est, il ne songe, qu'à mener joyeuse vie. Il aime un peu la recherche dans son habillement, qui est galonné et chamarré, riche en pierreries et en ornements précieux. » 
Il y a peu de figures historiques dont la légende ait plus obscurci les traits. On a fait de lui à la fois un héros et un monstre, et il ne semble avoir été ni l'un ni l'autre. La tendresse excessive et presque folle dont l'entourèrent sa mère et sa soeur avait amolli son esprit et son coeur. C'était, comme dit Guizot, un enfant gâté. Il avait des connaissances étendues mais superficielles, et son intelligence était celle d'un homme du monde cultivé et frivole. « Les soucis de l'esprit lui pèsent », écrivait Cavalli. Il y eut rarement de la hauteur ou même de la justesse dans ses vues, et peu de rois ont sacrifié davantage à la fausse gloire. Quant au caractère, il était doux, mais mou, incapable de longs efforts, égoïste, sans frein moral. En somme, ce fut un homme médiocre, ne méritant ni la louange hyperbolique, ni le blâme flétrissant. 
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François I fait chevalier.
François Ier fait chevalier après la bataille de Marignan.

Quoique fort autoritaire, il aimait par indolence à se décharger sur les autres des soins de la politique, et les favoris jouèrent évidemment un grand rôle sous ce règne. François confia d'abord le gouvernement à sa mère qu'il créa duchesse d'Angoulême et d'Anjou, et qui garda toute sa vie une très grande influence; à M. de Boisy, qui fut nommé grand maître; à Du Prat, qui devint chancelier; au deux Florimond Robertet, qu'on a appelé « l'ancêtre des secrétaires d'Etat » et qui jusqu'à sa mort, en 1522, joua le rôle d'un ministre des affaires étrangères. Après la mort de Louise de Savoie (1531), les influences dominantes sont celles de Chabot de Brion, du cardinal de Lorraine et surtout celle du connétable Anne de Montmorency, grand maître depuis 1526; le succès de sa campagne de 1536 lui assura la toute-puissance; mais il tomba en complète disgrâce en 1541. 

Dans les dernières années du règne, les principaux favoris sont l'amiral d'Annebaut et le cardinal de Tournon. Quant aux deux épouses du roi, Claude qui mourut en 1524 et Éléonore d'Autriche que François épousa en 1530, on ne voit pas qu'elles aient eu un rôle politique quelconque. On peut en dire autant au sujet de Françoise de Foix, dame de Châteaubriant, avec laquelle François Ier fut en relations pendant les premières années de son règne; en revanche; il subit très fortement l'ascendant d'Anne de Pisseleu, fille d'honneur et favorite de Louise de Savoie, qui, vers 1522, prit la place de Mme de Châteaubriant et devint plus tard duchesse d'Etampes. Ce furent là ses maîtresses les plus connues; il ne semble pas qu'il ait été l'amant de Diane de Poitiers. La légende de Saint-Vallier sauvé par le sacrifice de sa fille ne repose sur aucun fondement. L'histoire de la Belle Ferronnière est également une invention, due à un médecin du XVIIe siècle, nommé Guyon.

On comprend mal la politique de François Ier, si l'on ne se représente ce qu'était alors la vie de cour. La vie de cour, qui subsistera jusqu'à la fin de l'Ancien régime, prend alors un éclat nouveau. Elle ne semble avoir été à cette époque ni aussi corrompue ni aussi polie qu'on la représente généralement. Son caractère est déjà d'être remplie de petites intrigues, inutile et fastueuse; selon Marino Cavalli, François Ier dépensait pour sa maison 1,500,000 écus par an. Cette vie était aussi très agitée et bruyante. Le temps s'écoulait en divertissements, en chassés et en voyages; le roi passait jusqu'à dix-huit mois à errer loin de Paris dans ses châteaux ou même dans de simples villages où l'on couchait sous la tente. Ce genre d'existence entretenait chez le souverain et dans son entourage une activité fiévreuse et irraisonnée, qui, jointe à l'amour des aventures et de la gloire et à l'attrait de l'Italie, explique en grande partie la politique belliqueuse de François Ier. A cette cause s'en joignit bientôt une autre : la nécessité de résister à l'ambition inquiète de Charles-Quint.

A l'avènement de François ler, les Français n'avaient plus un pouce de terre en Italie. Le jeune roi, hanté dès le début par le désir de posséder le Milanais, entreprit de le conquérir sur Maximilien Sforza, qui avait pour appui l'infanterie suisse. Les adversaires se rencontrèrent près de Marignan; il fallut un combat de deux jours pour forcer les Suisses à la retraite (13 et 14 septembre 1515). Toute une série de traités suivit cette victoire : Sforza céda à la France le Milanais; le pape rendit Parme et Plaisance et consentit au concordat, le doge de Gênes livra aux Français sa ville, l'Angleterre se laissa racheter Tournai, Saint-Amand et Mortagne; enfin, par la Paix perpétuelle, les Suisses s'engagèrent moyennant 700,000 écus par an à laisser le roi de France lever chez eux des fantassins.

Le 13 août 1516, François signa à Noyon un traité d'alliance avec le roi d'Espagne, Charles. En 1519, il lui disputa la couronne impériale, vacante par la mort de Maximilien. Les princes allemands reçurent de l'argent des deux côtés et finalement élurent le roi d'Espagne, qui se trouva ainsi régner sur une grande partie du monde connu et devint « à lui seul une coalition ». François Ier chercha aussitôt à gagner l'appui de Henri VIII (entrevue du camp du Drap d'or, juin 1520); Wolsey, quoi qu'on en ait dit, était disposé en sa faveur, mais Charles-Quint sut empêcher toute alliance. Néanmoins, François engagea sourdement les hostilités. Il fournit des troupes au duc de Bouillon pour attaquer le Luxembourg et à Henri d'Albret pour envahir la Navarre, que Charles retenait malgré une clause du traité de Noyon. Les conférences de Calais, ouvertes sous les auspices de Henri VIII pour rétablir la paix, et où l'incapacité politique de François Ier se manifesta, ne servirent qu'à dissimuler la conversion de l'Angleterre; elles furent bientôt suivies par la guerre ouverte et par une ligue formée contre la France par Charles-Quint, Henri VIII et le nouveau pape Adrien VI. Une armée anglaise débarqua à Calais; les Espagnols attaquèrent Bayonne et les impériaux entrèrent en Champagne; enfin le connétable de Bourbon, qui avait trahi son roi et signé un traité avec Charles-Quint, vint assiéger Marseille
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François I.
François Ier, portrait attribué à J. Clouet.

Toutes ces invasions furent repoussées. Mais François Ier voulait reconquérir le Milanais perdu ; il alla se faire battre et prendre à Pavie (24 février 1525). Il resta toute l'année au château de Madrid, tenu en dure captivité, et tomba gravement malade : le chancelier Gattinara estimait qu'il fallait le réduire au désespoir; on réussit, en effet, à lui faire signer le traité de Madrid, par lequel il cédait la Bourgogne; il jura sur l'Evangile d'accomplir ce traité et donna sa foi de roi et de chevalier; ses deux fils, François et Henri, furent livrés comme otages (14 janvier 1526). Mais d'avance, le 13 janvier, il avait protesté par écrit contre une promesse arrachée de force, et à peine était-il rentré en France que les députés de la Bourgogne, réunis à Cognac, déclarèrent leur province inaliénable. Il ne s'agissait plus que de forcer l'empereur à rendre les jeunes otages, qui étaient traités fort durement. Louise de Savoie, régente pendant la captivité de son fils, avait engagé d'heureuses négociations avec la ligue anglo-italienne, qui commençait à s'inquiéter des succès de l'empereur. Le pape, le duc de Milan et Venise traitèrent avec le roi de France le 22 mai 1526 et formèrent la Sainte Ligue; l'année suivante, François Ier obtint, l'alliance ou plutôt la neutralité de Henri VIII (août 1527). Mais François Ier fit fautes sur fautes dans cette nouvelle guerre; son inaction fut cause du sac de Rome (6 mai 1527); il envoya alors Lautrec et le Génois Doria bloquer Naples par terre et par mer, mais il provoqua, par sa maladresse, la défection de Doria et perdit ainsi l'Italie. Il eut l'étrange idée de défier l'empereur en combat singulier; le cartel fut accepté; il semble, du reste, qu'aucun des deux adversaires ne fut jamais disposé à réaliser un pareil dessein. Enfin, Charles-Quint, n'ayant plus d'argent, menacé par les Turcs, inquiet des progrès des luthériens, consentit à signer la paix de Cambrai; François Ier obtint la délivrance de ses enfants moyennant rançon, mais abandonna l'Italie et sa suzeraineté sur la Flandre et l'Artois (5 août 1529).

La paix dura près de sept ans. Pendant ce temps, François ler chercha des alliés parmi les adversaires de l'empereur. Il se mit en rapports avec les princes et les villes d'Allemagne qui avaient formé la ligue protestante de Smalkalde. Dès 1531, il leur envoya Guillaume du Bellay, qui leur promit l'assistance de la France « pour la conservation des us et coutumes du Saint-Empire ». Nous avons des lettres du 30 mai 1536 accréditant le même ambassadeur auprès du même congrès. Mais le roi de France trouva un appui plus sûr en Orient : le sultan Soliman Il, qui était déjà entré en relations avec Louise de Savoie en 1526, avait failli prendre Vienne au moment de la paix de Cambrai et il ne se consolait pas d'avoir échoué. En février 1536, l'ambassadeur La Forest lui fit signer un traité de commerce; en même temps était conclue une alliance dont il ne reste pas de trace écrite. Ce pacte avec les infidèles fut un des rares principes de politique extérieure constamment suivis par l'ancienne monarchie. Naturellement les impériaux crièrent au sacrilège; la justification de François Ier fit l'objet d'un très curieux discours prononcé en 1543 devant le conseil des Dix de Venise par l'évêque de Venise, frère du célèbre Montluc, qui a transcrit cette harangue dans ses Commentaires.
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François I et Eléonore d'Autriche.
François Ier et son épouse Eléonore d'Autriche.
Partie d'un vitrail de l'église Sainte-Gudule, à Bruxelles.

Le 6 juillet 1533, Merveille, agent français auprès du duc de Milan, fut décapité sur l'ordre de celui-ci, sans doute à L'instigation de Charles-Quint. François Ier annonça l'intention de se venger et organisa les légions provinciales. Avant d'aller conquérir le Milanais, il occupa le Piémont, malgré les protestations du duc de Savoie (1536). De son côté, l'empereur se prépara à envahir la Provence; le marquis de Saluces, que François Il, avait chargé de garder les passages des Alpes, les livra à l'empereur. Montmorency sauva la France par sa prudence : au lieu de livrer bataille, il dévasta méthodiquement la Provence devant les impériaux, qui, n'ayant point d'intendance, furent réduits par la famine à battre honteusement en retraite (septembre 1536). L'invasion de la Picardie n'eut pas plus de succès. Une trêve de dix ans fut signée à Nice en juin 1538, par l'entremise du pape Paul III. Il semble que les deux ennemis se réconcilièrent de bonne foi à l'entrevue d'Aigues-Mortes : Charles-Quint parlait déjà d'une croisade contre les Turcs, et Soliman fut très inquiet de ce rapprochement; Montmorency, qui était catholique fanatique et partisan de l'alliance impériale, était alors tout-puissant.

En 1539, François Ier, loin d'accepter les offres des habitants de Gand qui voulaient se donner à lui, offrit le passage en France à l'empereur, pour lui permettre de châtier plus vite les rebelles; Charles-Quint, de son côté, lui promit le Milanais pour un de ses fils. Mais il nia ensuite sa promesse, ce qui irrita fort François Ier. L'assassinat des agents français Rincon et Fregose détermina la rupture de la trêve (1540). François Ier mit cinq armées sur pied; il perdit l'alliance de Henri VIII, mais il avait celle du duc de Clèves, des rois d'Ecosse, du Danemark et de Suède, et le sultan lui envoya, en 1543, une belle flotte commandée par le célèbre Barberousse. D'Enghien et Barberousse prirent Nice au duc de Savoie; les Turcs saccagèrent la ville et hivernèrent dans la Provence qu'ils traitèrent en pays conquis. L'année suivante, d'Enghien remporta une brillante victoire à Cérisole (14 avril 1544). Au même moment, les Anglais et les impériaux envahissaient la France, mais Charles-Quint était malade et signa à Crespy ( = Crépy-en-Laonnais) une paix par laquelle les deux monarques se restituaient toutes leurs conquêtes (17 septembre 1544). Henri VIII ne consentit à la paix qu'en 1546. François Ier avait entamé de nouvelles négociations avec les Protestants et les Turcs et songeait à recommencer la guerre quand la mort le surprit.
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François Ier en 1515.
François Ier en 1515.

On voit que la lutte contre la maison d'Autriche fut le pivot de sa politique extérieure; ce devait être, souvent à bon droit et souvent aussi à tort, la grande préoccupation des rois de France jusqu'à la fin de l'Ancien régime. François Ier eut assurément quelque mérite à savoir se créer des alliés et à sauvegarder en définitive l'intégrité de son royaume contre un ennemi aussi énergique et actif que Charles-Quint. Mais l'absurde désir d'acquérir le Milanais, désir dont il fut obsédé pendant sa vie entière, aurait compromis tous ses efforts et rendu inutiles les lourds sacrifices qu'il imposa à ses sujets, si Charles-Quint n'avait été sans cesse entravé par la pénurie de son trésor et les difficultés sans nombre de son gouvernement.

La caractéristique de l'administration de François Ier est l'arbitraire capricieux. « Les Français, dit Marino Cavalli, ont entièrement remis leur liberté et leur volonté aux mains du roi. » Ce ne sont pas seulement les périls extérieurs qui expliquent les développements de l'absolutisme sous ce règne : tout y contribuait. L'Eglise s'attacha au roi pour écraser la Réforme, et les lettrés le soutinrent contre le Parlement et l'Université qui étaient des représentants de la routine; en elles-mêmes la Renaissance et la Réforme calviniste n'étaient pas des écoles de libéralisme; enfin le droit romain impérial, qui est la plus haute expression des idées d'autorité, florissait alors dans le Midi, et il est à noter que beaucoup de hautes fonctions furent remplies sous le règne de François Ier par d'anciens membres du parlement de Toulouse, tels par exemple que Du Prat. L'extension du despotisme, l'écroulement des dernières traditions du Moyen âge sont les grands faits à noter dans l'histoire des institutions pendant cette période; on n'y remarque presque aucun progrès à proprement parler; quand on parcourt le catalogue des actes du souverain, on voit que les institutions changent à chaque instant, pour des causes éphémères et non pas en vertu d'une politique méthodique. Le conseil du roi, par exemple, ne reçoit pas d'organisation nette et cependant il se modifie : à côté de l'ancienne assemblée s'élève un conseil plus restreint où entrent seulement les favoris; c'est ce que les contemporains appellent le conseil des affaires.
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Entrée solennelle de François Ier et de Charles-Quint à Paris (1540).

L'administration des finances, longtemps confiée au fameux Semblançay, présente le plus complet désarroi; si on examine le sort des nombreux actes établissant l'imprescriptibilité du domaine, on voit qu'à peine publiés ils sont violés. François Ier était incapable d'économie; il était généreux, il aimait le luxe, les fêtes et les constructions, et dépensa beaucoup dans ses guerres; ses besoins s'accrurent constamment et avec eux les charges des sujets. Les tailles furent sans cesse augmentées; la gabelle fut étendue à toutes les provinces; les rentes sur l'Hôtel de Ville et la loterie royale furent instituées, ainsi que nombre de nouvelles charges vénales. Des dons gratuits très lourds furent exigés du clergé. Une réforme importante consista dans la suppression de l'administration spéciale du domaine et l'augmentation du nombre des généraux de finances : il y en eut seize, et désormais, outre le produit des finances proprement dites, ils perçurent les recettes domaniales (1542). Dès 1523, un trésorier de l'Epargne avait été institué à Paris. Ces réformes avaient pour but de centraliser l'administration financière et de constituer une réserve; on a dit, à la gloire de François Ier, qu'à sa mort il laissait en caisse 400,000 livres; on oublie d'ajouter qu'il en avait emprunté 6,000,000. 

Les institutions militaires préoccupèrent nécessairement François Ier d'une façon toute spéciale. C'est en cette partie de son gouvernement qu'on trouve le plus de soin et de régularité. Marino Cavalli dit qu'il était très versé dans l'art de la guerre. C'est lui qui eut l'idée de créer des gouverneurs militaires pour commander dix provinces frontières, et il fit commencer dans ces mêmes régions une double ligne de places fortes. L'ordonnance de La Ferté-sous-Jouarre, publiée le 20 janvier 1515, réorganisa les compagnies d'ordonnance. Enfin François Ier, voulut fonder une infanterie nationale et par l'ordonnance de Saint-Germain-en-Laye (24 juillet 1534), il institua sept légions provinciales de 6000 hommes de pied chacune, « à l'exemple des Romains »; mais ces troupes régionales, où des soldats aguerris côtoyaient des paysans paresseux, rendirent peu de services et furent abandonnées à la fin du règne. François Ier institua deux flottes importantes, l'une sur la Méditerranée et l'autre sur l'Océan Atlantique; la première, composée de galères selon le type antique, avait pour chef le général des galères ou amiral du Levant; l'autre, formée de navires à voiles, était commandée par l'amiral du Ponant. 
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François Ier à cheval, par J. Clouet

Signalons enfin un mouvement économique et colonial assez notable. On trouve dans le Catalogue des actes de François Ier beaucoup de lettres autorisant l'établissement de foires dans le royaume. Ce prince fit exécuter des travaux considérables dans le port du Havre, et cette ville porta quelque temps le nom de Franciscopolis. Le traité conclu en 1536 avec Soliman régla la situation des marchands français et turcs dans les Etats respectifs des deux monarques. Verazzano, envoyé par François Ier, explora, en 1524, l'Amérique du Nord, et Jacques Cartier fit, en 1534, un voyage au Canada.

La féodalité et le clergé étaient maintenant dans la dépendance du roi. La plupart des grandes maisons féodales étaient éteintes et la noblesse était devenue une noblesse de cour, assez besogneuse, que François Ier contenta avec des fêtes, des pensions et des privilèges : l'historien de Bayard dit que « jamais n'avait esté veu roy en France de qui la noblesse s'esjouyt autant ». Du reste, l'édit de Crémieu du 19 juin 1536 restreignit la juridiction des seigneurs. L'ordonnance de Villers-Cotterets, rendue en août 1535, réduisit de même la compétence des officialités au profit des tribunaux royaux. Le concordat signé avec Léon X le 15 août 1516, avait mis le clergé dans la main de François Ier; par cet acte les chapitres perdirent le droit d'élire les évêques, désormais nommés par le roi; le pape renonça aux réserves et aux grâces expectatives; il garda seulement le droit d'institution canonique, et les annates furent rétablies en sa faveur. Les universités et les parlements protestèrent contre le concordat; le parlement de Paris ne l'enregistra que de mandato regis et refusa ensuite de l'appliquer, mais en vain : en 1527, le roi lui enleva la connaissance des affaires ecclésiastiques pour la remettre au grand conseil. Ce fut, avec une émeute provoquée par l'établissement de la gabelle à La Rochelle en 1542, la seule résistance grave que François Ier, rencontra dans le tiers état. Les Etats généraux ne furent jamais réunis.
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François Ier, en costume paré de cheval, d'après un bas-relief
de l'hôtel de Bourgtheroulde, à Rouen.

La lutte de la royauté contre le protestantisme et la libre pensée commença sous ce règne. Les idées de réforme religieuse avaient fait leur apparition en France avant que Luther se fût fait connaître. Briçonnet, évêque de Meaux, Le Fèvre d'Etaples, Farel, Louis de Berquin en étaient les principaux propagateurs. La publication de l'Institution chrétienne de Calvin (1535) donna un corps aux croyances nouvelles, qui comptèrent pour adeptes beaucoup de petits nobles, quelques membres de la haute bourgeoisie et de la magistrature et une bonne portion du peuple dans le Midi. Il est assez difficile de savoir quels furent d'abord les sentiments de François Ier à l'égard des innovations religieuses; au début du règne, Louise de Savoie ne s'y montrait point défavorable; quant à Marguerite d'Angoulême, elle fut toute sa vie quasi-protestante. Mais l'Université et le Parlement étaient hostiles aux idées de réforme, et dès 1523, Le Fèvre d'Etaples et Louis de Berquin furent inquiétés. 

Pendant la captivité du roi, plusieurs personnes furent brûlées vives; en 1529, Louis de Berquin subit le même sort. Enfin, en janvier 1535, François Ier se déclara nettement l'ennemi des christandins et dans la seule ville de Paris vingt-sept d'entre eux périrent dans d'horribles supplices. Cependant l'obligation de chercher un appui contre Charles-Quint parmi les Protestants d'Allemagne empêcha le roi d'établir une persécution continue contre les réformés de France. L'édit de Coucy, promulgué le 16 juillet 1535, au moment où l'alliance des confédérés de Smalkalde était nécessaire, prescrivit la suspension des poursuites contre les partisans des sectes nouvelles et permit le retour des fugitifs, à condition toutefois que les uns et les autres abjurassent leurs erreurs dans les six mois. Mais une ordonnance du 24 juin 1539 attribua aux cours souveraines la connaissance et la poursuite des hérésies; le fanatisme put se donner carrière et la fin du règne fut marquée par une atroce persécution dirigée contre les Vaudois ; trois mille personnes furent massacrées (1545). L'année suivante, Etienne Dolet, accusé d'athéisme, était brûlé sur la place Maubert malgré ses protestations d'innocence.

Par la force des circonstances historiques, le nom de François Ier est resté attaché à l'histoire de la Renaissance en France. Il faut reconnaître que ce prince avait un goût très vif pour les arts et les lettres. Il composa lui-même quelques mélodies et de nombreuses pièces de vers; les poésies qui peuvent lui être attribuées sans contestation sont, du reste, d'une platitude insigne. Il a surtout la réputation d'un amateur et d'un mécène. Il fit acheter partout des manuscrits pour la Bibliothèque royale et accorda sa protection à plusieurs imprimeurs, entre autres à Robert Estienne et à Conrad Neobar, qui eurent le titre d'imprimeurs royaux. 

Son poète favori fut Clément Marot, qui dut cependant à la fin du règne quitter la France pour fuir la persécution religieuse. Rabelais fut estimé et protégé par François Ier et, en 1546, obtint de lui un privilège pour l'impression du fameux tiers-livre de son roman pantagruélique. Ce roi encouragea aussi le mouvement scientifique; il passe à bon droit pour le fondateur du Collège de France, bien, qu'il n'ait institué aucune école particulière portant ce nom et établie dans un local spécial. A l'imitation du Collège des trois langues de Louvain et sur le conseil du savant Budé, François Ier créa simplement des cours pour enseigner gratuitement l'hébreu, le grec, le latin, la médecine, la philosophie, etc. Vatable, Danès, Turnèbe, Postel et d'autres, nommé lecteurs royaux, enseignèrent dans divers collèges de l'Université. Tel fut le germe du Collège royal de France.
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François Ier  au chevet de Léonard de Vinci mourant (scène imaginaire, par Ingres).

Mais François Ier est surtout renommé comme protecteur des arts. Il fit bâtir les châteaux de Chambord, de Saint-Germain, de Villers-Cotterets, de Madrid et exécuter des travaux considérables au château de Blois. Palustre croit que la maison dite de François Ier qui a été transportée de Moret à Paris, a pu être bâtie sur ses ordres. A Paris, le vieux Louvre féodal fut en partie abattu : en 1541, Pierre Lescot donna les plans d'un nouveau Louvre, qui fut commencé en 1546. Mais la grande préoccupation de ce prince fut la construction et l'embellissement du palais de Fontainebleau, « où il, se plaisoit tant, que, y voulant aller, il disoit qu'il allait chez soy, » (Du Cerceau). Plusieurs peintres italiens contribuèrent à décorer cette demeure de prédilection; le Rosso travailla à la Galerie de François Ier de 1534 à 1541. C'est de ce règne qu'on peut dater l'invasion de l'italianisme en France. Sans doute, François Ier ne fut pas exclusif : deux artistes qui sont de vrais représentants de l'école française et ont su se défendre contre l'influence du maniérisme méridional, Jean et François Clouet, jouirent d'une grande faveur auprès de lui et furent ses peintres ordinaires; mais ceux qu'il protégea avec le plus d'éclat furent des Italiens, non seulement de grands artistes tels que Léonard de Vinci, Andrea del Sarto, Benvenuto Cellini, mais aussi des hommes de valeur beaucoup moindre, comme le Primatice et le Rosso. S'il acheta quelques tableaux flamands, sa préférence fut pour les oeuvres de l'Antiquité et de la Renaissance italienne. Signalons, parmi ses acquisitions, la Joconde, de Léonard, et trois tableaux de Raphaël : le Portrait de Jeanne d'Aragon, la Sainte Famille et le Saint Michel.
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François Ier
François Ier, "roi de France par la grâce de Dieu", sur une monnaie.

Tel fut ce règne qui, par le concours de circonstances, se trouva être une des périodes décisives de l'histoire de France. Au contraire de Charles-Quint, auquel s'imposait une politique très simple et exclusivement catholique, François Ier avait une tâche très compliquée : il avait pour auxiliaires obligés les Turcs et les Protestants d'Allemagne, et il gouvernait un pays où la tradition chrétienne était profondément enracinée et où la majorité de la population répugnait aux innovations de l'esprit d'examen; la Renaissance italienne était bien attrayante, mais il y avait aussi une Renaissance proprement française, commencée depuis longtemps. Embarrassé dans toutes ces contradictions dont il ne pouvait d'ailleurs avoir une conscience nette, François Ier a hésité et, en somme, n'a pas pris parti. C'est la force des choses surtout qui a agi sous son règne. 

Ce prince mourut à cinquante-deux ans, d'un mal assurément suspect. Les contemporains ne disent pas formellement qu'il ait contracté la syphilis; il serait mort d'une maladie des voies urinaires, s'il faut en croire des médecins modernes.

François Ier n'eut pas d'enfants d'Eléonore d'Autriche. Claude de France lui avait donné trois fils : François, né en 1518, mort en 1536, très probablement d'une fluxion de poitrine et non, comme on le crut, d'un empoisonnement machiné par Charles-Quint; Henri (le roi Henri II, 1518-1559); Charles, duc d'Orléans (1522-1545); et quatre filles : Louise (1515-1517); Charlotte (1516-1524); Madeleine (1520-1537), qui épousa en 1536 Jacques V, roi d'Ecosse; enfin Marguerite (1523-1574), qui épousa en 1559 le duc de Savoie
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François Ier, par Titien.

Les peintures, miniatures, émaux, vitraux, dessins, sculptures, camées, médailles, monnaies, estampes et caricatures du temps, qui représentent les traits de François Ier sont très nombreux. Citons les oeuvres exposées aux cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale; une grande médaille de bronze, une autre plus petite de Benvenuto Cellini; un beau camée et des monnaies d'or qui nous donnent le profil de François à des âges très divers; puis les oeuvres qui figurent au Louvre : le buste en bronze qui se trouve dans la salle Michel Colombe; la peinture n° 1007 de la grande galerie; la toile attribuée sans preuve à Jean Clouet, qui porte dans la même salle le n° 126; quant au fameux tableau de Titien (même salle, n° 1588), il n'a pas été fait d'après nature. (Ch. Petit-Dutaillis).

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Dictionnaire biographique
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