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Clément
Marot
est un poète français,
né à Cahors vers 1497, mort
à Turin en 1544, fils du précédent.
Après avoir fait de très médiocres études,
probablement à l'université de sa ville natale, il suivit
à Paris son père en 1507. Après
avoir passé quelque temps dans la basoche, il entra comme page chez
Nicolas de Neuville, seigneur de Villeroi; c'est là qu'il écrivit
sa première églogue, quelques ballades et le Temple de
Cupido. En 1519, il devint valet de chambre de Marguerite, soeur de
François
Ier, duchesse
d'Alençon. En 1524, il fit partie
de l'expédition d'Italie; blessé
et fait prisonnier à Pavie, mais relâché
quelques jours après le combat, il rentra presque aussitôt
à Paris.
Dès cette époque commencent
à se manifester chez lui ces tendances anticatholiques qui devaient
faire le malheur de sa vie : en quelques années il ne fut pas en
butte à moins de trois accusations sur lesquelles nous sommes loin
d'être pleinement renseignés : en février 1526, sur
la dénonciation d'une femme qu'il appelle Diane (et qui ne peut
être ni Diane de Poitiers, ni Marguerite
de Navarre, comme on l'a soutenu), il était arrêté
et enfermé au Châtelet,
qu'il a peint sous des couleurs extrêmement sombres dans son Enfer;
heureusement pour lui il fut réclamé, on ne sait à
quel titre, par Gaillard, évêque de Chartres,
qui, sous prétexte de le retenir prisonnier, lui offrit la plus
douce hospitalité. L'année suivante il était arrêté
de nouveau pour avoir voulu arracher un prisonnier aux sergents du guet
: c'est alors qu'il écrivit au roi la fameuse Epître
qui, après une détention de quinze jours à peine,
lui valut sa liberté (1er novembre
1527).
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Marot prisonnier
au Roi
pour obtenir
sa délivrance
(1527)
«
Roy des Françoys, plein de toutes bontez,
Quinze
jours a, je les ay bien comptez,
Et
dès demain seront justement seize,
Que
je fuz faict confrere au diocese
De
sainct Marry [1], en l'egiise Sainct Pris [2],
Si
vous diray comment je fuz surpris;
Et
me desplaist qu'il faut que je le die.
Trois
grands pendars vindrent, a l'estourdie,
En
ce palais, me dire en desarroy :
«
Nous vous faisons prisonnier par le Roy. »
Incontinent,
qui fut bien estonné?
Ce
fut Marot, plus que s'il eust tonné,
Puis
m'ont monstré ung parchemin escript,
Ou
il n'avoit seul mot de Jesuchrist;
Il
ne parloit tout que de playderie,
De
conseilliers et d'emprisonnerie.
«
Vous souvient-il, ce me dirent-ilz lors,
Que
vous estiez l'aultre jour la dehors,
Qu'on
recourut [3] ung certain prisonnier
Entre
noz mains? » Et moy de le nyer;
Car
soyez seur [4), si j'eusse dict ouy,
Que
le plus sourd d'entre eulx m'eust bien ouy;
Et
d'aultre part j'eusse publicquement
Esté
menteur; car pourquoy et comment
Eussé
je peu ung autre recourir,
Quand
je n'ay sceu moymesme secourir?
Pour
faire court, je n'ay sceu tant prescher
Que
ces paillards me voulsissent [5] lascher.
Sur
mes deux bras ilz ont la main posée
Et
m'ont mené, ainsi qu'une espousée,
Non
pas ainsi, mais plus roide ung petit.
Et
toutesfois, j'ay plus grand appetit
De
pardonner a leur folle fureur
Qu'a
celle la de mon beau procureur.
Que
male [6] mort les deux jambes luy casse!
Il
a bien prins de moy une becasse,
Une
perdrix et ung levrault aussi;
Et
toutesfoys je suis encore icy.
Encor
je croy, si j'en envoyois plus,
Qu'il
le prendroit; car ilz ont tant de glus
Dedans
leurs mains, ces faiseurs de pipée [7],
Que
toute chose, ou touchent, est grippée.
Mais,
pour venir au poinct de ma sortie,
Tant
doulcement j'ay chanté ma partie
Que
nous avons bien accordé ensemble,
Si
que n'ay plus affaire, ce me semble,
Sinon
a vous. La partie est bien forte,
Mais
le
droit poinct ou je me reconforte
Vous
n'entendez procès non plus que moy;
Ne
plaidons point, ce n'est que tout esmoy,
Je
vous en croy, si je vous ay mesfaict.
Encor,
posé le cas que l'eusse faict,
Au
pis aller n'escherroit qu'une amende.
Prenez
le cas que je la vous demande,
Je
prens le cas que vous me la donnez;
Et
si plaideurs furent onc estonnez
Mieulx
que ceulx-cy [8], je veux qu'on me delivre
Et
que soubdain en ma place on les livre.
Si
vous supply, sire, mander par lettre
Qu'en
liberté vos gens me veuillent mettre.
Et
si j'en sors, j'espere qu'a grand peine
M'y
reverront, si on ne m'y rameine.
Tires
humblement requerrant vostre grace
De
pardonner a ma trop grande audace
D'avoir
empris [9] ce sot escript vous faire;
Et
m'excusez, si, pour le mien affaire,
Je
ne suis point vers vous allé parler.
Je
n'ay pas eu le loysir d'y aller.. »
(Clément
Marot).
Notes
: 1. - Jeu de mots, sur le double sens de marri, triste, et Marry ou Merry,
nom d'un saint. 2. - Autre jeu de mots; les prisonniers sont paroissiens
de saint Pris. 3. - Secourut (pour le faire échapper). 4. - Sûr.
5. - Voulussent. 6. - Mauvaise. 7. - Chasse aux petits oiseaux qu'on attire
en imitant le cri de la chouette, sur des branches enduites de glu ou leurs
pattes se prennent (lat. pipare, siffler). Piper a pris le le sens de tromper,
parce qu'on trompe les oiseaux en sifflant. 8. - Nous deux. 9. - Entrepris
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Enfin, en 1532, il fut encore arrêté,
probablement à la suite d'une accusation d'hérésie
: cette fois, c'est à Marguerite de Navarre qu'il dut sa délivrance.
Mais l'alerte avait été chaude, et c'est peu de temps après
qu'il crut devoir quitter Paris. Dans l'intervalle il avait succédé
à son père dans la charge de valet de chambre du roi (vers
1527); ces quelques années furent les plus heureuses de sa vie.
En 1529, il avait assisté, avec la cour, à la signature du
traité de Cambrai; en 1530, il s'était
trouvé avec elle à Lyon, puis
à Bordeaux, où il avait présenté
une épître de bienvenue à Eléonore d'Autriche,
la nouvelle reine de France. En 1532, après une grave maladie, il
publie ses premières poésies (l'Adolescence clémentine)
et donne une édition rajeunie des oeuvres de Villon.
Alors éclata (octobre 1534) la fameuse affaire des « placards
»; Marot, quoique absent de Paris, y fut impliqué; à
la suite d'une perquisition opérée à son domicile
et qui y fit découvrir des papiers compromettants, il fut mis sur
la liste des 73 suspects cités à comparaître; poursuivi,
il fuit de la Touraine à Bordeaux,
de Bordeaux à Lyon, puis gagna l'Italie.
Accueilli à Ferrare par Renée
de France, auprès de qui se trouvait son ancienne protectrice Mme
de Soubise, il adressa de là an roi et au dauphin (1535) deux épîtres
où il essayait de se justifier et demandait un sauf-conduit de quelques
mois,
Non
pour aller visiter ses chasteaulx,
Mais
pour reveoir ses petits Maroteaulx.
Après un court séjour à
Venise,
il obtint la permission désirée et rentra en France par Lyon,
où il dut faire amende honorable, mais où, en revanche, il
fut fort bien reçu par la petite société poétique
groupée autour de Maurice Scève.
A peine arrivé à Paris, il se fit de nouvelles affaires (querelle
avec Sagon, 1537-1538). Il semble qu'il eût alors pleinement reconquis
la faveur de François Ier,
qui lui donna (juillet 1539) une maison au faubourg Saint-Germain (sur
l'emplacement actuel de la rue de Tournon).
C'est à ce moment qu'il traduisit les trente premiers psaumes,
qu'il présenta à François ler
et à Charles-Quint (alors de passage
à Paris), et qui, mis en musique
par Goudimel et Claude le Jeune, furent accueillis
avec enthousiasme aussi bien par la cour que par les huguenots. La Sorbonne
s'émut; le roi se découragea de protéger Marot qui
s'enfuit; il eut la maladresse de se compromettre davantage encore en se
réfugiant à Genève, où
il publia vingt nouveaux psaumes et d'où
il fut du reste chassé peu de temps après. Il se retira dans
le Piémont, qui était alors
entre les mains des Français, escomptant la protection de M. d'Annebaud,
auquel le roi l'avait recommandé; il chanta encore la victoire de
Cérisoles, puis il mourut à
Turin,
dans des circonstances inconnues, à la fin de 1544. Il y fut inhumé
dans l'église Saint-Jean, par les soins de son ami Lyon Jamet.
-
Clément
Marot (ca. 1497-1544).
Les oeuvres de Clément Marot appartiennent
presque toutes aux genres déjà cultivés par ses prédécesseurs.
Elles comprennent : le Temple de Cupido, poème allégorique,
précieux et vieillot, dont le principal intérêt est
d'être la première oeuvre de l'auteur; le Dialogue de deux
amoureux, court morceau d'un style vif et naturel, d'une grande fraîcheur
de sentiments, que le théâtre
s'appropria en l'intitulant la Farce de deux amoureux; l'Eglogue au
roi sous les noms de Pan et Robin (1538), travestissement pastoral
dans le goût des XIVe et XVe
siècles, où il y a des vers gracieux, intéressant
surtout pour la biographie de Marot; l'Enfer, dont quelques parties
sont d'une vigueur de coloris très rare chez lui; un Sermon du
bon pasteur et du mauvais; le Riche en povreté, etc.; la Complainte
d'un pastoureau chrétien, pièces religieuses et morales
d'une médiocre venue; le Balladin, Douleur et Volupté,
oeuvres allégoriques (posthumes),
également médiocres, la première intéressante
par les tendances protestantes qui s'y
accusent nettement; des Epîtres (au nombre de 65), la meilleure
partie de son oeuvre et dont plusieurs (au Roi pour avoir été
dérobé, à Lyon Jamet, etc.) sont des modèles
de fine ironie et de délicate urbanité; le titre en est emprunté
à l'Antiquité, qui y est
pourtant rarement imitée; le tour est plutôt du
Moyen
âge
(comparez par exemple l'Epître pour avoir été dérobé
et la Ballade de Villon à Monseigneur de Bourbon); les Epîtres
du coq à l'âne rappellent de très près le
vieux genre de la fatrasie ou resverie; des Elégies
(27) où il y a quelques vers gracieux, mais fort peu de passion;
le genre, nouveau en France, était pris, non directement aux Latins,
mais à l'Italie; des Ballades (15), les unes d'un caractère
officiel, froides, pédantesques, souvent pénibles; les autres
inspirées par des circonstances de la vie de l'auteur, inférieures
à celles de Villon, qui a moins d'esprit,
mais plus de fantaisie et d'imprévu; des Chants divers (22),
dont la plus grande partie sont des Chants royaux, qui ne diffèrent
que par la forme de la première catégorie des Ballades;
des Rondeaux (80) facilement et vivement versifiés, dont
quelques-uns valent les meilleurs passages des Epîtres; c'est
un des genres anciens que Clément Marot a le plus agréablement
traités; des Chansons (42), morceaux faits pour la musique,
qui ne rappellent en rien les oeuvres du Moyen âge portant le même
nom; quelques-unes ont la liberté de l'épigramme,
d'autres sont des exercices de versification où il semble que Marot
ait voulu rivaliser avec ses prédécesseurs immédiats
(voir par exemple la troisième, en rimes « fratrisées
»); des Etrennes (54), très courtes pièces
de circonstance, presque toutes adressées à des dames
et destinées à accompagner ou à remplacer un cadeau;
quelques-unes sont fort libres, un grand nombre spirituelles, plusieurs
assez grossièrement satiriques; des Epitaphes (17) épigrammatiques;
sous le titre général de Cimetière, Marot a
réuni les épitaphes sérieuses (au nombre de 35); les
Complaintes
(5) sont encore des déplorations funèbres d'un style plus
ambitieux et souvent fort pédantesque (la quatrième en forme
de pastorale); des Epigrammes (294), pour la plupart très
libres, où il y a beaucoup de vivacité et de trait; c'était
une des parties les plus nouvelles de l'oeuvre de Marot et celle qui eut
de son temps le plus de succès; diverses Traductions (notamment
des deux premiers livres des Métamorphoses
d'Ovide, de Lucien, de
Pétrarque
et d'Erasme), où Marot reste impuissant
à varier son style suivant les auteurs, qu'il paraphrase du reste
librement plutôt qu'il ne les traduit : des Oraisons (11)
où on est choqué par la même absence d'inspiration,
la même maladresse de style que dans les Psaumes; enfin, Marot
a laissé cinq Préfaces d'un style aisé et simple
qui nous montrent en lui un prosateur au moins égal aux meilleurs
du temps.
Le
nom de Marot, dit La Harpe, est la première
époque vraiment remarquable dans l'histoire de notre poésie,
bien plus par le talent qui lui est particulier que par les progrès
qu'il fit faire à notre versification. Ce talent est infiniment
supérieur à tout ce qui l'a précédé,
et même à tout ce qui l'a suivi jusqu'à Malherbe.
Marot n'est rien moins, bien que Boileau
ait paru le considérer comme tel, que le premier des poètes
modernes; il serait plutôt le dernier héritier du Moyen
âge ,
mais il a dû à son vif génie fait d'élégance
et de clarté, et surtout à d'heureuses circonstances (car
celui-là, quand il n'était pas soutenu par celles-ci, ne
l'a pas préservé des pires défauts), de faire mieux
que personne ce que beaucoup d'autres avaient fait avant lui. Né
au temps de la plus grande vogue des Molinet et des Crétin, élève
de son père qui les imite au point de s'en distinguer à peine,
ayant même reçu directement des conseils de Lemaire des Belges,
il paraissait destiné à prolonger l'école emphatique
des « rhétoriqueurs ». Mais il eut l'heureuse inspiration
de se laisser façonner par la cour, qu'il appelle heureusement «
sa maîtresse d'école ».
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Églogue
au roi
sous les noms
de Pan et de Robin
(1538)
Dans
cette pièce, Marot explique au roi François Ier les origines
de sa vocation poétique. Les détails en sont naïfs et
charmants. La reconnaissance de Marot pour son père est juste et
touchante.
«
Sur le printemps de ma jeunesse folle,
Je
ressemblois l'arondelle [1] qui vole,
Puis
çà, puis là : l'aage me conduisoit
Sans
paour ne soin; où le cueur me disoit.
En
la forest, sans la crainte des loups,
Je
m'en allois souvent cueillir le houx,
Pour
faire gluz à prendre oyseaulx ramages [2]
Tous
différents de chantz, et de plumages,
Ou
me soulois [3], pour les prendre, entremettre
A
faire bricz [4] ou cages pour les metre,
Ou
transnouois [5] les rivieres profondes,
Ou
r'enforçois sur le genouil les fondes [6],
Puis
d'en tirer droict et loing j'aprenois
Pour
chasser loups et abbatre des noix.
O
quantesfoys [7] aux arbres grimpé j'ay,
Pour
denicher ou la pye, ou le geay,
Ou
pour jeter des fruictz ja meurs et beaulx
A
mes compaings [8] qui tendoient leurs chapeaux.
Aucunesfoys
aux rnontaignes alloye,
Aucunesfoys
aux fosses devalloye,
Pour
trouver la les gistes des fouines,
Des
herissons ou des blanches hermines,
Ou
pas à pas le long des buyssonnetz
Allois
chercher les nids des chardonnetz,
Ou
des serins, des pinsons, ou lynottes.
Desja
pourtant je faisois quelques nottes
De
chant rustique, et dessoubz les ormeaux [9]
Quasy
enfant sonnois des chalumeaux.
Si
[10] ne sçaurois bien dire, ne penser,
Qui
m'enseigna si tost d'y commencer,
Ou
la nature aux Muses inclinee,
Ou
ma fortune, en cela destinee
A
te servir : si ce ne fust l'un d'eux,
Je
suis certain que ce furent tous deux [11].
Ce
que voyant, le bon Janot, mon pere [12],
Voulut
gaiger à Jaquet son compere
Contre
un veau gras deux aignelets bessons [13]
Que
quelque jour je ferois des chansons;
Et
me soubvient que bien souvent aux festes
En
regardant de loing paistre nos gestes,
Il
me souloit une leçon donner
Pour
doucement la musette entonner,
Ou
à dicter quelque chanson rurale
Pour
la chanter en mode pastorale.
Aussi
le soir, quand les troupeaux espars
Étoient
serrés et remis en leurs parcs,
Le
bon vieillard après moy travailloit
Et
à la lampe assez tard me veilloit,
Ainsi
que font [14] leurs sansonnets ou pies
Auprès
du feu bergères accroupies. »
(Clément
Marot).
Notes
: 1. Arondelle, dialecte du Berry, hirondelle. - 2. Ramages (ramaticticos,
de ramum), adjectif, qui vivent dans les rameaux. Devenu substantif, ramage
a signifié l'ensemble des branches d'un arbre, et chant des oiseaux
sous les arbres - 3. Soulois (solebam), j'avais coutume. - 4. Bricz, piège
fait avec des branches brisées (all. brechen). 5. Transnouois (trans-natabam),
je traversais à la nage. - 6. Fondes (fundas), frondes. - 7. Quantesfoys,
combien de fois. - 8. Compaings. Cette forme est au Moyen âge le
cas sujet singulier. Au XVIe siècle, les cas ont disparu; mais la
langue conserve un certain nombre de mots sous la double forme du cas sujet
et du cas régime, qu'elle emploie indifféremment dans l'une
et l'autre fonction : compains, compagnons; pâtre, pasteur; sires,
seigneurs ; etc. Mais, en général, on délaissé
la forme du cas sujet, pour ne conserver que le cas régime : ainsi
on abandonna cuens, Diex, etc. et l'on conserva comte, Dieu, etc. - 9.
Dessoubz, sous. Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, on confondra les
prépositions sous, sur, avec les adverbes dessous, dessus. 10. Si,
toutefois. - 11. Remarquer l'imprévu et la finesse de ce vers.
12. Jehan des Mares, dit Marot. - 13. Bessons, dialecte du Berry, Jumeaux
(dérivé de bis). - 14. Font, jusqu'au XVIIe siècle,
on emploie ainsi faire, avec la signification du verbe qui le précède
: Boileau, Sat. 7."Je le poursuis partout comme un chien fait sa
proie."
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A l'austérité un peu morose
qui régnait autour de Louis XII et d'Anne
de Bretagne avait succédé, en effet, grâce au nouveau
roi, qui attirait autour de lui les jeunes gens et les femmes, une atmosphère
d'aimable élégance et de spirituelle liberté : Marot
fut le poète de cette société nouvelle dont il ne
s'écarta jamais sans dommage (il semble avoir été
repris, vers le déclin de sa carrière, par le pédantesque
qui avait marqué ses débuts); c'est à sa fréquentation
qu'il dut son principal mérite : cette langue claire, nette, alerte,
bien que moins exempte de latinismes qu'on ne le dit parfois), avec «
ce je ne sais quoi de court, de hardi et de vif » que Fénelon
y admirait. Il n'introduisit que peu de genres nouveaux, mais il traita
les anciens avec une grâce et une aisance inconnues ; incomparable
dans le « badinage », il est incapable de s'élever;
il l'a essayé parfois (car les efforts qu'il fit à diverses
reprises pour s'assimiler les oeuvres antiques témoignent qu'il
n'était pas dupe de l'insuffisance de son art), mais il est toujours
tombé d'autant plus lourdement qu'il avait aspiré à
monter plus haut; ses traductions de Virgile
et d'Ovide sont incolores et plates, et sa tentative
pour faire passer dans notre langue les sublimes beautés de la Bible
est, quoi qu'en aient pensé les contemporains, un des plus lamentables
avortements qu'ait eu à enregistrer l'histoire littéraire.
Il n'y avait dans Marot qu'un joli gazouillement : ce sera l'éternel
honneur de la Pléiade
de l'avoir compris et d'avoir voulu, par une discipline qui fut peut-être
excessive ou maladroite, enrichir, «illustrer » la langue et
tremper la pensée elle-même. (A. Jeanroy).
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Anciennes
éditions. -
Clément
Marot avait lui-même publié ses oeuvres en 1529, 1532, 1538
(chez Etienne Dolet), en 1544 (à Lyon); cette même année,
au lendemain de la mort de Marot, Dolet publia ses oeuvres en adoptant
l'ordre par genres que tous les éditeurs suivant ont conservé;
le succès de la Pléiade ne paraît pas avoir nui à
la réputation de Marot, qui ne commence à s'éclipser
que dans les premières années du XVIIe siècle; de
sa mort à 1600, on compte plus de 70 éditions de ses oeuvres
(la plus importante est cellede Niort, 1596); de 1600 à 1615, 3
seulement; les seules éditions parues depuis qui aient une valeur
sont celles de Lenglet Du Fresnoy (La Haye, 1731, 4 vol. in-4 ou 6 vol.
in-12) ; d'Auguis (Paris, 1823, 5 vol in-8); de P.
Lacroix (Paris, 1824, 3 vol. in-8); de P. Janet (Paris, 1868-1872,
4 vol. in-18. - G. Guiffrey avait commencé une édition qui
promettait d'être fort supérieure aux précédentes
; les tomes II et III ont seuls paru (Paris, 1875 et 1881). Quelques-unes
des pièces inédites publiées dans cette édition
ont été reproduites par E. Voizard (Oeuvres choisies de C.
Marot, Paris, 1890).
En
librairie. - Clément Marot,
Oeuvres
complètes, Slatkine, 1980. - La mort n'y mord, La Différence,
1996. - L'adolescence Clémentine, Gallimard, 1987.
Collectif,
Soleil
du Soleil, anthologie du sonnet français de Marot à
Malherbe,
Gallimard, 2000. - Tom Conley, L'inconscient graphique, essai
sur l'écriture de la renaissance (Marot, Ronsard,
Rabelais,
Montaigne),
Presses universitaires de Vincennes, 2000. - Michel Simonin et Gérard
Defaux, Clément Marot, "prince des poètes français",
1496-1996, Honoré Champion, 1997. - Gérard Defaux, Marot,
La génération Marot, poètes français et néo-latins
(1515 - 1550), Honoré Champion, 1997. - Du même, Le
poète en son jardin, étude sur l'adolescence clémentine
et Clément Marot, Honoré Champion, 1996. - Du même,
Rabelais,
Montaigne, l'écriture comme présence, Honoré Champion,
1987. Jean-Luc Dejean, Clément Marot, Fayard, 1990.
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