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On donne le nom
de vitrail à une grande croisée à croisillons
de fer, quelquefois de pierre, avec châssis
de métal garni de vitres. Le terme s'applique particulièrement
aux grandes croisées de ce genre (verrières) dans les églises,
surtout quand les verres sont peints.
La première opération de
la fabrication des vitraux est la composition du carton, qui consiste à
dessiner le sujet de grandeur d'exécution et à le colorer.
Ce carton sert de modèle au praticien, qui en fait d'abord un calque
qu'il reporte sur un papier rigide. Ce papier, posé sur un châssis
transparent, est découpé en autant de morceaux qu'il y a
de colorations diverses. Ce sont les calibres.
Au moyen de ces calibres, le verrier découpe,
dans des verres de couleurs appropriées à celles du carton,
les plaquettes plus ou moins régulières en tenant compte
des épaisseurs du coeur du plomb, c'est-à-dire que
chaque morceau de verre coloré doit être diminué dans
ses dimensions réelles de la moitié des baguettes de plomb
qui doivent réunir le tout. Le plomb employé est passé,
après coulage, dans une sorte de filière ou tire plomb,
muni de molettes, qui l'allonge en forme de baguette ayant deux rainures
dans lesquelles s'enchâsseront les verres découpés.
Ces verres sont de deux sortes : le verre
coloré dans la masse c'est-à-dire dans toute son épaisseur;
le verre doublé, c'est-à-dire qui n'est coloré
qu'à la surface, tantôt sur un des côtés, tantôt
sur les deux. La première sorte est utilisée pour toutes
les couleurs, sauf le rouge, plus spécialement réservé
à la seconde sorte.
Lorsque le praticien a découpé
tous les verres en conformité avec les calibres, il procède
à une mise en plomb provisoire, et alors l'artiste verrier reproduit
au pinceau les traits du carton sur ces verres assemblés. Les couleurs
sur le verre. Il ne reste plus qu'à défourner et à
exécuter la mise en plomb définitive, en replaçant
à l'endroit qu'ils occupaient les verres qui désormais formeront
le vitrail et à souder les unes aux autres les baguettes de plomb.
Quand on fait usage de verres doublés, on les soumet à l'action
des vapeurs d'acide fluorhydrique, et l'on obtient toute la gamme des dégradés
de tons.
L'histoire
du vitrail avant le XIVe siècle.
Il ne semble pas que la fin de l'Antiquité
ait utilisé le verre pour la clôture de ses baies autrement
qu'à titre exceptionnel et en feuilles coulées, incolores
(texte de Pline sur une villa à Tibur; fragments
de vitres trouvés à Pompéi;
témoignages de Lactance et de saint Jérôme
au VIe siècle de notre ère).
Les passages de Sidoine-Apollinaire, de Venance
Fortunat et de Grégoire de Tours,
d'où l'on a cru pouvoir inférer que certaines églises
mérovingiennes
possédaient de véritables vitraux, ne paraissent, en réalité,
décrire que de pittoresques effets de lumière sur des mosaïques
à fond d'or. En tout cas, l'art de la vitre
peinte se développa beaucoup plus tard et dans les pays du Nord,
principalement en France .
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Vitraux
de la cathédrale de Chartres. © Photos
: Serge Jodra, 2011.
Au VIIIe
siècle, l'Angleterre ,
l'Allemagne
et les contrées scandinaves faisaient appel aux verriers français.
Toutefois, c'est en Italie
que l'emploi du verre de couleur est signalé pour la première
fois (description des fenêtres absidales
de Latran par Anastase). Il en est de même
de la mise en plomb, pratiquée au XIe
siècle au Mont-Cassin ,
ainsi qu'en France
(vitre assemblée par mise en plomb, découverte à Château-Landon ).
En 1052, l'abbaye de Saint-Bénigne, à Dijon,
montrait un très ancien vitrail de l'histoire de sainte Paschasie.
II ressort, d'ailleurs, de l'ensemble des règles à l'usage
des verriers, détaillées par le moine Théophile
(Diverssarum artium schedula), qu'on savait tracer au pinceau, sur
le verre incolore ou teinté, les détails du dessin
et des hachures d'ombre en couleurs liquides,
fixées au four. Le XIIe siècle
prodigue de toutes parts des séries d'épisodes reliés
par des ornements et de grandes figures isolées sur des fonds et
toujours richement encadrées (vitraux des cathédrales
de Châlons-en-Champagne ,
du Mans, d'Angers,
de l'église Saint-Remi de Reims,
etc.) Au XIIIe siècle, la peinture
des scènes empruntées à la tradition est très
en progrès; les formes tendent partout à se naturaliser;
mais les artistes restent remarquablement fidèles au principe de
la mosaïque translucide (grand vitrail
de la Passion
à la cathédrale de Poitiers
[antérieur à 1224]; vitraux légendaires à effet
de tapis translucides des cathédrales de Chartres,
de Bourges, etc.). Vers 1250, on commence
à recourir, en des vues d'éclairage, soit à la grisaille
simple (belles grisailles à Auxerre,
à Troyes, etc.), soit à des combinaisons de grisaille et
de sujets en couleurs (exemples à Châlons-en-Champagne ,
à Saint-Père de Chartres, à Saint-Urbain de Troyes).
Les architectures prennent aussi plus d'importance.
L'histoire
du vitrail à partir du XIVe siècle.
Au XIVe
siècle, la découverte du jaune d'argent, qui permet d'apposer
un ton jaune brillant sur une feuille incolore, pousse au développement
des encadrements architectoniques : arcatures,
baldaquins, pinacles,
gâbles, contreforts.
Le procédé du placage des verres conduit à des colorations
nouvelles. Les verriers se prennent à renverser la donnée
harmonique toujours acceptée jusque-là en détachant
leurs figures en vigueur sur des fonds plus clairs, ce qui les amène
à des effets de tableaux. Leurs verrières sont, du reste,
d'un grand éclat et gardent une haute tenue (vitraux de Saint-Ouen
de Rouen, de Saint-Nazaire,
de Carcassonne, de la cathédrale
de Beauvais). Dans les compositions légendaires,
les traits de moeurs, les expressions de la vie deviennent de plus en plus
nombreux et significatifs (vitraux de corporations, à la cathédrale
de Chartres, etc.).
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Vitrail
moderne (1967) de l'église
de
Tosny (Eure). Photo : © Marianne Rolot, 2009.
Au XVe
siècle, les encadrements architectoniques se chargent de détails;
les personnages se revêtent d'étoffes chamarrées, brodées,
traitées d'une habileté surprenante (vitraux donnés
par l'évêque Jean Michel à la cathédrale
d'Angers; vitraux du temps de Jean de Berry
à la cathédrale de Bourges
et à la Sainte-Chapelle de
Riom; vitraux à portraits
aux cathédrales d'Evreux, du Mans,
de Tours, etc.). On triple et on quadruple les verres pour multiplier les
nuances et l'on fait un croissant emploi des émaux.
Ces mêmes caractères persistent en s'accentuant au XVIe
siècle (vitrail des Bourbons à
la cathédrale de Moulins, à
la cathédrale d'Auch, aux églises
de Montmorency, de Brou,
etc.). Quelquefois, les verriers s'inspirent des estampes
(réminiscences d'Albrecht Dürer sur
un vitrail de l'église de Conches (Eure]). Les influences italiennes
sont visibles dans le Triomphe de la loi de grâce, à
l'église Saint-Patrice de Rouen; dans
le Jugement de Salomon ,
de Robert Pinaigrier, à Saint-Gervais de Paris;
dans le Jugement dernier ,
de la chapelle du château
de Vincennes (attribué à
Jean Cousin le Vieux).
Parfois, le paysage
apparaît avec des perspectives contraires
à l'esprit du vitrail. Parfois aussi, des séries de sujets
sont exécutées uniquement en grisaille
et en jaune d'argent (Légende de Psyché
du château d'Ecouen, à Chantilly;
Histoire de Daniel, à Gisors; Vie du Christ et Histoire
de Tobie aux églises Saint-Pantaléon
et Saint-Nicolas de Troyes, etc.). L'usage du vitrail est graduellement
abandonné au XVIIe siècle.
Seuls les ateliers de Troyes produisent encore quelques pièces remarquables
(sujets empruntés à la vie de Henri
IV et de Louis XIII, par Linard
Gauthier, au musée de Troyes.).
Les derniers travaux importants des ateliers
de Paris sont : la verrière de Perrin,
d'après un carton de Lesueur pour l'église Saint-Gervais
(fragments recueillis au musée
Carnavalet) et les vitraux de l'ancien charnier
de Saint-Etienne-du-Mont.
L'art du vitrail, complètement sacrifié au XVIIIe
siècle, a été quelque peu remis en honneur dans la
seconde moitié du XIXe, à
la faveur du mouvement historique et archéologique qui a réhabilité
les arts au Moyen âge
(vitraux de l'histoire de Jeanne d'Arc,
à la cathédrale d'Orléans,
par Jacques Galland, en 1895). Vers cette époque, la construction
en fer, en créant dans les édifices de larges baies, a quelque
peu favorisé une renaissance du vitrail (verrières du palais
du Trocadéro en 1878; de la galerie des machines à l'Exposition
universelle de 1889; de la Salle des Fêtes de l'Exposition de 1900;
du musée de Dunkerque; etc.). (NLI). |
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