| Un cloître est une cour entourée de galeries servant à relier entre eux les divers bâtiments d'une abbaye ou d'un chapitre de chanoines et à les faire communiquer avec l'église abbatiale ou cathédrale. Par extension, ce mot cloître désigna souvent tout l'ensemble de l'abbaye ou du chapitre et même, mais plus rarement, toute l'étendue du territoire, circonscrit ou non par des murailles, qui était soumis à la juridiction de l'abbé ou de l'évêque. Il faut chercher l'origine du cloître dans la cour autour de laquelle s'élevaient l'oratoire et les cellules des communautés chrétiennes primitives; mais on ne peut nier que l'impluvium ou l'atrium de la petite maison romaine et plus tard les péristyle des grandes villas de campagne n'en fournissent la disposition typique, et les plus anciens cloîtres ont certainement dû se composer d'appentis en charpente portés sur des colonnes dont la base posait directement sur le sol. Cependant, dès le IVe siècle de notre ère, un cloître découvert dans les ruines romaines de Tebessa (province de Constantine) était formé, sur trois côtés, de portiques établis à un niveau plus élevé que celui de la cour intérieure et, de plus, ces portiques étaient composés de colonnes légères accouplées l'une devant l'autre, disposition fréquemment adoptée au Moyen âge. - Le cloître attenant à la cathédrale de Verdun, sur une ancienne photographie. A quelle époque, dans les régions occidentales de l'Europe, substitua-t-on aux colonnes en pierre qui faisaient défaut ou que l'on façonnait difficilement des poteaux en bois, puis, à ces poteaux, de courtes colonnes de pierre, le plus souvent géminées et recevant sur leur chapiteau, non plus une architrave en pierre ou en bois, mais la retombée d'un arc? il est assez difficile de le préciser; pourtant cette modification importante, qui différencie complètement le cloître chrétien du Moyen âge du péristyle antique, n'a guère dû se généraliser avant le commencement du Xe siècle. Le plan de l'abbaye de Saint-Gall, auquel il faut toujours recourir pour étudier les grandes dispositions des abbayes de cette époque, montre trois cloîtres, tous trois de forme carrée et conçus sur les mêmes données, dont un grand et deux petits. Le grand, placé sur le côté méridional de l'église, communique avec la sacristie, l'église, le parloir, le cellier, le réfectoire et le dortoir, tandis que les deux petits, placés derrière l'abside orientale et séparés par une longue chapelle, desservent l'infirmerie et la maison des novices. On voit, dans chacun de ces cloîtres, que les arcades ouvertes au milieu des façades et servant à descendre dans le jardin intérieur étaient plus larges et plus élevées que les arcades voisines, lesquelles étaient disposées par séries de trois dans les petits cloîtres et de quatre dans le grand cloître avec des parties de construction pleines entre chaque série. - Le cloître de l'abbaye de Saint-Bavon (Gand, Belgique). Après la forme carrée, la forme rectangulaire fut le plus souvent employée pour les cloîtres, cependant on peut citer un certain nombre d'exceptions, quelques-unes motivées par la forme irrégulière du terrain comme pour le cloître de l'abbaye de Saint-Martin du Canigou fondée au XIe siècle dans les Pyrénées-Orientales et un certain nombre d'autres obéissant peut-être à des raisons de symbolisme ainsi saint Cuthbert avait fait construire au VIIe siècle un cloître circulaire dans une abbaye du Northumberland (Angleterre) et saint Angilbert, fondateur de l'abbaye de Centula, à Saint-Riquier (Somme), abbaye dédiée à la Sainte-Trinité, avait donné au cloître, comme à tout l'ensemble des constructions, une disposition triangulaire; enfin Philibert de l'Orme avait projeté, au XVIIe siècle, un cloître circulaire qui ne fut point exécuté pour l'abbaye de Montmartre, près Paris. Dans l'Orient, les cloîtres, généralement de forme carrée comme en Occident, atteignent souvent de plus grandes dimensions; car l'église, quelle que soit son importance, est presque toujours située au milieu du préau ou jardin. Quelquefois, en Orient comme en Occident, particulièrement dans les chartreuses, un des cloîtres sert de cimetière à la communauté. Après l'an mil et avec le grand développement que prirent à cette époque les ordres monastiques et l'architecture romane (L'architecture monastique), les cloîtres devinrent de plus en plus importants et nombreux; car les grandes abbayes en comptaient au moins deux. Leur décoration sur le préau se composait de séries d'arcades retombant sur des colonnettes géminées ou accolées à des piliers et séparées par des massifs formant contreforts et recevant les arcs doubleaux ou les sommiers des voûtes d'arêtes qui avaient remplacé la toiture primitive en charpente. Le petit mur bas ou bahut sur lequel reposaient les colonnettes ou les piliers servait parfois de banc entre les passages du cloître au préau, et une puissante mouluration, des chapiteaux sculptés avec verve et aussi des figures adossées ou substituées aux piliers, donnaient à ces cloîtres des XIe et XIIe siècles un caractère de richesse et de beauté qui fut peut-être dépassée plus tard, mais dont certains cloîtres du Midi, comme celui de Saint-Paul-hors-les-Murs à Rome et celui de Saint-Trophime d'Arles, nous ont conservé de brillants spécimens. - Les galeries du cloître du Mont-Saint-Michel. En vain, la réforme cistercienne, provoquée par saint Bernard au milieu du XIIe siècle, eut-elle pour effet d'arrêter, au moins dans les abbayes des bénédictins, l'essor de cette richesse d'ornementation des cloîtres et d'en rendre les constructions plus trapues, plus massives et peu ajourées : moins d'un siècle plus tard, dans les monastères cisterciens eux-mêmes, l'architecture et la sculpture reprirent leurs droits; bientôt, dès les premières années du XIIIe siècle, les cloîtres furent voûtés en arcs d'ogive, et, tout en conservant leurs dispositions principales, prirent, grâce à la forme élancée des arcades, des proportions moins lourdes; de légers meneaux, de fines colonnettes et des roses multilobées décorèrent les parties ajourées entre les contreforts indispensables à leur construction et, parmi les cloîtres si nombreux qui furent élevés depuis le XIIIe siècle jusqu'à la Renaissance, on peut citer : en France, le cloître de l'église collégiale de Semur en Auxois, le cloître de la cathédrale de Noyon, le cloître de l'ancienne abbaye Saint-Jean-des-Vignes à Soissons, les cloîtres, avec étage, de la cathédrale de Langres et de la cathédrale de Rouen et enfin le cloître de l'abbaye du Mont-Saint-Michel; en Angleterre, le cloître de la cathédrale de Canterbury; en Allemagne, celui de la cathédrale de Bonn; en Italie, le cloître de la Chartreuse de Pavie et celui de Moncarle, à Palerme; en Espagne, le cloître de l'église Saint-Jean de Tolède et, au Portugal, celui de Notre-Dame de Belem, près Lisbonne. La Renaissance n'amena d'autres modifications que de changer le style d'architecture des cloîtres, mais n'apporta aucunes modifications sensibles dans leurs dispositions générales; seulement les cloîtres, dans lesquels l'arc plein cintre ou l'arc en anse de panier fut substitué à l'arc en tiers-point (ogive) et les pilastres d'ordres classiques aux contreforts, furent de plus en plus réservés aux couvents et, au fur et à mesure de leur destruction, ne furent plus réédifiés aux abords des grandes cathédrales. (Charles Lucas).- - Le cloître de Moissac. | |