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L'église métropolitaine de Rouen, une des plus importantes de la France, est dans sa masse principale, l'ouvrage des premières année du XIIIe siècle; quelques parties, comme la base de Ia tour septentrionale du grand portail, sont plus anciennes; d'autres ont été ajoutées postérieurement, ont subi des modifications considérables. La chapelle de la Vierge est du XIVe siècle; les portails latéraux furent édifiés au XVe, le portail occidental et la tour de droite dans la première moitié du XVIe, ainsi que la pyramide qui s'élevait au-dessus du centre des transepts et dont il ne reste que la partie inférieure. La gravité du style gothique primitif se trouve donc tempérée par l'alliance des formes les plus élégantes, et, malgré la différence des époques dont on reconnaît l'empreinte, on trouve dans ce monument l'unité de pensée et une certaine harmonie. - La cathédrale Notre-Dame, à Rouen. L'oeil ne peut embrasser aisément l'extérieur de la cathédrale de Rouen, dont les flancs sont bordés de rues étroites, et à laquelle s'adossent des maisons particulières; l'abside est enclavée dans les bâtiments de l'archevêché, et les abords de l'édifice ne sont dégagés quelque peu qu'en avant du portail occidental. Ce portail, dont les travaux durèrent de 1509 à 1530, serait un modèle du style ogival de la dernière époque dans toute la richesse de son ornementation, si le temps et les hommes n'y avaient exercé d'effroyables ravages : c'est un assemblage étonnant de galeries à jour, de statues, de bas-reliefs, de feuillages découpés, de colonnettes, de dais, de pinacles, d'aiguilles, de fleurons, sculptés avec une grande finesse, mais mutilés par les calvinistes en 1562, ou rongés par l'humidité du climat. Trois portes, qui correspondent aux nefs intérieures, sont percées à la base de cette façade : la porte centrale, qui est la plus grande et la plus riche, offre un tympan où l'on a sculpté l'arbre de Jessé; la porte de gauche a aussi un tympan, représentant la danse d'Hérodiade et la décollation de Saint Jean-Baptiste; le tympan de la porte de droite est aujourd'hui méconnaissable. La tour qui termine la façade au Nord porte le nom de Tour Saint Romain : elle est surmontée d'une pyramide de charpente, recouverte d'ardoise, qui fut placée en 1477; les cloches et le mécanisme de l'horloge y sont placés. La tour méridionale, comptée parmi les plus belles et les plus grandes constructions de ce genre, fut élevée de 1485 à 1507; elle a 77 m de hauteur : on la nomme Tour de beurre, parce qu'elle fut bâtie avec le produit des aumônes faites par les fidèles, auxquels avait été accordée la permission de faire usage de beurre pendant le Carême. Elle contenait autrefois une cloche dite de Georges d'Amboise, pesant 18,000 kg, et qui, fêlée lors de l'entrée de Louis XVI en 1780, fut convertie en canons en 1793. Sur la tour de pierre dont il reste encore deux étages au centre du transept, Robert Becquet avait construit, jusqu'à une hauteur de 132 m, une élégante pyramide, que la foudre incendia en 1822; on l'a remplacée par une flèche en fer, dont Alavoine donna les dessins, et qui s'élève à 148 m du sol. Cette oeuvre, dont on évalue le poids à 600,000 kg, présente des lignes dures et sèches, et l'effet général ne répond pas à ce que l'on avait espéré.
Le Portail des Libraires, à l'extrémité du croisillon septentrional, emprunte son nom à des libraires dont les boutiques en occupaient jadis les abords : commencé en 1280, il ne fut achevé qu'en 1478, et Desmarest et Barthélemy l'ont habilement réparé au milieu du XIXe siècle. Il est décoré d'un nombre très grand de bas-reliefs, qui représentent, les uns des traits de l'histoire sainte, les autres des sujets bizarres et même grotesques. Le bas-relief du tympan de la porte n'a jamais été complété; on n'a exécuté que les deux compartiments inférieurs, qui ont pour sujet la Résurrection des morts. Cette entrée, accompagnée de deux tours carrées, ajourées de grandes fenêtres ogivales, est précédée d'un avant-portail, construit en 1481, et que couronne une claire-voie fort curieuse. Du côté droit se trouve un cloître du XIIIe siècle, le plus beau qui nous soit conservé possédant un premier étage. Les travées inférieures sont larges, percées à la base par 4 arcades libres qui portent des colonnettes monolithes et au-dessus desquelles la claire-voie est vitrée. Une épaisse archivolte soutient un grand talus sur lequel pénètrent les piles et trumeaux des fenêtres jumelles du 1er étage, et celui-ci est couronné par une corniche et une balustrade. Le cloître forme, avec les bâtiments de la maîtrise, la Cour de l'Albane, ainsi appelée de l'archevêque Pierre de Colmieu, cardinal d'Albe. Le portail méridional, dit de la Calende, fut bâti vers la même époque que celui des Libraires, et présente à peu près la même disposition. Des deux côtés de la porte sont de grandes statues plus ou moins mutilées, et de petits bas-reliefs à profusion. Le bas-relief du tympan, divisé en trois compartiments, représente Joseph vendu par ses frères, les Funérailles de Jacob, et Jésus sur la croix. La cathédrale de Rouen est un des monuments gothiques dont la vue intérieure cause le plus d'impression , bien qu'elle ait été reblanchie en 1778. Le plan est en forme de croix latine, avec deux collatéraux jusqu'au transept, et quatre jusqu'aux chapelles absidales. Les bas côtés se prolongent dans les croisillons du transept. L'axe de l'édifice présente, au chevet, une inclinaison très sensible. Les dimensions générales sont : longueur, 136 m; largeur, 32,30 m; longueur de la croisée, 54,60 m; hauteur de la grande nef sous voûte, 28 m; hauteur des collatéraux, 14 m; hauteur de la lanterne au centre de la croisée, 53,30 m. Des chapelles, au nombre de 25, règnent dans toute la longueur de l'église; celle de Saint Étienne, au pied de la tour méridionale, a des proportions exceptionnelles; elle servait à une paroisse de même nom, supprimée en 1791. Les fenêtres, dont on ne compte pas moins de 130, offrent des formes et des compartiments variés, suivant l'époque où elles furent construites; celles à lancette, la plupart géminées, se remarquent particulièrement au pourtour de l'abside, et sont garnies d'éblouissants vitraux du XIIIe siècle; les fenêtres rayonnantes et flamboyantes ne sont pas toutes pourvues de verrières, mais on distingue celles de la chapelle Saint-Romain, peintes au temps de la Renaissance. Les roses des trois portails sont d'un riche dessin : les vitraux de celle de l'Ouest représentent le Père éternel environné d'Anges qui jouent de divers instruments de musique. Le choeur, long de 36 m, a des stalles sculptées en 1467, et dont les consoles sont décorées de sujets très curieux, pleins de naïveté et de verve. Il contenait aussi jadis les tombeaux de Richard Coeur de Lion, de son frère Henri, de leur oncle Guillaume, et du fameux duc de Bedford; mutilés par les calvinistes en 1562, ils disparurent quand on exhaussa le choeur en 1736. Des fouilles ont amené, en 1838, la découverte du coeur et d'une statue de Richard, et, en 1862, celle du coeur du roi Charles V. A la droite du choeur, dans le collatéral, on remarque la clôture en maçonnerie et la porte en fer de la sacristie, ouvrages estimés, de la fin du XVe siècle. Le Portail des libraires (portail septentrional de la cathédrale de Rouen). Les monuments funéraires sont encore nombreux dans la cathédrale de Rouen, et plusieurs méritent de figurer parmi les chefs-d'oeuvre de l'art. Dans la chapelle dite du Petit Saint Romain, la première du collatéral droit, près du transept, on voit sous un enfoncement cintré le tombeau de Rollon, premier duc de Normandie : la statue couchée sur ce tombeau est d'un travail assez moderne, et fortement endommagée. La dépouille mortelle de Guillaume Longue-Épée, fils de Rollon, se trouve en face, dans la chapelle Sainte-Anne du collatéral opposé. Avant d'entrer dans la chapelle de la Vierge, à gauche, on rencontre, sous une arcade à plein cintre, la statue couchée d'un évêque; des Anges, aux ailes déployées, conduisent au ciel l'âme du défunt, représentée sous la figure d'un petit enfant; à la partie inférieure du sépulcre, sont quelques bas-reliefs à demi effacés. Ce tombeau est celui de l'archevêque Maurice, mort en 1235. La chapelle de la Vierge, où l'architecture gothique a étalé toutes ses richesses, est une des plus belles qui existent à l'abside des grandes cathédrales; elle n'a pas moins de 29 m de longueur. Au fond, un retable tout doré encadre une Adoration des bergers, par Philippe de Champaigne. Sur le côté gauche de la chapelle on remarque trois tombeaux. Le premier, en pierre, sans inscription, sans statue, et néanmoins remarquable par ses gracieuses proportions, par l'élégance et la délicatesse de son architecture, est celui de Pierre de Brézé, comte de Maulevrier, grand sénéchal de Normandie, tué à la bataille de Montlhéry en 1465. Le second a été érigé à Louis de Brézé, petit-fils du précédent, par sa veuve Diane de Poitiers. Le cénotaphe est de marbre noir : au-dessus gît la statue en marbre blanc du sénéchal; le corps est nu, et la mort y est peinte avec une vérité effrayante. Du côté de la tête, Diane est agenouillée, les bras croisés, et an habits de veuve; aux pieds, la Vierge, tenant l'enfant Jésus. Cette scène est encadrée de 4 colonnes en marbre noir, dont les chapiteaux et les bases sont en albâtre. Au-dessus de l'entablement, dans une arcade que soutiennent quatre caryatides, la Prudence et la Gloire d'un côté, la Victoire et la Foi de l'autre, on voit la statue équestre du sénéchal, en marbre blanc. Le couronnement est un attique formant une niche : elle contient une statue en albâtre, tenant une épée, et qui est la Force selon les uns, la Justice selon les autres. La corniche se termine par deux chèvres portant les armoiries du sénéchal. Toutes les frises sont en albâtre, les architraves et les corniches en marbre noir. Ce beau mausolée est attribué à Jean Cousin ou à Jean Goujon. Le troisième tombeau, ouvrage de Barthélemy, a été érigé en 1857 au cardinal prince de Croy, mort en 1844. Sur le côté droit de la chapelle de la Vierge s'élève le magnifique monument funéraire élevé de 1518 à 1525 aux deux cardinaux d'Amboise. La Renaissance n'a pas d'oeuvre qui lui soit supérieure. Deux belles statues en marbre blanc, agenouillées, la tête nue et les mains jointes, sont posées sur le tombeau de marbre noir. A la partie inférieure, dans des niches séparées par des pilastres, sont 6 charmantes statuettes en marbre blanc, représentant la Foi, la Charité, la Prudence, la Force, la Justice et la Tempérance. Sur le fond, derrière les grandes statues, est un bas-relief représentant Saint Georges qui terrasse un dragon; sur les côtés sont distribuées huit autres figures; parmi lesquelles on reconnaît la Vierge et Saint Romain. Une voussure décorée de sculptures aussi remarquables par le bon goût que par la richesse des ornements soutient un attique, où l'on voit les 12 Apôtres, placés deux à deux dans des niches élégantes que séparent des pilastres. (B.). |
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