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Louis XII, dit le Père du peuple, est un roi de France né le 27 juin 1462, couronné le 8 avril 1499, mort le 1er janvier 1515. Fils de Charles d'Orléans, le prisonnier d'Azincourt, et de Marie de Clèves, petit-fils de Louis d'Orléans, frère de Charles VI, il était connu avant son avènement sous le titre de duc d'Orléans. Marié trois fois : 1° à Jeanne de France, fille de Louis XI, d'avec laquelle il divorce dès son avènement pour cause de mariage non consenti et non consommé, et de stérilité; 2° à Anne de Bretagne, veuve de son prédécesseur Charles VIII (mariage tout politique et qu'il faut dégager de toute légende romanesque et amoureuse), d'où deux filles : Claude de France, fiancée en 1505 à Charles d'Autriche (Charles-Quint), devenue ensuite femme de François de Valois-Angoulême, héritier de la couronne (François Ier), et Renée de France, devenue duchesse de Ferrare par son mariage avec Alphonse d'Este; 3°à Marie d'Angleterre dont l'ardeur fut fatale à l'apaisement de sa cinquante-troisième année et le tua en six semaines. Etant devenu le plus proche héritier de la couronne par la mort du dauphin Charles Orland, il succède sans difficulté à son cousin Charles VIII, le duc de Bourbon et Anne de Beaujeu n'ayant (contre l'opinion courante en Italie) fait aucune opposition, au moins extérieure, à son avènement. Louis XII se hâta d'ailleurs de désintéresser ses rivaux éventuels et de désarmer tous les fauteurs possibles de ces troubles et de ces intrigues dont la « guerre folle » leur avait donné l'expérience; il épouse Anne de Bretagne, achète l'hommage du duc de Lorraine, désintéresse les Bourbons en autorisant le mariage de Suzanne, fille unique d'Anne de Beaujeu, avec Charles, comte de Montpensier (le connétable de Bourbon), et en renonçant aux droits stipulés par Louis XI pour la réunion des domaines de la maison de Bourbon à la couronne, dans le cas (qui se présentait) où Anne et son mari n'auraient pas d'enfants mâles; apaise la noblesse et les personnages influents du règne précédent en leur conservant leurs emplois, notamment au maréchal de Gié, à l'amiral de Graville, au chancelier Rochefort, au sieur du Bouchaige, Ymbert de Batarnay, au sénéchal de Beaucaire, Etienne de Vesc. Mais il se garda contre leurs routines en donnant l'influence prépondérante dans le conseil à son ancien compagnon et ami, Georges d'Amboise, archevêque de Rouen, puis cardinal et légat perpétuel en France. Enfin il s'assura la tranquillité intérieure par une série de réformes : abolition d'impôts, réglementation des privilèges de l'université de Paris, ordonnance pour la réforme de la justice, répression de la rapacité des huissiers et procureurs, création du parlement de Provence (Aix), remplacement en Normandie de l'échiquier par un parlement; il s'assura la tranquillité extérieure en renouvelant les traités et en consolidant ses bonnes relations avec le roi d'Angleterre, le roi d'Aragon, l'archiduc Philippe, le roi de Hongrie; il obtint même de Maximilien, empereur d'Allemagne, malgré les intrigues de Ludovic Sforza, duc de Milan, et après une courte campagne en Franche-Comté et en Bourgogne, une trêve de six mois renouvelable. Louis XII (1462-1515). Son gouvernement ainsi constitué et paisible, Louis XII ne songea plus qu'à l'accomplissement de ce qui avait été la grande pensée de toute sa vie, de ce qui allait faire tour à tour la gloire et la misère de son règne : l'établissement de la domination française en Italie. Depuis le règne de Philippe le Bel, pour ne pas remonter plus haut, une tradition constante, ressouvenir instinctif et inconscient de l'époque carolingienne, aspiration confuse et malhabile à la reprise de la Lotharingie, poussait la France vers l'Italie comme vers le Rhin; déjà, sous Louis XI et Charles VIII, une suite de guerres et d'affaires de succession avaient rattaché à la couronne les provinces dépendant des successions de Bourgogne et de Provence. Louis XII allait tenter à son tour, comme héritier de son aïeule Valentine Visconti, la conquête de la Lombardie; comme héritier substitué au droit des princes de la maison d'Anjou, la conquête du royaume de Naples; comme continuateur de la tradition politique française, le rétablissement d'un protectorat moral sur tous les Etats d'Italie et d'alliances particulières avec quelques-uns. Mais l'exécution de ce grand programme politique, si légitime et si grandiose, se heurta à des ambitions non moins nettes dans leur programme et plus habiles dans leurs procédés : celle de Ferdinand le Catholique, celle du pape Jules II, celle de la République de Venise. De là, une longue suite d'alliances formées et renversées, de traités conclus et déchirés, de guerres, enfin, qui remplissent tout le règne de Louis XII. La première de ces guerres est l'expédition contre le Milanais (d'août 1499 à avril 1500). Ludovic Sforza, tout-puissant en Italie, depuis la retraite de Charles VIII et le traité de Verceil, presque aussi influent en Allemagne où il était le banquier ordinaire et souvent mis à contribution de Maximilien pochi danari, était le premier et le plus redoutable ennemi de la France en 1499. Louis XII ne s'engagea qu'à bon escient dans une guerre décisive contre lui, après s'être assuré la neutralité de la plupart des princes italiens (le duc de Ferrare, le marquis de Mantoue, les républiques toscanes), celle plus bienveillante de Florence, l'adhésion des Etats subalpins et l'alliance de la république de Venise et du Saint-Siège, alors occupé par Alexandre VI, qu'il gagna : celui-ci par la promesse d'un établissement pour son fils César Borgia, celle-là par la cession de Crémone; il ne laissait à Ludovic Sforza, avec l'alliance impuissante du roi de Naples, que quelques contingents de la république de Bologne et de la comtesse de Forli. Après quinze mois de campagne diplomatique et de préparatifs militaires, l'occupation du Milanais ne prit que six semaines et la conquête totale s'en fit en huit mois. L'administration française, crée dès le mois d'octobre 1499, représentée par un gouverneur (J.-J. Trivulce, puis Chaumont d'Amboise) et par un sénat sous la présidence de l'évêque Sacierges (puis Etienne Poncher), commença à fonctionner régulièrement. Guelfes et Gibelins furent également soumis et écrasés. Telle fut la conquête du Milanais. A cette guerre se rattachent quelques menues expéditions : la campagne de Beaumont comme auxiliaire des Florentins contre Pise, qui échoua (1500); la campagne d'Yves d'Alègre comme auxiliaire de César Borgia contre Catherine Sforza, qui se termina par la conquête de Forli et d'Imola (1499-1500). La cession de Crémone aux Vénitiens s'opéra sans difficultés (1500). Une seconde guerre eut pour but la conquête du royaume de Naples, pour résultat l'occupation du royaume, puis l'expulsion de l'armée française et la perte définitive de cette conquête si facilement faite deux fois et plus facilement perdue. Si puissant qu'il fût dès lors en Italie, Louis XII n'osa pas attaquer seul le roi de Naples, et il s'entendit pour une conquête à frais communs avec le roi Ferdinand le Catholique, comme il s'était précédemment entendu avec les Vénitiens pour la conquête et le partage de la Vénétie. Le traité de Grenade (11 novembre 1500) donna à Ferdinand les duchés de Pouille et de Calabre, à Louis XII les autres provinces avec le titre de roi. La campagne, conduite pour la France par d'Aubigny, pour l'Espagne par le grand capitaine Gonzalve de Cordoue, fut rapidement achevée : le sac de Capoue la souilla, la trahison de Gonzalve la déshonora. Frédéric, réfugié à Ischia, tenta de négocier avec d'Aubigny, mais dut se rendre à discrétion à Philippe de Ravenstein, commandant de la flotte française, et fut mené en France où Louis XII lui accorda une honorable retraite. Statue équestre de Louis XII, sur la façade de l'hôtel de Ville de Compiègne. © Photo : Serge Jodra, 2010. Les Espagnols et les Français se partagèrent le royaume. Mais la guerre, commencée contre les Napolitains, recommença bientôt contre les Espagnols (juin 1502) au sujet de la Capitanate et de la Basilicate, revendiquées par les deux anciens alliés. Ce fut une longue guerre d'escarmouches et de surprises, où les Français perdirent leurs avantages, à cause des discordes de leurs chefs et aussi de leur incapacité : la Pouille et la Calabre furent d'abord occupées entièrement, moins cinq places, par les Français, et Gonzalve réduit à s'enfermer dans Barletta, mais il sut tromper le duc de Nemours par de longues négociations et donna ainsi aux renforts d'Espagne le temps d'arriver. Il reprit l'offensive en avril 1503, battit d'Aubigny à Seminara et reprit la Calabre, fit La Palice prisonnier, vainquit à Cérignoles le duc de Nemours qui y fut tué (28 avril), obligea d'Aubigny à se rendre et Naples à capituler. Bientôt il ne resta aux Français que Venoza et Gaëte où se défendaient vigoureusement Louis d'Ars et le marquis de Saluces. Une armée de renfort, amenée aux Français par La Trémoille, ne put dépasser le Garigliano et resta deux mois dans les marais, décimée par la maladie, puis fut poursuivie par les Espagnols dans sa retraite et prise en grande partie avec son artillerie (27 décembre 1503). Le reste capitula dans Gaëte. Seul Louis d'Ars continua la guerre et rentra glorieusement en France. Une diversion tentée contre les Espagnols en Roussillon échoua également (dans l'attaque de Salces). La diplomatie n'avait pas mieux réussi à Louis XII que la guerre dans ces années. Ferdinand lui avait envoyé son gendre Philippe le Beau, archiduc d'Autriche, sous prétexte d'élucider les difficultés du traité de Grenade, en réalité pour gagner du temps. Philippe le Beau réussit aisément dans sa mission, et Louis XII promit même, pour assurer la paix et à l'instigation de Anne de Bretagne « qui n'avoit nullement l'humeur françoise », de marier sa fille Claude à Charles, fils de l'archiduc (3 avril 1503) : ce mariage aurait été désastreux pour la France. La mort d'Alexandre VI (18 août 1503) fut l'occasion d'un autre échec : le cardinal d'Amboise espérait le remplacer, mais trahi par Julien de La Rovère et le parti espagnol du conclave, que César Borgia malade ne put diriger, il dut s'effacer devant un candidat inoffensif, le cardinal Piccolomini (Pie III), puis, après le très court pontificat de ce vieillard malade, devant Julien de La Rovère lui-même, ancien protégé de Louis XII, qui fut élu comme ami de la France, et devint, sous le nom de Jules II, son pire ennemi. Ces revers, tant diplomatiques que militaires, consternèrent la France. On croyait déjà Gonzalve en marche pour conquérir toute l'Italie. Louis XII n'y avait plus d'autre allié que Florence; les Suisses et les Vénitiens commençaient à être mécontents de lui. Dégoûté pour le moment de l'Italie, Louis XII conclut une trêve avec Ferdinand, désireux lui-même de la paix pour assurer sa domination à Naples. Cette trêve fut suivie de négociations pour donner le royaume de Naples, sous la tutelle de l'archiduc, à Charles d'Autriche et à Claude de France. Ferdinand refusa son consentement. C'est alors que, par un renversement d'alliances comme ce règne en vit tant, Louis XII, l'empereur et l'archiduc, irrités contre Ferdinand le Catholique, le pape, jaloux de son influence grandissante en Italie et voulant punir les Vénitiens de leur semi-trahison en sa faveur, signent les trois traités de Blois (22 septembre 1504), également désastreux pour la France, tant pour son intégrité territoriale que pour son influence en Italie. Par le premier, Louis XII et Maximilien font alliance, sur le conseil du pape, « pour punir les iniquités des Vénitiens qui ont fait grand préjudice à l'Eglise romaine, au Saint-Empire et au roi très chrétien en s'emparant sur eux de plusieurs villes et provinces ». Par le second, l'empereur accorde à Louis XII définitivement l'investiture du Milanais pour lui, ses enfants mâles et, à leur défaut, Claude de France : ces deux traités limitaient le développement moral et matériel de la France outre-monts. Par le troisième, Louis XII constituait en dot à sa fille Claude, mais en s'en conservant la jouissance sa vie durant, ses possessions italiennes (Milan, Gênes, Asti), les duchés de Bretagne, de Blois, et, à défaut d'enfants mâles, de Bretagne. Ces traités furent complétés par une convention non moins funeste (12 octobre 1505) : la cession de tous les droits de la France sur le royaume de Naples à Ferdinand le Catholique, moyennant le mariage de celui-ci avec la mère de Louis XII, Germaine de Foix. C'était l'abandon de toute la politique du début de son règne, si conforme à la tradition nationale. Elle était sacrifiée à des intérêts purement familiaux, qui étaient mêmes contraires à ceux de la dynastie : Anne de Bretagne favorisait et faisait favoriser sa fille exclue du trône aux dépens de l'héritier présomptif. Louis XII fut ému des plaintes et des réclamations unanimes que soulevèrent ces maladresses diplomatiques. Il se décida à faire appel à la nation et réunit les Etats généraux à Tours en 1506. C'est la seule convocation, pendant la durée de l'ancienne monarchie, qui ait eu pour motif les affaires extérieures et diplomatiques du pays : les Etats demandèrent la suppression en fait du troisième traité en réclamant le mariage de Claude avec François d'Angoulême. Louis XII se rendit très volontiers au voeu de la nation et déclara à Philippe qu'il renonçait au troisième traité « comme contrevenant au premier serment solennel fait par lui à Reims qui est de faire toute chose que connoîtra être au bien, sûreté et conservation du royaume, sans consentir ni permettre la diminution d'icelui ». La mort de Philippe, que cette rupture avait disposé à la guerre, débarrassa inopinément, mais à propos, Louis XII d'une réelle difficulté. Louis XII, roi des Francs, sur une monnaie. Une troisième guerre vint renouveler la prestige de la France en Italie : la république de Gênes, qui avait accepté la domination française en 1499, se révolta en 1507, sous prétexte d'oppression administrative et financière, mais à l'instigation du pape et des Vénitiens, et se plaça sous la protection de l'empereur. Cette révolte fut accueillie par tous les princes italiens comme un prodrome de la libération de l'Italie. Jules II déclara que le moment était venu pour elle de recouvrer son indépendance, et Maximilien se prépara à appuyer ce mouvement malgré la paix conclue à Blois avec la France. Louis XII comprit la grandeur et l'imminence du danger, qui dépassait de haut l'horizon dénudé des montagnes de Ligurie : une armée considérable marcha rapidement sur Gênes qui, n'ayant pu l'arrêter au passage des Apennins, dut se rendre à discrétion (29 avril). Louis XII réprima cruellement la révolte (le doge de l'insurrection, Pat di Novi, fut décapité) et abolit la constitution républicaine et prononça la réunion de Gênes au domaine royal. Cette victoire épouvanta l'Italie. Jules Il se rejeta vers l'alliance française : au lieu de commencer par les Français la mise en exécution de son programme fuori barbari, c'est par eux qu'il se résignait à finir. Ferdinand d'Aragon eut avec Louis XII, à Savone, une entrevue célèbre, parce qu'elle est restée fort mystérieuse, mais qui n'a eu aucun résultat appréciable sur les événements ultérieurs. Le seul Maximilien continua ses armements. L'entrée deLouis XII à Gênes. Alors se produisit un nouveau revirement diplomatique. Maximilien proposa aux Vénitiens une alliance en vue du partage du Milanais, en leur communiquant le traité de Blois où Louis XII les avait abandonnés en principe. Les Vénitiens repoussèrent cette proposition. Leur alliance avec Louis XII sembla s'en renforcer : il leur garantit leurs conquêtes. La guerre commença entre Maximilien et la République, mais, par une de ses lubies ordinaires, l'empereur abandonna son armée sur la frontière, pour aller réunir des renforts et des subsides. Sur quoi les Vénitiens prirent l'offensive et voulurent attaquer Trente de concert avec les Français, mais Louis XII refusa de rompre son traité avec l'Allemagne : Venise conclut alors (7 juin 1507) une trêve de trois ans avec Maximilien sans y comprendre la France. Cette violation du traité de 1499, qui moralement avait été violé tant de fois, mit Louis XII en fureur. Il voulut se venger de Venise. Maximilien lui proposa l'exécution du premier traité de Blois : le cardinal d'Amboise et Marguerite d'Autriche signèrent, avec l'adhésion du pape, du roi d'Aragon, du duc de Ferrare, le 10 décembre 1508, la ligue de Cambrai « pour faire cesser les dommages, injures, rapines et maux que les Vénitiens ont faits tant au Saint-siège apostolique qu'au Saint-empire romain, etc. ». Les raisons véritables de cette ligue étaient la prospérité de la République, l'étendue de son commerce, la richesse de son industrie, l'extension incessante de son domaine de Terra firma. Louis XII, père du peuple. Une quatrième guerre commença au printemps de 1509 : Jules Il avait sous main prévenu la République du danger qu'elle allait courir, voulant non pas sa ruine, mais la restitution des conquêtes faites au détriment de l'Eglise. Louis XII passa l'Adda le 8 mai et rencontra les Vénitiens, commandés par Pitigliano et B. d'Alviano, à Treviglio : un habile mouvement les obligea à se jetter sur Vailate et Agnadello où l'infanterie française les bloqua dans les marais et les battit complètement. La victoire livra aux Français par capitulation Brescia, Crema et Bergamo. Peschiera fut prise et pillée. Les autres alliés se jetèrent alors sur le lion de Saint-Marc blessé : le pape, le duc de Ferrare, le marquis de Mantoue, Ferdinand recouvrèrent les territoires et places détenus par Venise. Maximilien, après quelques succès, fut honteusement battu et obligé de lever le siège de Padoue (15 septembre - 3 octobre 1498). Mais la République avait fait appel à la diplomatie et commençait à désunir la ligue de ses ennemis victorieux. Après le retour de Louis XII en France, Jules II l'abandonna et, se rapprochant de Venise qui lui abandonnait ses conquêtes, reprit l'exécution, momentanément interrompue, de son plan d'expulsion des Français. Il s'allia avec elle, avec les Suisses, mécontents de l'économie de Louis XII, et de Ferdinand, en lui abandonnant l'investiture de Naples. Louis XII resta sans autre alliés que Maximilien et le duc de Ferrare. Cependant cette cinquième guerre commença heureusement pour lui (échec de la flotte vénitienne à Gênes, incursion inutile des Suisses dans le Milanais, défaite des Vénitiens au siège de Vérone) et il tenta, avec l'appui du concile national de Tours de porter la guerre contre Jules II dans le domaine spirituel. Mais le pape prit l'offensive au temporel : il obligea Chaumont à lever le siège de Bologne, entra par la brèche dans la Mirandole (janvier 1511), mais il fut repoussé sur Ravenne par Bayard. Au congrès de Mantoue, convoqué par Maximilien pour la pacification de l'Italie, Jules Il réussit à faire repousser les propositions fort modérées de Louis XII. Louis XII lui répondit en convoquant un concile général à Pise. Trivulce alla l'attaquer dans Bologne, d'où la population soulevée l'obligea à s'enfuir (21 mai 1511). Mais Louis XII n'osa pas profiter de sa victoire; il laissa la pape rentrer tranquillement dans Rome, intriguer avec Henri VIII et Maximilien contre lui, mettre Pise en interdit, l'obliger à transférer son concile à Milan et à convoquer lui-même un concile à Latran. Une sixième guerre commence; Louis XII a pour général en Italie, son neveu, Gaston de Foix, duc de Nemours, heureux général à vingt-deux ans. Cerné entre l'armée vénitienne, 16,000 Suisses qui descendaient les Alpes, l'armée espagnole qui venait sur Imola, il réussit à disperser ou à acheter les Suisses, à entrer dans Bologne assiégée par l'armée de la ligue et à la délivrer (7 février 1512), à battre les Vénitiens, à aller en neuf jours de Bologne à Brescia, à enlever Brescia d'assaut et à la mettre à sac (19 février 1512), puis à revenir sur Modène, avec 1600 lances, 18,000 hommes de pied et l'artillerie de Ferrare, contre Raymond de Cardona, et enfin à livrer et gagner la sanglante bataille de Ravenne où il mourut. Sa mort rendit inutile cette belle victoire. La Palice ne sut que ramener l'armée en Milanais. Toute l'Italie se souleva contre les Français. Maximilien envoya le fils de Ludovic le More reconquérir le Milanais avec une armée de Vénitiens et de Suisses. Bologne fut reprise, Gênes se souleva, les Médicis furent imposés à Florence. II ne restait plus aux Français que les citadelles de Milan, Novare, Crémone, et Gênes. Maximilien Sforza fut rétabli comme duc dans le Milanais démembré par ses alliés. La France fut attaquée sur son propre territoire; Henri VIII envoya 10,000 hommes en Espagne pour attaquer les Pyrénées et la Guyenne (4 février 1512); Marguerite d'Autriche voulait enlever la Picardie; les Suisses entraient en Bourgogne. Ferdinand enleva la Navarre à Jean d'Albret. La mort de Jules Il (21 février 1513) ne fut qu'une heure de répit pour la France dans cette mêlée furieuse de haines et d'intrigues. L'alliance renouvelée avec Venise ne lui valut que l'illusion d'un retour de fortune (24 mars 1513); le duché de Milan fut en effet occupé par La Trémoille et Trivulce, et Maximilien s'enferma dans Novare, comme son père l'avait fait quatorze ans auparavant. Mais les Suisses réparèrent leur trahison d'alors en obligeant La Trémoille à battre en retraite et en le vainquant à la Riotta (6 juin), tandis que Raymond de Cardona ravageait le Milanais. L'Italie était perdue définitivement. La France était attaquée sur toutes ses frontières : en Bourgogne, sur les Pyrénées, à Calais. Henri VIII assiégea Thérouane et gagna la bataille d'Enguinegatte ou Journée des Eperons (16 août), mais il se brouilla avec son allié Maximilien et retourna en Angleterre. La Trémoille se débarrassa par « un traité merveilleusement étrange » des Suisses qui assiégeaient Dijon. Léon X se contenta du désaveu du concile de Milan et de l'abandon du Milanais à Maximilien Sforza pour traiter avec Louis XII (13 mars 1514). Alors les autres alliés firent leur paix et, pour la sceller, Louis XII épousa Marie, soeur de Henri VIII, âgée de seize ans, tandis que lui-même en avait cinquante-trois. Le mariage de Louis XII et de Marie d'Angleterre. Louis XII mourut le 1er janvier 1515. Après avoir fait la guerre pour le succès d'une tradition nationale, et l'avoir faite heureusement, il avait été amené à la continuer par des passions personnelles de vengeance ou d'ambition, et enfin il avait dû la soutenir, avec des chances de moins en moins favorables, par nécessité et pour sa propre défense. Son terrain d'action, d'abord nettement circonscrit, s'était agrandi peu à peu, et il avait vu s'écrouler successivement toutes les parties de l'oeuvre diplomatique des quinze premiers mois de son règne : il laissait la France dans la même situation diplomatique qu'il l'avait trouvée. Toutes ses guerres, si malheureuses en somme qu'elles eussent été, avaient d'ailleurs laissé la France assez prospère matériellement : l'agriculture s'était beaucoup développée, « bien la tierce partie du royaume avait été défrichée en douze ans ». Son règne se signale par une administration honnête et économe; secondé par un grand ministre, le cardinal d'Amboise, Louis XII protéga les lettres, les arts, le commerce. L'influence des arts et des moeurs de l'Italie grandit à ce perpétuel contact des deux peuples. La guerre contre Jules Il et l'opposition populaire favorisée par Louis XII contre son ennemi contribuèrent à précipiter en France le mouvement d'idées de la Renaissance. Ce roi fit rédiger les Coutumes, rendit les juges inamovibles et défendit la vénalité des charges. Le surnom de Père du peuple lui fut décerné par les États généraux de Tours en 1506. Louis XII ne laissa pas d'enfant mâle, et la couronne passa à François Ier. (L.-G. Pélissier). Statue de Louis XII, sur la façade méridionale du château de Blois. |
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