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L'Empire Ottoman |
L'empire Ottoman a longtemps été l'un des plus puissants États de la planète. Fondée au tout début du XIVe siècle, par les Osmanlis (descendants d'Osman ou Othman), une dynastie d'origine turkmène, sur les ruines de l'empire Seldjoukide, la puissance ottomane responsable de la chute de ce qu'il restait de l'empire byzantin, avec la prise de Constantinople en 1453, puis est parvenu à son apogée au XVIe siècle, à l'époque de Soliman. L'empire turc à son maximum d'extension se composait de possessions immédiates, subdivisées en Turquie d'Europe (Roum' ili), et Turquie d'Asie (Anadoli), et en territoires vassaux, qui vont de la Serbie à la Perse (Iran) et de l'Égypte au Maghreb. Mais ce gigantisme s'est accompagné rapidement d'un délitement du pouvoir des Osmanli. Le déclin de l'empire s'amorce dès le XVIIe siècle, initié par la poussée russe, et entretenu au cours du siècle suivant par les appétits grandissants des puissances d'Europe Occidentale (La Question d'Orient). En 1827, la Grèce obtient ainsi son indépendance, et les principautés des Balkans (Serbie, Moldavie, Valachie et Montenégro), nominalement sous suzeraineté ottomanes acquièrent une autonomie de fait. Même chose pour l'Égypte, qui est pratiquement indépendante de la Turquie dès 1833. A la fin du XIXe siècle, l'Empire ottoman (en turc : Memâlik-i Osmaniyé ou Devlet-i Aliyé) comprend une partie de la péninsule des Balkans, l'Anatolie, la Syrie et la Palestine, une partie de l'Arménie, le Kurdistan, l'Arabie et le Nord-Est de l'Afrique. Il faut distinguer les possessions effectives et les provinces tributaires plus ou moins indépendantes. Dans ce dernier groupe, se rangent la Bosnie, l'Herzégovine et une partie du sandjak de Novi-Bazar, administrées par l'Autriche-Hongrie en vertu du traité de Berlin (1878) et lui appartenant en fait; l'île de Chypre, administrée par la Grande-Bretagne à la suite de la convention de 1878; la Bulgarie et la province autonome de Roumélie orientale unies à partir de 1886; l'Égypte, autonome depuis 1871 et occupée par la Grande-Bretagne; l'île de Samos, jouissant à partir de 1852 d'une constitution et gouvernée par un prince qui n'est, il est vrai, qu'un fonctionnaire ottoman; l'île de Crète, autonome dès 1898 sous un prince grec.Le XIXe siècle aura marqué en fait l'agonie d'un État aux structures archaïques, incapable de se moderniser, malgré les réformes entreprises à partir de 1839 (Tanzimat), incapable aussi de contrer les ambitions de ses voisins. L'empire ottoman sera ainsi complètement démantelé, dès les années 1920, à l'issue du partage du monde opéré par les puissances européennes sorties victorieuses de la Première Guerre mondiale. La Turquie moderne, construite sur sa ruine, a été fondée en 1923. Dates clés : 1299 - Fondation de l'Empire Ottoman. | ||||
L'organisation de l'État L'Empire ottoman est une monarchie absolue et théocratique dans la forme, mais tempérée, dans la réalité, par les institutions mêmes de la souveraineté et par les coutumes du pays, qui là, plus qu'ailleurs, modifient et limitent l'action du pouvoir. L'empereur prend le titre de padischah et de sultan; il prend également les titres religieux de calife et de commandeur des croyants (Emir el-Mouminin), ce qui lui assure, outre une certaine action sur des groupes musulmans sans chef. Ce pouvoir à la fois civil et religieux, il l'exerce soit par lui-même. En matière civile, il est assisté du grand vizir ou Sadr Azam, faisant fonction de premier ministre, et en matière religieuse par le Cheikh ul-Islam ou mufti. L'autorité de ce dernier dans les questions religieuses est autrement réelle que celle du grand vizir dans les affaires civiles. A côté du grand vizir et du cheikh ul-islam, constituant avec eux la Sublime Porte, c'est-à-dire la cour, des ministres ou muchirs (au nombre de 13 à la fin de l'empire). Les plus importants sont : le capitan- ou kapidan--pacha (amiral), le defterdar (ministre du trésor), le reïs-effendi (à l'extérieur), le kiaia-bey (à l'intérieur). Ces fonctionnaires, avec quelques autres, forment le divan ou conseil d'État. Le corps des ulémas, présidé par le mufti, a aussi part aux affaires. et limite jusqu'à un certain point le pouvoir du sultan. Cependant, l'absence complète de contrôle parlementaire et d'expression libre de l'opinion publique a pour effet de rendre à peu près illusoire le pouvoir des ministres comme celui des religieux lorsque le sultan veut exercer un contrôle actif. Toute cette administration est généralement très défectueuse : les potentats locaux, investis de pratiquement tous les pouvoir exercent toutes sortes d'extorsions. Le sérail. Le personnel de la cour, ainsi que celui de l'administration de l'État, se recrutait parmi les enfants pris à la guerre ou enlevés de force aux familles chrétiennes à l'âge de neuf ou dix ans; on choisissait les mieux doués et on les partageait en deux catégories, celle des Itch-oghlans (= garçons de l'intérieur) dans laquelle entraient ceux qui se faisaient remarquer par leur intelligence, et celle des Adjem-oghlans (= garçons apprentis) distingués par leur vigueur corporelle. Les premiers fournissaient les hauts fonctionnaires de la Porte et les gouverneurs des provinces, les autres les jardiniers, portiers, cuisiniers, portefaix employés dans le palais et parvenaient à quelques hautes charges domestiques, telles que celle du bostandji-bachi, intendant général des jardins, qui commandait à pins de 40 000 bostandjis, et avait le privilège de tenir la barre du caïque du Grand-Seigneur. A côté de ces employés, on voyait un nombre prodigieux d'eunuques blancs, basanés ou noirs, les uns provenant de l'Inde cis- et transgangétique, les autres de l'Afrique; ces derniers étaient chargés de la garde de l'appartement des femmes, tandis que les premiers étaient attachés à la personne même de Son Altesse, tels que le kapy-agha, leur doyen, grand maître du palais, accompagnant le sultan partout où il se trouvait, introduisant les ambassadeurs à l'audience, le khass-odabachy, grand chambellan, le séraï-aghassy, majordome, chargé de l'administration intérieure, le khaznadar, intendant du trésor particulier. Le chef des eunuques noirs était et restera d'ailleurs jusqu'à la fin de l'empire, le kyzlar-agha qui avait parité de rang avec le kapy-agha et conservait l'équivalence du grade hiérarchique avec le grand vizir et le cheikh-ul-islam. Il était le surintendant de l'appartement des femmes, tenait les clefs des portes du harem, et parlait quand il voulait à son maître. Gardées étroitement à vue par les eunuques noirs, les femmes étaient dans une détention perpétuelle interrompue par de rares sorties qui se faisaient avec des précautions particulières : les femmes, montées à cheval, étaient, ainsi que leur monture, enveloppées dans une espèce de pavillon qui ne laissait passer que la tête du cheval et était porté par quatre eunuques. Les trafiquantes juives qui étaient autorisées à entrer dans le sérail pour le commerce des bijoux ne pouvaient pénétrer que jusqu'à une certaine salle, et les mêmes eunuques servaient de courtiers entre elles et leurs clientes, qu'elles ne voyaient pas. Le recrutement de ce personnel féminin s'opérait, soit au moyen d'achats effectués par le chef de la douane de la capitale, soit par des présents de filles offerts par de grands dignitaires. Ce personnel féminin était divisé en cinq classes : 1° les cadines (kadyn = dame), épouses en titre, généralement au nombre de quatre;Toutes ces catégories étaient placées sous la surveillance d'une grande maîtresse (kiaya-kadyn), qui portait un bâton de commandement garni de lames d'argent, et d'une sous-gouvernante (khaznadar-ousta, trésorière) chargée de la garde-robe et des dépenses. Enfin, un certain nombre de muets et de nains étaient attachés au sérail. Le chef des muets se tenait à la porte du cabinet du souverain quand celui-ci était en conférence avec le grand vizir ou le cheikh-ul-Islam. Ils se servaient, pour se faire entendre de gestes convenus, et ce langage était compris de tous ceux qui, « nés dans le sérail, en connaissaient les détours ». Les nains amusaient la cour par leurs bouffonneries. L'Armée et le Clergé. Un siècle plus tôt, les effectifs de l'armée active était supérieurs. On aura une idée de ce qu'ils étaient et de l'organisation de cette armée à partir des données suivantes : L'infanterie est formée du corps des Janissaires (113 400); des Topgis, troupes formant l'artillerie (15,000); Bombarjis, corps des bombardiers (2000); Bostangis , gardes des jardins : ils sont commis à la garde du palais (12 000); Metergis; ceux qui dressent les tentes et qui asseyent le camp (6 000); Messirlis , envoyés d'Égypte (infanterie et cavalerie : 3000); soldats de la Valachie et de la Moldavie (6000); Leventis; troupes de la marine (en temps de guerre : 50 000).L'Empire ottoman était divisé en sept Ordou ou circonscriptions militaires, sans compter la division du Hidjaz en Arabie et la division de Tripolitaine. Les chrétiens et les juifs ne font pas de service, mais payent une taxe. L'Uléma. Les professeurs et les desservants des mosquées sont aussi rattachés au corps de l'uléma. L'importance de ce dernier a beaucoup diminué depuis la création des tribunaux de la réforme ( ci-dessous et Tanzimat); la compétence des cadis, en Turquie, est dès la seconde moitié du XIXe siècle réduite aux questions de statut personnel des musulmans et au partage des héritages. Les membres de l'uléma resteront à partir de cette époque les seuls fonctionnaires à conserver le vieux costume ottoman, le turban blanc et le large manteau. Quand le futur uléma quitte vers douze ans l'école élémentaire, il entre dans une madrasé (= école) attenant à une mosquée, comme sofia, pour apprendre la grammaire, la logique, la morale, la rhétorique, la philosophie, le droit et surtout la théologie, base universelle de l'enseignement. Le Coran et la Sunna ou tradition sont les principaux objets d'étude. Le jeune sofia obtient du cheikh ul-islam son diplôme de moulazim qui le place au premier degré des ulémas et lui permet d'être nommé cadi (= juge). Pour atteindre le grade de mouderris, il lui faut encore sept ans d'études. Le personnel spécialement attaché aux mosquées comprend les cheikhs (= anciens), le khatib qui dit le vendredi, dans la grande mosquée, la prière en l'honneur du sultan, l'imam chargé du service ordinaire de la mosquée, le mouezzin qui appelle à la prière, enfin le qaïm, veilleur et serviteur. Ces deux derniers ne sont pas des ulémas. Les autres religions - Bien que l'Islam soit la religion dominante, les autres religions sont tolérées dans l'empire Ottoman; l'église grecque compte 4 patriarchats à Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem 42 archevêchés et 105 évêchés. Le catholicisme a environ 900 000 adhérents et plusieurs évêchés in partibus; le judaïsme, 110 000; d'autres religions sont également pratiquées par diverses populations nomades.
Les règlements de police qu'il institua formèrent la base du droit pénal appliqué dans l'Empire ottoman jusqu'à l'époque des réformes; la principale peine qui y est portée est l'amende; celle-ci est également admise pour le rachat de peines graves prescrites par la loi canonique, telles que l'ablation de la main pour le délit de vol; le vol qualifié et la récidive sont punis par la pendaison. Un article curieux fixe à 11% le taux de l'intérêt au delà duquel commence le délit d'usure. Un maximum était fixé pour la vente des objets de première nécessité. Enfin c'est sous son règne que le mollah Ibrahim d'Alep rédigea, sous le titre de Mulléka 'l-Abhor (= confluent des mers), un résumé du droit canonique musulman qui sera encore consulté à la fin de l'Empire et fréquemment réimprimé. Les efforts du gouvernement ottoman pour moderniser la Turquie, mais aussi pour l'adapter aux nouvelles conditions créés par le démantèlement progressif de l'empire tout au long du XIXe siècle (La Question d'Orient), sont connus dans l'histoire sous, le nom de Tanzimat ou réformes. Nous y consacrons une page spéciale, ne nous occupant ici que de celles de ces réformes qui ont trait à la législation. Les principes de la réforme La principale innovation apportée par cet acte aux lois suivies précédemment et qui avait surtout pour but de mettre un terme à l'effroyable abus de la peine de mort pratiqué jusque-là par les autorités administratives, portait qu'aucun individu ne pouvait être mis à mort avant que son cas n'ait été soumis à une enquête judiciaire, dont le résultat devait être revêtu de la sanction impériale. Le sultan rentrait ainsi en possession exclusive du droit de vie et de mort. Le hatti-humayoun (18 février 1856) confirma et étendit les garanties offertes par l'acte précédent contre l'arbitraire. Il établit en outre les points suivants, qui dérogeaient aux anciennes lois : 1° dans les localités où la population appartient en totalité au même culte, il ne sera mis aucune entrave à la réparation ou à la reconstruction sur le plan primitif des édifices consacrés au culte, des écoles, des hôpitaux et des cimetières; l'érection de nouveaux établissements de ce genre restait soumise à l'autorisation préalable de la Porte;Les principales lois qui furent promulguées pour assurer l'application des principes posés dans ces deux rescrits sont : le code de commerce (5 novembre 1850), extrait du code français avec certaines omissions; le code pénal (9 août 1858); le code de procédure commerciale (15 octobre 1861); le code de commerce maritime (1864); la loi du 7 séfer 1284 (10 juin 1867), qui a concédé aux étrangers le droit de posséder des immeubles, à la condition que ces propriétés resteront en tout et pour tout soumises aux lois locales; enfin divers règlements sur des matières spéciales. La nouvelle constitution. 1° le code d'instruction criminelle (25 juin 1879), basé sur le système français des poursuites exercées par le ministère public;La législation ottomane n'était applicable aux étrangers établis sur le territoire de l'Empire que moyennant certaines précautions qui avaient été prévues par la série d'actes internationaux connus sous le nom de Capitulations; de là vient qu'on divisa, au point de vue de la juridiction, les États avec lesquels la France entretenait des rapports, en pays de chrétienté, où la juridiction locale était pleine et entière, et pays de capitulations, ou elle était restreinte par des traités. (Cl. Huart) | ||||
Les jalons de l'histoire ottomane D'Osman à Bayézid II Méhémet II. Les janissaires formaient en Turquie une milice analogue à celle des prétoriens de Rome ou des strélitz moscovites. Véritable armée permanente dont la création précéda de cent quinze ans le premier essai de ce genre qui fut fait dans, les Etats européens, elle dura cinq siècles, de 1334 à 1826. Son histoire est intimement liée à celle de l'empire Ottoman; après avoir été la terreur de l'ennemi du dehors et avoir conduit l'empire ottoman à l'apogée de sa puissance, ce corps d'élite, devenu une non-valeur militaire et la pierre d'achoppement de toutes les réformes, finit par être la terreur des sultans eux-mêmes et une perpétuelle menace de ruine pour le pays.
En un sens large, on entendait par capitulations les traités qui garantissaient aux sujets chrétiens, qui résidaient temporairement ou d'une manière permanente dans les pays dits "hors chrétienté", spécialement dans les pays musulmans, le droit d'être soustraits dans une large mesure à l'action des autorités locales et de relever de leurs autorités nationales, représentées par leurs agents diplomatiques et leurs consuls. Entendues en un sens plus restreint les Capitulations correspondent à ceux de ces traités qui ont été conclus entre les puissances européennes et l'Empire Ottoman, à partir du XVIe siècle (Le Siècle de Soliman).
Mais à partir de cet instant, la décadence va marcher plus rapidement : les trois régences (Alger, Tunis, Tripoli) et même l'Égypte deviennent presque libres de fait; la grande guerre de 1682 à 1699, que termine la paix de Carlowitz, arrache presque toute la Hongrie aux Turcs : le traité de Passarovitz leur enlève Temesvar et partie de la Serbie, que toutefois ils recouvrent par la paix de Belgrade (1740). Les Russes, avec lesquels ils sont en lutte depuis 1672, commencent à obtenir la supériorité. Romanzoff franchit le Danube; Orloff menace Constantinople; dans la baie de Tchesmé, les flammes dévorent la marine turque. Après le guerre de 1770 et 1774, où la Porte figure comme alliée de la Pologne, elle perd la Bukovine et la Petite-Tartarie, qui est reconnue indépendante par le traité de Kutchuk-Kaïnardji. Cette même Tartarie devient province russe en 1783; la guerre de 1790 à 1792 consacre cet état de choses et enlève à la Porte divers cantons du Caucase. L'intervention de la Prusse et de l'Angleterre, et la faiblesse de Potemkine sauvent seules la Turquie d'une ruine totale. Mais l'avenir (L'agonie de l'Empire ottoman et La question d'Orient) montrera que cet appui, suscité par l'appétit grandissant des puissances d'Europe occidentale, devra être payé au prix fort. Le XIXe siècle, est pour l'empire ottoman celui de sa dislocation progressive. Elle interviendra d'une part sous l'effet des tensions intérieures croissantes (montée des nationalismes, régime politique archaïque), mais surtout sous la pression des grandes puissance européennes, engagées dans une politique d'accès aux mers chaudes (La Question d'Orient). La disparition effective de l'empire n'interviendra sans doute qu'au début du XXe siècle, mais on ne l'envisageait plus désormais en Europe que comme un butin à se partager. En même temps, à l'intérieur, le désordre éclatait de toutes parts et ajoutent à l'affaiblissement d'un régime devenu de plus en plus archaïque : les pachas Ali, Djezzar, Méhémet-Ali se révoltaient; il n'y avait ni armée, ni marine, ni finances. Les choses semblèrent changer de face à l'avènement de Mahmoud II (règne : 1808 - 1839). Un politique de réformes (Le Tanzimât) visant à enrayer la chute n'y changeront rien. La bonne volonté et l'énergie de ce prince s'épuisèrent devant des obstacles insurmontables. Sous lui, la Bessarabie, l'Abasie, la Mingrélie, enfin la Grèce furent perdues et la flotte turque ruinée à Navarin. Abd-ul-Medjid (1839) s'engagea lui aussi, à la suite de Mahmoud, dans la voie des réformes pacifiques et intérieures, et songea, le premier, a donner une espèce de constitution, le khairié tanzimat (= heureuse organisation). Il était encouragé, aidé même par la France, et. l'Angleterre. Seule la Russie persistait à voir dans l'empire Le traité de Paris (1856) assura la Turquie contre de nouvelles tentatives. Mais l'Europe a beau faire : cette malheureuse puissance est lancée sur une pente trop rapide pour s'arrêter dans sa dislocation dès le règne d'Abd-ul-Hamid II, dont le gouvernement, commencé en 1876 sous d'apparents bons auspices, mais devenu de plus en plus autoritaire, conduira à sa déposition en 1908. Le qualificatif de "question d'Orient" a été appliqué au XIXe siècle à plusieurs séries d'événements qui impliquaient les puissances européennes en Asie. Il y eut ainsi une question d'Orient centrée sur les relations avec l'Empire Ottoman, et une autre question d'Orient concernant la situation en Asie centrale (Turkestan, Iran, Afghanistan), dans lesquelles se sont principalement opposées la Russie et l'Angleterre, et qui avaient pour enjeu l'accès aux mers chaudes (Méditerranée, Océan Indien). Une troisième question d'Orient concernait la Chine et le Japon et intéressait toutes les puissances maritimes. On n'abordera ici que la première de ces problématiques. Celle qui a conduit au démembrement de l'Empire Ottoman, qui a participé aux causes de la Première Guerre mondiale, et qui est la seule d'ailleurs à laquelle on se réfère aujourd'hui lorsqu'on parle de question d'Orient sans autre précision. Lorsque l'attitude menaçante de l'Autriche et le débarquement des armées française et anglaise eurent obligé les Russes à évacuer les principautés danubiennes, on se demanda quel objectif assigner aux forces franco-anglaises concentrées à Varna, afin d'imposer au tsar l'acceptation des conditions de paix arrêtées au protocole de Vienne le 9 avril 1854. Les Autrichiens, désireux d'occuper la Valachie et la Moldavie, proposaient une campagne sur le Pruth contre la Bessarabie. Les Turcs, commandés par Ferhat-pacha, beau-frère de Chamyl, conseillaient une campagne dans le Caucase afin d'en chasser les Russes. Le mot Tanzimat, qui signifie proprement organisation, désigne, dans l'histoire politique de la Turquie, la période des réformes qui débute proprement en 1839, sous le sultan Abd-ul-Medjid, et dure jusqu'aux premières années du XXe siècle. On peut considérer en fait que le nouveau régime débuta un peu plus tôt, sous le sultanat de Mahmoud II, par la suppression du corps des janissaires, troupe jadis vaillante, devenue par la suite des temps une sorte de garde nationale séditieuse, qui formait le principal obstacle, par la routine de ses privilèges, à la réorganisation de l'armée rendue nécessaire par les succès de la Russie.
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