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Les
Yakoutes
Les Yakoutes (qui se nomment eux-mêmes
Sacha) sont un peuple sibérien qui forme la branche Nord-Est
des peuples turcs. Il semble qu'il aient été mélangés
au IIIe siècle
aux Ouïgours. Refoulés au
XIVe siècle
des parages du Baïkal dans la vallée de la Léna, ils
occupent aujourd'hui presque en totalité les bassins des fleuves
Khatanga, Olekma, Léna, Yana et Indighirka, empiétant sur
les territoires de leurs voisins, Toungouses, Tchouktches, Samoyèdes,
etc. Les Yakoutes sont pasteurs et chasseurs, parfois commerçants.
Ils sont environ 300 000 et nominalement chrétiens.
Leur langue se parle d'Irkoutsk à la mer d'Okhotsk et de la frontière
chinoise à l'océan Glacial, sur un domaine immense, mais
désert. La langue yakoute était jadis considérée
par certains linguistes comme le « Sanscrit du Turk », la «
langue mère » supposée de cette famille (Les
langues altaïques).
Les
Tatars
Après avoir regroupé sous
se vocable l'ensemble des peuples turco-mongols, on emploie désormais
le terme de Tatars pour désigner seulement quelques groupes de populations
en principe à prédominance turque (mais souvent aussi avec
des composantes mongoles et finno-ougriennes), qui forment plusieurs îlots
au milieu des populations russes, kirghiz
ou mongoles dispersées entré le lac Baïkal et les monts
Oural. Cet ensemble reste assez disparate : les Tatars de Sibérie,
par exemple sont issus des mélanges de Turks et de Finnois;
et plusieurs tribus sont, en outre, mongolisées ou russifiées.
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Des Tatar
aux Tartares
Mentionné
pour la première fois au IXe siècle,
dans les annales chinoises, le vocable « Tha-ta » fut-appliqué
d'abord à une tribu des « Mo-ho » (nom sous lequel les
Chinois comprenaient les Mongols et les Toungouses) vivant au Nord-Ouest
de la Chine.
Il est possible que ce fut une tribu de langue turque et que « Tata
» fut son nom indigène, car on trouve dans les ouvrages chinois
une autre forme, Tha-ta-eul, qui est probablement la transcription à
la chinoise du mot « Tatar », dont la terminaison ar est un
des suffixes indiquant le pluriel dans les langues turco-mongoles.
Peu à peu le sens de l'appellation s'élargit, et les Chinois
l'appliquèrent plus tard à un grand nombre de tribus turques,
mongoles ou toungouses. Gengis Khan, dont
le père était de la tribu des «-Mongols » et
la mère de la tribu des « Tatar », propagea ces deux
noms génériques dans toute l'Asie et dans l'Europe orientale;
ses hordes, composées pour une grande part de guerriers levés
parmi les tribus turques conquises, reçurent tantôt le nom
de mongoles, tantôt celui de tatares.
Pendant que les restes
de la tribu primitive des Tha-ta, vaincue en 824 par les Khitans (Toungouses),
puis par Gengis Khan, se transportaient d'abord vers les monts In-Chan
(près de l'angle Nord-Ouest du grand coude du Hoang-ho), puis dans
la région des sources de l'Amour, le nom de Tha-ta ou Tatar acquit
de plus en plus droit de cité en Europe, où sa consonance
avec « Tartare
» donna lieu, après le calembour bien connu de Louis
IX (dans sa lettre à la reine Blanche en 1241), à de
savantes dissertations. Mais c'est surtout en Russie qu'il devint populaire;
là tout ce qui parle la langue turque est appelé «
Tatar ». C'est ainsi qu'on peut trouver des tribus ougriennes ou
iénisséiennes en Sibérie et des tribus iraniennes
au Caucase,
qui sont encore aujourd'hui appelées «-tatares
», à cause de la langue que leur ont imposée les populations
turques avoisinantes. Quoi qu'il en soit de ces exagérations, on
peut dire d'une façon générale que seuls les habitants
de langue turque de la Russie, autres que les Kirghiz, les Bachkirs et
les Tchouvaches, ainsi que les indigènes de certaines parties du
Caucase et de la Sibérie, sont ceux que l'on désigne aujourd'hui
sous le nom de Tatars. |
Les Tatars Volgaïques.
Ces Tatars dit aussi
de la Russie d'Europe sont répandus depuis la Lituanie jusqu'à
l'Oural, depuis la province de Kazan
jusqu'à celle d'Astrakhan.
Unis par la communauté de la langue et de leur foi musulmane, il
offrent des types divers au point de vue physique.
a) Les
Tatars de Kazan (Tatars proprement dits), descendants des Kiptchaks
de la Horde-d'Or, sont venus au XIIIe
siècle dans le pays qu'ils occupent
actuellement et s'y sont mélangés avec les Bulgares. Ils
diffèrent, par leur type à moitié finnois. Leur langue
est un dialecte de l'Ouralien, comme celles Tatars de Tchoulym (voir plus
bas) et des Bachkirs.
-
Les Bachkirs
Les Bachkirs, qui
vivent autour d'Oufa, s'appellent proprement Bachkourt et sont constitués
par un mélange de Finnois et de Tatars. Ils habitaient primitivement
les deux versants de l'Oural. Certains philologues ont considéré
leur nom (primitivement Badjgar) comme identique à celui des Magyars
(primitivement Madjgars). Il est d'ailleurs à noter qu'ils présentent
une ressemblance physique avec les Szeklers de Hongrie. A dater du IXe
siècle, après l'émigration des Magyars vers l'Occident,
les Bachkirs se laissèrent envelopper par des peuples de la famille
turque et assimiler par eux. Avant qu'ils n'adoptent un islam
très rudimentaire, leur culte était un chamanisme;
la chasse, la pêche, l'agriculture et le pillage des peuplades voisines
étaient leurs principales industries au XIIIe
siècle.
Leur nom paraît
pour la première fois dans les récits de l'Arabe Ibn Foszlan
et des voyageurs occidentaux Plan Carpin et Rubruquis.
Ils se laissèrent subjuguer par les Tatars et, après la prise
de Kazan, ils devinrent sujets russes. Ivan le Terrible
leur accorda des terres dans le bassin de la Kama et de la Biela. En revanche,
ils furent soumis à la capitation: en 1574 la ville d'Oufa fut fondée
par les Russes sur leur territoire. Mais les Bachkirs ne restèrent
pas longtemps les sujets paisibles de leurs nouveaux maîtres; au
XVIIe et au XVIIIe
siècle, ils reprirent leurs habitudes de pillage; ils se révoltèrent
en 1735 sous le règne d'Anna Ivanovna
[Le
printemps des tsarines]. Plus de 30 000 furent tués ou déportés,
les femmes et les enfants vendus comme esclaves.
A partir de 1754,
ils furent astreints au service militaire. En 1755, ils se révoltèrent
encore et en 1773 on les trouve dans l'armée de Pougatchev. Depuis
cette époque ils sont restés tranquilles. En 1810, ils ont
été enrégimentés dans les troupes cosaques;
ils ont par la suite constitué une grande partie des Cosaques de
l'Oural. A partir de 1874 un certain nombre d'entre eux ont formé
des escadrons de cavalerie régulière. A la fin du XIXe
siècle, ils étaient soumis au même régime que
les paysans russes. Ils sont devenus peu à peu laboureurs, mais
pratiquent surtout l'élevage du bétail et des abeilles.
Leur nombre (en comprenant les Mestchériens et les Teptars) est
évalué à près d'un million. |
b) Les Tatars
d'Astrakhan,
contrairement aux précédents, marqués par leurs contacts
avec les finnois, sont pour partie les descendant des Turco-Mongols de
la Horde d'Or, mélangés aux Khazares; ce sont des Tatars
dits Yourtovskié, de la ville et du district d'Astrakhan.
c) Les Tatars
de Koundourov, du district de Krasny-Yar, sont des Nogaï, venus
de Caucase
au XVIIIe
siècle, débris de la grande
Horde des Nogaï (elle-même survivance de la Horde d'Or), qui
dominait dans le Sud de la Russie du XIIIe
au XVIIIe siècle,
et dont les derniers khans se refugièrent en Crimée.
C'est en
1427, que les Tatars, qui avaient déjà visité la péninsule,
jadis connue sous le nom de Chersonèse taurique,
à diverses reprises, s'y établirent définitivement
et lui donnèrent le nom de Krym qui lui est resté.
Leur capitale était Bakhtchisaraï
ou Bagtché-Séraï. Les Vénitiens s'efforçèrent
d'y établir des comptoirs. Ils furent supplantés par les
Génois qui s'établirent à Caffa,
à Soudak et à Balaklava.
Ils furent chassés au XVe siècle par les Turks. En 1478,
Mahomet II nomma Mengli Gheraï khan de la Crimée et de la Petite-Tatarie.
Les Tatars, vassaux de la Porte, restèrent jusqu'au XVIIIe
siècle paisibles possesseurs de la péninsule; en 1726, les
Russes y pénétrèrent pour la première fois.
En 1777, Souvorov chassa le khan Devlet Gheraï. En 1779, Châhin
Gheraï devint tributaire de Catherine II.
En 1783, la Crimée fut annexée par la Russie; la Porte
ottomane reconnut cette annexion en 1784. Ce qui n'empêchera
pas la Crimée d'être le théâtre, en 1854 et 1855,
d'une lutte sanglante entre les diverses puissances du moment.
Ajoutons que parmi
les « Tatars » actuels de Crimée, il faut encore distinguer
les « Tatars des steppes-», vrais descendants des Nogaï,
et les « Tatars des montagnes et du littoral », autrement dit
les Tauridiens ou Krimtchaks. Ces derniers ont été rapprochés
des Tsiganes, des Grecs, des Albanais, et des Monténégrins,
et diffèrent beaucoup des premiers qui sont turcs avec des composantes
mongoles et tauridiennes.
d) Les Tatars de
la Lituanie sont aussi les restes de la horde Nogaï, venus dans
le pays au XVe
siècle. Tout en restant musulmans,
ils ont adopté aujourd'hui la langue, le costume et les moeurs des
paysans polonais ou lituaniens, au milieu desquels ils vivent.
Les « Tatars
» du Caucase.
Ils présentent
un mélange d'éléments anciens (Avars,
Alains, Petchénègnes,
Khazares, Lesghi) avec les envahisseurs (Kiptchaks, Nogaï, Iraniens).
Il faut distinguer parmi eux :
a) Les Tatars
ou Kabardes de la montagne;
b) Les Kabardes de
la plaine (mélangés aux Tcherkesses) de la province de Terek,
et leurs voisins les Karatchaï;
c) Les Tatars du
Daghestan
ou Koumyk, offrant un type turc assez net;
d) Les Tatars Azerbaidjani
ou Azeri de la Perse (Iran),
de la Transcaucasie de la région de Bakou,
qui sont simplement des Persans ou Iraniens parlant des dialectes turks
(azerbaïdjanais du Nord et du Sud, Kashkaï, peut être Salchouk),
comme leurs voisins du littoral de la Caspienne,
les Tates.
Femmes
tatares du Caucase, au début du XXe
siècle.
Les Tatars sibériens.
Ils se divisent
en deux groupes bien distincts : d'une part, les Tatars des monts Altaï
et des régions adjacentes dans le Sud des provinces de Tomsk et
de Yenisséisk; d'autre part, les Tatars de Sibérie proprement
dits, habitant les plaines arrosées par le Tobol, par le cours moyen
de l'Irtych et de l'Ob, ainsi que par le Tom inférieur avec leurs
affluents. Les premiers sont des Iénisséiens, des Samoyèdes
et des Finno-Ougriens, mélangés à différentes
tribus mongoles ou turques, et parlant la langue turque-orientale. On pourrait
les appeler plutôt Altaïens. Les seconds sont des descendants
probables des peuplades turques connues dans l'histoire
(du VIe
au Xe siècle),
sous le nom de Tou-Kioué et d'Ouïgours,
mélangés aux Ouzbek et aux Sartes du Turkestan
et de la Boukharie,
venus dans le pays du XVe
au XVIe
siècle, et aux Tatars Volgaïques,
émigrés de la Russie vers le XVIe
siècle.
a) Parmi
les Altaïens qui forment l'îlot central, entre l'léniséï
et l'Irtych, on distingue, d'après leur habitat
:
Les Tatars
d'Abakan ou Khakas, qui sont un ensemble de plusieurs peuplades -
Katchins, Koïbals. Sagas ou Sagaï, etc. - pour la plupart nomades;
Les Tatars de Tchoulym,
presque complètement russifiés; leur langue, un dialecte
de l'ouralien, est proche de celle des Bachkirs et des Tatars de Kazan.
Les Tatars de Kouznetsk
- les Koumandines, Tatars des forêts noires ou Tcherniévyé,
les Chors et autres descendants des lénisséiens «-forgerons
» (Kouzcznetzi) -, partie chasseurs
nomades, partie agriculteurs sédentaires;
Les Tatars de l'Altaï
- Teléoutes, Telenghits, Kara-Kalmouks, etc. -, Turks légèrement
mongolisés et improprement appelés Kalmouk de l'Altaï.
b) Parmi les «
Tatars de Sibérie », on distingue aussi, d'après
leurs emplacements, les Tatars de Baraba, d'Irtych-Tobol et de Tioumen.
Cet îlot occidental est un mélange des peuples précédents
avec les Tatars de la Volga.
-*
Famille
tatare de Sibérie (vers 1920).
Les
Bulgares de la Volga
Ce peuple vécut
sur les bords du Volga et de la Kama du Xeau
XVIe siècle.
Son pays est appelé par les écrivains byzantins
et par Plan Carpin la Grande Bulgarie. Les chroniques
russes les appellent tour à tour Bulgares Noirs, Scythes, Enfants
d'Ammon. Ils étaient d'origine turque, parlaient un idiome turk,
mais paraissent avoir été mélangés de bonne
heure à des Slaves. C'est d'ailleurs une branche de ce peuple, de
langue slave, qui au VIIe
siècle avait passé
le Danube et qui donnera son nom à la Bulgarie danubienne.
Ceux de la Volga
avaient embrassé l'islam
que leurs députés allèrent vers la fin du IXe
siècle prêcher auprès
du prince russe Vladimir, mais il y avait aussi
des chrétiens
parmi eux. On connaît le nom d'un de leurs princes qui vivait au
Xe siècle
(vers 922)
et qui s'appelait Almos. Il est à remarquer que ce nom se retrouve
aux origines de l'histoire de la Hongrie. On sait le nom d'un certain nombre
de leurs tribus : Bersoula, Esegel, Bulgares proprement dits, Tinstouzes,
Tcheremtchanes, Bulgares de la Caspienne. Leurs villes principales étaient
Bolgary,
Sivar, Joukotin, Briachimov, etc. Ils faisaient un commerce considérable.
Lors de l'invasion des Tatars ils perdirent leur indépendance; mais
la ville de Bolgary continua d'être fort importante au point de vue
commercial.
Les
Dounganes et les Tarantanchi
Les Tarantanchi forment la population des
oasis du Turkestan
oriental et de la Dzoungarie; on y rattache les Dounganes (Hui) fortement
métissés avec les Chinois, sinon complètement sinisés.
-
Les Dounganes
Les Dounganes, Doumganes
ou Tounganes, appelés Hui ou Houei en Chine,
sont un peuple musulman de l'Asie centrale. Les opinions des auteurs du
XIXe siècle varient grandement sur
l'origine et le nom de ce peuple. Kouropatkine et Schuyler en font les
descendants des anciens Ouïgours
envoyés comme colons au VIIIe ou
au IXe siècle, dans les provinces
chinoises du Chen-si et du Kan-sou. E. Reclus marque simplement que «
ce sont principalement les Nestoriens (Nestorius)
» convertis probablement à l'Islam
à l'époque de Tamerlan.
Ujfalvy (Kohistan, p. 213) écrit :
«
Ce peuple s'appelle lui-même Doungane, les Chinois l'appellent ainsi
et on prétend que ce mot vient de Tourgâne, c.-à-d.
le séditieux. »
Vambéry
dit que le mot doungane en turc oriental veut dire un converti;
d'autres, comme Wathen, donnent au nom de doungane la signification de
laisser derrière, sous le prétexte que cette nation descendrait
d'une colonie d'anciens soldats d'Alexandre.
Shaw pense que le mot vient du chinois : toun jen, colons militaires.
Sosnovsky donne au nom doungane une origine ultra-fantaisiste. Il prétend
qu'il date du commencement de l'insurrection de 1861 et vient du fort Doungane,
situé dans la province chinoise du Chen-si; la chose est absurde,
car le nom existait longtemps auparavant. Les Chinois, eux, appellent les
musulmans Houei-Houei.
Le terme de Houei
ou de Hui, au sens large, s'applique aujourd'hui à une minorité
musulmane de quelque 6 millions de personnes originaires du Sinkiang, mais
réparties à travers toute la Chine
(surtout dans les villes), les Douganes proprement dit ne sont plus, eux,
qu'au nombre de 20 000. Ces Dounganes, population fort mélangée
d'éléments turks et tatars, sont devenus à peu près
Chinois; ils parlent surtout le Chinois et connaissent également
le turk oriental et le kalmouk. Ils habitent particulièrement le
nord-est de la Kashgarie et le nord des Tien-chan. Ils occupent tout un
quartier de la ville de Kouldja où ils ont une mosquée
ainsi qu'à Souïdoun.
L'islam, qui avait
pénétré dans les Tien-chan dès les dynasties
des Soui et des Tang, n'avait pas tardé, dans cette région,
devenue à la mort de Gengis-Khan une
partie de l'apanage de son second fils Djagataï (L'Empire
Gengiskhanide), à chasser devant lui le bouddhisme
et le nestorianisme. On peut dire que l'islam était, dès
la seconde moitié du XIVe siècle,
absolument maître de la région; aussi, au commencement du
XVIIe siècle, un descendant du Prophète
à la vingt-sixième génération, Ma-mo-to, s'établit-il
à Kashgar,
sans doute appelé par ses coreligionnaires. Il fut le premier chef
ou roi musulman de la dynastie des Khodjas.
Ces princes musulmans
furent battus par les Euleuthes ou Kamouks (célèbre tribu
mongole au nord des Tien-chan), ensuite,
retenus prisonniers à I-li; lors de la défaite des Eleuthes,
ils firent leur soumission aux Chinois. Mécontents d'ailleurs du
joug, de ces derniers, lors de la guerre d'Amoursana en 1757-1758, les
deux arrière-petits-fils de Ma-mo-to, Boronitou et Kodzidchan, qui
régnaient (1755) le premier à I-li, le second à Yarkand,
se révoltèrent contre l'empereur Kien-loung; les deux Khodjas,
comme on les désignait, vaincus par les Chinois, furent obligés
de se réfugier dans le Badakchan,
où, de nouveau défaits par le khan de ce pays, ils furent
mis à mort.
La mauvaise administration
des gouverneurs chinois, particulièrement celle de Pi Tsing, amena
la grande insurrection de 1820-1828; à la tête des mécontents
se plaça comme chef Djehangir, petit-fils de Boronitou, par conséquent
descendant des deux Khodjas. Un massacre ordonné par Pi Tsing à
Kashgar, à la fête d'automne, au commencernent du règne
de l'empereur Tao-Kouang, fut suivi du déplacement de ce mauvais
fonctionnaire, mais la lutte ne s'engagea pas moins entre Djehangir et
les Chinois. Sans entrer dans le détail de cette campagne qui est
marquée par de nombreux combats dans toute la Kashgarie, disons
qu'à la suite de la bataille de K'artiékaï, perdue par
lui (1828), Djehangir fut fait prisonnier par le général
chinois Tchang-ling. Les derniers scrupules du khan de Khokand
(1829) marquèrent la fin d'une guerre longue, mais heureuse pour
les Chinois, dont le succès fut déshonoré par l'épouvantable
supplice de Djehangir.
Une nouvelle révolte
éclata en 1847, et est connue sous le nom de révolte des
Sept Khodjas; elle fut réprimée par les Chinois et suivie
en 1857 par le quatrième effort des Khodjas, dirigés par
Valikhan, afin de régner sur la Kashgarie. Ce fut la dernière
tentative avant le grand soulèvement de la fin du XIXe
siècle. Les causes qui avaient amené la rébellion
de 1820 devaient se renouveler en 1861; la révolte musulmane commença
dans le Chen-si, s'étendit ensuite au Kan-sou, puis dans les Tian-chan.
Ce soulèvement fut marqué par le massacre des Chinois partout
où ils se trouvaient. Repoussés, ces derniers, dès
1863, ne tenaient plus que les citadelles de Kashgar, de Yarkand, et la
ville de Yanghi-hissar. Le fils de Djehangir, Bourzouk, aidé de
Yakoub, qui ne tarda pas à le supplanter, réussit à
chasser les Chinois des Tien-chan.
Yakoub, devenu seul
maître de la Kashgarie avec Aksou pour capitale, eut à lutter
contre le mauvais vouloir des Dounganes, particulièrement en 1872;
les Chinois, débarrassés de la révolte musulmane du
Yun-nan, se dirigèrent contre Yakoub, qui mourut dans le cours de
la lutte, et, successivement, les villes de Manas, d'Aksou, de Yarkand,
de Kashgar (1877) et de Khotan
(1878) tombèrent aux mains des Chinois, commandés par Tso
Tsong-Tang. |
Les
Kirghiz
Les Kirghiz, possibles descendants des
Ousouns (Wou-soun) et des Hioung-nou (Les
Huns) sont un peuple traditionnellement nomade, de langue turque, qui
habite les steppes de l'Asie centrale. Son domaine s'étend sur le
Sud-Ouest de la plaine sibérienne et le Nord de la plaine touranienne
et embrasse près de 3 millions de km², depuis la mer Caspienne
et la Volga à l'Ouest jusqu'aux monts Alatau Tarbagataï et
Tian-chan à l'Est (méridien de Kouldja); du Kouen-loun occidental
et du cours supérieur de l'Amou-daria au Sud jusqu'au Tobol et à
l'Irtych au Nord Leur nombre est diversement évalué; il paraît
atteindre 3 millions et demi, dont les trois quarts pour les Kirghiz de
l'Ouest ou Kazakhs et le quart pour ceux de l'Est ou Bourouts. Le peuple
kirghiz se divise en effet en deux rameaux bien distincts :
Les Kirghiz
Kazakhs, qui occupent presque toute l'aire que nous avons
décrite. Ce nom de Kazakhs est le véritable nom de ce peuple,
et les Chinois, les Turks, les Mongols ne connaissent que celui-là
(Hazaki, Qazak, Kaïzak ou Chazak). Quant au nom de Kirghiz, mot turc
qui équivaut à brigand, il semble avoir été
sabord appliqué aux Bourouts et étendu ensuite aux Kazakhs.
Les Kirghiz
Kazaks ont été historiquement divisés en trois hordes
ou centenies : la Grande Horde, Ouloudjous (ou youz); la Moyenne Horde,
Ourta-djous; la Petite Horde, Kitchi-djous.
La Grande Horde habitait
le Sud de la région de Ssemiretchensk (districts de Vernii et Tokmak),
une partie de la région du Syr-Daria (districts de Tchemkend, Aoutié-Aka,
Djisak, Kourama, la Dzoungarie occidentale et le pays d'Ili (Kouldja).
La Moyenne Horde
habitait le Nord de la région de Ssemiretchensk (districts de Kopal
et Sergiopol) et de la région de Syr-Daria (districts de Tachkent
et Pérovsk).
La Petite Horde habitait
le reste de la steppe, au Nord et à l'Ouest des autres. On y rattache
la Horde intérieure ou Boukéi qui parcourt la steppe européenne
entre Oural et Volga (ancien gouvernement d'Astrakhan). La Petite Horde
est devenue de beaucoup la plus nombreuse, comprenant la moitié
du total et progressant plus rapidement à cause de son contact avec,
les Russes. La Moyenne horde comprend environ le quart du total, la Grande
Horde le sixième, la Horde intérieure un peu plus de 400
000 personnes.
Les Kirghiz noirs
(Kara Kirghiz) que les Russes appellent « Kirghiz
sauvages des montagnes », et les Kalmouks, Bourout, habitent
l'Ouest du massif des Tian-chan et se rencontrent dans la Mongolie occidentale
ou un lac conserve leur nom. Ils sont regardés par certains auteurs
comme les véritables Kirghiz; ils ont moins subi que les Kazakhs
l'influence de la civilisation moderne.
Les
Turkmènes
Les Turcomans
ou Turkmènes.
Ces populations, dont le territoire
s'étend essentiellement de la Caspienne et de I'Amou-daria jusqu'au
Paropamisus, représentent l'élément autrefois dominant
de la population, de l'ancien Kharezm.
Ils descendent des Turks d'avant l'invasion
mongole. Il est donc plausible que leur nom de Turkmènes (mans
ou mènes équivalant à l'allemand thum)
a le sens qu'on lui attribue souvent de Turks de souche, de Turks
vrais ou par excellence. Il est d'ailleurs possible que ce nom même
leur ait été donné en raison de ce qu'ils ont continué
à mener la vie nomade des ancêtres en fournissant sans cesse
comme eux de nouveaux essaims d'envahisseurs. Les Turks qui ont envahi
les États constitués de l'Asie centrale se sont en effet
tous présentés d'abord dans l'État même où
étaient les Turcomans jusqu'à nos jours.
Les Seldjoukides
étaient de leurs parents très proches; les
Osmanlis (L'Empire
Ottoman) aussi par conséquent, et ils se rattachent sans doute,
comme les Seldjoukides, aux Oghouz (Ghouz) que les conquérants arabes
ont trouvés dans le Kharezm. Les Oghouz, probablement sous la poussée
des Arabes, ont remonté vers le Nord de la Caspienne. ils se sont
mêlés entre les rives de l'Oural inférieur et celles
de la basse Volga, à d'autres Turks, les Petchénègues,
mentionnés par les auteurs byzantins en 834.
De ce mélange, accompli à la fin du XIe
siècle, sont sortis les Koumanes (Polovtsy des
archéologues russes). Mais Petchénègues et Oghouz
ont pu se fondre aussi, au moins en grande partie, dans l'empire des Khazars,
car il n'est plus question d'eux après le XIIIe
siècle.
Les
Ouïgours, les Ouzbeks et les Karagas
Les Ouïgours
et les Ouzbek sont deux populations proches d'un point de vue historique
et linguistique. Et ce sont aussi dans une moindre mesure des critères
linguistiques qui apparentent ces deux populations aux Karagas, que certains
auteurs rangent avec les Tatars.
Les Ouïgours.
Les Ouïgours
sont un peuple du Turkestan
oriental, qui eut une place fort importante dans l'histoire de l'Asie
centrale. Ce peuple se divisait en quinze tribus et eut longtemps Tourfan
pour capitale. En Mongolie, les Ouïgours furent, avec les Tou-Kiou
les héritiers des Huns. Ils subirent
l'influence et même la domination chinoise, sous la dynastie des
Wei (227-264), furent un instant soumis à d'autres populations turques
(Ve s.), puis eurent une existence indépendante,
avant de retomber dans le giron de la Chine.
Ils peuplent aujourd'hui le Xinjiang Ouïgour, région autonome
de la Chine (capitale Ürümqi).
Les Ouzbeks.
Les Ouzbeks (Ouzbegs, Euzbegs, Uzbegs),
descendants probables des Yue-tchi mélangés aux Iraniens,
forment la masse de la population en Boukharie et se rencontrent par îlots
isolés dans le Turkestan
russe et afghan.
Ils parlent une langue turque proche de celle des Ouïgours, et l'une
de leurs grandes tribus, la treizième d'une liste dressée
par Vambery, porte encore le nom de Ouïgour :
Leur nom
conserve le souvenir de leur chef, le fameux Ouzbeg Khan, qui porta au
plus haut point de prospérité le royaume de Toman, fondé
en 1248 par Scheibani
Khan. Ce royaume passa ensuite sous la domination de Timour
et de ses successeurs; plus tard il tomba en décadence et forma
la plus grande partie des khanats de Bokhara et de Khiva
(Le Kharezm)
qui sont encore maintenant sous la domination des Ouzbeks. Ils ont constitué
un des éléments ethniques dominants, depuis l'ancien territoire
des Ouïgours, depuis la Kachgarie et peut-être le Lob-Nor, jusqu'à
la mer d'Aral,
et depuis l'Afghanistan
jusqu'au Balkach. Ils forment encore l'aristocratie du Turkestan. Ils dominent
à Khiva, à Bokhara, à Hissar. Peu nombreux dans le
Syr-Daria, ils sont au nombre de plus de 140 000 dans le seul district
de Zerafchan. Mais partout leurs groupes s'entrecroisent aujourd'hui, notamment
avec ceux des Iraniens Tadjiks.
Ils se mêlent à ceux-ci, et sont
encore souvent confondus sous le nom de Sartes. On les distingue donc surtout
à cause de leur mode de vie nomade fortement ancré dans leur
culture, au point que même lorsqu'ils ont des maisons, ils préfèrent
souvent habiter la tente dressée dans leur jardin. Leurs caractères
varient suivant les régions et les mélanges subis. Leurs
moeurs se rapprochent beaucoup de celles de leurs voisins et parents, les
Kirghiz. Ils sont musulmans fervents, sans fanatisme.
Les Karagas.
Ce peuple de la Sibérie méridionale,
parfois rangé parmi les Tatars orientaux dont il ne diffère
d'ailleurs en rien du point de vue du costume et des moeurs, parle un dialecte
turc-oriental très rapproché de l'ancienne langue ouïgoure.
Les Karagas habitent au Sud de la portion de la grande route sibérienne
ou «-trakt-»
qui est située entre Kansk à l'Ouest et Balagansk à
l'Est; dans les vallées des fleuves Tagoul, Birioussa, Ouda et Oka.
Ils sont en partie agriculteurs, en partie nomades chasseurs ou éleveurs
de rennes. En 1831; ils étaient
au nombre de 510; dans les années 1960,
ils étaient 600. (J. Deniker
/ Zaborowski / Henri Cordier / L. Léger).
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En
librairie - Jean-Paul Roux, Histoire
des Turcs, Fayard, 2000. - Willy Sperco, Turcs d'hier et d'aujourd'hui,
Nouvelles éditions latines. - Louis Bazin et James Hamilton,
Les Turcs, des mots, des hommes, Arguments, 1994.
Boratau,
Contes de Turquie, Maisonneuve et Larose, 2002. - Dor, Contes
et légendes de Turquie, Flies France, 2002. |
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