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Qui
sont les Turkmènes?
Les dialectes des Turkmènes se rapprocheraient
surtout de celui des Osmanlis de l'Anatolie
et de ceux des Azerbaïdjanis de l'Iran et du Caucase ,
apparentés aux Koumanes. De tels rapports s'expliquent fort bien s'ils
sont des descendants du groupe des envahisseurs turks d'avant la conquête
de Gengis Khan. Il ne s'ensuit pas qu'ils
doivent différer physiquement des Turks qui ont coopéré à cette conquête
et, en particulier, des Ouzbeks ( Le
Kharezm et les khanats Ouzbeks) qui se rattachent d'ailleurs, peut-être
en partie, aux Oghouz émigrés vers le XIe
siècle
vers l'Oural et la Volga. Malgré leur genre de vie et leur habitat qui
les isolent, leurs caractères physiques n'ont pas été à l'abri des
altérations; mais il est facile de les distinguer des Mongols.
Ils n'ont pas en effet le nez écrasé des Kalmouks, et ils diffèrent
même de la plupart des Kirghiz par leurs
yeux plus ouverts et pas toujours bridés, la longueur plus grande de la
face malgré la saillie des pommettes, leur taille moins épaisse et plus
haute. Ils ont de la barbe et de la moustache et leur chevelure noire est
fournie.
Les tribus.
Le gros de la population turkmène occupe
la région comprise entre l'Amou-Daria et la Caspienne. Au début du XXe
siècle, il se divise :
1° en tribus
Yomouds traditionnellement nomades de l'Oust-Ourt à la Perse, le long
de la Caspienne;
2° en tribus Tekkés
répandues dans les oasis de Kizil-Arvat, de Tedjen, de Merv;
3° en tribus secondaires
Sakar, entre Kabakli au Nord et Tchardjoui au Sud, le long de la rive gauche
de l'Amou;
4° Tchoudors, dans
le territoire correspondant à l'ancien khanat de Khiva ( Kharezm)
au Nord;
5° en Emrali, dans
le même secteur au Sud.
On distingue encore
:
6° les Goklan, dans
la région de Khoraçan ,
qui rejoignent les Yomouds à l'Ouest;
7° les Ersari, aux
environs de Kilif, sur l'Amou;
8° les Salors, dans
l'oasis de Merv;
9° les Alili, dans
les plaines du Turkestan
afghan;
10° les Saryks,
sur le plateau de Badhkiz.
11° les Ortokides,
tribu qui vint s'établir en Arménie
et en Syrie, sous la conduite d'un émir appelé Ortok, à la fin du XIe
siècle. Ortok reçut des SeIdjoukides la ville de Jérusalem
et ses environs en récompense des services qu'il leur avait rendus dans
la conquête de la Syrie. Il mourut en 1091, laissant Jérusalem à ses
fils, qui en furent expulsés en 1096 par Afdal, général des troupes
du calife fatimide d'Égypte. Les Ortokides fondèrent
ensuite une principauté à Mardin et possédèrent Alep .
Il n'y a apparemment jamais eu de liens entre
ces diverses tribus. Au cours de l'histoire, elles ont vécu indépendantes
l'une de l'autre quand elles ne se sont pas ignorées. Plusieurs d'entre
elles, les Sakar, les Emrali, les Goklan, les Salors, les Saryks, représentées
par un nombre d'individus déjà si modeste qu'elles ont probablement disparu
aujourd'hui, ou se sont fondues dans les reste de la population. Au début
du XXe siècle,
toujours, les Tekkés étaient les plus nombreux (plus de 300 000); venaient
ensuite les Alili (250 000); les Yemouds, les Ersari. Quelques milliers
de ceux qui nomadisaient dans l'Oust-Ourt s'étaient, dès cette époque,
avec des tribus kirghizes auxquelles ils se mêlaient, portés, au nord
du Caucase ,
sur la Kouma. Ils étaient là en contact avec des Nogaïs (descendants
de la Horde d'Or) dont les caractères
sont plus mongoliques que les leurs, leur origine plus récente remontant
en effet à l'invasion de Gengis Khan. Au
total, ils n'atteignaient pas un million et demi, malgré l'étendue des
espaces occupés par eux.
Les modes de vie.
Les Turkmènes avaient conservé les moeurs,
le genre de vie de leurs ancêtres turks
et ainsi ils représentaient mieux qu'aucun autre groupe les populations
turques dans leurs caractères originaires. Les auteurs des inscriptions
en vieux-turk de la Mongolie subissaient l'influence à distance de la
civilisation chinoise et n'étaient pas condamnés
à demander leur subsistance à des incursions déprédatrices chez les
voisins. Le pays des Turkmènes, si favorable à leurs habitudes nomades,
ne leur offrait par lui-même que des ressources trop insuffisantes. Il
a favorisé chez eux l'émergence de solides bandes de brigands - des brigands,
parfois fortement disciplinés et héroïques, mais des brigands. Les Tekkés
et les Yomouds en particulier entreprenaient périodiquement en Perse de
fructueuses expéditions. Ils ont dépeuplé des districts entiers. On
estime à un million le nombre des individus des deux sexes qu'ils ont
capturés en un siècle.
Ce sont eux qui alimentaient les marchés
d'esclaves du Turkestan .
Les Yomouds, les Tekkés, en particulier, ont si régulièrement volé
des femmes en Perse, d'un côté, et aussi d'un autre côté chez les Kirghiz,
qu'ils passaient aux yeux d'autres Turkmènes pour descendre pour la plupart
d'esclaves. Les femmes turkmènes qui, quoique musulmanes
(sunnites ),
jouissaient d'une grande liberté ayant en leur nom terre et troupeaux,
refusaient de s'allier aux fils de captives; mais les Ouzbeks ne leur opposaient
pas le même dédain. Cette incorporation par les femmes d'éléments persans
et autres, quoique régulière et étendue, a toujours laissé intact le
fond des moeurs des Turkmènes. Vambéry a pu
retrouver parmi eux des tableaux de la vie de leurs ancêtres de la Mongolie.
«
Les ,jogei, sigitei, les pleurants, gémissants des inscriptions
vieux-turc, dit-il (Noten zu den altturkischen Inschriften der Mongolei
und Siberiens, 1899, p. 10), se trouvent encore aujourd'hui dans la
steppe. Et pendant mon séjour chez les Yomouds de Gorgen, je les ai vus,
alors que les nombreux parents et connaissances de mon hôte qui avait
perdu un des siens approchaient de notre tente avec de sauvages clameurs
et des hurlements. On plaçait devant la porte un morceau de feutre ou
un tapis, les gémissants s'y asseyaient, et souvent pendant une heure
poursuivaient leurs lamentations, expression de leurs condoléances. Jusqu'Ã
nos jours a subsisté l'usage de se blesser et de se défigurer en signe
de deuil. Et jusqu'Ã nos jours aussi, sur le tombeau des morts importants
on a élevé des Joska's ou tumuli, bien que la coutume de dresser
à leur sommet des statues de pierre, balbale des anciens Turks,
soit depuis longtemps perdue.-»
La conquête russe seule,
à laquelle ils ont opposé la résistance la plus efficace et la plus
prolongée, a pu modifier l'état social des Turkmènes en les obligeant
à changer de vie. Depuis cette conquête, en effet, ils ont dû renoncer
peu à peu à demander une partie de leur subsistance au brigandage. De
pasteurs insouciants, ils sont devenus, en partie, éleveurs soigneux.
Beaucoup d'entre eux s'adonneront même à partir de là à la culture
du sol. Beaucoup sans doute resteront encore nomades, aimant par-dessus
tout la vie libre sous la tente. Mais de ceux-là même, la Russie des
Tsars tira profit. Elle leur accorda parfois des subsides pour avoir la
paix avec eux, mais elle utilisa en même temps leurs qualités militaires.
Les Turkmènes furent, comme leurs ancêtres, des soldats excellents et
même de bons chefs dans l'armée russe.
Les
Oghouz
Les Oghouz sont tribu turque qui
joua au Moyen âge un rôle important dans l'histoire de l'Asie centrale.
C'était la plus puissante des tribus nomades qui habitaient les immenses
steppes du Decht-i-Qiplchaq, situées au Nord-Est de la mer d'Aral ,
à l'extrême limite du Turkestan. Leur nom venait de ce qu'ils faisaient
remonter leur origine à Oghouz, le fameux héros éponyme de toutes les
tribus turques. Les auteurs byzantins, Constantin Porphyrogénète entre
autres, le connurent sous le nom de Ougoï. Le nom couramment utilisé
de Ghouzz est celui que leurs donnaient les auteurs Arabes. |
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Il semble que ce
peuple, refoulé par une invasion de Khitayens (Chinois, Les
Khitans), ait franchi le Djihoûn pour s'établir dans le Khoraçân
sous le règne du calife El-Mahdi (775-785).
Là , ils auraient à cette époque embrassé le parti du célèbre imposteur
El-Moqanna. Leur comportement turbulent obligea les autorités de la Transoxiane
à les tenir relégués dans les parties les plus reculées de la province;
on dut même élever à Kât, au Nord du Khârezm, une muraille destinée
à arrêter leurs incursions. Vint le jour où les fils et petits-fils
de l'émir Seldjouq, nés dans cette tribu et chefs reconnus des principaux
clans oghouz, lancèrent leurs hordes à la conquête du vieux monde musulman
(1038). Bagdad ,
la métropole, fut prise en 1055 par
Toghrul-Beg, et celui-ci fonda sous la suzeraineté spirituelle des califes
abbassides
le glorieux empire seldjoukide, qui
n'allait pas tarder à étendre ses limites du Bosphore
à la kashgarie. Dans la suite, les actes arbitraires et les exactions
des officiers des sultans seldjoukides poussèrent à la révolte les Oghouz
du Kiptchak. Au lieu de payer le tribut ordinaire de 40000 moutons, ils
se ruèrent en masse sur le Khoraçan (1154),
prirent d'assaut Balkh ,
Boukhara ,
Nichapour, Merv, qui était l'une des capitales de l'empire, pillèrent
et incendièrent ces villes et s'emparèrent de la personne du sultan lui-même,
Sandjâr, qu'ils retinrent prisonnier dans le Decht pendant quatre ans
(Malcolm, Hist. of Persia).
Les Oghouz furent dès lors les maîtres
absolus du Khoraçan jusqu'à la conquête de ce pays par les Châhs du
Khârezm
. Dans l'intervalle, on les voit se répandre, mais, d'une manière plus
pacifique, dans le Kurdistan
persan et jusqu'en Syrie et en Égypte. Maqrîzi, en effet, cite souvent
le nom des Ghouzz à propos de l'établissement de la dynastie ayyoûbite
dans ce dernier pays. Lorsque, vers 1161,
le kurde Asad ed-Dîn Chirkoûh se rendit à l'appel de l'atabek
de Syrie, Noûr ed-Dîn, ce fut à la tête d'une armée composée de Turks
de la tribu des Oghouz. Ces mêmes Oghouz suivirent en Égypte Chirkoûh
et son neveu Saladin, qui devait bientôt, en
1171,
renverser le califat fâtimide et fonder une nouvelle dynastie. A partir
de cette époque, les Oghouz du Kiptchak ne semblent plus faire parler
d'eux ( sur l'origine des Oghouz
: Klaproth, Tableaux historiques de l'Asie; Paris, 1826, pp. 121-122).
Les
branches dispersées
Au moment de leur islamisation, les Oghouz
se sont séparés à partir du Xe
siècle en Petchenègues, Khazars, Kiptchak (ou Coumanes ou
Polovtsy) et en Seldjoukides.
Les Petchenègues.
Population turque, débris plausible des
anciens Huns, les Petchenègues se sont d'abord
cantonnés sur la Volga, puis établis à partir de la fin du IXe
siècle sur le rivage de la mer Noire, entre les bouches du
Danube et les bords du Don. La politique byzantine, qui les redoutait fort,
s'efforçait d'entretenir avec eux une étroite alliance, et de les employer
contre les Russes, les Hongrois et les Bulgares : aussi leur multipliait-on
les subsides et les avantages commerciaux. Toutefois, ces barbares nomades
ne rendirent pas toujours les services qu'on en espérait. Sans doute au
Xe
siècle, on les vit sous le règne de Jean Tzimiscès écraser
les débris des Russes le Svatoslav : mais, à partir du XIe
siècle, ils vinrent, plus d'une fois attaquer l'empire pour
leur compte (en 1026-1051,1087),
et ils ne cessèrent de l'inquiéter jusqu'à leur complète extermination
au XIIe siècle
par Jean Comnène
(1123). Les écrivains byzantins les
désignent sous le nom de Patzinaces.
Les Kiptchaks.
Kiptchak ou Kaptachak
est un nom de tribu qui se rencontre très fréquemment dans l'histoire
des peuples turks. On le retrouve encore
aujourd'hui dans la dénomination de certains clans ou tribus, parmi les
Kirghiz, les Ouzbeks de Boukhara et du Ferghana
( Le Kharezm
et les khanats Ouzbeks), ainsi que parmi les Turkmènes de la Transcaspienne.
Mais, autant que l'on puisse en juger d'après la terminologie embrouillée
et l'histoire confuse des tribus turques, les Kiptchaks furent une des
tribus de la nation des Oghouz-Ouïgours
qui fondèrent vers le Ve
siècle ap. J.-C. l'État de Kao-Kiu,
dont l'emplacement doit être cherché dans le pays actuel des Soïotes
au Sud des monts Sayans. De là les Kiptchaks se portèrent vers les steppes
situés au Nord du lac Balkhach où ils ont constitué le noyau de la nation
de Kankli ou kankali. S'avançant ensuite plus à l'Ouest, ils pénétrèrent
en Europe vers le IXe
siècle et occupèrent les steppes qui
s'étendent à l'Est et à l'Ouest de la Volga. Il est fort probable qu'ils
se mêlèrent ensuite avec les Komanes ou Comanes (les Polovtsi
des annalistes russes), peuple apparenté aux Petchénègues. Quoi qu'il
en soit, une portion des Kiptchaks, restée en Asie, fit partie au XIIe
siècle de la grande armée de Gengis
Khan et c'est le petit-neveu du grand conquérant, appelé Baty Khan, qui
fonda le royaume du « Grand Kiptchak » plus connu sous le nom de Horde
d'Or.
Les Khazars.
Les Khazars ou Khazares étaient un ancien
peuple, probablement turk mais auxquel on a parfois reconnu une composante
finnoise, établi aux premiers siècles de l'ère chrétienne entre la
mer Caspienne et de la mer Noire. Au VIIe
siècle, les Khazars s'avancèrent à l'Ouest, soumirent les
Bulgares orientaux, occupèrent la Crimée et Kiev.
Ils fondèrent un empire qui s'étendait du Boug et du Dniepr jusqu'au
fleuve Oural, et au Nord jusqu'Ã la moyenne Volga, Ã l'Oka et aux sources
du Donetz; les peuples slaves de ces contrées reconnurent leur suprématie.
Au VIIIe siècle,
les rois Khazars se convertirent au judaïsme .
Leurs capitales étaient Itil (Astrakhan )
et Semender; la forteresse de Sartel les couvrait du côté des Petchénègues.
Leur souverain portait le titre de khaqân
et était assisté d'un beg, général en chef; le noyau de l'armée permanente
des 12 000 Larssiei se composait de mercenaires, la plupart musulmans .
Les Khazars faisaient le commerce avec l'Europe centrale, l'empire byzantin,
l'Asie centrale, la Perse et même l'Inde. Leur empire fut détruit par
les Russes; Sviatoslav les écrasa en 965,
prit Sarkel, pilla Itil et Semender. En 1016,
les Khazares réduits a la Crimée furent achevés par la coalition des
Grecs et des Russes sous Motislav (fils de Vladimir).
Les
Ghaznévides.
Les Ghaznévides sont une dynastie de
princes turkmènes, ainsi nommée de la ville de Ghazna, qui fut sa capitale.
Le véritable fondateur de l'empire ghaznévide fut le sultan Mahmoûd,
célèbre autant par sa cruauté et son avarice que par ses conquêtes
et son amour des lettres. C'est en 997,
que Mahmoûd se déclara indépendant. Ses fils et ses généraux se disputèrent
son héritage en des guerres civiles sans fin. En 1152,
Alâ ed-Dîn Djihânsouz, quatrième sultan de la dynastie des Ghoûrides,
s'emparait de Ghazna, et, dès 1173,
les Ghaznévides étaient réduits à leurs possessions de l'Inde. Ils
s'y maintinrent à grand-peine jusqu'en 1187,
date à laquelle cette dynastie s'éteignit, misérablement .
Les
Seldjoukides.
Les Seldjoukides
ont commencé à se constituer en empire sous la conduite de leur chef
Toghrul (ou Togril) Beg, petit-fils de Seldjouk, qui, sorti des steppes
du Turkestan, s'empara à la tête d'une horde turcomane de Nichapour (1037),
conquit l'empire des Ghaznévides,
mit fin au règne des Bouides d'Ispahan (1055)
( Les
dynasties musulmanes au Moyen-âge)., et se rendit maître de Bagdad
(1060).
Ses successeurs fondères plusieurs principautés, de l'Asie Mineure Ã
la Perse, mais la plupart furent renversées pendant les Croisades
ou par les sultans du Kharezm. La
dernière sultanie seldjoukide, celle de Roum céda
définitivement la place aux Ottomans
au début du XIVe
siècle .
Les Osmanlis.
Les Turks Osmanli ( L'Empire
Ottoman) constituent le fond de la population de l'Asie Mineure. Certaines
tribus, comme les Yuruk et les Turkmènes de l'Ouest de la péninsule,
ont gardé le type primitif des Turks-Seldjoukides, envahisseurs du pays;
mais la plupart des Osmanlis sont mélangés avec les Kurdes, les Arméniens,
les Grecs et les Sémites. Néanmoins, le type turc est encore reconnaissable
chez eux, tandis qu'il a presque complètement disparu chez les Osmanlis
de la Turquie d'Europe. (Zaborowski
/ Paul Ravaisse / Ch. D. / A.-M.B.). |
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