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Antioche

Antioche (en turc : Antakya) est une ville de Turquie, près de la rive gauche du fleuve Oronte (auj. Nahir-el-Asi, le "fleuve rebelle"), à 25 kilomètres de la mer par la vallée du fleuve, à 92 kilomètres à l'Ouest d'Alep (Syrie). Antioche fut fondée par Séleucus Nicator qui venait de s'emparer de la Syrie au démembrement de l'empire d'Alexandre. C'était l'époque où l'on se plaisait à construire de nouvelles villes sur le plan d'Alexandrie; Séleucus agit de même, et, au lieu de s'établir à Antigonie, capitale de son rival Antigone qu'il venait de vaincre à Ipsus, il choisit un nouvel emplacement, soit pour faire oublier Antigonie, soit que la place lui parût préférable, soit enfin pour se conformer aux présages, car légende raconte que, durant un sacrifice offert à Zeus Céraunien par Séleucus Nicator, un aigle enleva les entrailles de la victime et s'envola sur le mont où Séleucus décida de construire une forteresse (cet aigle de la légende se retrouve sur quelques médailles d'Antioche). 
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Au pied du mont Silpius, Séleucus construisit la ville nouvelle qui ne s'étendit pas tout à fait jusqu'au fleuve, par crainte des inondations; Xenaeus fut l'architecte d'Antioche (nom choisit par Séleucus pour honorer la mémoire d'Antiochos son père (Les Séleucides)), et les habitants y affluèrent vite, venus d'Antigone qu'on avait rasée, ou de quelques villages environnants, lopolis ou Jope, Meroe et Bottia sur l'Oronte, où Alexandre avait élevé un temple à Zeus Bottiaeus. Les Juifs eux-mêmes y furent bien accueillis, obtinrent les mêmes droits que les autres habitants, tous Macédoniens ou Grecs, y formèrent une colonie nombreuse ayant un ethnarque particulier, comme nous l'apprend Josèphe (Ant., XII, 3, 1; XIV, 42, 6). La ville primitive s'accrut peu à peu de trois autres quartiers d'abord sous Séleucus Nicator lui-même, puis sous Séleucus Callinicus qui régna de 246 à 226, et enfin sous Antiochus Epiphane qui fut roi de 175 à 164 avant notre ère : ainsi s'explique le surnom de tetrapolis qu'elle reçut dans l'Antiquité. On la nommait encore "Antioche sur l'Oronte" pour la distinguer de quinze autres villes fondées par Séleucus Nicator et portant toutes le même nom, ou bien Antioche epi Daphné, près de Daphné, bois voisin célèbre chez les anciens et consacré à Apollon

Après Athènes, Rome et Constantinople, nulle cité antique ne fut plus digne d'admiration par la beauté de son site, par son histoire et par ses monuments. Rien n'égalait, dit Renan, l'abondance et la beauté des eaux. L'enceinte, gravissant des rochers à pic par un vrai tour de force d'architecture militaire, embrassait le sommet des monts, et formait avec les rochers, à une hauteur énorme, une couronne dentelée d'un merveilleux effet. Antioche avait, au dedans de ses murs, des rochers de sept cents pieds de haut, des rochers à pic, des torrents, des précipices, des cascades; au milieu de tout cela, des jardins délicieux. La variété des fleurs, la fraîcheur du gazon, la beauté des platanes qui bordent l'Oronte, inspirent quelque chose du parfum suave dont s'enivrèrent ces beaux esprits de Jean Chrysostome, de Libanius, de Julien. Sur la rive droite du fleuve s'étend une vaste plaine, bornée d'un côté par l'Amanus et les monts bizarrement découpés de la Piérie, de l'autre par les plateaux de la Cyrrhestique, derrière lesquels on sent le dangereux voisinage du désert. La vallée de l'Oronte qui s'ouvre à l'Ouest met ce bassin en communication avec ce vaste monde au sein duquel la Méditerranée a constitué de tout temps une sorte de route neutre et de lien fédéral. On peut lire dans l'Antiochicus de Libanius l'éloge enthousiaste qu'il fait de sa ville, Antioche la grande et la belle, Antioche la superbe aigrette de l'Orient, comme l'appelle Ammien Marcellin.
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Monnaie d'Antioche.

Nous ignorons de quels monuments orna la ville Séleucus Nicator; nous savons seulement qu'il éleva dans le bois sacré de Daphné un temple à Apollon, le dieu favori des Séleucides. Son fils, Antiochos Soter, éleva au centre de la ville l'Omphalum où se dressait une statue remarquable d'Apollon. Sous les rois Séleucides, sous les empereurs romains, Antioche ne cessa de s'embellir : Séleucus Callinieus construit un temple qu'il dédie à la déesse Isis et fait bâtir dans une île de l'Oronte une nouvelle ville dont Enagrius Scholasticus nous a laissé une description et que cinq ponts reliaient à l'ancienne ville; Antiochus Epiphane élève un palais du Sénat (bouleuterion), un temple à Jupiter Capitolin dont Tite-Live cite la magnificence (liv. XII, ch. xx), et surtout une rue longue de trente-six stades, qui traversait la ville d'un bout à l'autre et formait deux galeries couvertes soutenues par des colonnes avec une large avenue au milieu. Antiochus Philopator, sur le modèle du Museum d'Alexandrie, bâtit un superbe édifice près du mont Silpius. A Jules César, Antioche fut redevable d'un théâtre adossé au mont Silpius, d'un amphithéâtre, de bains, d'un aqueduc, et d'une basilique qu'on nomma le Caesarium; sous Auguste, Hérode le Grand construit une superbe route et élève une colonnade. On peut citer encore des bains bâtis par Caligula, par Trajan et par Hadrien, le pavement en granit d'Égypte de la grande rue par Antonin le Pieux; un Xyste ou promenade publique due à Commode, un palais dû à Dioclétien. Quant aux statues, chefs-d'oeuvre de l'art grec, elles étaient innombrables : les descriptions de Pausianas (VI, 2,7), du Byzantin Malala (Chronographia, p. 201), surtout les médailles d'Antioche nous fournissent des détails sur les richesses artistiques accumulées dans cette ville toute grecque où les Macédoniens d'Antigone et de Séleucos avaient porté les cultes et les noms de leur pays. 

Sous Constantin, Antioche qui, après la ruine des églises de Judée, avait été la première métropole de l'église chrétienne, vit s'élever une magnifique église qui ne fut achevée que sous Constance; d'après la description qui nous en est parvenue, elle aurait eu de nombreux points de ressemblance avec Saint-Vitale de Ravenne. Constantin construisit encore une basilique, un prétoire pour le gouverneur et un hôpital près de la cathédrale. Le dernier empereur qui se soit plu à embellir Antioche fut Valens, lequel éleva un somptueux forum décoré de colonnes d'Illyrie et pavé de marbre blanc.

Cette magnifique cité fut trop souvent désolée par des tremblements de terre : le premier dont fassent mention  les anciens auteurs se produisit, selon le chronographe Malala, en l'an 148 av. J.-C.; le second, sous César, en  l'an 37; le troisième sous l'empereur Claude; mais jusqu'alors, les édifices souffrirent peu. Sous Trajan, 115 ap. J.-C., les secousses furent terribles, les rivières changèrent de lits, un grand nombre d'habitants furent tués et un temple élevé dans les bois de Daphné porta cette inscription: Les survivants à Jupiter sauveur. Nouvelles secousses sous Constance, en 341; sous Léon le Grand en 457 ou 478 : c'est alors que fut détruite toute la partie de la ville qui s'élevait dans l'île de l'Oronte. Mais, c'est sous Justin, en 526, qu'Antioche fut le plus éprouvée : une éruption jointe à un tremblement de terre ruina la plus grande partie de la ville; il y eut 250 000 personnes de tuées. Quand la nouvelle en parvint à Constantinople, l'empereur revêtit des habits de deuil et fit appel en pleurant à la miséricorde de Dieu. Deux ans à peine s'étaient écoulés qu'Antioche était de nouveau frappée : les maisons relevées s'écroulèrent, 5 000 habitants périrent. Nouveau tremblement de terre en 587, puis en 588, où furent tuées environ 60 000 personnes. En 1115, la ville fut absolument détruite, à ce que rapporte le chroniqueur Gautier, chancelier de Roger, prince d'Antioche. Le tremblement de 1822 ne fut pas moins désastreux pour cette malheureuse ville. Enfin, en 1872, la moitié des maisons fut renversée.

Antioche fut toujours nommée dans l'Antiquité la capitale de la Syrie. Parmi les événements qui l'agitèrent, avant que la Syrie fût devenue province romaine, le plus grave fut une révolte contre Démétrius Il Nicator, en l'an 155 av. J.-C. et que nous trouvons relatée dans le livre des Macchabées (I, XI, 48) : le roi et son ministre Lasthènes font appel contre la population soulevée à un corps de 3 000 Hébreux qui massacrent 100 000 Syriens et ne quittent Antioche qu'après l'avoir pillée et brûlée. En 83, la ville fut prise par Tigrane, roi d'Arménie, qui lui imposa Mégadate comme gouverneur. Mais en 64, Pompée conquiert la Syrie et accorde à Antioche le titre de cité autonome, honorant ainsi, dit-il, dans ses habitants des descendants des Athéniens. En 47, Jules César visita Antioche au retour de son expédition contre Pharnace, laissa à la ville toutes ses libertés et fit même, comme nous l'avons vu, construire quelques monuments publics. Antioche réussit encore à se faire apprécier d'Auguste en épousant sa cause avec enthousiasme; elle poussa même la flatterie jusqu'à faire commencer son ère à la bataille d'Actium. C'est à Antioche que mourut, en l'an 12 ap. J.-C. Germanicus dont le corps fut brûlé dans le forum de cette ville. En 67, les Juifs furent attaqués dans Antioche et un certain nombre mis à mort, mais Titus, après avoir pris et détruit Jérusalem, refusa d'enlever aux Juifs d'Antioche le droit de cité et de briser les tables d'airain qui contenaient, par écrit, les garanties de leur sûreté personnelle. En 194, Antioche ayant pris parti contre Septime Sévère fut privée de ses droits et placée sous la dépendance de Laodicée jusqu'à l'an 201, où le jeune Caracalla implora et obtint sa grâce. En 250, Sapor apparut brusquement aux portes de la ville et surprit les habitants qui assistaient à une représentation théâtrale. On raconte que l'acteur en scène s'écria tout à coup : 

« Je rêve ou je vois les Perses. » 
Antioche fut pillée, puis brûlée en partie; l'empereur Valérien, accouru à son secours, surveilla les travaux de reconstruction. Sous Dioclétien, un officier nommé Eugène se fit proclamer empereur dans cette ville ouverte et sans défense; bien que le peuple eût massacré lui-même ce César improvisé et sa faible troupe, Dioclétien livra au bourreau les décurions d'Antioche et de Séleucie (au nombre des victimes fut l'aïeul de Libanius). Sous Théodose une sédition terrible éclata, à l'annonce de nouveaux impôts : les statues de Théodose, d'Arcadius et d'Honorius furent renversées et brisées; Théodose enleva à la ville tous ses droits et privilèges et de nombreux habitants furent mis à mort. Théodose enfin pardonna (387). Nouvelle sédition en 407; des Juifs sont massacrés à l'instigation de Calliopus, cocher toujours vainqueur au cirque dans les courses de chars. Comme à Constantinople, les deux factions du cirque en venaient sans cesse aux mains; en 520, Justin, oncle de Justinien, interdit les courses pendant plusieurs mois, défendit de célébrer les jeux olympiques que Commode avait institués à Daphné et supprima la charge des deux magistrats qui présidaient à ces jeux, les Alytarques. 

En 526 et 528, terribles tremblements de terre; pour détourner la colère divine on changea le nom d'Antioche en celui de Theopolis, ville de Dieu. Dix ans plus tard la ville est prise, mise à sac et incendiée par les troupes du roi de PerseChosroès; il n'y eut d'épargnés que le quartier nommé Cerataeum et la principale église, dépouillée cependant de ses marbres précieux et de ses richesses. Grâce à la générosité de Justinien la ville se rebâtit et redevint presque aussi belle qu'avant ses derniers désastres, mais le tremblement de terre de 588 fait un monceau de ruines de tous ces édifices. Tels sont les principaux événements qui se rapportent à cette illustre cité jusqu'à l'occupation arabe.

C'est à Antioche, dans la nombreuse colonie juive, que le christianisme naissant fit ses premières conquêtes (Actes, XI, 49, 22, 26) ; les Grecs, eux aussi, vinrent à cette jeune Église, ardente, et à, l'époque, novatrice. Antioche fut la ville de saint Paul. Ses évêques furent élevés à la dignité de patriarche et eurent le droit de s'asseoir à côté des évêques d'Alexandrie, de Rome et de Constantinople. C'est à Antioche que fut fondée la première église des Gentils; c'est là que les fidèles de Jésus furent pour la première fois appelés chrétiens (Actes. XI, 26). Plusieurs conciles où synodes furent tenus dans cette ville un premier contre les novatiens en 252; deux autres, en 264 et en 270, contre Paul de Samosate, évêque de cette ville, qui fut enfin déposé; en 330 contre Eustathius, en 341 en faveur de l'arianisme (ce concile se prolonge jusqu'en 344 au 345), en 358 en faveur des Anoméens, en 361 et en 363 au sujet de l'arianisme; en 378 contre les Eustathiens et les Méléciens; en 383 contre les Messaliens; en 431 et 432 contre les partisans de saint Cyrille d'Alexandrie; en 436 contre Diodore de Tarse, en 448 contre Ibas d'Edesse, en 475 contre Pierre de Foulon, usurpateur du siège patriarcal d'Antioche. En 482, eut lien le dernier synode assemblé dans cette ville, avant qu'elle passât au pouvoir des Sarrasins. En 1142, dans Antioche redevenue ville chrétienne (Les Croisades) se tint un dernier concile présidé par Albéric de Beauvoisis, légat du pape, pour déposer le patriarche Rodolphe, surnommé Mamistan, un Français du diocèse du Mans lequel fut mis dans un monastère
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L'École d'Antioche

Antioche, enfin, donna son nom à une école importante et originale d'exégèse et de théologie, dont les principaux docteurs furent le martyr Lucien, Flavien évêque d'Antioche, Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste, Jean Chrysostome et Nestorius.

Il n'est pas démontré, quoi qu'on en ait dit, que cette école religieuse ait été analogue à celle d'Alexandrie. Ce qu'on désigne sous ce nom correspond, non à une institution ecclésiastique, mais à une certaine tendance une "école de pensée"), commune à quelques théologiens de Syrie, et dont les représentants les plus notables et les plus hardis auraient été Diodore de Tarse, mort en 394, et Théodore de Mopsueste, mort en 428, suivis de loin par Jean Chrysostome (347-407) et par Théodoret (386-457). De Diodore de Tarse on ne connaît que quelques fragments; de Théodore de Mopsueste, à qui on a prêté jusqu'à mille ouvrages, il ne reste que deux écrits entiers et de rares fragments : ce qui ouvre un vaste champ aux hypothèses. Cette école, qu'un historien a appelé École Syrienne historico-exégétique, aurait eu pour caractères propres :

1°  de préférer le texte de la Bible aux spéculations théologiques; 

2° d'écarter de son interprétation le système des allégories, pour adopter le sens naturellement indiqué par la grammaire et l'histoire; 

3° d'attribuer à la nature humaine une part réelle dans la personne du Christ. (E.-H. V.).

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Dans la hiérarchie des églises chrétiennes, au concile de Nicée (321), Antioche occupa le troisième rang après Rome et Alexandrie; en 381, elle dut céder le pas à Constantinople et en 481 le concile de Chalcédoine confirma cet ordre, malgré l'opposition des évêques de Rome et d'Alexandrie. Quant à la juridiction ecclésiastique de la capitale de la Syrie elle s'étendit, au temps des apôtres, sur la Phénicie et la Cilicie, pour embrasser plus tard 13 provinces, les deux Syries, la Théodoriade, les deux Cilicies, l'Isaurie, la Commagène, l'Osrhoène, la Mésopotamie, la Phénicie première et la Phénicie du Liban, l'Arabie pétrée (Pétra) que Justinien réunit bientôt à l'église de Jérusalem et l'île de Chyprequi devint indépendante, au concile d'Éphèse (431).

Sous le règne d'Héraclius (635), Antioche tomba aux mains des musulmans; ce n'était plus qu'une grande cité à l'agonie, naguère métropole d'un royaume détruit, passionnée pour le luxe et les plaisirs, indifférente aux conquêtes belliqueuses. Dès qu'elle vit les soldats chargés de la défendre vaincus en rase campagne, elle ne songea même pas à résister, et ne tint qu'à se racheter du pillage, moyennant 300 000 pièces d'or. Sous cette dynastie musulmane des Omeyyades, Antioche ne cessa de se dépeupler; c'est en 969 seulement, sous l'empereur Nicéphore Phocas, qu'elle fut assiégée pas Zimiscès et emportée d'assaut. En 1084, les Comnène perdent leur conquête dans leur guerre contre les Seldjoukides et la ville n'est arrachée aux Musulmans que par les Croisés en 1098. Dans Antioche, à l'approche des chrétiens, s'étaient enfermés la plupart des musulmans des villes et des provinces voisines avec leurs familles et leurs trésors, puis Baghisiam en Accien, émir turcoman, avec 7000 cavaliers et 20000 fantassins. Le siège dura neuf mois, d'octobre 1097 à juin 1098 : pendant l'hiver les croisés furent en proie à la misère la plus horrible, pas de pain, pas d'abri, pas de vêtements, et partout la débauche la plus effrénée.

Le légat du pape, Adhémar de Monteil, évêque du Puy, parvint à réprimer tant de vices hideux, fit marquer au fer rouge les joueurs et les blasphémateurs, condamna à de terribles supplices les adultères et fit enfermer toutes les femmes dans un camp séparé; pour les espions, Bohémond, prince de Tarente, décida qu'ils seraient coupés en morceaux et rôtis pour servir à la nourriture de ses soldats affamés. Bientôt le froid cessa, les épidémies disparurent, les vivres arrivèrent de Chypre, de Chio, de Rhodes (Les Îles grecques au Moyen âge) et enfin apparut, guéri de ses blessures, Godefroy de Bouillon. Néanmoins, le siège menaçait de durer longtemps encore, quand la trahison vint en aide aux croisés : le fils d'un fabricant de cuirasses, nommé Phirous, promit d'introduire les assiégeants dans la ville en leur livrant les trois tours qu'il commandait. Ainsi, la ville fut prise sans combat; dans une seule nuit, plus de 10 000 habitants. furent massacrés.


Antioche à l'époque ottomane.

A peine prise, Antioche dut être défendue par ses nouveaux possesseurs contre les armées de Kerboga; le 29 juin, fête de saint Pierre et de saint Paul, l'armée des croisés se rangea en dehors des murailles, divisée en douze corps qui rappelaient les douze apôtres; les musulmans cherchèrent aussitôt à envelopper l'armée chrétienne, à la broyer entre deux meules, selon l'expression d'une vieille chronique du temps; Bohémond allait être écrasé, quand Godefroy, Tancrède, volèrent à son secours et mirent en déroute les musulmans qui, selon quelques historiens  perdirent 100 000 hommes sur le champ de bataille. Antioche devint alors la capitale d'une principauté qui fut donnée à Bohémond et s'étendait, au Nord, depuis Tarse jusqu'à l'embouchure du Cydnus, et au Sud avait pour limite la rivière qui coule entre Tripoli et Tortose.

A Bohémond succédèrent : Bohémond II, son fils qui, n'ayant que quatre ans à la mort de son père, fut placé sous la tutelle de sa mère Constance et, en 1126, réclama la succession de son père à Baudouin II, roi de Jérusalem, qui s'était emparé d'Antioche; Raymond II, qui dut prêter serment de fidélité à l'empereur de Constantinople et mourut en 1452; Renaud de Châtillon qui fut pris en 1160 par le gouverneur d'Alep, resta seize ans captif et fut tué par Saladin en 1183. Bohémond III, fils de Raymond, mort en 1201; son fils Bohémond IV le Borgne, mort en 1232; Bohémond V, fils du précédent, mort en 1251, laissant le trône à son fils Bohémond VI, qui se vit enlever Antioche en 1268 par le sultan d'Égypte-Bibars : une foule de prisonniers furent mis à mort, d'autres furent emmenés au loin par les vainqueurs : ce fut la ruine définitive d'Antioche; les édifices épargnés par le tremblement de terre de juin 1170 furent renversés par la soldatesque. La ville tomba définitivement dans le déclin. En 1920, après le démantèlement de l'empire ottoman, l'administration d'Antioche, rattachée au Sanjak d'Alexandrette, fut confiée par la SDN à la France. En 1932, la petite province fut rattachée à la Turquie.

Au milieu du XIXe siècle, l'enceinte d'Antioche était encore presque intacte; Poujoulat, dans sa Correspondance d'Orient, nous décrit en détail les fortifications du Sud 

"qui n'ont pas plus souffert que les montagnes qui leur servent de base."
Cette longue suite presque ininterrompue de murailles qui rejoignent le fleuve après avoir décrit un grand cercle enferment quatre mamelons de montagnes bien plus hautes que l'enceinte, et se ponctuent de tours distantes de 30 à 40 pas, rondes ou carrées, de quatre à cinq étages. Selon l'auteur arabe Yaféi, il y eut jusqu'à 24 000 créneaux, aujourd'hui disparus. Sur 130 tours, Poujoulat en retrouva 52 en assez bon état; mais depuis lors, le pays fut occupé par Ibrahim Pacha et les troupes égyptiennes qui, des restes de la ville, construisirent d'immenses casernes, en dehors de l'antique enceinte. Les murailles qui bordaient l'Oronte ont aujourd'hui en grande partie disparu; les quelques tours encore debout ont été transformées en maisons particulières. La porte du pont est encore intacte, ainsi que le pont qui date de l'époque romaine. A l'Ouest est la porte Saint-Georges, l'une des cinq principales entrées de la ville, selon Guillaume de Tyr ; les bases des deux tours qui la flanquaient sont bien conservées. A l'Est, s'élève la porte Saint-Paul, près de laquelle on place le quartier chrétien primitif; mais en 1872, le tremblement de terre l'a bien ébranlée et l'a détruite en partie. Quant au château, élevé sur l'ancien mont Silpius, il est flanqué de tourelles massives dans toute leur hauteur. En dehors de l'enceinte et du château, si l'on cherche quelques traces de la topographie antique, on questionne en vain le sol, presque vide de ruines. La ville moderne borde l'Oronte, et occupe à peine le sixième de l'emplacement de l'antique cité; c'est un amas de maisons basses et pauvres, de rues tortueuses; on y trouve quelques mosquées en pierre et un petit bazar. Elle n'attire plus la curiosité que par son musée, riche de nombreuses mosaïques anciennes. (Max. Petit).
Murailles d'Antioche.
Enceinte d'Antioche au temps des Croisades.
Antioche. - Outre la grande Antioche (Antioche-sur-Oronte), dont nous venons de parler, un certain nombre de villes ont porté ce nom dans l'Antiquité; voici les plus importantes :
Antioche de Pisidie. - Sur le côté Sud des montagnes qui séparent la Phrygie de la Pisidie. C'est aujourd'hui Yalobatch. On y voit un certain nombre de ruines antiques des murailles, un aqueduc, un temple de Dionysos, un petit théâtre. Cette ville, selon Strabon, fut fondée par des citoyens de Magnésie, sur le Méandre. Pline nous dit que, sous la domination romaine, elle fut nommée Antiochea Caesarea; c'était la capitale de la province romaine de Pisidie. Les Actes des Apôtres nous apprennent que Paul et Barnabé se rendirent deux fois à Antioche, mais qu'à leur première visite ils en furent chassés par les Juifs fort nombreux dans cette ville.

Antioche sur le Méandre. - Ancienne ville d'Asie, dans la Carie, sur les frontières de la Phrygie. Elle fut le siège d'un évêché. Diotrephes, le célèbre sophiste, y naquit.

Antioche de Cilicie. - Ville maritime d'Asie, auprès du mont Cragus, selon Ptolémée; au bord du Pyrame, selon Etienne de Byzance.

Antioche de Margiane.  - Sur le Margus, On croit que c'est aujourd'hui la ville de Mery. Elle fut fondée par Alexandre le Grand, puis détruite, et rebâtie par Antiochus Ier Soter, qui lui donna son nom. (Mx. P.).

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Dictionnaire Villes et monuments
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