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D'Osman à Bayézid II |
Les Turcs Ottomans ou Osmanlis sont une branche apparentée aux Turkmènes de la puissante famille turque. C'était une tribu établie dans le Taurus depuis 1231, dont le nom dérive d'un de leurs chefs ou émirs, Othman ou Osman, fils de Togroul, et dit le Briseur d'os, qui, lors du démembrement de l'empire seldjoukide de Roum, s'établit vers 1299 à Karahissar (Apamée), en Phrygie, et, après s'être rendu indépendant prit le premier titre de sultan, à la place de celui d'émir : il s'agrandit aux dépens des principautés seldjoukides. Ses deux successeurs étendirent beaucoup l'empire : Orkhan conquit le reste de l'Asie Mineure et mit le pied en Europe (1355); Mourad Ier prit Andrinople (1360) , et soumit la Macédoine, l'Albanie, la Serbie; Bayézîd Ier conquit la Bulgarie après la sanglante victoire de Nicopolis (1396), et menaça Constantinople : c'en était fait dès lors de l'empire grec sans l'invasion de Tamerlan et la défaite de Bayézid à Ancyre (1402). L'empire ottoman sembla alors s'écrouler. Mais Mehmet (Mehemet) Ier rétablit les affaires des Turcs, et Mourad II, qui lui succéda, recommença les conquêtes et les progrès. Il lutta contre Hunyade et Scander-Beg, deux adversaires dignes de lui. La bataille de Varna (1444), où la chrétienté fut défaite, lui ouvrit le chemin de Constantinople, dernière enclave, au coeur de l'espace ottoman, et dont la prise n'était plus désormais qu'une question de temps. L'entreprise ne sera menée à terme, cependant, que Méhémet II qui prit Constantinople en 1453 , et par cette importante conquête anéantit l'empire grec. Ce conquérant soumit ensuite rapidement le reste de la péninsule grecque, ainsi que la Karamanie (qui est ce qu'il reste du sultanat de Roum, autour de Konya, en Asie Mineure), l'empire de Trébizonde (1461), la Bosnie, la Valachie (1462), la Crimée, et ses flottes, ainsi que celles de son successeur, Bayézid II, attaqueront même l'Italie. Dates clés : 1299 - Fondation de l'Empire Ottoman. | ||||
Fondation et empire Ertogrul et Osman. La chute progressive des Seldjoukides de Roum, amenée pendant la durée du XIIIe siècle par les exactions des Mongols, relâcha les liens de vassalité qui leur rattachaient les divers petits États qui se formaient lentement sur les territoires qu'ils avaient possédés. Ertoghrul, secondé par son fils Osman (Othman), né à Soukout en Bithynie, en 1239, accrurent peu à peu, au moyen de villes et de châteaux forts qu'ils enlevaient aux Grecs, le territoire primitivement concédé à l'établissement des Kaï. Le premier mourut en 1288; peu de jours avant sa mort, Osman s'était emparé de Karadja-Hissar (Karahissar), succès qui lui valut, de la part du sultan Ala-ed-din III, le titre de prince avec ses insignes caractéristiques, un drapeau, une timbale et une queue de cheval (tough); cette investiture prélude à la proclamation d'indépendance des Osmanlis dix ans plus tard, qui sera aussi la date de la fondation de l'Empire ottoman (1289). Orkhan. Les janissaires formeront en Turquie une milice analogue à celle des prétoriens de Rome ou des strélitz moscovites. Véritable armée permanente dont la création précéda de cent quinze ans le premier essai de ce genre qui fut fait dans, les États européens, elle dura cinq siècles, de 1334 à 1826. Son histoire est intimement liée à celle de l'empire Ottoman; après avoir été la terreur de l'ennemi du dehors et avoir conduit l'empire ottoman à l'apogée de sa puissance, ce corps d'élite, devenu une non-valeur militaire et la pierre d'achoppement de toutes les réformes, finit par être la terreur des sultans eux-mêmes et une perpétuelle menace de ruine pour le pays.C'est à la création de cette troupe qu'il faut attribuer les conquêtes rapides qu'à partir de ce moment les Ottomans vont faire en Europe et en Asie. La cavalerie feudataire et soldée, et surtout les akyndjis, cavaliers irréguliers sans solde ni fief, qui poussaient des raids à grande distance et dévastaient le pays, éclairaient la marche de cette infanterie et lui facilitaient le gain des batailles rangées et la prise des places fortes. Orkhan fit la paix avec l'empereur grec (1333), épousa une princesse grecque, fille de Cantacuzène (1347); néanmoins des expéditions turques ravageaient constamment les côtes européennes de la Méditerranée et de la Propontide, lorsque Suleïman Pacha, fils d'Orkhan, en s'emparant en 1357 définitivement de Gallipoli (auj. Gelibolu, détroit des Dardanelles), donna aux Ottomans une base d'opérations contre la péninsule des Balkans. Orkhan, qui, mourut en 1360, eut un règne encore remarquable en ceci qu'il donna une importance considérable aux ordres religieux de derviches, notamment en faisant entrer les janissaires dans celui d'Hadji-Bektach. En cela il imitait les Seldjoukides de Konya, protecteurs des derviches tourneurs venus de Perse (Iran). Mourad Ier. Ville par ville, la Roumélie tout entière, jusqu'aux Balkans, tombait au pouvoir de Mourad. Il fit réorganiser l'armée par son général, Timour-tach, instituant les fiefs militaires des Spahi (timar et ziarnet), et ajoutant à l'organisation des troupes une sorte de train des équipages formé de soldats chrétiens nommés woïnaks. Timour-tach commanda également les conquêtes de la Macédoine et de l'Albanie. Monastir, Pirlépé et Istip, tombèrent chacune à son tour, tandis que Sofia se rendait, après un long siège, à Indjé-Balaban. Les possessions ottomanes s'agrandissaient également en Asie Mineure, soit par le mariage de Bayézid, fils de Mourad, avec la fille du prince de Kermian qui régnait à Kutahia, soit par une guerre heureuse contre le prince de Karamanie. Enfin, par la défaite d'Ali Bey de Konya, Mourad devint maître effectif de l'Asie Mineure entière (1386). Il se retourna alors contre Lazare de Serbie et Sisman, kral des Bulgares, son propre beau-père, qui avaient détruit une de ses armées. Sisman assiégé dans Nicopoli se soumit, céda Silistrie; une nouvelle révolte eut pour résultat l'annexion de ses États. Le kral de Serbie, appuyé par les Bosniaques, Albanais et Valaques, fut vaincu dans la terrible bataille de Kossovo, le 15 juin 1389, qui mit fin à l'empire serbe; mais Mourad, vainqueur, fut poignardé par un des blessés, Miloch Obilitch. On l'ensevelit à Brousse (Bursa). Son successeur sera Bayézid Ier. Bayézid Ier. Après d'autres succès en Grèce et en Asie Mineure, Bayezîd, qui envisage désormais le siège de Constantinople, se repose dans sa résidence favorite de Brousse quand il apprend l'invasion du terrible Timour. Le sultan marcha au-devant de son ennemi, désireux de venger la mort de son fils Ertogroul; la rencontre eut lieu dans les environs d'Angora (auj. Ankara, ex. Ancyre). Bayezîd, abandonné par les auxiliaires d'Asie Mineure, qui retrouvaient leurs princes réfugiés auprès du conquérant tatar, voit massacrer sous ses yeux ses braves janissaires et doit se résigner à fuir, mais il est reconnu, arrêté (20 juillet 1402) et livré à Timour. Après huit mois d'une captivité aussi adoucie que possible, Bayezîd meurt de honte et de chagrin et sera enterré à Brousse dans la mosquée de Tchekirguèh. Les enfants de Bayézid. Suleïman eut d'abord l'avantage. Il passa en Asie, s'empara de Brousse (Bursa), de Pergame et d'Ephèse, avant d'être ramené en Europe par l'entente intervenue entre Mehmet et son autre frère Moussa, un temps prisonnier de Timour. Il battit les troupes de Moussa sous les murs de Constantinople et fut reconnu pour la seconde fois comme sultan (1406). Il envahit la Carniole (1408) et conclut avec Venise un traité, le premier en date marquant le commencement des relations diplomatiques des deux États, par lequel la république s'engageait à lui payer un tribut annuel de 1600 ducats pour les possessions qu'elle avait en Albanie (1409). Suleïman ravagea ensuite la Bosnie, mais, surpris dans Andrinople par une incursion subite de Mousa, il vit ses troupes l'abandonner à cause de sa mollesse et de son peu d'énergie, et fut tué pendant qu'il fuyait, à la suite d'une altercation (1410). Le principal titre de gloire de Suleïman restera l'encouragement qu'il accorda aux poètes Suleïman-Tchélébi, Ahmed-Daï, ainsi qu'au médecin Hadji-pacha d'Aldin. Moussa, resté seul maître des possessions européennes, défit Sigismond, et mit le siège devant Constantinople; mais, la fortune l'abandonna tout à coup, et, dans une bataille livrée à son compétiteur Mehmet, il est trahi, blessé, puis étranglé par l'ordre de son frère, qui reste seul maître de l'Empire (1413). Mehmet (Mohammed) Ier (né en 1375), qui avait vaincu avec l'aide des Grecs, leur restitua tout ce qui leur avait été enlevé. Surtout, il s'occupa immédiatement de réorganiser l'empire que les victoires de Timour avaient ébranlé jusque dans ses fondements et eut tout d'abord à lutter contre des révoltés qui profitaient des embarras du sultan pour se déclarer indépendants. Il battit Kava-Djouneid qui s'était emparé d'Ephèse, Smyrne et Pergame, puis lui pardonna; il vainquit ensuite le prince de Karamanie qui avait mis le siège devant Brousse (1415). Il fut moins heureux en Europe, sa flotte fut détruite à Gallipoli (1416) par les Vénitiens, avec qui il conclut un nouveau traité, et ses armées battues eu Hongrie par Sigismond (1416-19). A la même époque, Bedr-eddin, qui avait été kazi-asker de Mousa, à la tête de derviches fanatisés, se révolta contre Mehmet. Cette insurrection communiste faillit mettre en péril l'existence même de l'islam. Bedreddin prêchait l'égalité des biens et des doctrines tout à fait opposées à celles du Coran. Il réunit de nombreux adhérents et par deux fois battit les armées envoyées contre lui. Finalement, le grand vizir Bayezid-Pacha noya dans le sang à Kara-Bornou cette insurrection dont les chefs furent mis à mort (1416-17). Un nouveau danger ne tarda pas à mettre en péril le pouvoir du sultan. Son frère Mustapha était disparu dans la déroute qui avait suivi la bataille d'Angora gagnés par Timour sur Bayezîd en 1402. Tout à coup Mustapha ou, suivant d'autres; un imposteur vint réclamer le trône. Il fut battu à Salonique, et grâce à l'intervention de l'empereur grec Manuel, Mehmet fit grâce aux révoltés et servit une pension à son frère (1419). En 1421, Mehmet fut frappé d'une attaque d'apoplexie à Andrinople. Sa mort fut cachée durant quarante et un jours pendant lesquels son fils Mourad (Amurat) put arriver à Brousse. Mourad II. Un autre prétendant du nom de Mustapha, frère de Mourad, s'empara de Nicée, mais succomba bientôt. Le prince de Sinope et Kastamouni furent aussi soumis, et l'empereur grec Jean, successeur de Manuel, céda une partie des villes du Strymon et du littoral de la mer Noire. En 1430, Mourad enleva Salonique aux Vénitiens, qui la détenaient depuis que la ville s'était révoltée contre Andronic Paléologue. Assiégée par Hamza, lieutenant de Mourad, Salonique fut prise d'assaut et dévastée, et réunie définitivement à l'Empire. Il occupa ensuite Janina (1431), ravagea la Hongrie, occupa la Serbie, humilia Drakul, voïvode de Valachie, prit Semendria, mais il échoua devant Belgrade. Son lieutenant Mezid Bey fut battu devant Hermonnstadt par Hunyade (1441), qui détruisit ensuite l'armée de Chehab-Uddin à la bataille du Vasag (1442) et, dans sa célèbre campagne de 1443, vainquit Mourad II à Nissa (3 novembre), le rejeta au Sud des Balkans. La trêve de Szegedin (12 juillet 1444) fit perdre au sultan ses conquêtes. Affligé par la mort de son fils Ala-ed-din, Mourad abdiqua et se retira à Magnésie. Mais les Hongrois rompirent alors la trêve de dix ans à l'instigation du légat du pape, profitant du jeune âge de son successeur Mehmet II, qui n'avait que quatorze ans. Ils envahissent la Bulgarie avec l'aide des Valaques et vont camper près de Varna.Rappelé par ses ministres, Mourad sort de son exil volontaire et reparaît à la tête de l'armée pour remporter sur les alliés une éclatante victoire où périt le roi de Hongrie, Wladislas (10 novembre 1444). Il retourna à Magnésie, fut rappelé encore une fois par une révolte des janissaires que sa seule présence suffit à faire rentrer dans l'ordre et reprit le pouvoir. Il soumit alors la Morée (1446) et marcha en Albanie contre contre Georges Castriota, appelé communément Scander-Beg. Ce dernier soulève l'Epire et s'empare de Croïa, qu'il défendit ensuite avec vigueur. Les Ottomans seront ainsi repoussés deux ans de suite. Enfin, il défit Hunyade, qui avait imprudemment perdu lors de la bataile des trois jours à Kosovo (18-20 octobre 1448). Un derviche, qu'il avait rencontré aux environs d'Andrinople et qui lui avait prédit sa mort prochaine, avait fait une telle impression sur l'esprit du sultan qu'atteint de langueur, il mourut au bout de trois jours (5 février 1451). La prise de Constantinople Dès le début de son règne, Méhémet II (Mehmet, Mohammed ou Mahomet II) (1451-84) résolut de mettre le siège devant Constantinople, ville dont la prise avait été promise aux musulmans par le Coran et considérée longtemps parmi eux comme un des signes précurseurs du Jugement dernier; l'entreprise que les Arabes avaient tentée, que les Seldjoukides avaient rêvée, que les premiers sultans ottomans avaient été sur le point de réussir, il était donné à Mehmet Il de la réaliser. La prise de Constantinople par les Turcs représentera un jalon important dans l'histoire ottomane, mais elle le sera peut-être encore davantage pour les Chrétiens, chez qui elle causa un immense traumatisme. Au point que beaucoup plus tard, les historiens du XIXe siècle en feront fréquemment la limite de l'histoire du Moyen âge et de l'histoire moderne de l'Europe. Les détails de ce grand événement nous sont bien connus. Les préparatifs. L'empereur Constantin XI Paléologue prépara de son mieux la résistance, fit entrer dans la ville de grands approvisionnements, y accueillit une foule de fugitifs, employa l'hiver de 1452-1453à restaurer et mettre en état les fortifications. En même temps il offrait les quelques cités qui lui restaient avec les titres de ducs au margrave Jean de Carretto, à Hunyade, au roi Alphonse de Naples; Venise absorbée par la guerre que lui faisait Sforza, Gênes même ne pouvaient envoyer grand secours. Le pape Nicolas Ier et les Latins subordonnaient leur concours à la question de l'union des Grecs et de l'Eglise romaine. L'empereur aux abois cédait et en novembre 1452 le cardinal Isidore, évêque de Sabino, légat du pape, arriva à Constantinople; le 12 décembre, il célébra la messe à Sainte-Sophie en présence de la cour, du Sénat et du haut clergé, selon les rites de l'Eglise catholique romaine. Mais le peuple fanatisé par les moines s'écriait qu'il préférait vivre sous le turban que sous la tiare papale. Le secours promis par le pape arriva trop tard. Constantin XI ne pouvait donc compter que sur ses troupes et sur les colonies latines de Constantinople; la colonie vénitienne avec son baile Girolamo Minotto retint et mit à sa disposition cinq grands navires; les Génois de Péra (auj. Beyoglu) s'armèrent aussi; la colonie génoise de Chios envoya sept cents hommes et deux navires sous le vaillant JeanGuillaume Longo Giustiniani assisté de l'ingénieur J. Grant. En revanche, une fraction des gens de Péra s'entendaient avec les Turcs. Au commencement de l'année 1453, l'empereur Constantin XI disposait d'environ neuf mille hommes dont trois mille Latins, et de vingt six navires dont dix grecs; avec ces forces si minimes il fallait défendre 20 km remparts. De son côté Méhémet II avait rassemblé ses troupes à Andrinople. L'ingénieur valaque Orban lui avait fondu des canons dont l'un pesait trois cents quintaux et lançait des boulets de pierre de douze quintaux. Les petites places des environs de Constantinople s'étaient rendues sans coup férir à Karadja-bey. A la fin du mois de mars les avant-postes des Turcs parurent devant Constantinople; le 5 avril 1453, Mehmet II arriva; il amenait cent soixante-cinq mille hommes dont quinze mille janissaires et plus de quatre-vingt mille hommes de troupes regulières; son artillerie comprenait trois canons monstres et quatorze batteries de bouches à feu; une foule de derviches, de mollahs, d'imams accompagnait l'armée, excitant le courage des soldats. Le siège. Derrière se rangèrent neuf grands navires; l'artillerie et le feu grégeois des remparts rendaient presque inexpugnable la défense du port. L'empereur prit position au centre du mur de terre à la porte de Saint-Romain, en face du sultan avec trois mille soldats dont cinq cents Génois et le vaillant Giustiniani. Au Nord, la porte de Charsias, où passe le Lycus, était défendue par le tout aussi courageux Théodore de Carustus (catholique); la porte d'Andrinople (Edirné Kapousi) par les trois frères Brochiardi; la région de l'Hebdomon par le baile vénitien Girolamo Minotto et ses compatriotes; les Blachernes par le cardinal Isidore avec les Romains et les Chiotes. Du côté du Sud de la porte Saint-Romain au château du Cyclobium ou de l'Heptapyrgion, les murs et les portes étaient gardées par le Vénitien Dolfin (porte de Selymbria), le Grec catholique Théophile Paléologue, le Génois Maurizio Cattaneo, le Vénitien Fabruzi Cornaro, enfin le Vénitien Caterino Contarini (de la porte Dorée au Cyclobium). La muraille maritime de la mer de Marmara était gardée par des moines armés et les Vénitiens de Jacques Gontarini. Au château de Boucoléon était une troupe de Catalans sous les ordres de son consul Pedro Juliano; à la pointe du Bosphore, le prince turc Orchan (petit-fils du sultan Soliman d'Andrinople à propos duquel avait eu lieu la rupture entre Méhémet II et Constantin XI) et son entourage. Les murailles de la Corne d'Or étaient surveillées par des marins crétois, le grand-duc Lucas Notaras, Grec orthodoxe, à la tête de cent cavaliers et cinq cents arbalétriers, et deux capitaines génois; le phare à l'entrée du pont était gardé par les cinquante Vénitiens de Gabriele Trevisano. Au centre de la ville, dans l'église des Saints-Apôtres, était postée une réserve de sept cents hommes (en partie des moines armés) sous Démétrios Cantacuzène et Nicéphore Paléologue. Pendant ce temps, dans dans la ville même les fanatiques adversaires de l'union entretenaient la discorde et la méfiance contre les Hénotiques (unionistes). Assaut de Constantinople. L'assaut. A deux heures du matin le signal de l'attaque fut donné; dans la ville le tocsin sonnait et les femmes priaient dans les églises. Le premier assaut fut repoussé. Le second, dirigé par les irréguliers contre la porte Saint-Romain où se tenait l'empereur, fut également repoussé tandis que les soldats de la flotte ne pouvaient rien gagner contre les murailles maritimes. Méhémet II fit alors donner les janissaires et soixante-dix mille Turcs se précipitèrent sur tout le front de défense. Giustiniani, blessé par un trait, n'eut pas l'énergie de rester sur le rempart et courut à son vaisseau se faire panser. Ses soldats furent ébranlés et Saganospacha redoublant d'efforts, une bande de janissaires réussit à s'établir sur le rempart. A ce moment une troupe turque s'aperçut qu'on avait oublié de refermer la poterne de Xylokerkos (ou Kerkoposta) au Sud de l'Hebdomon, ouverte le 27 mai pour une sortie. Elle s'en empara et cette nouvelle colonne, gagnant le long des remparts, prit à revers l'empereur; une large brèche ouverte entre les portes Saint-Romain et de Charsias donna accès à la foule sans cesse croissante des assaillants. Constantinople était prise. L'empereur se jeta au plus fort de la mêlée et périt en brave. Une partie de la garnison se réfugia sur les vaisseaux; Giustiniani alla mourir à Chios; le prince Orchan fut tué; Diedo réussit à s'embarquer de même; le cardinal Isidore, déguisé en esclave, des milliers de personnes de tout âge et de tout sexe se réfugièrent à Sainte-Sophie, confiants dans la prophétie qui promettait l'apparition du Christ au moment suprême. Ils y furent égorgés ou réduits en esclavage; soixante mille habitants étaient prisonniers avec les chefs de l'aristocratie, le protovestiaire Phrantzès et Lucas Notaras. Le pillage et les scènes de viol et de meurtre se prolongèrent jusqu'à l'intervention de Mehemet. Le vin de la victoire. II est vrai que le surlendemain l'empereur irrité pendant l'orgie qui célébrait sa victoire fit tuer Notaras et beaucoup des principaux chefs chrétiens, le consul catalan Juliano Minotto le Vénitien, des nobles grecs. Les garçons et les filles furent réservés pour les plaisirs du vainqueur. Dès le 29 mai 1453, les Génois de Galata avaient remis leurs clefs au sultan; ils durent raser leurs murailles, mais conservèrent leurs principaux privilèges. Dès le quatrième jour l'ordre était rétabli dans Constantinople et le sultan organisait le gouvernement de la ville et du pays grec en le confiant au patriarche et au clergé orthodoxe. Il semblait que le souverain seul eût changé et qu'on s'efforçât d'atténuer l'apparence de la révolution qui venait de se produire. Après avoir installé le patriarche Gennadios à la tête des chrétiens qui survivaient au désastre, et avoir fait venir d'Asie Mineure des colons pour repeupler la ville devenue presque déserte, non à la suite du siège, mais par la lente et misérable agonie de l'Empire grec, Mehmet se vengea du premier ministre Khalil Pacha, soupçonné de s'être laissé gagner par les présents de l'ennemi, et auquel il ne pouvait pardonner d'avoir fait revenir deux fois de Magnésie son père Mourad, en le faisant mettre à mort puis il tenta vainement de s'emparer de Belgrade, défendue par Hunyade (1455), annexa la Serbie (1459), fit la paix avec Scander-Beg (1461), enleva Erzeroum à Hassan le Long, de la dynastie des Turkmènes du Mouton-Blanc, et Trébizonde à l'empereur David Comnène (1461); il vainquit le féroce voïvode de Valachie, Wlad, que les Turcs surnommaient « l'Empaleur », et ses propres sujets Drakul « le Diable » (dont s'emparera la légende de Dracula...), et installa à sa place son frère Radul; il enleva à la famille génoise des Gatelusio l'île de Mételin (1462), conquit la Bosnie (1463) et fit mettre à mort, malgré la capitulation de Kliues, le roi de ce pays, ce qui n'empêcha pas Mathias Corvin d'envahir la contrée et d'en attaquer les forteresses ; en même temps, la guerre éclatait avec Venise qui se vit enlever ses possessions de la Morée, tandis que la mort d'Ibrahim, dernier prince de Karamanie, fournissait à Mehmet l'occasion de mettre la main sur les territoires de Konya et de Laranda (1466). Les incursions de Hassan le Long en Asie Mineure obligèrent le sultan à marcher en personne contre lui, et il ne tarda pas à battre le chef des Turkmènes à Otlouk-Béli. En Europe, les Ottomans ravageaient annuellement les territoires frontières de l'Empire d'Allemagne, la Croatie, la Carniole, la Styrie, la Hongrie; une flotte enleva les colonies génoises de la mer Noire et de la mer d'Azov, ainsi que la Crimée (1475), dont le prince tatar, Menghéli-Ghiraï, fut nommé gouverneur en Albanie. Croïa céda enfin à la famine, mais Scutari résista victorieusement; la conclusion de la paix avec Venise la fit seule tomber entre les mains des Ottomans. L'envahissement de la Transylvaniese termina par une défaite, que ne compensa pas la mort du voïvode Etienne Bathory. Lépante (auj. Naupaktos, en Grèce), forteresse vénitienne, assiégée par 30 000 Turcs pendant quatre mois, en 1477, résista. Mais la prise des îles de Zante et de Sainte-Maure par Guédik Ahmed, gouverneur de Valona, fit concevoir l'idée d'une expédition en Italie; Otrante fut emportée d'assaut (11 août 1480), Rhodes assiégée inutilement; Mehemet partait pour une grande expédition en Asie, dont il n'avait pas fait connaître objet, lorsqu'il mourut subitement (3 mai 1481), Il avait achevé la conquête de la Roumélie, commencé celle de l'Anatolie; aussi l'histoire lui a-t-elle décerné le titre de Fâtih ou conquérant. Bayézid II. Une fois dégagé de tout souci du côté de son frère, Bayézid porta son attention sur l'Europe et y continua le système d'incursions continuelles sur les États voisins pratiqué par son prédécesseur. Il renouvela les capitulations avec Venise et Raguse et conclut une trêve de cinq ans avec Mathias Corvin, roi de Hongrie. En même temps, il entrait en Moldavie, tandis qu'une armée envahissait sans succès la Croatie, la Carinthie et la Carniole; il envoya une flotte au secours d'Abou-Abd-Allâh (Boabdil), le dernier roi maure de Grenade et faillit même intervenir dans les affaires d'Italie. Il résolut dans le même temps d'abaisser la puissance des souverains Mamelouks, maîtres de l'Égypte et de la Syrie, et se trouva engagé ainsi dans une série de guerres qui n'eurent rien d'avantageux pour lui, et qui se terminèrent au bout de cinq ans (1491) par une paix désastreuse, à la suite de la conclusion d'un traité par lequel Bayézid stipulait l'abandon de ses droits sur certaines forteresses dont les Égyptiens s'étaient emparés. Bayézid, las de la guerre, s'appliqua à l'administration de son empire et, croyant consolider son autorité, il partagea entre ses divers fils et petit-fils le gouvernement des provinces. Ce fut le prétexte de troubles créés par les compétitions entre ses fils Korkoud et Sélim; le second, fort de l'affection des janissaires, entreprit de conquérir le trône de vive force; Korkoud s'empara de Saroukhan et s'appuya sur une bande de brigands venus de Perse et commandés par Chéïtan-Kouly; celui-ci périt dans une bataille, en même temps que le grand vizir Ali Pacha. Les janissaires exigèrent l'abdication de Bayézid et son remplacement par Sélim. Quelques jours après cette douloureuse abdication, le vieux sultan mourut trois jous plus tard sur la route de Démotika (1512), et les historiens pensent, en général, que le poison ne fut pas étranger à cette mort rapide. (Cl. Huart / E. Blochet / A.-M. B.).
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