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On ignore d'oĂą
venaient les premiers habitants de l'île de Crète,
on sait seulement que l'île était peuplée dès le cinquième millénaire
avant notre ère. Deux millénaires plus tard, à l'âge de bronze, de
nouvelles populations vinrent depuis la mer Égée.
Vers 2000 av. J.-C, une civilisation florissante, en relations commerciales
avec toute la Méditerranée orientale, se signale aussi par la construction
de grands monuments, notamment Ă Cnossos,
Ă Malia et Ă Kato Zakro. Fortement Ă©branlĂ©e vers 1700, peut-ĂŞtre Ă
la suite des dĂ©sastres naturels, la civilisation crĂ©toise parvient Ă
se relever et connaîtra un nouvel âge d'or. Mais en 1450, de nouvelles
catastrophes, causés selon toute vraisemblance par l'éruption volcanique
du Santorin,
s'abattent sur l'île, dont plusieurs villes côtières sont ruinées,
et qui sombre dans les désordres politiques. Affaiblie, la Crète devient
alors la proie de nouveaux envahisseurs. D'abord des Mycéniens, qui jusque
là entretenaient avec l'îles de relation commerciales pacifiques, puis
des Doriens venus du Nord de la Grèce
au XIIe siècle avant notre ère.
L'île de Crète devint ainsi un des premiers
berceaux de l'hellénisme; sa situation au centre de la Méditerranée,
à portée de toutes les migrations, y avait favorisé le développement
d'une civilisation dont chacun voulut se réclamer, et les Grecs
en firent mĂŞme un point d'ancrage de leur mythologie.
Zeus,
le grand dieu grec, fut représenté comme ayant été élevé en Crète
sur le mont Ida; les Dactyles
supposés habiter cette région furent, d'après la mythologie, les premiers
ouvriers métallurgistes qui aient travaillé en Grèce le bronze et le
fer. Le premier État grec dont l'histoire fasse mention fut le royaume
légendaire de Minos
en Crète; si l'on en croit Thucydide, il aurait
purgé les Cyclades
des pirates. Le chef crétois Idoménée
joue un grand rĂ´le dans l'Iliade
qui atteste l'importance de l'île aux cent cités.
Quoi qu'il en soit des légendes et des
mythes, l'histoire atteste que la Crète avait subi une transformation
complète par suite de l'invasion dorienne, qui avait ajouté aux anciens
éléments, comme les indigènes Etéocrètes, une population nouvelle.
C'est lĂ que fut Ă©tablie d'abord, semble-t-il, l'organisation sociale
si curieuse que les Doriens instituèrent aussi dans le Péloponnèse.
De fait, Aristote affirme que les institutions
de Sparte venaient de Crète; celles-ci comportaient
le communisme dans la société dorienne et la juxtaposition de cet organisme,
parasite, exclusivement voué à la vie militaire et à la défense de
l'État, à côté des autres classes sociales qui produisaient; ce qu'il
y a de remarquable, c'est que la classe militaire dorienne en Crète ne
paraît pas avoir revendiqué la direction politique. L'histoire de la
Crète nous est d'ailleurs presque inconnue. Au temps des Guerres médiques,
le territoire de l'île est partagé entre diverses cités autonomes ayant
chacune leur monnaie, leur sénat, leur assemblée
du peuple, se faisant la guerre les unes aux autres. Les principales Ă©taient
Cnossos ou CnĂ´sse
qui revendiquait l'hégémonie, Gortyne, Cydonie (La Canée),
puis Lyctus. On fait mention d'une intervention de Philippe IV de Macédoine
pour calmer les dissensions intestines. Les mercenaires crétois devinrent
célèbres, servant indifféremment dans toutes les armées.
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Couloir
des magasins Ă Cnossos. (exemple de celliers oĂą
s'alignaient
d'énormes jarres ornées d'un décor en relief.
L'île devint un repaire de pirates, fut
conquise en 66-67 av. J.-C., par les Romains
que commandait Metellus. Au moment de la division en provinces, sous Auguste,
l'île fut rattachée à Cyrène
et forma une province sénatoriale gouvernée par un propréteur avec un
légat et un ou deux questeurs. Sous Constantin,
la Crète forma une province à elle seule et fut confiée à un consulaire.
Les villes avaient été fédérées sous la domination romaine; on a beaucoup
de monnaies de cette communauté.
La géographie ancienne de l'île de Crète
est un peu mieux connue que son histoire; le document essentiel pour commenter
les géographes anciens est la Descrizione dell'Isola di Candia rédigée
au XVIe siècle par un fonctionnaire vénitien.
Nous publions ici la liste des villes et localités, connues de l'ancienne
Crète :
Sur la cĂ´te nord, de l'Ouest
Ă l'Est : Agneum, CĂ©samus, Methymna, Dictymna, Pergamum, Cydonia, Minoa,
Marathusa, Aptera, Cisamus, Amphimatrium, Hydramum,Amphimalla, Rhitymna,
Pantomatrium, Astale, Panormus, Dium, Cytaeum, Apollonia, Matium, Heracleum,
Amnisus, Chersonesus, Olus, Miletus, Camara, Maxus, Minoa, Istron, Etea,
Grammium.
Sur la cĂ´te est : Itanus, Ampelos.
Sur la cĂ´te sud, de l'Est Ă l'Ouest :
Erythrma, Hierapytna, Hippocronium, Histoë, Priansus, Leben, Matalia,
Sulia, Psychium, Apollonias, Phoenix, Tarrha, Paecilasium, Syia, Lissus,
Calamyda
Sur la cĂ´te ouest : Inachorium, Rhamnus,
Chersonesus, Phalasarna, Corycus.
A l'intérieur, de l'Ouest à l'Est : Elaea,
Polyrrhenia, Rocca, Achaea, Dulopolis, Cantanus, Hyrtacina, Elyrus, Caeno,
Cerea, Arden ou Anopolis, Polichna, Mycenae, Lappa ou Lampa, Cornim, Anion,
Osmida, Sybritia, Eleutherna, Axus, Gortyn ou Gortyna, Phaestus, Pylorus,
Boebe, Bene, Asterusia, Rhytium, Stelae, Inatus, Biennus, Pyranthus, Rhaucus,
Tylissus, Cnossus, Thenae, Omphalium, Pannona, Lyctus, Arcadia, Olerus,
Allaria, Praesus.
Convertis au christianisme
par Titus, un des
disciples de saint Paul, les Crétois parurent
un moment renoncer à leurs luttes intestines, lorsqu'ils furent placés
sous la domination romaine en 66 av. J.-C. Ce calme dura peu et l'agitation
recommença surtout Ă partir de l'annĂ©e 395, Ă©poque Ă laquelle, Ă
la suite du partage de l'empire romain, l'île de Crète
appartint Ă l'Empire d'Orient.
Malgré les luttes incessantes dont il était le théâtre, ce petit pays,
avec ses excellents ports et son sol fertile, excitait la convoitise des
conquérants. Dès 673,
les Arabes vinrent ravager les côtes de l'île, et en 824, ils s'y établirent
d'une façon définitive sous la conduite d'un certain Abou Hassan, originaire
de Cordoue, qui s'en empara Ă la tĂŞte d'une
flotte qu'il avait amenée de l'Andalousie.
Vainement les Grecs cherchèrent à repousser ces envahisseurs; les troupes
envoyées par l'empereur Michel Il durent abandonner la Crète; elle devint
dès lors un repaire de pirates qui, pendant plus d'un siècle, écumèrent
la Méditerranée.
L'empereur Constantin VII essaya, Ă son tour, de chasser les Arabes de
ce poste maritime, mais il ne fut pas plus heureux que Michel II, et ce
fut seulement sous le règne de Romain Il que Nicéphore
Phocas réussit, en 961, à rendre la Crète à l'empire d'Orient.
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Carte
de la Crète.
Lors de la proclamation
de l'empire latin (1204),
l'île échut en partage à Boniface, marquis de Montferrat, mais celui-ci
ne voulut point la garder et, moyennant une somme de mille marcs et quelques
parcelles de territoire, il céda tous ses droits à la république de
Venise.
Les Vénitiens ne parvinrent qu'avec peine à établir leur autorité sur
leur nouvelle possession. Aidés par les Génois,
ces ennemis héréditaires de Venise, les Crétois luttèrent vigoureusement
contre leurs nouveaux maîtres qui, sauf peut-être de 1293 à 1332, ne
jouirent jamais paisiblement de l'île qu'ils avaient achetée. En 1645,
le sultan ottoman,
Ibrahim,
sous le prétexte que les Vénitiens avaient donné asile à la flotte
des chevaliers de Malte,
résolut de s'emparer de la Crète. Une armée de 100 000 hommes débarqua
à la Canée,
s'empara de cette place, après un siège de cinquante jours, et alla ensuite
investir Candie.
Cette dernière ville résista vigoureusement aux efforts des assaillants,
et ce ne fut que le 27 septembre 1669, vingt-quatre ans après, que les
Ottomans
réussirent à faire capituler les héroïques défenseurs de Candie, malgré
les secours fournis aux VĂ©nitiens par les principales puissances de la
chrétienté. Venise céda toute la Crète aux Turcs; elle se réserva
seulement les trois ports de Grabuse, Spina-Longa et La Sude, qui lui échappèrent
plus tard, les deux premiers en 1692, le troisième en 1745.
Les Crétois subirent
le joug des Turcs avec plus d'impatience
qu'ils n'avaient supporté celui des Vénitiens.
Presque
constamment en armes, ils tentèrent souvent de conquérir leur indépendance,
et ils étaient sur le point de réussir en 1821, quand une armée égyptienne
vint débarquer dans leur île, et les faire rentrer dans la dépendance
des Turcs. De 1824 à 1840, le sultan abandonna la Crète aux Égyptiens,
mais Ă partir de cette Ă©poque elle fit retour Ă la Turquie. Sans avoir
peut-ĂŞtre plus Ă souffrir de l'administration des Turcs que de celle
de leurs prédécesseurs, il a été rare que les Crétois laissent s'écouler
un long temps sans essayer de secouer le joug. Ces mouvements insurrectionnels,
tels que celui de 1866 et celui qui a commencé au mois de juillet 1889,
n'auront pas beaucoup d'effets. L'indépendance recherchée ne fut jamais
octroyée; et c'est seulement après l'intervention des puissances européennes,
de longue date préoccupées du démantèlement de l'empire ottoman (La
Question d'Orient),
que l'île obtint dans un premier temps son autonomie, en 1898, puis
fut rattachée en 1913 à ce qui était encore le royaume de Grèce.
L'île de Candie, reprit à cette époque son ancien nom d'île de Crète.
(O. Houdas). |
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