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La
région de la Bosnie-Herzégovine était habitée dès le Paléolithique.
Des vestiges de civilisations néolithiques
y ont aussi été trouvés. Les Illyriens étaient les habitants principaux
au moment de la conquête romaine. La région devint une partie de l'Empire
romain, intégrée dans la province de Dalmatie. Elle subit de nombreuses
invasions barbares après la chute de l'Empire
romain. Au IVe siècle de l'ère chrétienne
le pays fut envahi par les Goths; au milieu du VIe
apparurent les Slaves; les tribus croates et serbes s'établirent définitivement
sous le règne de l'empereur Héraclius (610);
la Bosnie fit d'abord partie de la Croatie ,
et lui fut disputée par les Serbes .
Vers le Xe siècle, elle s'organisa en
un banat vassal de la couronne croate, mais dont les chefs (les bans),
s'efforcèrent à diverses reprises d'acquérir une complète indépendance;
à la fin du XIe siècle elle obéit pendant
quelque temps (1082-1085) Ã l'empire byzantin
et au prince de la Zeta (Monténégro ).
Le premier ban dont on connaisse le nom s'appelait Boris; c'était un fils
naturel du roi de Hongrie
Koloman. Il régna dans la première moitié du XIIe
siècle.
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Un
village de Bosnie, près de Sarajevo, au début du XXe
siècle.
Avec le ban Kulin
(1180-1240) la Bosnie entre réellement dans l'histoire. Sous son règne,
l'hérésie des Bogomiles se répandit dans
le pays et lui-même l'embrassa. Il refusa obéissance au rois de Hongrie ,
successeurs des rois de Croatie ,
et étendit les frontières du pays. Sous son successeur Etienne (1204-1232)
l'hérésie continua de se propager et le pape Honorius
IV prêcha la croisade contre les Bosniaques. Le ban Ninoslav (1232-1250)
vit ses Etats envahis par le roi de Hongrie, mais grâce à l'invasion
des Mongols
qui détourna l'attention des hongrois, il réussit à recouvrer son indépendance.
Après sa mort le pays tomba dans l'anarchie et fut annexe par le roi Bela,
qui le démembra en diverses provinces. Le roi Ladislas le Cuman nomma
en 1280 sa mère Elisabeth duchesse de Bosnie, et en 1282 il donna le titre
de duc à son beau frère, le prince serbe Etienne Dragoutin, qui de l"orthodoxie
passa au catholicisme ;
une autre partie de la Bosnie appartenait à Etienne Kostrman dont les
descendants gardèrent pendant quelque temps le titre de bans.
Ce personnage, qui
régna de 1322 à 1352, fut un vassal dévoué de la couronne de Hongrie ;
grâce à la protection des rois Charles-Robert
et Louis Ier, il étendit les limites de
son banat jusqu'à la mer Adriatique, et tint tête aux armées de son
redoutable voisin, le tsar serbe
Douchan. C'est sous son règne, en 1326, que la province qui allait devenir
en 1440 le duché d'Herzégovine
(de Herzog, c. à d. duc en allemand), et qui jusque là appartenait
au royaume de Croatie ,
fut réunie à la Bosnie. Le fils, d'Etienne Kostrman, Etienne Tvrtko (1353-1391)
réussit à s'emparer d'une partie des pays serbes et se fit couronner
en 1376 Ã Milechevo sur le tombeau de saint Sava comme roi de Serbie,
de Bosnie, et du Littoral. Il porta secours aux Croates révoltés contre
la couronne de Hongrie, soumit là Dalmatie
et la Croatie et prit le titre de roi pour ces deux provinces. Il réussit
presque à réaliser l'union de tous les Serbes et de tous les Croates.
Son règne est l'apogée de la Bosnie.
Son successeur Etienne
(Stéphane) Dabisa (1391-1398) dut restituer le Hongrois
la Croatie et la Dalmatie ,
mais il garda le titre de roi; sa femme Hélène Gruba lui succéda comme
régente; en 1398, les Turcs
pénétrèrent pour la première fois en Bosnie. Les nobles bosniaques
appelèrent à régner Etienne Ostoja qu'ils renversèrent peu de temps
après (1398-1404). Etienne Tvrtko Il (1404-1408), fils du premier roi,
essaya en vain de maintenir contre la Hongrie l'indépendance de la Bosnie
l'empereur Sigismond envahit ses Etats avec
soixante mille hommes. Etienne Tvrtko Il fut fait prisonnier à la bataille
de Dobor et emmené à Bude ;
cent vingt-six seigneurs furent décapités par l'ordre du vainqueur. Etienne
ne fut mis en liberté qu'en 1415. Mais il ne put reprendre possession
de la couronne; les nobles avaient rappelé sur le trône Etienne Ostoja.
Le pays tomba dans l'anarchie; les Turcs commencèrent à intervenir dans
les querelles des différents partis. Etienne Tvrtko Il, qui régna de
nouveau de 1421 Ã 1443, vit le pays envahi une seconde fois par les Turcs.
Après sa mort les
Vlastela ou nobles donnèrent la couronne à Etienne Toma Ostojié (1444-1461).
Ce prince, qui était bogomile ,
renonça à cette option religieuse et se convertit au catholicisme
pour s'assurer l'appui de la cour de Rome; il réussit à conquérir une
partie des pays serbes .
Son fils Etienne Tomasevié (1461-1463), zélé catholique, mécontenta
les Bogomiles qui se tournèrent du côté des Turcs .
Il osa refuser tribut au sultan Mehemet Il qui marcha contre lui (1463).
Il fut fait prisonnier et tué à Blagaj; avec lui périt l'indépendance
de la Bosnie. L'Herzégovine
tomba, pour sa part, aux mains des Turcs en 1465. Les nobles bosniaques
bogomiles embrassèrent sans résistance l'islam .
Ils formèrent un corps de trente mille janissaires ;
le sultan emmena deux cent mille captifs qu'il vendit sur les marchés
d'Asie. Les indigènes qui refusèrent de se faire turcs durent quitter
le pays; en revanche ceux qui avaient embrassé l'islam conservèrent leurs
biens. Ceci explique comment la noblesse bosniaque (les Begs
et les Spahias) se composa de Serbes musulmans; ils restèrent fidèles
à la langue de leurs ancêtres tout en professant la nouvelle religion.
Après la conquête
ottomane ,
grâce à l'intervention de l'ordre des Franciscains, les sultans finirent
par tolérer l'usage de la religion chrétienne .
Mathias
Corvin essaya en vain à trois reprises (1465-1471-1479) d'enlever
la Bosnie à ses envahisseurs. Les Turcs repoussèrent les Hongrois
et pénétrèrent même en Croatie .
A la fin du XVIIe siècle, l'Autriche
prit l'offensive; le duc de Bade et
plus tard le prince Eugène pénétrèrent en Bosnie. Sarajevo fut pris
en 1699. Mais la paix de Carlowitz
(Karlovci) rendit la Bosnie et l'Herzégovine
(Ã l'exception de la ville de Castelnuovo et d'un petit territoire qui
appartenaient aux Vénitiens depuis 1682), aux Ottomans
(1699). Malgré quelques expéditiens heureuses de l'empereur Charles
VI, la possession leur fut encore garantie par le traité de Belgrade
(1730). En 1791 l'empereur Léopold Il, par celui de Sistovo, garda les
places de Dreznik et de Cetin. En 1805, Kara Georges, l'heureux libérateur
de la Serbie ,
essaya en vain d'affranchir la Bosnie. Cette province resta livrée Ã
la domination des vizirs turcs qui opprimaient sans merci les chrétiens.
Ceux-ci se révoltèrent à diverses reprises, mais sans succès. Ils ne
réussirent pas à profiter des allégements accordés aux chrétiens par
le hatti chérif de Gulhané (novembre 1839). Les Begs bosniaques
se refusèrent à toute perte de leurs anciens privilèges, à toute amélioration
de la condition des raïahs. Omer Pacha réussit à établir un peu d'ordre
et enleva aux Spahias le droit de lever les dîmes. Calomnié auprès du
gouvernement d'Istanbul, il fut remplacé
en 1852 par Hajreddin. Les réformes promises par le traité
de Paris (1856) ne furent pas exécutées. Les chrétiens se révoltèrent
de nouveau et envoyèrent une députation à Vienne pour demander une intervention
autrichienne .
La sage administration d'Osman Pacha (1860-1868) rétablit un peu d'ordre.
En 1875, une insurrection
éclata en Herzégovine ,
qui, depuis 1852, avait été de nouveau réunie à la Bosnie et avait
déjà connu une période d'effervescence entre 1857 et 1858; le mouvement
gagna cette province. Server Pacha, pour la calmer, décréta la suppression
de la dîme, la liberté religieuse, l'emploi de la langue serbo-croate
dans les tribunaux; mais il était trop tard; la Serbie
avait pris les armes dans respérance de s'annexer la Bosnie; la Russie
entra en scène, et affranchit la Bulgarie .
La Serbie battue par les Turcs resta impuissante. Le traité
de Berlin, pour indemniser l'Autriche-Hongrie
de sa neutralité, décida que le gouvernement de Vienne occuperait, pour
rétablir l'ordre, la Bosnie et l'Herzégovine. La durée de cette occupation
n'était pas limitée; c'était au fond une annexion déguisée. Au mois
de septembre 1878 les troupes autrichiennes entrèrent en Bosnie. Mais
les musulmans entreprirent de leur résister; sous la commandement du chef
intrépide et fanatique Hadji Loja, ils infligèrent de graves échecs
aux troupes autrichiennes qui durent demander des renforts. Il fallut
près de deux mois pour occuper les deux provinces; plus de cinq mille
Autrichiens avaient péri. Une nouvelle insurrection éclata en 1881 lorsque
l'Autriche introduisit dans cette province le service obligatoire, même
pour les musulmans.
A la fin du XIXe
siècle, le pays était complètement pacifié et l'administration autrichienne
y fonctionna sans encombre. Elle y introduisit de sérieuses améliorations.
L'annexion, officialisée en 1908, eut pour conséquence indirecte
de placer la Serbie
sous la dépendance de l'Autriche .
Elle ajournait ainsi, indéféniment semblait-il, les espérances de ceux
qui rêvaient formation d'un grand Etat serbe sous la direction de la Serbie
ou du Montenegro .
Elle fut pourtant à l'origine de la rupture des équilibres, qui par-delÃ
les Balkans ,
avaient fini par s'établir en Europe .
Une rupture qui conduisit à à la Première
Guerre mondiale, après que l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche
ait été assassiné à Sarajevo, le 28 juin 1914.
(L. Léger).
Après la guerre,
la Bosnie-Herzégovine devient une partie du nouveau royaume, rebaptisé
plus tard Royaume de Yougoslavie. La région
est envahie par les forces de l'Axe pendant la Seconde
Guerre
mondiale. La Bosnie-Herzégovine est intégrée dans l'État indépendant
de Croatie, un régime fasciste allié
de l'Allemagne nazie. En 1945, la Bosnie-Herzégovine devient l'une des
six républiques de la République fédérative socialiste de Yougoslavie
dirigée par Josip Broz Tito. Sous Tito, la Bosnie-Herzégovine
connaît une relative stabilité, avec un développement économique et
industriel significatif. Cependant, des tensions ethniques persistent.
La Bosnie-Herzégovine
a déclaré sa souveraineté en octobre 1991 et son indépendance vis-à -vis
de l'ex-Yougoslavie le 3 mars 1992 après un référendum boycotté par
la composante serbe de la population. Soutenus par la Serbie et le Monténégro
voisins, les Serbes de Bosnie ont répondu par une résistance armée visant
à diviser la république selon des lignes ethniques et à rejoindre les
zones tenues par les Serbes pour former une "Grande Serbie". Le conflit
va être marqué par des massacres, des nettoyages ethniques et des sièges,
notamment celui de Sarajevo.
En mars 1994, les
Bosniaques et les Croates ont réduit le nombre de factions belligérantes
de trois à deux en signant un accord créant une Fédération bosniaque-croate
de Bosnie-Herzégovine. Le 21 novembre 1995, à Dayton,
dans l'Ohio (Etats-Unis), les parties belligérantes ont paraphé un accord
de paix qui a mis fin à trois ans de guerre civile interethnique, qui
a fait 100 000 morts (l'accord définitif a été signé à Paris le 14
décembre 1995).
Les accords de paix
de Dayton ont conservé les frontières internationales de la Bosnie-Herzégovine
et créé un gouvernement multiethnique et démocratique chargé de mener
la politique étrangère, diplomatique et fiscale. Un deuxième niveau
de gouvernement a été également reconnu, composé de deux entités Ã
peu près égales en taille : la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine
(croato-bosniaque) et Republika Srpska (RS) ou république serbe de Bosnie
(serbe).
Les gouvernements
de la Fédération et de la RS sont chargés de superviser la plupart des
fonctions gouvernementales. De plus, les Accords de Dayton ont établi
le Bureau du Haut Représentant pour superviser la mise en oeuvre des aspects
civils de l'accord. Le Conseil de mise en oeuvre de la paix, lors de sa
conférence à Bonn en 1997, a également donné au Haut Représentant
le pouvoir d'imposer des lois et de révoquer des fonctionnaires (ce que
l'on a appelé les « pouvoirs de Bonn »).
Une première force
internationale de maintien de la paix (IFOR) dirigée par l'OTAN et composée
de 60 000 hommes réunis en 1995 a été remplacée au fil du temps par
une plus petite force de stabilisation (SFOR) dirigée par l'OTAN. En 2004,
les troupes de maintien de la paix de l'Union européenne (EUFOR) ont remplacé
la SFOR. Actuellement, l'EUFOR déploie environ 600 soldats sur le théâtre
avec un rôle d'assistance et de formation à la sécurité.
Aujourd'hui, la Bosnie-Herzégovine
reste sous une forte surveillance internationale pour maintenir la paix
et la stabilité. Le pays a entrepris des réformes politiques et économiques
pour rejoindre l'Union européenne et l'OTAN, bien que des défis importants
subsistent. La Bosnie-Herzégovine est confrontée à des problèmes économiques,
de corruption et de divisions politiques et ethniques persistantes. |
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